19 Au cœur de la Dague

Au pied de la Dague de Fléau de sa Lignée, les nuits étaient très fraîches, comme il se doit en montagne. Venu des hauts pics couronnés de neige, le vent vous transperçait jusqu’à la moelle des os. Transi de froid, Rand tenta de s’emmitoufler plus étroitement dans sa cape et sa couverture. Mais rien n’y fit, et il passa la plus grande partie de la nuit à ne dormir que d’un œil.

Un jour de plus, pensa-t-il dans cet état second. (Sa main vola jusqu’à la poignée de son épée, qui reposait à côté de lui.) Encore vingt-quatre heures, et on abandonne. Si personne ne se montre demain – que ce soient Ingtar ou les Suppôts des Ténèbres, je conduirai Selene chez elle.

Ce n’était pas la première fois que Rand prenait cette décision. Depuis qu’ils campaient sur les contreforts de la chaîne, surveillant l’endroit où Hurin avait perdu la piste, dans le monde miroir – selon Selene, Fain et ses Suppôts ne pouvaient pas réapparaître à un autre endroit –, il se répétait au moins dix fois par jour qu’il ne fallait pas traîner. Mais Selene venait lui parler du Cor de Valère, de sa mission et de la grandeur qui l’attendait – tout ça en posant une main sur son bras – et il lui suffisait de la regarder dans les yeux pour accepter d’office une nouvelle journée d’attente.

Frissonnant de froid, mais peut-être pas seulement de ça, Rand repensa à la façon dont Selene le regardait, lui serrant le poignet dans sa main si douce et si fine.

Si Egwene voyait ça, elle me tondrait comme un vulgaire mouton, et Selene aurait droit au même traitement. En ce moment, ma promise doit déjà être à Tar Valon, en train d’étudier pour devenir une Aes Sedai. Lors de notre prochaine rencontre, elle voudra probablement m’apaiser…

Alors qu’il s’agitait pour se réchauffer, la main de Rand passa au-dessus de l’épée et vint se poser sur le ballot de Thom. D’instinct, il referma les doigts sur le tissu de la cape.

J’étais heureux à l’époque, même si je devais combattre pour survivre. Pour me payer le gîte et le couvert, je jouais de la flûte dans toutes les salles communes d’auberge. Bon sang ! j’étais trop ignorant pour savoir qu’un piège se refermait sur moi. Mais je n’y peux plus rien, parce que le passé est le passé…

Rand jeta un coup d’œil au ciel. La seule lumière provenait de la lune, pas très loin d’être pleine et toujours assez basse dans le ciel. Faire du feu était une idée de dément… Et même les Suppôts n’étaient pas assez fous pour ça.

Dans son sommeil, Loial murmura une série de mots incompréhensibles. Plus loin, un cheval martelait la terre du bout d’un sabot. Hurin assurait le premier tour de garde. Pour avoir une vue d’ensemble du camp, il était monté un peu en altitude. Très bientôt, il viendrait réveiller Rand pour qu’il le remplace à son poste.

Rand se retourna et se pétrifia. À la lumière encore obscure de l’aube, il reconnut la fine silhouette de Selene. Penchée sur ses sacoches de selle, elle s’apprêtait à en ouvrir les boucles. Avec une lune si claire, la robe blanche était sans doute visible de loin, mais elle ne semblait pas s’en soucier.

— As-tu besoin de quelque chose ? demanda Rand.

La jeune femme se redressa d’un bond.

— Je… Tu m’as fait peur, Rand…

Le jeune homme se releva, laissa tomber au sol la couverture et resserra les pans de sa cape. Approchant de Selene, il lui reprit les sacoches de selle. Comment étaient-elles arrivées là ? Comme tous les soirs, il les avait posées à côté de son épée, avant de s’allonger. Vérifiant les boucles, il constata qu’elles étaient toutes fermées, même celles qui protégeaient l’étendard.

Comment ma survie peut-elle en dépendre ? Si quelqu’un voit cet étendard et le reconnaît, c’est ma mort qui en découlera…

Rand dévisagea soupçonneusement Selene. Elle ne broncha pas, se contentant de soutenir son regard, la lueur de la lune faisant briller ses yeux noirs.

— Je me suis aperçue que je portais cette robe depuis trop longtemps… Je voulais au moins la brosser mais, pour ça, il me fallait un vêtement de rechange. J’ai pensé qu’une de tes chemises conviendrait…

Rand en soupira de soulagement. À ses yeux, la robe était immaculée, mais au moindre grain de poussière Egwene blêmissait et n’avait de cesse tant que l’outrage n’était pas réparé. Si Selene était du même genre…

— Bonne idée…

Ouvrant la sacoche où il avait fourré toutes ses affaires, histoire de faire de la place à l’étendard, il en sortit une de ses chemises de soie blanche.

— Merci…

Les mains de Selene glissèrent dans son dos – sur les boutons de sa robe, comprit Rand. Les yeux ronds, il se détourna vivement.

— Si tu m’aidais, ce serait plus facile…

Le jeune homme se racla la gorge.

— Ce ne serait pas convenable… Si nous étions promis l’un à l’autre…

Cesse de penser à ça ! Tu ne pourras jamais te marier !

— Ce ne serait pas convenable, voilà tout…

Entendant le rire de la jeune femme, Rand frissonna comme si elle venait de laisser courir un doigt le long de sa colonne vertébrale. Le bruit de tissu se plissant qui suivit étant une épreuve de trop pour sa volonté, il décida de parler pour ne plus l’entendre.

— Demain, nous partirons pour le Cairhien.

— Et que fais-tu du Cor de Valère ?

— Si nous nous étions trompés ? Les voleurs ne passeront peut-être jamais par ici… Selon Hurin, il y a des cols à profusion, dans la Dague. Et, s’ils continuent un tout petit peu vers l’ouest, nos ennemis n’auront même pas besoin de traverser la chaîne.

— La piste nous a conduits ici, Rand. Les Suppôts se montreront tôt ou tard, et le Cor sera avec eux. Bien, tu peux te retourner, à présent.

— Tu penses que les voleurs vont arriver, mais…

Quand Rand se fut retourné, les mots moururent dans sa gorge. La robe pliée sur un bras, Selene portait sa chemise blanche. Taillé pour un homme très grand, le vêtement était long, mais Selene avait une taille exceptionnelle pour une femme. En conséquence, le bas de la chemise lui arrivait à peine à mi-cuisses. Ce n’étaient pas les premières jambes de femme que voyait Rand, puisque les jeunes filles, chez lui, remontaient toujours leur jupe pour aller patauger dans les mares du bois de l’Eau. Mais elles renonçaient à cette pratique longtemps avant d’avoir l’âge de se natter les cheveux. De plus, il faisait toujours très sombre dans le bois…

— Mais quoi, Rand ? demanda Selene.

Cette question rompit le sortilège. Se retournant de nouveau, Rand chercha désespérément une réponse convaincante :

— Hum… Eh bien… Je pense que…

— La gloire, Rand, la gloire !

Selene tapota le dos du jeune homme, qui faillit se ridiculiser en poussant un petit cri de pucelle effarouchée.

— Mesures-tu la gloire dont se couvrira le sauveur du Cor de Valère ? Sais-tu à quel point je me sentirai fière de marcher aux côtés d’un homme pareil ? Tu n’as aucune idée des sommets que nous atteindrons ensemble. Si tu possèdes le Cor, tu deviendras le nouvel Artur Aile-de-Faucon. Et…

— Seigneur Rand ! (Hurin entra dans le camp, le souffle court.) Mon seigneur… (Il s’immobilisa brusquement, baissa les yeux et se tordit nerveusement les mains.) Désolé, ma dame… Je ne voulais pas… Il faut me pardonner…

Loial s’assit en sursaut, sa couverture et sa cape glissant à côté de lui.

— Que se passe-t-il ?

Lorsqu’il tourna la tête, avisant enfin Rand et Selene, il écarquilla les yeux. Même à la chiche lumière de la lune, ces deux grandes assiettes – chez un humain, on eût parlé de soucoupes – réussirent à briller comme des phares.

Rand entendit Selene soupirer dans son dos. Toujours sans la regarder, il s’éloigna d’elle.

Ses jambes sont si blanches, si lisses…

— Que se passe-t-il, Hurin ?

Rand détesta le son de sa voix. Était-il furieux contre le renifleur, contre lui-même ou contre Selene ? Quoi qu’il en soit, il prit sur lui de se calmer.

Et je n’ai aucune raison d’en vouloir à Selene…

— Tu as vu quelque chose, mon ami ?

Le renifleur parla sans relever les yeux.

— Un feu, mon seigneur, dans les collines… Au début, je ne l’ai pas remarqué. Les voyageurs ont continué à le garder sous le boisseau, pour le dissimuler. Mais ils se méfient de quelqu’un qui les suit, pas de quelqu’un qui les précède ! Ils campent à un quart de lieue d’ici, seigneur Rand, peut-être un tout petit peu plus loin…

— Fain…, souffla Rand. Ingtar ne se soucierait pas d’éventuels poursuivants…

Certes, mais que faire, à présent ? Ils avaient attendu Fain très longtemps, et maintenant qu’il arrivait la situation ne semblait plus claire du tout…

— Demain matin, nous suivrons les Suppôts… Quand Ingtar et ses hommes nous auront rattrapés, nous leur montrerons la position des fugitifs.

— Ainsi, dit Selene, tu vas laisser le Cor à ce… Ingtar, et lui abandonner la gloire qui va avec !

— Je ne veux pas…

Sans réfléchir, Rand se tourna vers la jeune femme. Elle était là, splendide avec ses longues jambes, aussi peu perturbée de les exhiber que si elle avait été seule.

Non, que si nous avions été seuls. Elle veut l’homme qui retrouvera le Cor.

— Trois hommes ne reprendront pas l’artefact aux voleurs. Ingtar a vingt soldats avec lui.

— Comment peux-tu être sûr de ce que tu avances ? Sais-tu combien de Suppôts accompagnent ton Fain ? Puisque nous y sommes, qui nous dit que le Cor est dans le camp repéré par Hurin ? Tu devrais aller voir, Rand. C’est la seule solution. Prends l’alantin avec toi. Comme tous ses semblables, il doit avoir une excellente vision nocturne. Et si tu accomplis un exploit, il est assez fort pour porter le Cor dans son coffre.

Elle a raison… Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de Fain.

Si ce n’était pas lui, il fallait à tout prix éviter que les quatre poursuivants soient éparpillés dans la nature lorsque les vrais Suppôts des Ténèbres arriveraient.

— J’irai seul, Selene… Hurin et Loial resteront ici pour veiller sur toi.

Selene eut un rire de gorge, puis elle approcha, dansant plus qu’elle marchait, son beau visage auréolé de mystère par la lumière blafarde de la lune. Un mystère qui la rendait encore plus belle, bien entendu…

— Elle a raison, Rand, dit Loial en se levant. J’y vois bien mieux la nuit qu’un humain, et ça nous permettra peut-être d’approcher moins, donc de réduire les risques.

— Très bien, capitula Rand.

Il ramassa son épée et boucla le ceinturon d’armes à sa taille. L’arc et le carquois l’attendraient ici. Dans le noir, ces armes ne serviraient à rien. De plus, Rand avait l’intention d’espionner, pas de se battre…

— Hurin, montre-moi donc ce feu.

Le renifleur guida son seigneur jusqu’à l’excroissance rocheuse qu’il avait choisie pour lui tenir lieu de nid-de-pie terrestre. Le feu n’étant qu’une étincelle dans la nuit, Rand dut s’y reprendre à deux fois pour le repérer. De fait, les voyageurs avaient pris beaucoup de précautions pour qu’on ne voie rien. Mais ils n’avaient pas pu prévoir qu’on les observerait d’en haut.

Rand grava dans sa mémoire la position des flammes.

Lorsqu’il revint au camp avec le renifleur, il constata que Loial avait déjà sellé Rouquin et sa propre monture. Alors qu’il enfourchait son cheval, Selene lui prit la main au vol.

— N’oublie pas la gloire…, souffla-t-elle. Ne l’oublie pas !

La chemise allait de mieux en mieux à la jeune femme, comme si elle s’adaptait à ses délicieuses formes.

Rand inspira à fond et dégagea sa main.

— Hurin, tu répondras de sa vie sur la tienne ! En route, Loial !

Rouquin ouvrit la marche et la monture à long poil de l’Ogier lui emboîta le pas.

Les deux amis ne tentèrent pas d’aller vite. Au milieu de la nuit, les ombres projetées par la lune compliquant encore les choses, le moindre faux pas pouvait conduire à une catastrophe. Très vite, Rand ne distingua plus le feu, sans doute parce qu’il était très bien caché lorsqu’on ne le surplombait pas. Ayant mémorisé sa position, Rand était certain de le retrouver sans mal. Pour quelqu’un qui avait appris la chasse dans le labyrinthe du bois de l’Eau, l’affaire n’était pas bien compliquée.

Et après, que faire ?

Avoir à ses côtés une femme comme Selene, fière de l’exploit de son homme, n’aurait déplu à personne, non ?

— Loial, demanda soudain Rand, que veut dire ce terme, alantin ?

— C’est de l’ancienne langue, Rand…

Le cheval de l’Ogier avançait d’un pas hésitant. Pourtant, son maître le guidait avec autant d’aisance que s’il avait fait jour.

— Ce mot signifie « frère »… C’est une référence à tia avende alantin. Le Frère des Arbres… C’est un titre très protocolaire, mais j’ai toujours entendu dire que les gens étaient portés sur le protocole, au Cairhien. Les maisons nobles, en tout cas… Le peuple n’est pas du tout comme ça…

Rand eut une moue navrée. Pour une maison noble du Cairhien, un berger ne devait sûrement pas faire un gendre acceptable.

Par la Lumière ! Mat a raison à ton sujet ! Tu es complètement fou, et ta tête enfle un peu plus chaque jour.

Certes, mais si je pouvais épouser…

Rand eut tellement envie de cesser de penser que le vide l’envahit sans qu’il l’ait invoqué. À partir de cet instant, ses idées lui parurent lointaines, comme si elles appartenaient à quelqu’un d’autre. Bien entendu, le saidin lui fit son étrange parade de séduction maladive. Serrant les dents, Rand fit comme si de rien n’était. Même si ça revenait à tenter d’ignorer la présence dans sa tête d’un tison ardent, il parvint à tenir au moins la menace en respect. De justesse, cependant. Tellement de justesse, en fait, qu’il faillit renoncer au vide. Mais des Suppôts des Ténèbres et des Trollocs rôdaient dans la nuit, et il avait besoin du calme – si « maladif » fut-il – que lui procurait son cocon.

Rien ne m’oblige à toucher le saidin. Rien du tout !

Rand chevaucha encore un peu, puis il tira sur les rênes de Rouquin. Les deux cavaliers étaient arrivés au pied d’une colline au flanc semé d’arbres qui se découpaient comme des silhouettes de cauchemar sur le fond noir du ciel.

— Nous ne devons plus être très loin, dit le jeune homme. Il vaut mieux faire le reste du chemin à pied.

— Tu vas bien ? demanda Loial en mettant pied à terre. À t’entendre, on penserait le contraire…

— Non, pas de problème, répondit Rand d’une voix qui lui parut étranglée. (Le reflet de son trouble, depuis que le saidin l’appelait ?) Sois prudent, mon ami… Je ne peux rien dire de précis, mais ce feu de camp peut être n’importe où devant nous. Moi, je parie pour le sommet de la colline.

L’Ogier l’approuva du chef.

Très lentement, Rand se glissa d’arbre en arbre, attentif à chaque endroit où il posait un pied. Pour éviter de percuter un tronc d’arbre, il tint le fourreau de son épée contre sa jambe. En cas d’approche furtive, la rareté de la végétation était un avantage, car on risquait moins de faire craquer une brindille sous ses bottes.

Telle une ombre géante, Loial le suivait en silence. Dans l’obscurité, Rand ne voyait de l’Ogier qu’une silhouette aux contours mal définis. Tout le reste était comme une bouteille d’encre…

Soudain, un jeu de lumière sans doute dû à un caprice de la lune révéla ce qui se trouvait devant le jeune homme. Dans une clairière, une série de petits monticules signalaient la présence d’hommes endormis. Un peu à l’écart, de plus grands monticules indiquaient la présence de Trollocs. Bien que le feu du camp eût été étouffé, un rayon de lune vint jouer un instant sur un objet auquel il arracha des reflets d’or et d’argent. Un court instant, Rand vit clairement la scène. Un homme dormait à équidistance des deux groupes. Les reflets venaient du coffre qui attendait sur le sol non loin de lui. Au milieu de l’or et de l’argent dansait une luciole rouge.

Le Cor dans son coffre ! Et la dague doit être posée dessus.

Un des énormes battoirs de Loial vint se plaquer sur la bouche de Rand, dépassant largement sur son nez et son menton. Le jeune homme se tordit le cou pour regarder son ami. Très lentement, pour ne pas trahir leur position, l’Ogier désigna quelque chose, sur leur droite. Rand ne vit d’abord rien, puis il capta le frémissement d’une ombre. Une grande silhouette, tout en muscles, et dotée d’un museau en guise de bouche. Un Trolloc, la tête levée comme s’il humait le vent. Certains monstres chassaient à l’odeur…

En Rand, le vide menaça de se dissiper.

Mais quelqu’un bougea dans le camp des Suppôts, et le Trolloc tourna la tête dans cette direction.

Rand se pétrifia et se laissa envahir par le calme supérieur que lui procurait le vide. Sa main reposait sur la poignée de son épée, mais il en avait à peine conscience. Rien ne comptait, à part le vide. Et, pour la suite des événements, ce qui devait arriver arriverait. Sans ciller, Rand suivit du regard le manège du Trolloc.

Le monstre observa encore un moment le camp, puis il se laissa tomber sur le sol, le dos appuyé à un arbre. Presque aussitôt, un bruit grinçant retentit.

— Il s’est endormi et il ronfle déjà…, souffla Loial à l’oreille de son ami humain.

Rand acquiesça. Tam lui avait dit que les Trollocs étaient paresseux par nature. À part quand il s’agissait de tuer, ils étaient partisans du moindre effort, sauf quand la peur les contraignait à se remuer.

Le jeune homme se tourna vers le camp.

Rien n’avait bougé. Aucun rayon de lune ne frappait plus le coffre, mais Rand avait enregistré sa position. Dans sa tête, sous la lueur du saidin, il voyait encore les petits points d’or et d’argent – avec l’unique étincelle d’un rubis pour mieux le motiver. Le Cor de Valère et la dague qui sauverait Mat étaient enfin retrouvés.

L’image mentale de Selene se superposait parfois à celle du coffre. L’option la plus raisonnable était de suivre les Suppôts de Fain le lendemain, en attendant l’arrivée d’Ingtar et de ses hommes. À supposer que l’officier n’ait pas abandonné sa quête…

Non, il ne fallait pas laisser passer une occasion pareille ! La gloire était à portée de main… et Selene attendait son héros non loin de là.

Après avoir fait signe à Loial de l’imiter, Rand se laissa tomber sur le sol et entreprit de ramper jusqu’au coffre. L’Ogier émit ce qui devait être une protestation étouffée, mais le jeune homme n’envisagea pas une seconde de lui accorder une once d’attention.

Des suppôts dormaient sur sa gauche et des Trollocs sur sa droite. Mais, un jour, il avait vu Tam approcher assez d’un cerf pour lui poser les mains sur les flancs avant qu’il ait eu le temps de bondir. Comme pour bien d’autres choses, Rand s’était efforcé d’apprendre tout ce que Tam voulait bien lui transmettre.

Mais là, tu deviens fou à lier !

Encore une fois, cette pensée ne sembla pas appartenir à Rand, mais à un étranger qu’il ne portait pas dans son cœur.

Se glissant sans un bruit jusqu’au coffre – enfin, jusqu’à l’endroit où il était sûr de le trouver –, Rand tendit un bras et passa le bout des doigts sur des ornements en relief qu’il reconnut aussitôt. C’était bien l’étui qui contenait le précieux instrument. Et, en continuant son exploration, Rand sentit contre sa peau le contact d’une pointe acérée. Celle de la dague, qui ne reposait pas dans son fourreau.

Se souvenant du mal qu’avait contracté Mat, Rand recula d’un bond et sa réaction violente troubla un instant la quiétude du vide.

L’homme qui dormait près du coffre, tous les autres en étant très loin, marmonna dans son sommeil et tira sur ses couvertures.

Rand permit au vide de chasser les mauvaises pensées et la peur. Sans cesser de murmurer, mais plus paisiblement, le dormeur sembla se calmer.

Rand reposa sa main près de la dague, sans pour autant la toucher. Au début, l’arme n’avait pas nui à Mat. Pas de manière visible, en tout cas. Et pas très rapidement non plus. La prenant entre le pouce et l’index, il souleva l’arme, la glissa à la hâte dans sa ceinture et la lâcha comme si limiter au maximum le contact avec sa peau nue pouvait être une garantie.

Et si c’était le cas pour de bon ? Sans la dague, Mat était condamné, et Rand la sentait, à sa ceinture, assez lourde pour être une présence oppressante et douloureuse. Mais grâce au vide, et à la distorsion des perceptions, le malaise se dissipa vite.

Rand regarda brièvement l’ombre du coffre. Le Cor devait être dedans, mais il ne savait pas comment l’ouvrir – pour vérifier – et il était incapable de soulever cette masse du sol. Cherchant Loial du regard, le jeune homme vit qu’il était accroupi près de lui, tournant la tête régulièrement pour surveiller d’un côté les Suppôts endormis et de l’autre les Trollocs tout aussi inconscients.

Même en pleine nuit, on voyait bien que les yeux de Loial méritaient d’être comparés à des assiettes, pas à des soucoupes. Y compris quand il ne les écarquillait pas, au contraire de la minute présente.

Rand prit le poignet de son compagnon.

L’Ogier sursauta et faillit crier. Plaquant un index sur ses lèvres, Rand guida la main de son ami jusqu’au coffre, puis il fit dans le vide le geste de soulever quelque chose. Pendant une fraction de seconde qui sembla durer une éternité, dans de telles circonstances, l’Ogier parut ne pas avoir compris. Puis il entoura le coffre de ses bras puissants et se redressa sans paraître fournir un très gros effort.

Encore plus attentif qu’à l’aller, Rand emboîta le pas à son ami. Les deux mains sur la poignée de son épée, il observa les Suppôts et les Trollocs endormis. Peu à peu, tous ces monticules se fondirent dans les ténèbres.

Encore un petit effort, et nous aurons réussi !

À cet instant, le type qui dormait près du coffre se leva d’un bond en beuglant :

— Debout, vermine ! On nous l’a volé ! Vous entendez, bande d’imbéciles ?

Même dans son cocon, Rand reconnut la voix de Fain.

Partout dans le camp, des Suppôts et des Trollocs émergèrent du sommeil et voulurent savoir ce qui se passait.

Fain laissa exploser sa rage :

— Je sais que c’est toi, al’Thor ! Tu te caches dans les jupes de la nuit, mais je sens ta présence ! Trouvez-le ! Trouvez-le !

Les humains et les monstres se déployèrent dans toutes les directions.

Toujours dans son cocon, Rand continua d’avancer. Alors qu’il l’avait presque oublié depuis qu’il était entré dans le camp, le saidin l’appelait, plus séducteur que jamais.

— Il ne peut pas nous voir, souffla Loial. Dès que nous aurons rejoint les chevaux…

Un Trolloc à bec d’aigle se campa soudain devant les fugitifs, son épée incurvée fendant déjà l’air devant eux.

Rand réagit d’instinct, ne faisant plus qu’un avec son arme. La Danse du Chat sur un Mur…

Le Trolloc s’écroula en hurlant, mais il mourut avant d’avoir touché le sol.

— Cours, Loial ! s’écria Rand. Cours !

Alors que le saidin l’appelait de plus en plus fort, il eut vaguement conscience que l’Ogier s’élançait au pas de course. Un Trolloc se matérialisa derrière lui, sa hache de guerre déjà levée. Se laissant toujours guider par son instinct, Rand attaqua le monstre au museau et aux défenses de sanglier.

Il fallait que l’Ogier rapporte le Cor en sécurité !

Plus grand et plus large que Rand, le Trolloc abattit son arme comme s’il s’attendait à éliminer en un clin d’œil le moucheron qui s’en prenait à lui.

La Courtisane qui Agite son Éventail…

Cette fois, le monstre n’eut même pas le temps de crier. Marchant à reculons, Rand couvrit la retraite de Loial. En lui, le saidin chantait une mélopée lancinante.

Le Pouvoir carboniserait Fain et sa bande de Suppôts et de monstres… Non, non !

L’un à gueule de loup et l’autre à tête de bélier, deux nouveaux Trollocs passèrent à l’attaque.

Le Lézard dans le Prunellier.

Rand se releva souplement alors que sa deuxième victime – le bélier – basculait en avant, ses cornes lui frôlant l’épaule. À chaque nouveau triomphe, la chanson du saidin se faisait plus insistante, comme si elle espérait le manipuler en tirant sur les milliers de fils de soie qui les liaient l’un à l’autre.

Carbonise-les tous avec le Pouvoir de l’Unique !

Non, non ! Plutôt mourir que revivre cette épreuve. Si je n’étais déjà plus de ce monde, j’aurais la paix depuis des jours…

Trois ou quatre Trollocs couraient dans la nuit, cherchant à l’évidence une cible. L’un d’eux repéra Rand, poussa un cri de guerre et chargea. Après une brève hésitation, ses camarades lui emboîtèrent le pas.

— Finissons-en ! cria Rand.

Il contre-attaqua à la vitesse de l’éclair. Surpris, les monstres ralentirent le pas, puis ils chargèrent de plus belle en hurlant. Au rythme de la musique du saidin, Rand dansa avec eux un ballet de mort.

Le Baiser du Colibri à la Rose Jaune. Le Chat sur du Sable Brûlant…

La chanson ne faisait désormais plus qu’un avec Rand, qui ne sentait plus sa lame comme un objet extérieur mais comme une extension de son corps. Se battant comme si l’épée de Tam pouvait tenir le saidin à distance, Rand exécuta une des figures les plus dévastatrices.

Le Héron Déploie ses Ailes.

Émergeant de sa transe, le jeune homme regarda les quatre cadavres qui gisaient autour de lui.

— Plutôt mourir que revivre cette épreuve…, murmura-t-il.

Levant les yeux, il les riva sur le sommet de la colline où était toujours Fain avec le gros des Suppôts et des Trollocs. Bien trop d’adversaires pour l’emporter. Un défi impossible à relever. Eh bien, justement, il allait le relever.

Il fit un pas en direction de la délivrance.

— Rand, reviens ! cria Loial, sa voix dérivant dans le vide jusqu’à la conscience occultée de Rand. Au nom de la vie et de la Lumière, ne fais pas ça !

Très lentement, Rand se pencha pour essuyer sa lame sur le manteau d’un monstre mort. Puis, calmement, comme si c’était la fin d’une séance d’entraînement avec Lan, il rengaina l’épée au héron.

— Rand ! insista l’Ogier.

Même s’il savait que rien ne pressait, Rand rejoignit son ami près des chevaux. Après avoir glissé dessous sa cape plusieurs fois pliée, pour improviser un socle plat, Loial était en train d’attacher le coffre sur sa selle.

Le saidin s’était tu. La lueur maladive était toujours là, mais Rand parvenait à contenir ses assauts. Sans bien comprendre ce qui se passait, il laissa disparaître le vide.

— Je crois que je deviens fou…, dit-il.

Prenant soudain conscience de l’endroit où Loial et lui étaient, il se retourna et sonda la pénombre. Des cris montaient d’une bonne dizaine de directions, preuve que leurs ennemis avaient organisé une battue. Mais sans avoir trouvé de piste, en tout cas pour l’instant.

Rand sauta en selle.

— Parfois, quand tu parles, je ne comprends même pas un mot sur deux. Rand, pour devenir fou, si tu attendais que nous ayons rejoint dame Selene et le renifleur Hurin ?

— Comment comptes-tu chevaucher, avec ce truc sur ta selle ?

— Je vais courir !

Joignant le geste à la parole, l’Ogier détala en tenant son cheval par la bride.

Le rythme qu’il adopta valait le trot de n’importe quel cheval. Rand aurait parié qu’il ne tiendrait pas longtemps, et il aurait perdu… Quand il prétendait pouvoir battre un étalon, Loial ne se vantait peut-être pas, tout compte fait. De temps en temps, il se retourna sans ralentir, histoire de voir ce qui se passait, mais les Suppôts et les Trollocs ne se montrèrent jamais.

Lorsque le sol commença à monter, l’Ogier ne daigna pas ralentir, et il finit par entrer triomphalement dans le camp – à peine essoufflé, malgré l’exploit qu’il venait d’accomplir.

— Tu l’as ! s’écria Selene quand elle vit le coffre attaché sur la selle du cheval géant.

La jeune femme avait remis sa robe, qui semblait plus immaculée que de la neige.

— Je savais que tu ferais le bon choix… Rand, je peux le voir ?

— Seigneur, les Suppôts te poursuivent ? demanda nerveusement Hurin. (Son regard se posa un instant sur le coffre, mais il ne put s’empêcher de tourner la tête vers le camp adverse.) Si c’est le cas, nous ne devons pas traîner…

— Personne ne nous a suivis… Hurin, perche-toi sur une saillie rocheuse et tente d’évaluer la situation… (Alors que le renifleur obéissait, Rand sauta à terre.) Selene, je ne sais pas ouvrir ce coffre… Et toi, Loial ?

L’Ogier secoua la tête.

— Je vais essayer…, souffla Selene.

Même pour une femme de sa taille, la selle de Loial était anormalement haute. Mais elle parvint à poser les doigts sur les motifs qui ornaient le coffre. Un « clic » retentit et la jeune femme souleva le couvercle.

Alors qu’elle se dressait sur la pointe des pieds pour s’emparer de l’instrument, Rand tendit une main par-dessus son épaule et sortit le Cor de Valère de son étui. S’il l’avait vu une fois, il ne l’avait jamais touché. À part ça, que dire ? Bien que d’une excellente facture, le Cor n’avait rien qui signalât un pouvoir hors du commun ou un âge exceptionnel. Un Cor doré orné d’inscriptions en argent autour du pavillon – rien d’extraordinaire, sinon que les lettres incrustées semblaient capturer les rayons de lune…

Tia mi aven Moridin isainde vadin, murmura Selene. « Et le repos des morts sera troublé… » Rand, tu seras un plus grand homme qu’Artur Aile-de-Faucon !

— Je vais rapporter cet artefact au seigneur Agelmar, à Fal Dara.

Il devrait être à Tar Valon, mais je ne veux plus rien avoir affaire avec les Aes Sedai. Qu’Agelmar ou Ingtar se chargent de le leur livrer…

— C’est de la folie ! s’indigna Selene.

Rand sursauta, blessé par ce mot.

— Folie ou pas, c’est ma décision… Selene, je te l’ai dit, la gloire m’est indifférente… Il fut un temps où c’était… Eh bien, je croyais que ça m’intéressait et je désirais des choses qui…

Par la Lumière ! elle est si belle ! Egwene… Selene… Je suis indigne de l’une comme de l’autre…

— Depuis, quelque chose s’est emparé de moi…

Le saidin m’a attaqué, mais je l’ai repoussé avec une épée. Ou est-ce aussi de la folie ?

— La place du Cor est au Shienar. Sinon, le seigneur Agelmar saura que faire…

Sur ces entrefaites, Hurin revint de sa mission de repérage.

— Le feu brûle de nouveau, seigneur, et il est beaucoup plus grand ! J’ai entendu des cris, dans les collines, mais personne n’approche de notre position.

— Tu m’as mal comprise, Rand, dit Selene. Tu ne peux plus reculer. Ces Suppôts des Ténèbres ne disparaîtront pas simplement parce que tu leur as repris le Cor. Sauf si tu les tues jusqu’au dernier, ils te poursuivront inlassablement. Comme tu l’as fait !

— Non ! cria Rand. (Loial et Hurin le regardèrent, surpris par sa véhémence.) Enfin, je veux dire… Non, je ne vois pas comment les tuer tous. Si ça ne tient qu’à moi, ils vivront éternellement.

Selene secoua la tête, faisant onduler sa longue et belle crinière.

— Dans ce cas, tu ne peux pas rebrousser chemin… Il te faut avancer, Rand ! Tu seras à l’abri des murs de Cairhien longtemps avant d’avoir pu rallier le Shienar. L’idée de passer quelques jours de plus en ma compagnie t’est-elle insupportable ?

Rand regarda le coffre. La compagnie de Selene n’avait rien d’insupportable mais, près d’elle, il ne parvenait pas à s’empêcher de penser à des… bêtises. Cela dit, vouloir retourner au Shienar revenait à s’exposer aux assauts de Fain et de ses sbires. Sur ce point, la jeune femme avait raison Le colporteur n’abandonnerait jamais. De plus, si Ingtar continuait vers le sud – ce qu’il ferait sûrement –, il arriverait tôt ou tard à Cairhien…

— D’accord pour ton pays… Tu devras me montrer où tu vis, Selene, parce que je ne suis jamais venu chez toi…

Rand reposa le Cor et fit mine de refermer le coffre.

— Tu as pris autre chose aux Suppôts, je crois… N’as-tu pas parlé d’une dague ?

Comment ai-je pu oublier ?

Rand se désintéressa du coffre et tira la dague de sa ceinture. La lame était incurvée et les quillons représentaient des serpents dorés. Un rubis rouge ornait le pommeau. À la lueur de la lune, il semblait un peu démoniaque mais, à part ça, la dague souillée ressemblait à une arme normale.

— Sois prudent, dit Selene. Surtout, ne te coupe pas avec.

Rand eut des frissons glacés à cette idée. Si porter la dague était dangereux, quel mal pouvait faire une coupure ?

— Cette arme vient de Shadar Logoth, annonça-t-il. Elle est souillée comme la cité fantôme, et sa corruption se transmet à quiconque la garde sur lui trop longtemps. Sans la thérapie des Aes Sedai, cette « infection » est mortelle…

— C’est ça qui ronge Mat…, murmura Loial. Je ne m’en suis jamais douté…

Hurin baissa les yeux sur l’arme, puis il s’essuya nerveusement les mains sur le devant de son pantalon.

— Aucun de nous ne doit la toucher plus souvent qu’il est nécessaire, reprit Rand. Je vais trouver un moyen de la transporter…

— Cette arme est dangereuse ! s’écria Selene, révulsée par les serpents comme s’ils étaient vrais. Jette-la ! Laisse-la ici ou enterre-la, si tu ne veux pas contaminer d’autres innocents. Mais ne l’emporte pas !

— Mat en a besoin !

— Le risque est trop élevé. Tu l’as dit toi-même.

— Mat en a besoin… La Chai… Les Aes Sedai ont dit qu’il mourra si l’arme n’est pas incluse dans le protocole de guérison.

Ces femmes tiennent Mat, pour le moment, mais la dague tranchera net leur lien. Tant que j’aurai le Cor et surtout la lame, elles pourront tirer sur leurs ficelles, mais ça ne durera pas éternellement !

Rand posa la dague dans le coffre, le long de la partie incurvée du Cor – la place était juste suffisante – et referma le couvercle.

— Voilà qui devrait nous protéger…

En fait, il l’espérait sans trop y croire. Mais, comme aurait dit Lan, dans les moments de doute il convenait de faire montre d’une grande assurance.

— Le coffre nous protégera sûrement, approuva Selene. Et maintenant, j’aimerais bien finir ma nuit…

— Non, nous sommes trop près de Fain, qui semble avoir le don de me repérer…

— Si tu as peur, recours à la Fusion, conseilla Selene.

— Au matin, je veux être aussi loin que possible des Suppôts et des Trollocs. Je vais me charger de seller ta jument.

— Tête de mule ! s’écria Selene.

Elle semblait vraiment furieuse. Quand Rand la regarda, elle le gratifia d’un sourire qui ne se communiqua jamais à ses yeux.

— Cela dit, un homme têtu présente des avantages, parfois…

Selene ne précisa pas sa pensée, au grand dam de Rand. Les femmes pratiquaient beaucoup le non-dit et, selon son expérience limitée, c’était justement ce qu’elles taisaient qui provoquait le plus de problèmes.

Tandis qu’il harnachait la jument, elle le regarda en silence.


— Réunis-les tous ! cria Fain.

Le Trolloc au museau de chèvre recula prudemment. Le feu copieusement alimenté en bois éclairait désormais presque tout le sommet de la colline. Craignant de s’égarer dans les zones d’ombre avec les Trollocs survivants, les Suppôts se massaient près des flammes.

— Je veux voir tous ceux qui ont survécu… S’ils essaient de s’enfuir, dis-leur qu’ils finiront comme celui-là…

Fain désigna le Trolloc qui finissait d’agoniser sur le sol rouge de sang. Cet impudent avait osé annoncer à Fain que Rand al’Thor était introuvable, et il l’avait payé de sa vie.

— File ! ordonna le colporteur.

Le monstre ne se le fit pas dire deux fois.

Fain jeta un regard méprisant aux humains – qui pouvaient cependant encore lui servir – puis il tourna la tête vers la Dague de Fléau de sa Lignée. Dans ces montagnes, al’Thor se cachait comme un rat. Avec le Cor. Une idée révoltante !

Fain n’aurait su dire où se tapissait son ennemi, mais il savait dans quelle direction générale le chercher. Du « cadeau » du Ténébreux, il lui restait au moins ce don… Il s’était volontairement abstenu d’y penser, jusqu’à la disparition du Cor. Le vol du Cor ! Dès cet instant, al’Thor l’avait attiré comme un morceau de viande crue attire un chien affamé.

— Mais je ne suis plus un chien ! Non, plus un chien ! (Autour du feu, ses sbires s’agitèrent nerveusement, mais il les ignora.) Tu paieras pour tout ce qui m’a été infligé, al’Thor ! Le monde entier paiera ! (Il éclata d’un rire de dément.) Oui, le monde entier !

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