Le délégué fit son apparition au cours de l’après-midi. C’était un petit humanoïde ratatiné, à l’allure simiesque et au regard éveillé. Un autre humanoïde l’accompagnait ― grand, fort et dégingandé, la mine austère et le faciès chevalin. C’était à première vue la caricature parfaite du diplomate de carrière. Le premier était vêtu d’une sorte de vague tunique, une simple étoffe crasseuse et informe ; son compagnon portait une culotte faite de pièces et de morceaux et une sorte de veste dotée de gigantesques poches pleines de choses qui faisaient des bosses.
Tout le village était réuni sur le versant de la colline qui dominait la maison quand les deux humanoïdes se matérialisèrent soudainement au milieu du jardin. Je m’approchai pour les accueillir. Le plus grand fit un pas en avant et l’avorton le suivit. Il régnait un silence de mort.
— « Je parle nouvellement votre langage, » commença le grand. « Si vous ne connaissez pas, demandez répétition à moi. »
— « Vous parlez fort bien. »
— « Vous Mr Carter ? »
— « Oui. Et vous ? »
— « Ma désignation serait pour vous grand baragouin, » répondit-il solennellement, « J’ai décidé vous m’appelez seulement Mr Smith. »
— « Nous sommes heureux de vous souhaiter la bienvenue, Mr Smith. Vous êtes sans doute le délégué dont l’arrivée nous a été annoncée ? »
— « Non. L’autre personnage est. Mais il n’a pas désignation. Il ne fait pas du bruit. Il entend et répond seulement dans son cerveau. Il est un singulier. »
— « C’est un télépathe, si je ne m’abuse ? »
— « Oui, mais intelligent beaucoup. Il venir d’un monde différent de mon monde. »
— « Vous faites donc office d’interprète ? »
— « Interprète ? Je mal piégé votre vocabulation. J’ai appris vos mots très vite par un mécanisme. Pas beaucoup de temps. Tous je ne comprends pas. »
— « Un interprète est quelqu’un qui parle à la place de quelqu’un d’autre. »
— « Oui, en vérité. Pour lui, je parle et je parle pour vous. Mais pas seulement interprète je suis. Aussi diplomate. »
— « Hein ? »
— « J’aiderai négocier avec votre race. J’expliquerai. J’assisterai vous grandement. »
À ce moment, le rabougri se pendit après la veste du chevalin qui se tourna vers lui et parut l’écouter avec la plus grande attention,
— « Lui très troublé, » me dit-il enfin, « Il déclarer que tous gens sont malades. Il est accablé de compassion. Il n’a jamais vu la chose pareille aussi terrible. »
— « Mais il se trompe ! » m’écriai-je. « Tous ces gens-là sont bien portants. Les malades sont chez eux. »
— « Pas possible, » rétorqua Mr Smith. « Lui affolé par la situation. Il peut voir les gens dans l’intérieur, ce qui est cassé. Il dit que ceux qui n’être pas malades le seront dans petit peu de temps, que beaucoup ont déjà la maladie inactive et que d’autres ont encore les restes des maladies vieilles. »
— « Peut-il soigner tout cela ? »
— « Non, pas soigner. Réparer complètement. Remettre les corps à l’état neuf. »
Higgy s’était approché, suivi d’un petit groupe de personnes.
— « Monsieur le maire, permettez-moi de vous présenter Mr Smith. »
— « Bougre de bougre ! Ils ont les mêmes noms que nous ! »
Il tendit la main à l’humanoïde qui, après quelques instants d’hésitation, la lui serra.
— « Son collègue ne parle pas. C’est un télépathe. »
— « Quel dommage ! » s’exclama Higgy avec compassion. « Lequel est le médecin ? »
— « Le petit, mais je ne sais pas si le qualificatif de médecin convient bien. Apparemment, c’est un réparateur qui remet les gens en bon état. »
— « C’est bien ce que les toubibs sont censés faire mais ils n’y arrivent jamais tout à fait. »
— « Il prétend que nous sommes tous malades et il veut nous… nous réparer. »
— « Parfait, parfait ! Voilà ce que j’appelle un service ! Nous pourrons installer une clinique dans la grande salle de la mairie. »
— « Il faudra commencer par les gens qui sont vraiment malades. Le Dr Fabian, Floyd… »
— « D’accord, Brad. Il les soignera d’abord et, ensuite, on s’occupera de la clinique. Autant que tout le monde profite de sa présence. »
— « Si vous faites fusion, vous pourrez disposer de ses services et d’autres quand le désir vous en aurez, » dit Mr Smith.
— « Que veut-il dire avec sa fusion ? »
— « La fusion, c’est si nous ouvrons la Terre aux extraterrestres et rejoignons les mondes que les Fleurs ont rassemblés. »
— « Voilà qui est parler ! J’imagine que les prestations de ce monsieur sont sans frais ? »
— « Frais ? Je ne comprends pas, » fit Mr Smith.
— « Qu’il ne demande pas d’honoraires… de paiement… d’argent ? »
— « Ces mots n’évoquent rien pour moi. Mais nous devoir agir vite car le compagnon a d’autres mondes à visiter. »
— « Eh bien, ne perdons pas de temps, » dit Higgy. « Voulez-vous me suivre tous les deux ? »
— « Avec alacrité, » répondit Mr Smith. Les deux humanoïdes gravirent la colline sur les talons du maire. Au moment où je me préparais à les suivre, Joe Evans surgit comme un boulet de la porte de service.
— « Brad ! On te téléphone du département d’État ! »
C’était Newcombe.
— « Je suis à Elmore, » m’annonça-t-il de sa voix froide et pincée. « Nous venons de donner une conférence de presse au cours de laquelle nous avons rendu publics les propos que vous nous avez tenus. Mais, maintenant, les journalistes exigent à cor et à cri de s’entretenir avec vous. »
— « Je n’y vois aucun inconvénient. Ils n’ont qu’à venir et… »
— « Moi, j’en vois, » rétorqua Newcombe d’un ton amer. « Mais la pression est irrésistible et je suis obligé d’en passer par les volontés de ces messieurs. Je compte sur vous pour être discret. »
— « Je ferai de mon mieux. »
— « Bien. Rendez-vous dans deux heures au même endroit. »
— « Entendu. Est-ce que je peux amener un ami ? »
— « Oui, évidemment. Mais, pour l’amour de Dieu, soyez prudent ! »