Remerciements


Naturellement, ma première gratitude va vers Jean-Paul Enthoven, l'éditeur imprévisible de ce livre. Le hasard lui ressemble. Je l'ai déjà dit : sans sa fraternelle intervention, si ferme, sans doute aurais-je repoussé une fois de plus la rédaction de ces aveux. Dizzy me voyait chagriné de paraître encore qui je ne suis pas. Je lui sais gré non de m'éditer mais de veiller sur mon bonheur en publiant mes livres les plus francs. Merci à lui de m'arracher mes masques, un à un.

Ma seconde gratitude me porte vers l'historien Jean-Pierre Azéma, féru des passions françaises qui fermentèrent sous l'Occupation. J'ai connu ses pétillances, ses envolées tripales et ses quintes de toux homériques en première année de Sciences Po, à Paris : il y fut mon maître de conférences et un authentique professeur de liberté. Aucun dogme ne l'encapuchonnait. Certaines des expressions azémesques me restent dans l'oreille (« se dépatouiller d'une difficulté, d'un sujet croquignolet», etc.) ; et ses méthodes hardies régnent encore en moi. Elles me débouchaient l'esprit. J'avais alors faim d'Histoire. Cet érudit enjoué me régalait de ses curiosités multidirectionnelles. Déboussolés par sa gouaille, ses jeunes élèves ne cherchaient pas à juger mais à comprendre. De septembre 1983 à juin 1984, en l'écoutant vissé sur ma chaise, je me suis demandé si cet homme vibrant et de gauche avait deviné qui était mon grand-père paternel. Moi, je savais qui était son père : un journaliste de l'ultra-droite, un esthète tout en coups de menton qui fut pendant la guerre une voix collaborationniste de Radio Paris (« Radio Paris ment, Radio Paris est allemand », rimait alors la Résistance). Ce virulent - antisémite sans bémol, - fasciné par le Belge Degrelle, volontiers radical, n'hésita pas à s'engager en mars 1944 dans la Waffen-SS ; excusez du peu. Avant de fuir en Amérique latine par la filière suisse où il rejoignit d'anciens miliciens qui, comme lui, vomissaient les parleurs en peau de lapin. C'est Pierre Assouline, je crois, qui m'avait informé de ces détails biographiques.

Ivre d'enseignement, J.-P. Azéma enseignait donc au tableau et moi, à dix-huit ans, je m'interrogeais en rond : cet universitaire savait-il qui j'étais, de quel passé je me sentais le légataire ?

Vingt-six ans plus tard, un ami m'a procuré son numéro de téléphone. J'ai appelé Azéma pour lui poser la question qui me brûlait alors ; interrogation qui m'était toujours restée fichée au cœur. Eh bien non, mon professeur de 1984 n'ignorait pas mon lignage compliqué ; même s'il n'entrait pas dans ses habitudes de s'interroger sur la famille de ses élèves. L'instinct de l'historien l'avait-il alerté ? J.-P. Azéma avait-il flairé que des interrogations voisines auraient pu nous déranger ?

Je lui ai alors demandé de relire mon manuscrit ; en ajoutant que je ne me serais pas adressé à un autre spécialiste de la période. Je supposais - peut-être à tort - que sa pensée mobile serait, en parcourant mes lignes, tracassée par des émotions parallèles aux miennes ; même si la trajectoire de son père - très absent de son existence, du fait de son exil argentin - reste distincte de celle du Nain Jaune. Et même si je supputais que son ascendance n'est pas la cause première de son engagement professionnel.

Je remercie de tout cœur mon ancien professeur d'avoir relu ma dernière copie. Il m'a aidé à mieux baliser les repères historiques qui étayent ce livre et à clarifier des détails qui, en définitive, n'en sont pas. Il a également contribué à déminer des mots piégés, tout en nuançant mes effrois ; même si, parfois, nos points de vue ont divergé. Je ne prétends pas ici faire œuvre d'historien mais il m'aurait été pénible de signer un document mal vissé. J'ai aimé que la rencontre de l'enseignant et de l'étudiant se termine ainsi, autour d'un verre pris au bar du... Lutetia.




[1] Fusillé le 15 octobre 1945 après que le général de Gaulle lui eut refusé la grâce.

[2] Conseiller et âme damnée du cardinal de Richelieu, disposant d'un vaste réseau de renseignements de moines capucins. (Mes notes en bas de page pourront paraître nombreuses mais j'ai tenu à ce que les plus jeunes, moins familiers de certaines références, puissent être aidés dans leur lecture.)

[3] Voir la scène cocasse que rapporte mon père dans La Guerre à neuf ans (Grasset), sur le mode allègre-doux de la comédie. A cette époque, le Nain Jaune recevait donc Bousquet chez lui et non au bureau.

[4] Voir les accords Bousquer-Oberg... clef de voûte de l'emploi de la police française qui, désormais, assurera presque seule les rafles de Juifs.

[5] Canaille hautement morale qui dirigea de mars 1941 à mars 1942 le CGQJ (Commissariat Général aux Questions Juives), organe majeur de la politique antisémite de Vichy. Vallat inspira le deuxième statut des Juifs, particulièrement ignoble, organisa leur recensement méthodique et l'expropriation de leurs biens. Bien entendu, ce monsieur très vertueux et « anti-Boche » (mal vu des Allemands d'ailleurs) se piquait d'honneur dans ses activités.

[6] Chef suprême de la SS (Reichsfuhrer-SS) et de toutes les polices allemandes, dont la Gestapo.

[7] Ministre d'Allemagne.

[8] Diplomate, conseiller politique d'Otto Abetz, impliqué dans la politique antisémite de l'ambassade d'Allemagne.

[9] Lire et faire lire.

[10] Son nom de famille est falsifié - tout comme son adresse, - à la demande des siens, très éprouvés, qui tiennent à leur anonymat.

[11] De Pierre Assouline (Folio).

[12] Pascal Jardin par Fanny Chèze (Grasset).

[13] Oracle catholique du nationalisme intellectuel virulent. Antisémite assumé. Son quotidien, L'Action française, irrigua et draina tout le patriotisme inquiet du « délabrement de la population, supposément anémiée par l'athéisme, affaiblie par la dénatalité, corrompue moralement et désaccordée par l'afflux des allogènes... ».

[14] A cet égard, l'original du texte du premier statut des Juifs, annoté et durci par Pétain (révélé par Serge Klarsfeld le 3 octobre 2010) fait voler en éclats le mythe du soi-disant « bon Maréchal protecteur des Juifs » et indique clairement le haut niveau d'antisémitisme qui animait le chef de l'Etat français.

[15] Avouées gaiement puis niées par l'étonnant Fallois, avec une ironie enchantée.

[16] Berlin 1942, chronique d'une détention par la Gestapo, CNRS éditions.

[17] Disponible au Mémorial de la Shoah (Fonds FSJF, titre : lettre, datée du 25/08/1942, de Jacques Helbronner, président du Consistoire central, adressée à Pierre Laval, chef du gouvernement français, au sujet du sort des Juifs étrangers, cote : CCXIII-15_001, mention obligatoire : C.D.J.C.) ou dans son intégralité via le site du Mémorial à l'adresse suivante : http://mms.pegasis.fr/jsp/core/MmsRedirector. jsp?id=1258496&type=NOTICE#

[18] Cette affaire de demande de renseignements par Jean Jardin est mentionnée dans l'ouvrage du très sérieux Adam Rayski : Le Choix des Juifs sous Vichy - Entre soumission et résistance. La Découverte, Paris (page 133).

[19] Ecrivain collaborationniste qui restera comme la honte du talent français. Les capacités sont sans cloute, comme disait de Gaulle, des titres de responsabilité ; car un grand style, c'est une arme qui porte.

[20] Auteur, notamment, de La destruction des Juifs d'Europe et de Exécuteurs, victimes, témoins (Folio histoire), les deux grands textes de référence sur la mécanique de la Shoah.

[21] Cité par Daniel J. Goldhagen dans son ouvrage Les bourreaux volontaires de Hitler, disponible en français (Le Seuil).

[22] Henri Massis.

[23] Ce repas avec le Dr Rahn et Laval eut lieu chez les Jardin, à Charmeil. Il est décrit avec mille détails enjoués et paradoxaux par le Zubial dans un chapitre de La Guerre à neuf ans. Mon père le situe lors de l'été 43 à déjeuner mais, dans ce rêve éveillé, il me plaît de l'avancer d'un an ; car cette scène reste l'unique contact entre Pierre Laval et mon papa de neuf ans. De toute façon, le Nain Jaune avait l'habitude de recevoir à son domicile privé les ministres du pire (Krug von Nidda, Achenbach, etc.).

[24] Deux ultra-collaborationnistes.


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