36 Carnet de notes (2)

La cité au soleil, de la terrasse de la chambre en haut du pylône. La trappe est ouverte. En bas, j’entends Skinner qui trie et retrie ses affaires. Il remplit un carton d’objets que je dois descendre aux camelots qui vendent leur bric-à-brac étalé sur des couvertures, chaque objet sur un carré de vieille toile graisseuse. Osaka est bien loin. Le vent apporte des bruits de marteau, comme une chanson. Skinner, ce matin, m’a demandé si j’avais vu le brochet dans l’aquarium Steiner.

— Non.

— Il ne bouge plus, Scooter.


Sûr que c’est tout ce que Fontaine a dit ? Mais il avait retrouvé son vélo ? C’est mauvais signe. Elle ne resterait pas si longtemps sans lui. Ça a coûté la peau des fesses, ce truc-là. Tout en carton, à l’intérieur. Papier japonais de construction. Ça a un nom. Comment ça s’appelle, Scooter ? Merde, c’est votre langue. Ils oublient encore plus vite que nous. Un tube de carton et ensuite ils l’enveloppent dans de l’aramide, ou un truc comme ça. Non, elle ne le laisserait pas derrière elle. Le jour où elle l’a ramené à la maison, elle a passé trois heures en bas, à l’enduire de fausse rouille. Imaginez un peu, Scooter. Et à l’entourer de vieux chiffons, de chambres à air, tout ce qu’elle pouvait trouver. Pour qu’il n’ait pas l’air trop neuf. Peut-être que ça valait mieux que de mettre une alarme. Ça a marché en tout cas. Vous savez comment on force une serrure Kryptonite, Scooter ? Avec un cric volvo. Il rentre dans le truc comme s’il était conçu exactement pour ça. Deux ou trois coups, et c’est dans le sac. Mais on n’en fait plus de ces serrures-là. Il y a encore deux ou trois types qui en ont. J’en connais un, près de la tête, vous ne pouvez pas le rater…

… Je l’ai trouvée comme ça, un jour. Ils voulaient la mettre dans une charrette pour la porter avec les autres, que la ville s’en occupe. Ils disaient qu’elle aurait claqué avant qu’ils aient le temps de la décharger, de toute manière. Je leur ai dit d’aller se faire voir. Je l’ai ramenée ici. J’étais encore capable de faire ça, à l’époque. Pourquoi ? Bof, c’est comme ça. Vous voyez quelqu’un en train de crever, vous croyez que vous pouvez passer votre chemin comme ça, comme si c’était juste un truc à la télé ?

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