III
PIÉTINEMENTS AUTOUR D'UN TRÔNE
De tous ceux, de toutes celles qui peuvent prétendre au trône de Russie, le moins bien préparé à ce redoutable honneur est celui qui vient d'en être investi. Aucun des candidats à la succession de Catherine Ire n'a eu une enfance aussi dépourvue d'affection et de conseils que le nouveau tsar Pierre II. Il n'a pas connu sa mère, Charlotte de Brunswick-Wolfenbüttel, qui est morte en le mettant au monde, et il n'avait que trois ans lorsque son père, le tsarévitch Alexis, succombait sous la torture. Doublement orphelin, élevé par des gouvernantes qui n'étaient que de vulgaires servantes du palais et par des précepteurs allemands et hongrois de peu de science et de peu de cœur, il s'est renfermé sur lui-même et a manifesté, dès l'âge de raison, un caractère orgueilleux, agressif et cynique. Toujours enclin au dénigrement et à la révolte, il n'éprouve de tendresse que pour sa sœur Nathalie, son aînée de quatorze mois, dont il apprécie le tempérament enjoué. Lui qui, par atavisme sans doute, et malgré son jeune âge, aime à s'étourdir dans l'alcool et à se divertir aux farces les plus basses, s'étonne que la jeune fille soit attirée par la lecture, les conversations sérieuses et l'étude des langues étrangères. Elle parle l'allemand et le français aussi couramment que le russe. Qu'a-t-elle à faire de tout ce fatras ? Le rôle d'une femme, eût-elle quinze ou seize ans, n'est-il pas de s'amuser, d'amuser les autres et de séduire en passant les hommes qui en valent la peine ? Pierre la plaisante sur son application excessive et elle tente de le discipliner en le grondant avec une douceur à laquelle il n'est pas accoutumé. Dommage qu'elle ne soit pas plus jolie ! Mais peut-être cela vaut-il mieux ainsi ? A quel entraînement ne céderait-il pas si, outre son esprit pétillant, elle avait un physique désirable ? Telle quelle, elle l'aide à supporter sa situation de faux souverain que tout le monde honore et à qui personne n'obéit. Depuis son avènement, il se voit relégué par Menchikov au rang de figurant impérial. Certes, pour marquer sa suprématie, il a voulu qu'aux dîners d'apparat Menchikov soit assis à sa gauche, alors que Nathalie se trouve à sa droite ; certes, c'est lui qui, installé sur un trône entre ses deux tantes, Anna et Élisabeth, préside les réunions du Haut Conseil secret ; certes, il doit épouser bientôt la fille de Menchikov, et celui-ci, une fois devenu son beau-père, lui remettra assurément les rênes du pouvoir. Mais, à l'heure actuelle, le jeune Pierre a conscience de n'être que l'ombre d'un empereur, la caricature de Pierre le Grand, une Majesté de carnaval, soumise aux volontés de l'organisateur du chatoyant spectacle russe. Quoi qu'il fasse, il doit se plier aux volontés de Menchikov, lequel a tout prévu et tout réglé à sa guise.
Le palais de ce personnage omnipotent est situé au cœur de Saint-Pétersbourg, au milieu d'un superbe parc, sur l'île Vassili. Pour traverser la Néva, en attendant la construction d'un pont réservé à son usage personnel, Menchikov dispose d'une galère à rames, dont l'intérieur est tapissé de velours vert. En débarquant sur la rive opposée, il monte dans une voiture à la caisse dorée, armoriée et au fronton orné d'une couronne princière. Six chevaux aux harnais de velours couleur amarante, brodés d'or et d'argent, sont attelés à ce chef-d'œuvre d'orfèvrerie et de confort sur roues. De nombreux heiduques le précèdent lors de ses moindres courses en ville. Deux pages montés le suivent, deux gentilshommes de la cour caracolent à hauteur des portières et six dragons ferment la marche et écartent sans ménagement les curieux1. Personne, dans la capitale, n'entoure ses déplacements d'une telle magnificence. Pierre souffre en silence de cette ostentation qui relègue chaque jour un peu plus dans l'ombre la figure du vrai tsar, auquel même le peuple, semble-t-il, ne songe plus. Mettant le comble à sa ruse, Menchi-kov a attendu que l'empereur ait prêté serment devant la Garde pour annoncer que désormais, par mesure de sécurité, Sa Majesté logera non plus au palais d'Hiver, mais dans son palais à lui, sur l'île Vassili. Tout le monde s'étonne de cette « mise sous cloche » du souverain, mais aucune voix ne s'élève pour protester. Les principaux opposants, Tolstoï, Devier, Golovkine, ont été exilés à temps par le nouveau maître de la Russie. Ayant installé Pierre, superbement il est vrai, dans sa propre demeure, Menchikov surveille de près ses fréquentations. Le barrage qu'il dresse aux portes des appartements impériaux est infranchissable. Seules les tantes du tsar, Anna et Élisabeth, sa sœur Nathalie et de rares hommes de confiance sont admis à lui rendre visite. Parmi ces derniers, il y a le vice-chancelier André Ivanovitch Ostermann, l'ingénieur et général Burchard-Christophe von Münnich, maître d'œuvre des grands travaux, le comte Reinhold Loewenwolde, ancien amant de Catherine Ire et agent à la solde de la duchesse de Courlande, le général écossais Lascy, au service de la Russie et qui a su éviter les troubles au moment du décès de l'impératrice, enfin l'inévitable et incorrigible duc Charles-Frédéric de Holstein, toujours hanté par l'idée d'un retour du Sleswig dans l'escarcelle familiale. Menchikov les a tous chapitrés, endoctrinés, soudoyés afin qu'ils préparent son futur gendre à n'être empereur que de nom et à lui abandonner définitivement la conduite des affaires. En leur confiant l'éducation de cet adolescent déraison-nable et impulsif, tout ce qu'il leur demande, c'est de lui donner le goût de paraître en lui ôtant le goût d'agir. Le gendre idéal serait, pour lui, un parangon de nullité et de bonnes manières. Peu importe qu'il soit ignare, qu'il n'ait aucune notion de politique, pourvu qu'il sache se tenir dans un salon. Ordre est donné à l'entourage de Sa Majesté de l'instruire en surface, mais surtout pas en profondeur. Or, si la plupart des mentors choisis par Menchikov se plient à cette consigne, le plus cauteleux et le plus avisé du groupe commence déjà à ruer dans les brancards.
Tandis que Menchikov croit avoir gagné la partie, le Westphalien Ostermann rassemble autour de lui ceux que la vanité et l'arrogance du nouveau dictateur agacent. Ils ont depuis longtemps remarqué la sourde hostilité de Pierre envers son beau-père virtuel et ils épaulent en cachette la cause de leur souverain. Ils sont bientôt rejoints dans leur conspiration par la sœur de Pierre, Nathalie, et par ses deux tantes, Anna et Élisabeth. Pressenti par les instigateurs de ce petit complot tribal pour s'associer à leur projet, le duc Charles-Frédéric de Holstein avoue qu'il militerait volontiers, lui aussi, pour l'émancipation de Pierre II, surtout si elle pouvait s'accompagner d'une reconnaissance de ses propres droits sur le Sleswig et — bien entendu — sur la Suède. Justement, Elisabeth vient de se fiancer avec un autre descendant des Holstein, Charles-Auguste, cousin germain de Charles-Frédéric, candidat au trône de Courlande et évêque de Lübeck. Cette circonstance ne peut que renforcer la détermination du clan hollsteinois à secouer le joug de Menchikov et à libérer Pierre II d'une tutelle humiliante.
Hélas ! le 1er juin 1727, le jeune évêque Charles-Auguste est emporté par la variole. Du jour au lendemain, Élisabeth n'a plus de soupirant, plus d'espoir conjugal. Après la dérobade de Louis XV, elle vient de perdre un autre prétendant, moins prestigieux, certes, que le roi de France, mais qui lui aurait assuré un établissement très honorable pour une grande-duchesse de Russie. Devant un tel acharnement du sort contre ses rêves d'épousailles, elle se décourage, prend la cour de Saint-Pétersbourg en aversion et se retire, avec son beau-frère putatif Charles-Frédéric et sa sœur Anna, dans le château d'Ékaterinhof, à la lisière de Saint-Pétersbourg, sous les ombrages d'un parc immense entouré de canaux. Dans ce cadre idyllique, elle compte beaucoup sur l'affection de ses proches pour l'aider à oublier sa déconvenue.
Le jour même de leur départ, Menchikov offre dans son palais un festin faramineux en l'honneur des accordailles de sa fille aînée, Marie, avec le jeune tsar Pierre II. La promise, parée et endiamantée comme une châsse, reçoit à cette occasion le titre d'Altesse Sérénissime et la garantie d'une rente annuelle de trente-quatre mille roubles pris sur le Trésor de l'État. Plus parcimonieux lorsqu'il s'agit de dédommager la tsarevna2 Élisabeth, Menchikov ne lui alloue que douze mille roubles pour adoucir la rigueur de son deuil3. Mais Élisabeth veut passer aux yeux de tous pour une fiancée inconsolable. Elle estime que le fait de n'être pas encore mariée à dix-huit ans et de n'intéresser que des ambitieux aux considérations strictement politiques est un sort trop cruel pour qu'elle s'en contente plus longtemps. Heureusement, ses amis se dévouent pour trouver, en Russie ou à l'étranger, un remplaçant de qualité à Charles-Auguste. A peine a-t-on expédié le cercueil du défunt à Lübeck qu'on évoque devant Élisabeth la possible candidature de Charles-Adolphe de Holstein, le propre frère du disparu, mais aussi celle du comte Maurice de Saxe et celles de tel ou tel gentilhomme aux mérites facilement vérifiables.
Tandis qu'à Ékaterinhof Élisabeth rêve à ces différents partis dont elle connaît à peine le visage, à Saint-Pétersbourg Menchikov, en homme pratique, étudie les avantages des fiancés disponibles sur le marché. A ses yeux, la tsarine à demi veuve représente une excellente monnaie d'échange dans les tractations diplomatiques en cours. Mais ces préoccupations matrimoniales ne lui font pas perdre de vue l'éducation de son pupille impérial. Observant que Pierre paraît, depuis peu, moins extravagant que par le passé, il recommande à Ostermann d'accentuer sa lutte contre la paresse naturelle de son élève en l'habituant à des horaires fixes, qu'il s'agisse d'études ou de délassements. Le Westphalien est secondé dans cette tâche par le prince Alexis Grigorievitch Dolgorouki, « gouverneur adjoint ». Celui-ci se présente souvent au palais avec son jeune fils, le prince Ivan, un beau gaillard de vingt ans, élégant et efféminé, qui amuse Sa Majesté par son intarissable bavardage.
A son retour d'Ékaterinhof, où elle a passé quelques semaines de retraite sentimentale, Élisabeth s'installe au palais d'Été, mais il ne se passe pas de jour sans qu'elle rende visite, avec sa sœur Anna, à son cher neveu dans sa cage dorée. Elles écoutent ses confidences d'enfant gâté, partagent son engouement pour Ivan Dolgorouki, l'éphèbe irrésistible, et les accompagnent tous deux dans leurs sorties nocturnes et leurs joyeuses bombances. Malgré les remontrances de leurs chaperons masculins, un vent de folie souffle sur ce quatuor de dévergondés. Dès le mois de décembre 1727, Johann Lefort met au courant son ministre à la cour de Saxe des frasques du jeune Pierre II : « Le maître [Pierre II] n'a d'autres occupations que de courir les rues jour et nuit avec la princesse Élisabeth et sa sœur, de visiter le chambellan Ivan [Ivan Dolgorouki], les pages, les cuisiniers et Dieu sait qui encore. » Donnant à entendre que le souverain sous tutelle a des goûts contre nature et que le délicieux Ivan l'entraîne dans des jeux interdits au lieu de combattre ses penchants, Lefort poursuit : « On pourrait croire que ces malavisés [les Dolgorouki] prêtent la main aux diverses débauches en insinuant [au tsar] les sentiments du dernier Russe. Je sais un appartement attenant au billard où le sous-gouverneur [le prince Alexis Grigorievitch Dolgorouki] lui ménage des parties fines [...]. On ne se couche qu'à 7 heures du matin4. »
Ces divertissements d'une jeunesse assoiffée de plaisirs n'inquiètent guère Menchikov. Tant que Pierre et ses tantes s'étourdiront dans des intrigues amoureuses et des coucheries secondaires, leur influence politique sera nulle. En revanche, le « Sérénissime » craint que le duc Charles-Frédéric de Holstein, dont les ambitions l'exaspèrent, ne passe outre aux mises en garde de son épouse Anna et ne cherche à ruiner, par des exigences hors de propos, le modus vivendi que le Haut Conseil secret a su imposer au petit tsar et à ses proches. Afin de couper court aux rêves insensés de Charles-Frédéric, Menchikov lui retire, par un oukase qui a échappé à la vigilance de Pierre II, un soir de soûlerie, la possession de l'île d'Œsel, dans le golfe de Riga, que le couple avait reçue comme cadeau de mariage, et rogne sur la liste civile du duc. Ces manifestations d'un esprit mesquin s'accompagnent de tant de basses vexations distillées par Menchikov que le duc et sa femme se fâchent pour de bon et préfèrent quitter une capitale où on les traite en parents pauvres et en intrus. En embrassant sa sœur avant de s'embarquer, le cœur gros, avec son mari pour Kiel, Anna est saisie d'un pressentiment funeste. Elle confie à ses proches qu'elle appréhende, aussi bien pour Élisabeth que pour Pierre, les agissements de Menchikov. Selon elle, il est un implacable ennemi de leur famille. A cause de sa taille de géant et de ses larges épaules, elle l'a surnommé « le très orgueilleux Goliath » et elle prie le ciel pour que Pierre II, nouveau David, abatte le monstre d'orgueil et de méchanceté qui a fait main basse sur l'empire.
Après le départ de sa sœur pour le Holstein, Élisabeth tente d'abord d'oublier ses chagrins et ses alarmes dans le tourbillon de la galanterie. Pierre l'aide dans cette entreprise de diversion en inventant chaque jour de nouvelles occasions de se lutiner et de s'enivrer. Il n'a que quatorze ans et ses désirs sont ceux d'un homme. Pour s'assurer une plus grande liberté de mouvement, Élisabeth et lui émigrent dans l'ancien palais impérial de Péterhof. Un moment, ils peuvent croire que leurs vœux secrets sont sur le point d'être exaucés, car Menchikov, qui jouit pourtant d'une santé de fer, est soudain pris de malaise, crache le sang et doit s'aliter. Selon les échos qui parviennent à Péterhof, les médecins jugent que l'indisposition peut être durable, sinon fatale.
Durant cette vacance du pouvoir, les conseillers habituels se réunissent pour commenter les affaires courantes. En plus de la maladie du Sérénissime, un autre événement d'importance, survenu entre-temps, les embarrasse : la première femme de Pierre le Grand, la tsarine Eudoxie, qu'il a incarcérée au couvent de Souzdal, puis transférée dans la forteresse de Schlüsselburg, refait tout à coup surface. L'empereur l'avait répudiée jadis pour épouser Catherine. Vieille, affaiblie, mais encore vaillante après trente ans de réclusion, Eudoxie est la mère du tsarévitch Alexis, mort sous la torture, et la grand-mère du tsar Pierre II, lequel, du reste, ne l'a jamais rencontrée et n'en éprouve pas le besoin. A présent qu'elle est sortie de sa prison et que Menchikov, son ennemi juré, est cloué sur son lit, les autres membres du Haut Conseil secret estiment que le petit-fils de cette martyre, si digne dans son effacement, se doit de lui rendre une visite d'hommage. La démarche leur paraîtrait d'autant plus opportune qu'Eudoxie passe, dans le peuple, pour une sainte sacrifiée à la raison d'État. Un seul hic, mais il est de taille : Menchikov ne se formalisera-t-il pas d'une initiative prise sans le consulter ? On en discute ferme entre spécialistes de la chose publique. Certains suggèrent de profiter du prochain couronnement du jeune tsar, qui doit avoir lieu à Moscou au début de 1728, pour ménager une rencontre historique entre l'aïeule incarnant le passé et le nouveau tsar incarnant l'avenir. Déjà Ostermann, les Dolgorouki et d'autres personnages de moindre envergure adressent des messages de dévotion à la vieille tsarine et sollicitent son appui en vue des tractations futures. Mais Eudoxie, confite dans les prières, les jeûnes et les souvenirs, se désintéresse de l'agitation des courtisans. Elle a trop souffert autrefois de l'atmosphère frelatée des palais pour souhaiter une autre récompense que la paix dans la lumière du Seigneur.
Alors que la grand-mère aspire au repos éternel, le petit-fils, la tête embrasée, ne tient plus en place. Mais ce ne sont pas des mirages de grandeur qui le hantent. Loin de cette habouchka de légende, Élisabeth l'entraîne de fête en fête. Les parties de chasse alternent avec les pique-niques improvisés, les coucheries dans quelque pavillon rustique avec les rêveries au clair de lune. Un léger parfum d'inceste pimente le plaisir que Pierre éprouve à caresser sa jeune tante. Rien de tel que le sentiment de la culpabilité pour sauver le commerce amoureux des tristesses de l'habitude. Si l'on s'en tient à la morale, les rapports entre un homme et une femme deviennent vite aussi ennuyeux que l'accomplissement d'un devoir. Sans doute est-ce cette conviction qui incite Pierre à se livrer à des expériences parallèles avec Ivan Dolgorouki. Pour le remercier des satisfactions intimes qu'il lui procure, avec l'assentiment d'Élisabeth, il le nomme chambellan et le décore de l'ordre de Sainte-Catherine, réservé, en principe, à des dames. On en fait des gorges chaudes à la cour et les diplomates étrangers s'empressent de commenter, dans leurs dépêches, les frasques à double sens de Sa Majesté. Évoquant l'inconduite de Pierre II en l'absence de Menchikov malade, certains citent le dicton français : « Quand le chat n'est pas là, les souris dansent. » Déjà, ils enterrent le Sérénissime. C'est mal connaître la résistance physique de celui-ci. Soudain, il ressurgit au milieu de cette chiennerie où les manœuvres de l'ambition le disputent aux exigences du sexe. S'imagine-t-il qu'il lui suffira d'élever la voix pour que les trublions rentrent sous terre ? Dans l'intervalle, Pierre II a pris du poil de la bête. Il ne tolère plus que qui que ce soit, y compris son futur beau-père, se permette de contrecarrer ses désirs. Devant Menchikov abasourdi et proche de l'apoplexie, il hurle : « Je t'apprendrai qui est le maître ici5 ! »
Cet accès de colère rappelle à Menchikov les terribles éclats de son ancien maître, Pierre le Grand. Pressentant qu'il serait imprudent de défier un agneau devenu enragé, il feint de ne voir dans cette fureur qu'un enfantillage tardif et quitte Péterhof, où Pierre l'a si mal accueilli, pour aller se reposer dans sa propriété d'Oranienbaum. Avant de plier bagage, il a pris soin de convier toute la compagnie à la fête qu'il compte donner dans sa résidence de campagne en l'honneur du tsar et pour célébrer sa propre guérison. Mais Pierre II s'entête et, sous prétexte que le Sérénissime n'a pas invité nommément Élisabeth, refuse de se rendre à la réception. Afin de souligner son mécontentement, il part même ostensiblement avec sa tante pour chasser le gros gibier dans les environs. Tout au long de cette escapade mi-cynégétique, mi-amoureuse, il se demande comment se déroulent les réjouissances imaginées par Menchikov. N'est-il pas étrange qu'aucun de ses amis n'ait suivi son exemple ? La peur de déplaire à Menchikov est-elle si forte qu'ils n'hésitent pas à déplaire au tsar ? En tout cas, il se soucie peu de savoir quels sont les sentiments de Marie Menchikov, qui a failli être sa fiancée et qui se trouve reléguée au magasin des accessoires. Au contraire, dès que les invités de Menchikov sont de retour d'Oranienbaum, il les interroge avidement sur l'attitude du Sérénissime pendant les festivités. Pressés de libérer leur conscience, ils racontent tout en détail. Ils insistent notamment sur le fait que Menchikov a poussé l'insolence jusqu'à s'asseoir, en leur présence, sur le trône préparé pour Pierre II. A les entendre, leur hôte, perdu d'orgueil, n'a cessé de se comporter comme s'il était le maître de l'empire. Ostermann se déclare aussi offusqué que si c'était à lui que le Sérénissime avait manqué d'égards. Le lendemain, profitant d'une absence de Pierre II, qui est retourné à la chasse avec Élisabeth, Ostermann reçoit Menchikov à Péterhof et lui reproche d'un ton sec, au nom de tous les amis sincères de la famille impériale, l'incongruité dont il s'est rendu coupable envers Sa Majesté. Piqué par ces remontrances d'un subalterne, Menchikov le prend de haut et regagne Saint-Pétersbourg en méditant une vengeance qui ôtera à jamais à cette bande d'intrigants l'envie de comploter contre lui.
En arrivant dans son palais de l'île Vassili, il constate avec stupeur que tout le mobilier de Pierre II a été retiré par une équipe de déménageurs et transporté au palais d'Été où le tsar, lui dit-on, compte s'installer désormais. Outré, le Sérénissime se précipite pour demander des explications aux officiers de la Garde chargés de surveiller le domaine. Toutes les sentinelles ont déjà été relevées et le chef de poste annonce, d'un air contrit, qu'il n'a fait qu'obéir aux ordres impériaux. L'af faire a donc été préparée de longue main. Ce qui aurait pu passer pour une lubie de prince est, à coup sûr, le signal d'une rupture définitive. Pour Menchikov, c'est l'écroulement d'un édifice qu'il a bâti depuis des années et qu'il croyait solide comme le granit des quais de la Néva. Qui est à l'origine de la catastrophe ? se demande-t-il avec angoisse. La réponse ne fait aucun doute. C'est Alexis Dolgorouki et son fils, le ravissant et sournois Ivan, qui ont tout manigancé. Comment faire pour sauver ce qui peut l'être encore ? Implorer la mansuétude de ceux qui l'ont abattu ou se tourner vers Pierre et tenter de plaider sa cause devant lui ? Alors qu'il hésite sur la meilleure tactique à adopter, il apprend qu'après avoir rejoint sa tante Élisabeth au palais d'Été le tsar a réuni les membres du Haut Conseil secret et qu'il discute avec eux des sanctions supplémentaires qui s'imposent. Le verdict tombe sans même que l'accusé ait été appelé à présenter sa défense. Très probablement excité par Élisabeth, Nathalie et le clan des Dolgorouki, Pierre a ordonné l'arrestation du Sérénissime. Devant le major général Simon Saltykov, venu lui signifier sa condamnation, Menchikov ne peut que rédiger une lettre de protestation et de justification, dont il doute qu'elle sera transmise au destinataire.
Dès le lendemain, les châtiments se multiplient, de plus en plus iniques, de plus en plus infamants. Dépouillé de ses titres et de ses privilèges, Menchikov est exilé à vie dans ses terres. La lente caravane emmenant le proscrit, avec les quelques biens qu'il a pu réunir en hâte, quitte Saint-Pétersbourg sans que personne se soucie de son départ. Celui qui était tout hier n'est plus rien aujourd'hui. Ses plus fervents obligés sont devenus ses pires ennemis. La haine du tsar le poursuit d'étape en étape. A chaque relais, un courrier du palais lui annonce une disgrâce nouvelle. A Vichni-Volotchok, ordre de désarmer les serviteurs du favori déchu ; à Tver, ordre de renvoyer à Saint-Pétersbourg les domestiques, les équipages et les voitures en surnombre ; à Kline, ordre de confisquer à Mlle Marie Menchikov, ex-fiancée du tsar, la bague de ses accordailles annulées ; aux abords de Moscou, enfin, ordre de contourner l'antique cité du couronnement et de continuer la route sans retard jusqu'à Orenbourg, dans la lointaine province de Riazan6.
Le 3 novembre, en atteignant cette ville aux confins de la Russie d'Europe et de la Sibérie occidentale, Menchikov découvre, avec un serrement de cœur, le lieu de relégation qui lui a été affecté. La maison, enfermée entre les murs crénelés de la forteresse, a tout d'une prison. Des sentinelles montent la garde devant les issues. Un officier est chargé de surveiller les allées et venues de la famille. Les lettres de Menchikov sont contrôlées avant leur expédition. C'est en vain qu'il tente de se racheter en envoyant des messages de repentir à ceux qui l'ont condamné. Alors qu'il refuse encore de s'avouer vaincu, le Haut Conseil secret reçoit un rapport du comte Nicolas Golovine, ambassadeur de Russie à Stockholm. Ce document confidentiel dénonce de récents agissements du Sérénissime qui, avant sa destitution, aurait touché cinq mille ducats d'argent des Anglais pour avertir la Suède des dangers que lui faisait courir la Russie en soutenant les prétentions territoriales du duc de Holstein. Cette trahison d'un haut dignitaire russe au profit d'une puissance étrangère ouvre la voie à une nouvelle série de délations et de coups bas. Des centaines de lettres, les unes anonymes, les autres signées, s'amoncellent sur la table du Haut Conseil secret. Dans une émulation qui ressemble à une curée, chacun reproche à Menchikov ses enrichissements suspects et les millions de pièces d'or découvertes dans ses différentes maisons. Johann Lefort croit même utile de signaler à son gouvernement que la vaisselle d'argent saisie le 20 décembre dans une cachette du principal palais de Menchikov pesait soixante-dix pouds7 et qu'on espérait trouver d'autres trésors au cours de prochaines perquisitions. Cette accumulation d'abus de pouvoir, de malversations, de vols et de trahisons mérite que le Haut Conseil secret la sanctionne sans pitié. Le châtiment initial étant jugé trop doux, on institue une commission judiciaire qui commence par arrêter les trois secrétaires du despote démasqué. Puis on lui adresse un questionnaire en vingt points, auquel il est sommé de répondre « dans les meilleurs délais ».
Cependant, alors qu'ils s'étaient mis d'accord sur la nécessité d'éliminer Menchikov, les membres du Haut Conseil secret se chamaillent déjà sur le partage du pouvoir après sa chute. Dès l'abord, Ostermann a pris la direction des affaires courantes ; mais les Dolgorouki, forts de l'ancienneté de leur nom, se montrent de plus en plus pressés de supplanter « le Westphalien ». Leurs rivaux directs sont les Galitzine, dont l'arbre généalogique est, disent-ils, au moins aussi glorieux. Chacun de ces champions veut tirer la couverture à soi sans trop se préoccuper ni de Pierre II ni de la Russie. Puisque le tsar ne songe qu'à s'amuser, il n'y a aucune raison pour que les grands serviteurs de l'État s'obstinent à défendre le bonheur et la prospérité du pays au lieu de penser à leurs propres intérêts. Les Dolgorouki comptent sur le jeune Ivan, si séduisant et si habile, pour détourner le tsar de sa tante Élisabeth et de sa sœur Nathalie, dont les ambitions leur paraissent louches. De son côté, Dimitri Galitzine charge son gendre, l'élégant et peu scrupuleux Alexandre Boutourline, d'entraîner Sa Majesté dans des plaisirs assez variés pour l'éloigner de la politique. Mais Élisabeth et Nathalie ont subodoré la manœuvre des Dolgorouki et des Galitzine. Elles s'unissent pour ouvrir les yeux du jeune tsar sur les dangers qui le guettent entre les deux mignons aux dents longues. Or, Pierre a hérité de ses ancêtres le refus des contraintes. Toute remontrance lui paraît une insulte à sa dignité. Il rabroue sa sœur et sa tante. Nathalie n'insiste pas davantage. Quant à Élisabeth, la voici qui passe à l'ennemi. A force de fréquenter les amis de son neveu, elle est tombée amoureuse de ce même Alexandre Boutourline qu'elle aurait voulu combattre. Gagnée par la licence effrénée de son neveu, elle est prête à le rejoindre dans toutes les manifestations de sa frivolité. La chasse et l'amour deviennent, pour elle comme pour lui, les deux pôles de leur activité. Et qui mieux qu'Alexandre Boutourline pourrait satisfaire leur goût commun de l'imprévu et de la provocation ? Bien entendu, le Haut Conseil secret et, à travers lui, toute la cour, toutes les ambassades sont avertis des extravagances du tsar. Il est temps, pense-t-on, de le couronner pour l'assagir. C'est dans cette atmosphère de libertinage et de rivalités intestines que les dirigeants politiques de la Russie préparent les cérémonies du sacre, à Moscou.
Le 9 janvier 1728, Pierre se met en route, à la tête d'un cortège si important qu'on pourrait croire à l'exode du Tout-Saint-Pétersbourg. A travers le froid et la neige, la haute noblesse et la haute administration de la nouvelle capitale s'acheminent lentement vers les fastes du vieux Kremlin. Mais, à Tver, une indisposition oblige le tsar à s'aliter. On redoute une rougeole et les médecins lui conseillent le repos pendant deux semaines au moins. C'est seulement le 4 février que le jeune souverain, enfin rétabli, fait son entrée solennelle dans un Moscou pavoisé, débordant de vivats et secoué par les coups de canon et les sonneries de cloches. Sa première visite, voulue par le protocole, est pour sa grand-mère, l'impératrice Eudoxie. Devant cette vieille femme, fatiguée et radoteuse, il n'éprouve aucune émotion et s'irrite même quand, lui reprochant sa vie dissolue, elle l'invite à épouser au plus tôt une jeune fille sage et bien née. Écourtant l'entretien, il la renvoie sèchement à ses prières et à ses bonnes œuvres. Cette réaction ne surprend pas l'épouse jadis répudiée de Pierre le Grand. Il est clair pour elle que l'adolescent a hérité de l'indépendance d'esprit, du cynisme et de la cruauté de son aïeul. Mais a-t-il son génie ? Il est à craindre que non !
Ce sont les Dolgorouki qui ont pris en main l'organisation des cérémonies. La date du 24 février 1728 a été retenue pour le couronnement du tsar, au cœur du Kremlin, en la cathédrale de l'Assomption. Tapie dans une loge grillagée au fond de l'église, la tsarine Eudoxie voit son petit-fils ceindre la tiare et prendre d'une main le sceptre et de l'autre le globe, symboles complémentaires du pouvoir. Béni par un prêtre à la chasuble surbrodée et surdorée, qui semble tout droit descendu de l'iconostase, porté aux nues par le chant du chœur, nimbé par les vapeurs de l'encens, le tsar attend la fin de la liturgie pour se rendre, comme on le lui a prescrit, auprès de sa grand-mère et lui baiser la main. Il lui promet qu'il veillera à ce qu'elle soit entourée de la cohorte de chambellans, de pages et de dames d'honneur qu'exige son haut rang, même si, comme il est souhaitable, elle s'installe hors de la capitale pour échapper à l'agitation de la cour. Eudoxie comprend la leçon et s'éloigne. Tout le monde, dans la suite de Pierre, pousse un soupir de soulagement : aucun incident notable n'a perturbé le déroulement des festivités.
Or, quelques jours après le sacre, des policiers fureteurs découvrent aux abords du Kremlin, devant la porte du Sauveur, des lettres anonymes dénonçant la turpitude des Dolgorouki et invitant les gens de cœur à exiger le retour en grâce de Menchikov. La rumeur publique attribue la rédaction de ces libelles aux Galitzine, dont l'animosité envers les Dolgorouki est bien connue. Mais, aucune preuve n'ayant pu être fournie à la commission d'enquête, le Haut Conseil secret, inspiré par les Dolgorouki, décide que Menchikov seul est à l'origine de cet appel à la rébellion et ordonne de l'exiler, avec sa famille, à Bérézov, au fin fond de la Sibérie. Alors que l'ancien favori croyait en avoir fini avec la justice du tsar, deux officiers se présentent dans sa maison d'Orenbourg, au milieu de la forteresse, lui lisent la sentence qui le frappe et, sans lui laisser le temps de souffler, le poussent dans un chariot. Sa femme et ses enfants, terrorisés, montent à ses côtés. On les a tous préalablement détroussés, ne leur laissant que quelques hardes et quelques meubles, par charité. Le convoi se traîne sur les chemins, escorté d'un détachement de soldats en armes, comme s'il s'agissait du transfert d'un dangereux criminel.
Situé à plus de mille verstes de Tobolsk, Bérézov est un trou perdu au milieu d'un désert de toundras, de forêts et de marécages. L'hiver y est si rigoureux que le froid, dit-on, tue les oiseaux en plein vol et fait éclater les vitres des maisons. Tant de misère après tant de richesse et d'honneurs ne suffit pas à abattre le courage de Menchikov. Sa femme, Daria, est morte d'épuisement en cours de route. Ses filles pleurent leurs rêves d'amour et de grandeur à jamais envolés, lui-même regrette d'avoir survécu à une telle infortune. Cependant, un instinct de conservation irrépressible le pousse à tenir tête à l'adversité. Bien qu'habitué à se prélasser dans des palais, il travaille de ses mains, en simple ouvrier, à aménager une isba pour lui et sa famille. Avertis de ses « crimes » envers l'empereur, ses voisins lui battent froid et menacent même de le prendre à partie. Un jour, comme une foule hostile profère des injures et jette des pierres contre lui et ses filles dans la rue, il leur crie : « Ne frappez que moi seul ! Épargnez ces femmes8 ! » Néanmoins, après quelques mois de ces affronts quotidiens, il dépérit et renonce à la lutte. Une attaque d'apoplexie emportera le colosse en novembre 1729. Un mois plus tard, sa fille aînée, Marie, la petite fiancée du tsar, le suivra dans la tombe9.
Indifférent au sort de celui dont il a précipité la perte, Pierre II continue de mener une existence agréable et désordonnée. Dispensés de lui rendre compte de leurs décisions, les Dolgorouki, les Galitzine et l'ingénieux Ostermann en profitent pour imposer leur volonté en toute occasion. Pourtant, ils se méfient encore de l'influence qu'Élisabeth exerce sur son neveu. Elle seule, croient-ils, est capable de neutraliser l'ascendant sur Sa Majesté du cher Ivan Dolgorouki, si nécessaire à leur cause. Le meilleur moyen de la désarmer serait évidemment de la marier sur-le-champ. Mais avec qui ? On songe de nouveau au comte Maurice de Saxe. Mais Élisabeth se soucie de lui comme d'une guigne. Il n'y a que galipettes et flonflons dans sa charmante caboche. Sûre de son pouvoir sur les hommes, elle se jette à la tête des uns et des autres pour des idylles sans conséquence et des liaisons sans lendemain. Après avoir séduit Alexandre Boutourline, elle s'attaque à Ivan Dolgorouki, le « mignon » attitré du tsar. Est-ce l'idée d'attirer dans ses bras un partenaire dont elle connaît les préférences homosexuelles qui l'excite ? En apprenant que sa sœur, Anna Petrovna, retirée en Holstein, vient de mettre au monde un fils10, alors qu'elle-même, à dix-neuf ans, n'est pas encore mariée, elle attache moins d'importance à l'événement qu'aux développements de son intrigue sulfureuse avec le bel Ivan. Elle est stimulée par l'aventure comme s'il s'agissait de prouver la supériorité de son sexe dans toutes les formes de perversité amoureuse. Il est assurément moins banal, et donc plus divertissant, pense-t-elle, de détourner un homme d'un autre homme plutôt que de le ravir à une femme.
Lors des fêtes données à Kiel par Anna Petrovna et le grand-duc Charles-Frédéric pour célébrer la naissance de leur enfant, le tsar ouvre le bal avec sa tante Élisabeth. Après l'avoir fait danser galamment, sous les regards charmés de l'assistance, il se retire dans la pièce voisine pour boire, selon son habitude de soiffard, au milieu d'un groupe d'amis. Ayant vidé quelques verres, il constate qu'Ivan Dolgorouki, son habituel compagnon de plaisirs, n'est pas à ses côtés. Surpris, il revient sur ses pas et le voit qui danse à perdre haleine, au milieu du salon, avec Élisabeth. Elle paraît si émoustillée, face à son cavalier qui la dévore des yeux, que Pierre éclate de fureur et retourne se soûler. Mais de qui est-il jaloux au juste ? D'Ivan Dolgorouki ou d'Élisabeth ?
La réconciliation entre la tante et le neveu n'interviendra qu'après Pâques. Délaissant pour une fois Ivan Dolgorouki, Pierre emmène Élisabeth dans une longue partie de chasse. Il est prévu que le déplacement durera plusieurs mois. Cinq cents équipages accompagnent le couple. On tue aussi bien le gibier à plume que le gros gibier. Quand il s'agit de traquer un loup, un renard ou un ours, ce sont des valets en livrée verte soutachée d'argent qui s'en chargent. Ils attaquent la bête avec des fusils et des épieux, sous le regard intéressé des maîtres. L'inspection du tableau de chasse est suivie d'un banquet en plein air et d'une visite au campement des marchands, accourus de loin avec leur provision d'étoffes, de broderies, d'onguents miraculeux et de bijoux de pacotille. Une nouvelle alarmante surprend Pierre et Élisabeth au milieu des réjouissances : Nathalie, la sœur de Pierre, est malade ; elle crache le sang. Va-t-elle mourir ? Mais non, elle se rétablit, et c'est la sœur d'Élisabeth, Anna Petrovna, duchesse de Holstein, qui, à Kiel, donne de graves soucis à ses proches. Elle a pris froid en assistant au feu d'artifice organisé à l'occasion de ses relevailles. Une fluxion de poitrine se déclare. Elle est emportée en quelques jours. La pauvrette n'avait que vingt ans. Elle laisse un fils orphelin, Charles-Ulrich, âgé de deux semaines. Tout le monde, autour de Pierre, est consterné. Lui seul ne manifeste aucun regret de cette disparition. Certains se demandent s'il est encore capable d'un sentiment humain. Sans doute est-ce l'abus des plaisirs défendus qui a desséché son cœur ?
Quand le corps de sa tante, qu'il a pourtant beaucoup aimée, est ramené à Saint-Pétersbourg, il ne juge pas utile de se rendre à son enterrement. Et il ne décommande même pas le bal donné comme de coutume, au palais, à l'occasion de sa fête. Quelques mois plus tard, en novembre 1728, la phtisie de sa sœur Nathalie, qu'on croyait enrayée, s'aggrave brusquement. Bien que Pierre soit, comme par hasard, occupé à courir les routes et à forcer le gibier, il se résigne à regagner Saint-Pétersbourg pour assister aux derniers instants de la malade. C'est avec impatience qu'il écoute les lamentations d'Ostermann et des proches de Nathalie, célébrant les vertus de la princesse « qui était un ange ». A la mort de celle-ci, le 3 décembre 1728, il se dépêche de repartir pour le domaine de Gorenki, où les Dolgorouki l'attendent pour de formidables parties de chasse. Cette fois, il ne demande pas à Élisabeth de l'accompagner. Sans être las à proprement parler des gentillesses et des coquetteries de la jeune femme, il éprouve le besoin d'un changement parmi le personnel de ses plaisirs. Pour justifier les vagabondages de sa curiosité, il se dit que, chez un homme normalement constitué, le jeu des révélations successives offre toujours plus d'attrait que la morne fidélité.
Au château de Gorenki, une heureuse surprise l'attend. Alexis, le chef du clan des Dolgorouki, habile à organiser des parties de chasse pour son hôte, le met en présence d'un nouveau gibier auquel Pierre ne s'attendait pas : les trois filles du prince sont là, toutes fraîches, libres et appétissantes sous leurs airs de provocante virginité. L'aînée, Catherine, Katia pour les intimes, est même d'une beauté à vous couper le souffle, avec sa chevelure d'ébène, ses yeux de flamme noire et sa peau mate, qui rosit à la moindre émotion. D'un tempérament hardi, elle participe aussi bien à la traque d'un cerf qu'aux libations d'une fin de banquet, à de sages jeux de société qu'aux danses improvisées après des heures de chevauchées à travers la campagne. Tous les observateurs s'accordent pour prédire que, dans le cœur du tsar volage, Ivan Dolgorouki sera bientôt supplanté par sa sœur, la gracieuse Katia. De toute façon, la famille Dolgorouki sera gagnante.
Cependant, à Saint-Pétersbourg, les rivaux de la coalition des Dolgorouki craignent que cette amourette, dont les échos parviennent jusqu'à eux, ne soit le prélude d'un mariage. Cette union entraînerait la totale soumission du tsar à sa belle-famille et la mise au pas des autres membres du Haut Conseil secret. Pierre semble si bien « ferré » par sa Katia qu'à peine revenu à Saint-Pétersbourg il songe à en repartir. S'il a pris la peine de faire un bref séjour dans la capitale, c'est uniquement pour compléter son équipage de chasse. Ayant acheté deux cents chiens courants et quatre cents lévriers, il retourne à Gorenki. Mais, une fois rendu sur les lieux de ses exploits cynégétiques, il n'est plus très sûr de la qualité de son plaisir. C'est avec ennui qu'il récapitule les lièvres, les renards et les loups qu'il a tués dans la journée. Un soir, comme il cite trois ours répertoriés dans son tableau de chasse, quelqu'un le complimente pour cette dernière prouesse. Avec un sourire sarcastique, il répond : « J'ai fait mieux que prendre trois ours ; je mène avec moi quatre bêtes à deux pieds. » Son interlocuteur devine qu'il y a là une allusion désobligeante au prince Alexis Dolgorouki et à ses trois filles. Une telle moquerie, lancée en public, fait supposer aux personnes présentes que, après s'être embrasé, le tsar ne brûle plus des mêmes feux pour Katia et qu'il est peut-être sur le point de l'abandonner.
Tout en suivant de loin, à travers les papotages de la petite cour, les hauts et les bas de ce couple aux réactions imprévisibles, Ostermann, en stratège avisé, s'emploie à monter dès maintenant une contre-offensive. Ayant cuvé le chagrin que lui a causé la mort de sa sœur Anna, Élisabeth est redevenue disponible. Certes, elle pense encore souvent à ce bébé, son neveu, privé de tendresse et qui grandira au loin, comme un étranger. Elle se demande si elle ne devrait pas le prendre, de temps à autre, auprès d'elle. Et puis le courant des jours l'emporte et elle oublie ses velléités tutélaires. On dit même qu'après le passage d'une crise mystique le goût de vivre l'a si bien ressaisie qu'elle se trouve à présent sous le charme du descendant d'une grande famille, le très séduisant comte Simon Narychkine. Ce gentilhomme fastueux et raffiné a le même âge qu'elle et son assiduité à la suivre par monts et par vaux, tel un quelconque barbet, témoigne de l'intérêt qu'ils trouvent tous deux à leurs tête-à-tête. Quand elle se retire dans sa propriété d'Ismailovo, elle ne manque pas de l'y inviter. Là, ils se grisent des joies saines et simples de la campagne. Quoi de plus agréable que de jouer aux paysans quand on a derrière soi quelques palais et des nuées de domestiques ? Chaque jour, on s'amuse à cueillir des noix, des fleurs, des champignons, on parle avec une douceur paternelle aux serfs du domaine, on s'intéresse à la santé des bêtes qui paissent dans les prés ou ruminent dans les étables. Tandis qu'Ostermann se renseigne, par les espions qu'il a envoyés à Ismailovo, sur les progrès des amours bucoliques de Simon Narychkine et d'Élisabeth, les Dolgorouki, à Gorenki, s'obstinent à caresser, malgré quelques alertes, l'idée d'un mariage entre Katia et le tsar. Mais, pour plus de précautions, ils estiment qu'il faudrait unir non seulement Catherine Dolgorouki au tsar Pierre II, mais aussi la tante du tsar, Élisabeth Petrovna, à Ivan Dolgorouki. Or, voici qu'aux dernières nouvelles cette folle d'Élisabeth s'est entichée de Simon Narychkine. Une toquade aussi inattendue risque de compromettre toute l'affaire. Il est urgent d'y mettre le holà ! Jouant le tout pour le tout, les Dolgorouki menacent Élisabeth de la faire enfermer dans un couvent pour inconduite si elle s'entête à préférer Simon Narychkine à Ivan Dolgorouki. Mais la jeune femme a du sang de Pierre le Grand dans les veines. Dans un sursaut d'orgueil, elle refuse d'obéir. Alors, les Dolgorouki se déchaînent. Comme ils ont à leur botte les principaux services de l'État, Simon Narychkine reçoit du Haut Conseil secret l'ordre de partir immédiatement en mission pour l'étranger. On l'y laissera aussi longtemps qu'il faudra pour qu'Élisabeth l'oublie. Contrariée, une fois de plus, dans ses amours, elle pleure, enrage et médite d'impitoyables vengeances. Cependant, elle mesure vite son impuissance à lutter contre les machinations du Haut Conseil. Et elle ne peut même plus compter sur Pierre pour défendre ses intérêts : il est trop absorbé par ses propres déboires sentimentaux pour s'occuper de ceux de sa tante. Selon des ragots qui parviennent à Élisabeth, il a failli répudier Katia en apprenant que celle-ci avait eu des rendez-vous clandestins avec un autre soupirant, un certain comte Millesimo, attaché à l'ambassade d'Allemagne en Russie. Effrayés par les conséquences d'une telle rupture entre les amoureux, et pressés d'empêcher le tsar de se dérober devant l'obstacle, les Dolgorouki se sont arrangés pour réserver un tête-à-tête de réconciliation à Katia et à Pierre, dans un pavillon de chasse. Le soir même, survenant au moment des premières caresses, le père de la jeune fille s'est déclaré outragé dans son honneur et a réclamé une réparation officielle. Le plus étrange, c'est que ce grossier subterfuge a porté ses fruits. Dans cette capitulation de l'amoureux surpris en flagrant délit par un pater familias indigné, il est impossible de savoir si le « coupable » a finalement cédé à son inclination pour Katia, à la crainte d'un scandale ou simplement à la lassitude.
Toujours est-il que, le 22 octobre 1729, jour anniversaire de la naissance de Catherine, les Dolgorouki révèlent à leurs invités que la jeune fille vient d'être promise au tsar. Le 19 novembre suivant, c'est le Haut Conseil secret qui reçoit l'annonce officielle des fiançailles et, le 30 du même mois, une cérémonie religieuse se déroule à Moscou, au palais Lefort, où Pierre a l'habitude de résider lors de ses brefs passages dans la ville. La vieille tsarine Eudoxie a consenti à sortir de sa retraite pour bénir le jeune couple. Tous les dignitaires de l'empire, tous les ambassadeurs étrangers sont présents dans la salle en attendant l'arrivée de l'élue. Son frère, Ivan Dolgorouki, l'ancien favori de Pierre, va la chercher au palais Golovine où elle est descendue avec sa mère. Le cortège traverse la ville, acclamé par une foule de braves gens qui, devant tant de jeunesse et tant de magnificence, croient assister à l'heureuse conclusion d'un conte de fées. A l'entrée du palais Lefort, la couronne surmontant le carrosse de la fiancée accroche au passage le montant supérieur du portail et s'effondre par terre avec fracas. Les badauds superstitieux voient dans cet incident un mauvais présage. Mais Katia ne bronche pas. En franchissant le seuil du salon d'apparat, elle est très droite. L'évêque Théophane Prokopovitch l'invite à s'avancer avec Pierre. Le couple se place sous un dais d'or et d'argent tenu par deux généraux. Après l'échange des anneaux, des salves d'artillerie et des sonneries de cloches préludent au défilé des congratulations. Selon le protocole, la tsarevna Élisabeth Petrovna fait un pas et, tâchant d'oublier qu'elle est la fille de Pierre le Grand, baise la main d'une « sujette » nommée Catherine Dolgorouki. Un peu plus tard, c'est à Pierre II de surmonter son dépit, car le comte de Millesimo, s'étant approché de Catherine, s'incline devant elle. Déjà elle s'apprête à lui tendre la main. Pierre voudrait empêcher ce geste de courtoisie, qu'il juge incongru. Mais elle devance son mouvement et présente spontanément ses doigts à l'attaché d'ambassade qui les effleure du bout des lèvres avant de se redresser, sous le regard meurtrier du fiancé. Voyant l'air courroucé du tsar, les amis de Millesimo l'entraînent et disparaissent avec lui dans la foule. C'est alors que le prince Vassili Dolgorouki, un des membres les plus éminents de cette nombreuse famille, croit le moment venu d'adresser un petit discours moralisateur à sa nièce. « Hier, j'étais ton oncle, dit-il face à un cercle d'auditeurs attentifs. Maintenant, tu es ma souveraine et je suis ton fidèle serviteur. Je fais appel cependant à mes anciens droits pour te donner ce conseil : ne regarde pas celui que tu vas épouser comme ton mari seulement mais aussi comme ton maître et ne t'occupe que de lui plaire. [...] Si quelque membre de ta famille te demande des faveurs, oublie-le pour ne tenir compte que du mérite. Ce sera le meilleur moyen d'assurer tout le bonheur que je te souhaite11. »
Ces doctes paroles ont le don d'assombrir l'humeur de Pierre. Jusqu'à la fin de la réception, il garde une mine renfrognée. Même devant le feu d'artifice qui clôt les réjouissances, il n'accorde pas un regard à celle avec qui il vient d'échanger des promesses d'amour et de confiance éternels. Plus il scrute les visages épanouis qui l'entourent et plus il a l'impression d'être tombé dans un piège.
Pendant qu'il se laisse ballotter ainsi entre les intrigues politiques, les femmes, la boisson et les plaisirs de la chasse, le Haut Conseil secret dirige, tant bien que mal, les affaires de l'État. A l'initiative des Sages et avec l'aval du tsar, des mesures sont prises pour renforcer le contrôle sur la magistrature, réglementer l'usage des billets de change, interdire au clergé le port des vêtements laïques et réserver au Sénat la connaissance des problèmes de la Petite-Russie. Bref, malgré la défection de l'empereur, l'empire continue.
Entre-temps, Pierre a appris que son cher Ivan Dolgorouki envisage d'épouser la petite Nathalie Chérémétiev. Au vrai, il ne voit guère d'inconvénient à céder son « mignon » d'autrefois à une rivale. On convient que, pour affirmer l'amitié foncière qui lie les quatre jeunes gens, leurs deux mariages seront célébrés le même jour. Cependant, cet arrangement raisonnable ne laisse pas de tourmenter Pierre. Choses et gens, tout le déçoit et l'agace. Il n'est nulle part à son aise et ne sait plus à qui se confier. Peu avant la fin de l'année, il se présente, sans avoir été annoncé, chez Élisabeth, qu'il a négligée ces derniers mois. Il la trouve mal logée, mal servie, manquant de l'essentiel, alors qu'elle devrait être la première dame de l'empire. Il est venu pour se plaindre à elle de son désarroi, et c'est elle qui se plaint à lui de son dénuement. Elle accuse les Dolgorouki de l'avoir humiliée, ruinée et de préparer leur domination sur lui à travers l'épouse qu'ils lui ont jetée dans les bras. Ébranlé par les doléances de sa tante, qu'il aime toujours en secret, il répond : « Ce n'est pas ma faute ! On ne m'obéit pas, mais je trouverai bientôt le moyen de rompre mes chaînes12 ! »
Ces propos sont rapportés aux Dolgorouki, qui se consultent pour élaborer une riposte à la fois respectueuse et efficace. D'ailleurs, il y a un autre problème familial à régler d'urgence : Ivan s'est disputé avec sa sœur Katia, laquelle a perdu toute mesure depuis ses fiançailles et réclame les diamants de feu la grande-duchesse Nathalie, en affirmant que le tsar les lui avait promis. Cette querelle sordide autour d'un coffret de bijoux risque d'irriter Pierre au moment où il est plus que jamais nécessaire d'endormir sa méfiance. Mais comment faire entendre raison à des femmes moins sensibles à la logique masculine qu'au scintillement de quelques cailloux précieux ?
Le 6 janvier 1730, lors de la bénédiction traditionnelle des eaux de la Néva, Pierre arrive en retard à la cérémonie et se campe derrière le traîneau découvert où se tient Catherine. Dans l'air glacé, les paroles du prêtre et le chant du chœur ont une résonance irréelle. La vapeur sort de la bouche des chanteurs en même temps que leur voix. Pierre grelotte au cours de l'office interminable. En rentrant chez lui, il est pris de frissons et se met au lit. On croit à un rhume. D'ailleurs, le 12 janvier, il va mieux. Mais, cinq jours plus tard, les médecins décèlent chez lui les symptômes de la petite vérole. A l'annonce de cette maladie, souvent mortelle à l'époque, tous les Dolgorouki se retrouvent, terrorisés, au palais Golovine. La panique allonge les visages. Déjà on prévoit le pire et on cherche des échappatoires à la catastrophe. Dans l'affolement général, Alexis Dolgorouki affirme qu'une seule solution existe pour le cas où le tsar viendrait à disparaître : couronner sans tarder celle qu'il a choisie comme épouse, Catherine, la petite Katia. Mais cette prétention paraît exorbitante au prince Vassili Vladimirovitch et il proteste, au nom de toute la famille.
« — Ni moi, ni aucun des miens nous ne voudrons être ses sujets ! Elle n'est pas mariée !
— Elle est fiancée ! rétorque Alexis.
— Ce n'est pas la même chose ! »
La discussion s'enflamme. Le prince Serge Dolgorouki parle de soulever la Garde pour soutenir la cause de la fiancée du tsar. Tourné vers le général Vassili Vladimirovitch Dolgorouki, il s'écrie :
« Toi et Ivan vous commandez le régiment Préobrajenski. A vous deux, vous pouvez faire faire ce que vous voudrez à vos hommes !...
— Nous serions massacrés ! » réplique le général, et il quitte la réunion.
Après son départ, un autre Dolgorouki, le prince Vassili Loukitch, membre du Haut Conseil secret, s'assied près de la cheminée où brûle un énorme feu de bois et, de sa propre autorité, rédige un testament à soumettre au tsar pendant qu'il a encore la force de lire et de signer un papier officiel. Les autres membres de la famille se groupent derrière lui et suggèrent qui une phrase, qui un mot pour corser le texte. Quand il a fini, une voix s'élève dans l'assistance pour émettre la crainte que des esprits mal intentionnés ne contestent l'authenticité du document. Aussitôt, un troisième Dolgorouki, Ivan, le mignon de Pierre, le fiancé de Nathalie Chérémétiev, vient à la rescousse. On a besoin de la signature du tsar ? La belle affaire ! Tirant un papier de sa poche, il le fourre sous les yeux de sa parentaille.
« Voici l'écriture du tsar, dit-il joyeusement. Et voici la mienne. Vous-mêmes ne sauriez les distinguer. Et je sais aussi signer son nom. Je l'ai fait souvent par plaisanterie ! »
Les témoins sont éberlués. Personne ne s'indigne. Trempant la plume dans l'encrier, Ivan signe le nom de Pierre au bas de la page. Tous se penchent sur son épaule et s'émerveillent :
« C'est la main même du tsar13 ! » s'exclament-ils.
Puis les truqueurs échangent des regards à demi rassurés et prient Dieu pour que l'obligation d'user de ce faux en écriture leur soit épargnée.
De temps à autre, ils envoient des émissaires au palais pour prendre des nouvelles du tsar. Elles sont toujours plus alarmantes. Pierre s'éteint à une heure du matin, dans la nuit du dimanche 18 au lundi 19 janvier 1730, à l'âge de quatorze ans et trois mois. Son règne aura duré un peu plus de deux ans et demi. Le 19 janvier 1730, jour de sa mort, est la date qu'il avait fixée, quelques semaines auparavant, pour son mariage avec Catherine Dolgorouki.
1 Cf. Brian-Chaninov : Histoire de Russie.
2 Terme désignant traditionnellement la fille du tsar.
3 Cf. Daria Olivier, op. cit.
4 Cf. Waliszewski, op. cit.
5 Cf. Daria Olivier, op. cit.
6 Précisions données par Essipov : « L'Exil du prince Menchikov », Annales de la Patrie, 1861, et reprises par Waliszewski, op. cit.
7 Mille cent vingt kilos.
8 Waliszewski, op. cit.
9 Les deux autres enfants de Menchikov, son fils Alexandre et sa fille Alexandra, ne seront tirés de l'exil que sous le règne suivant.
10 Le futur Pierre III, qui épousera Catherine la Grande.
11 Cité par Soloviov : Histoire de la Russie, repris par K. Waliszewski, op. cit.
12 Ibid.
13 Détails pris dans le dossier de l'affaire Dolgorouki aux Archives d'État, à Moscou, et cités par Kostomarov dans sa Monographie et par K. Waliszewski dans L'Héritage de Pierre le Grand.