TROISIÈME REPRISE

1

L’appartement est vieux, classique, sale et d’un confort modeste. J’ignore si Mario enfouillait beaucoup d’artiche, mais dans ce cas il ne le collait pas sur ses murs, car le papelard de la tapisserie date d’un siècle indéterminé et lointain. Tout est passé, pisseux et triste… Ça renifle le renfermé, l’homme seul, l’avarice…

— Il n’avait pas des goûts de luxe, ton ex-beauf, noté-je.

Pinaud s’arrête devant chaque meuble en reniflant les remugles de la belle époque (dite, pour lui : nœuds papillons). Moi, plus direct, je les inventorie… Je déniche le bric-à-brac habituel d’un appartement. C’est sans intérêt ; aussi n’accordé-je à ces babioles qu’un coup d’œil sommaire. Je « fais » la salle à manger-salon. Pièce attendrissante par son rococo, ses plantes vertes jaunies, ses cache-pots de cuivre, ses vieux napperons brodés, bouffés aux mites. Les meubles sont auréolés de taches de vin ; le parquet n’a pas été ciré depuis le divorce de Mario, et la poussière agglomérée a rendu les vitres de la croisée à peu près opaques. Je passe ensuite dans la chambre à coucher. Il faut vraiment que Soupin ait eu de la peau de sauciflard dans les carreaux pour ne pas comprendre qu’il s’est passé céans des choses pas catholiques.

D’abord l’absence de la descente de lit met sur le parquet un grand rectangle brillant, ensuite, il est aisé de trouver des taches brunes dans la poussière. Je suppose que, la nuit du meurtre, ces taches devaient être rouges. Oui, décidément, ce docte Soupin aurait eu intérêt à s’engager dans la Légion étrangère plutôt que dans la police.

Pinaud est sur mes talons. Il me désigne le lit capitonné, dont le satin troué bave son crin sans retenue.

— Cette chambre, fait-il, c’était l’oncle Girard qui la leur avait offerte. Il était riche à l’époque : grosse propriété en Algérie…

Je lui fais signe de la boucler. Sa voix monocorde m’empêche de gamberger convenablement. Et je sens que la solution du problème se trouve dans cette pièce. C’est ici qu’on a buté Mario… Pourquoi ?

Le meurtre n’était pas prémédité puisqu’il a été tué avec un objet se trouvant chez lui… Donc, son interlocuteur et lui se sont attrapés au cours d’une discussion. Le premier a cramponné ce qui lui tombait sous la pogne, c’est-à-dire le fameux coupe-papier de la tante Adèle. Il a fracassé le dôme de Mario et s’est taillé…

Il était tellement pressé qu’il n’a pas même fermé la porte…

Pourquoi se sont-ils pris de bec, les deux zouaves ? That is the question…

Je me gondole en songeant à la tête qu’a dû faire le meurtrier, le lendemain, en apprenant que Josephini était tombé de sa fenêtre. Il a dû ne rien piger à la chose… Ou bien il s’est dit que sa victime n’était pas morte, qu’elle s’était redressée après son départ, avait gagné la fenêtre pour appeler au secours, et avait basculé…

Je m’agenouille au bord du lit et j’examine attentivement le dessus du pieu. Je découvre quelques poils blancs, longs et souples.

Je les place dans mon porte-cartes aux fins d’expertise. Pinaud, lui, a disparu. Il fouinasse dans la cuisine. Soudain, il s’exclame :

— Il lui en reste encore !

— De quoi ? m’informé-je.

— De la Bénédictine 1860. Le cousin Émile leur en avait donné trois bouteilles. Mario y tenait comme à la prunelle de ses yeux… Il n’en buvait que dans les jours fastes et il n’en offrait pour ainsi dire pas.

Avec dévotion, il considère le fond de bouteille.

— On va y goûter, décide-t-il.

Tandis qu’il cherche des verres dans le buffet, je zyeute l’évier encombré de vaisselle sale. Il y a, par-dessus l’édifice, deux petits verres à liqueur. Je les renifle, tous deux fleurent la Bénédictine.

— La boutanche était sur la table ? je demande à Pinuche.

— Oui…

J’examine les verres. L’un d’eux porte des traces de rouge à lèvres. Un rouge plutôt mauve, du reste. Ces traces et les quelques poils de fourrure m’introduisent à penser (comme dirait Bérurier) que Mario a reçu ici une poupée peu de temps avant sa mort.

La fille blonde dont m’a parlé le petit champion ? Probablement. Le rouge à lèvres est un rouge de blonde et les poils de la fourrure sont blancs.

Nous éclusons le restant de la Bénédictine. Je n’ai pas un amour démesuré pour les liqueurs, mais je dois reconnaître que celle-ci était de First quality. Je comprends que Josephini en ait été avare. Cela m’amène à conclure que la gonzesse avec laquelle il a lichetrogné un godet était dans ses faveurs. Peut-être qu’il se l’embourbait ?

Nous poursuivons notre perquise en règle. Dans un tiroir de la commode, située dans le couloir, je déniche un passeport au nom de Mario Josephini. Il est constellé de visas. J’examine le truc en détail et je constate que le manager a fait de fréquents voyages à l’étranger, ce qui est normal pour un garçon possédant une importante écurie de boxeurs. Il se rendait beaucoup en Angleterre, Italie, Belgique et Allemagne… Le mois précédent, si je m’en réfère à son passeport, il est allé en Afrique du Sud, au Cap, très exactement. Je crois, en effet, me rappeler qu’il y a eu une grande rencontre internationale de poids légers. Un gars de Josephini, le Français Beppo Seruti allait challenger le Sud-Africain Durran. Je remets le document à sa place. Mario a eu une sale mort, mais il menait une belle vie. Il s’offrait des baths croisières aux frais de ses casseurs de mâchoires. Ses poulains encaissaient les gnons et lui l’artiche, juste répartition.

— Tu as trouvé quelque chose ? demande Pinaud.

— Rien que nous ne sachions déjà…

Je continue de farfouiller, déçu de ne pas dégauchir d’indices bien soi-soi.

— J’aimerais savoir le blaze et l’adresse de la souris blonde qu’il frayait, ton beauf, Pinaud… Tu ne pourrais pas aller dénoyauter la pipelette ? En qualité d’ancien acteur, tu dois avoir des affinités avec une dame du corps de balai…

— Très fin ! grommelle-t-il en se dirigeant vers la porte.

Avant de sortir, il écrase une nouvelle larme devant une statue de plâtre représentant une dame fringuée 1900 et vautrée sur un canapé avec l’air languide de quelqu’un qui réclame son Stérogyl-15.

— La cousine Irma qui l’a offert, celui-ci ? je lance à mon collègue.

Il secoue sa bouille navrante.

— Non, hoquette-t-il, c’est moi.


Lorsque la vieille cloche est barrée, je me sens plus à mon aise. Pour bien gamberger, rien ne vaut la solitude. Voyons, ce soir-là, Mario avait rancart avec Abel (si je me fie aux dires de ce dernier, mais je n’ai rien de mieux à faire pour l’instant).

Donc il l’attendait à une heure industrielle pour parler affure. L’autre visite qu’il a reçue (et qui lui a coûté la vie) n’était certainement pas prévue au programme ; mais il s’agissait de quelqu’un de familier puisqu’il l’a reçu dans sa chambre. De quelqu’un avec qui il ne se gênait pas, puisqu’il l’a emmené boire un glass à la cuisine. Et enfin de quelqu’un qu’il aimait ou pour qui il avait du sentiment puisque, bien qu’étant pingre, il lui a offert de sa chère Bénédictine… Ce quelqu’un était une femme.

J’essaie de piger le topo. Elle se pointe chez Mario à l’improviste, le fait paraît certain. Pourquoi ? parce qu’elle devait avoir besoin de lui… Pour faire l’amour ? Je ne pense pas, c’était pas Casanova, le manager… Sa photo prouverait même qu’il avait plus d’affinités avec King-Kong qu’avec James Steward… La dame venait lui demander autre chose… Peut-être du fric ? Oui, je pencherais pour ça : du blé. Il l’a d’abord reçue gentiment, comme si cette visite était une aubaine inespérée. Puis ils ont passé dans la chambre, la dame s’est assise sur le lit. Mario s’est peut-être même fait reluire ? La dame a demandé ce qu’elle était venue chercher… Il a refusé, ça s’est gâté, elle a chipé le coupe-papier et l’a abattu sur le crâne de Josephini qui est parti directement chez saint Pierre… Alors la dame a biché les jetons et s’est cassée tandis que Dubœuf s’annonçait, tout plan-plan.

Voilà une version du drame qui me paraît plausible, ce qui est déjà bien pour une hypothèse. Il peut y avoir des variantes à l’histoire, mais en gros elle approche certainement de la vérité.

Ce que j’aimerais bien savoir, c’est si la bergère voulait de l’auber. Dans ce cas, elle pourrait en avoir fauché, non ? C’est surprenant que ce vieux grigou n’ait pas un magot chez lui. Les radins aiment bien pioncer sur des jaunets, ça leur file des ondes bénéfiques dans la moelle épinière.

Je soulève le matelas : peau de balle ! Rien non plus sous le lit si ce n’est une poussière abondante. Je palpe le capitonnage du paddock : en vain… Je soulève les quelques gravures et chromos ornant les murs et qui, eux, ont été offerts, non pas par l’oncle Modeste ou la cousine Berthe, mais de façon générale par le chocolat Pupier… Je tombe sur une petite porte de coffre très classique. Vous savez ? Ce genre de niche murale que l’on masque avec un calendrier chez les conseillers fiscaux, et avec une reproduction de Millet dans la haute bourgeoisie.

La porte blindée est fermaga, mais, vous ne l’ignorez plus parce que vous le savez depuis que je vous l’ai révélé (comme dit Chose), pour moi, aucune serrure n’a pas plus de mystère qu’une main de fer dans une culotte de zouave en velours côtelé. Le temps de lire le bulletin météorologique dans votre baveux habituel, et la porte s’ouvre démasquant une ouverture carrée. À l’intérieur, il y a l’habituel petit sac de toile contenant une centaine de louis d’or, qu’on trouve chez tous les Français moyens, et une centaine de mille francs. C’est tout. Ceci, bien entendu, ne représente pas la fortune de Josephini, mais plutôt son hochet. La nuit, quand l’insomnie le tenaillait, au lieu de gober un cacheton sédatif, il devait caresser son jonc…

Pinuche réapparaît sur ces entrefaites.

Il bigle l’ouverture mise à jour.

— Tu as trouvé un trésor ? demande-t-il, l’œil gentiment cupide.

— Un trésor, c’est beaucoup dire, mettons un peu de vaisselle de fouille et n’en parlons plus !

— Fais voir…

Il palpe les louis.

— J’aime bien l’or, fait-il. À la maison, nous avons dix Napoléons. Je ne sais pas si c’est un bon placement, ils baissent !

— Ce ne sont que des Bonaparte, fais-je, laisse-les vieillir…

Je remets le tout en place.

— À propos, bonhomme, c’est la frangine de ta moukère qui hérite ?

— Je ne sais pas, soupire Pinaud. Depuis le temps, il a dû faire son testament, tu parles, ils étaient complètement séparés de corps et de biens et n’avaient plus rien de commun.

— Suppose qu’elle se sache l’héritière de Mario et que ça soit elle qui l’ait refroidi ?

Ma suggestion le sidère.

— Tu débloques ! On voit que tu ne connais pas Marthe ! La douceur même, pas du tout comme ma femme !

Je tranche :

— Tu as parlé à la concierge ?

— Oui…

— Bon, accouche…

— Mario grimpait les roulures du quartier. Toutes les paumées qu’on trouve dans les bars de Saint-Germain y passaient… Mais il les montait chez elles ou en hôtel, il était jaloux de son appartement.

Pinaud fouille les vagues de son pardingue râpé. Il finit par dégauchir un mégot jaune qui ressemble à un cadavre d’insecte Il se l’introduit sous la moustache et allume la brindille de tabac qui subsiste.

— Prends ton temps, fais-je.

Il bat des paupières.

— Tu es toujours sur les nerfs, toi. C’est très mauvais.

Je me retiens de l’invectiver, ne voulant pas retarder davantage son exposé. Car je sais qu’il a autre chose à dire…

— Une seule poule est montée ici, dit-il. Une blonde superbe… Elle est venue avec lui en auto, le mois dernier… Et elle est revenue le jour de sa mort, dans l’après-midi…

Je sursaute…

— Avec des fourrures blanches ?

— Oui, c’est ça… Mario n’y était pas, la concierge lui a conseillé d’aller à sa salle d’entraînement, à Grenelle ; elle lui a donné l’adresse…

— Et…

— Quoi ?

Je hausse les épaules.

— Non, rien, j’interrogerai moi-même la pipelette.

— Je ne pense pas qu’elle t’en dise long après la rebuffade de tout à l’heure ; elle est très vexée, tu sais ?

Je prends le bras de Pinaud :

— C’est pas possible ! Ne me torture pas, ça m’empêcherait de roupiller !

Je m’apprête à le suivre quand je tombe en arrêt devant la glace décorant la cheminée. Elle est aussi mitée que la moustache de Pinaud, mais ça n’est pas elle qui m’intéresse. À gauche et à droite, il y a un clou à tête d’or. Au clou de gauche, une paire de gants de boxe est accrochée, rappelant la profession du défunt. Le clou de droite ne supporte qu’un morceau de lacet. Je m’approche. Ce lacet est élimé comme si on avait tiré dessus et il est attaché par un nœud solide au clou… On dirait qu’une autre paire de gants se trouvait là, faisant logiquement pendant à l’autre, et que quelqu’un d’impatient l’a arrachée de son support.

— Qu’est-ce que tu regardes ? s’inquiète mon collègue, ces gants ?

— Oui…

— Ils te font envie ?

— Je pense que ça serait pratique pour me gratter si un jour j’attrapais des morbacks…

Il rit, ce qui lui arrive rarement, et seulement lorsqu’il est l’auditeur de plaisanteries aussi spirituelles que celle-ci.

— Bon ; amène-toi, fossile…

— Je te serais reconnaissant de respecter mes cheveux blancs, proteste cette digne émanation de la médiocrité française.

— Tu n’as qu’à te les passer à l’Oréal, tes tifs, hé, Crin Blanc ! Allez, éteins les borniques et referme le cadenas tant bien que mal pendant que je vais interviewer miss Poussière dans sa loge !

La minuscule et aigrelette concierge est en train de faire revenir des oignons (qui du reste n’étaient pas partis) dans une cocotte lorsque je m’inscris dans son espace vital.

— Ah ! c’est vous, le mal poli, grommelle-t-elle.

Je sursaute.

— Madame, je viens précisément vous présenter mes excuses… Je ne voulais pas vous blesser, tout à l’heure, mais dans notre métier nous sommes toujours sur les dents et…

Je complète ma phrase par un silence (si je puis dire) lequel silence est harmonieusement souligné par un billet de dix francs. La concierge arrête le gaz sous ses oignons.

— Oh ! monsieur, fait-elle d’une voix qui ressemble à l’ouverture d’un vieux portail… Vous êtes tout excusé.

— Dites-moi, mon collègue m’a parlé de cette dame que vous aviez aperçue en compagnie de Josephini…

— Ah ! La blonde !

— Quel genre avait-elle ?

— Poule entretenue… Des fourrures, des bijoux que j’aurais honte de les porter !

Je réprime une forte envie de rire.

— Jeune ?

— Vingt-cinq ans… Grande, jolie, il faut l’avouer…

Et c’est avec peine qu’elle avoue cela, du reste, cette espèce de balayette pour chiottes pauvres.

— Elle est venue souvent.

— Deux fois. Le mois dernier, et lundi après-midi…

Elle rit.

— Lundi, elle s’est méfiée pour sa voiture, je vous garantis. La première fois, elle l’avait mise carrément devant la porte cochère, je vous demande un peu ! Un agent a verbalisé pendant qu’elle était en haut avec ce pauvre M. Mario… Lundi, elle l’a remisée plus loin, à cheval sur les clous, ces filles se croient tout permis.

— Quel genre de bagnole était-ce ?

— Je ne sais pas… Une auto noire, deux places… Moi, les voitures, vous pensez bien que ça me laisse froide !

Pinaud me rejoint.

Il a l’œil encore humide d’être passé devant la statue de plâtre généreusement offerte à feu Mario.

— Tu y es ? me demande-t-il.

— Oui… Un instant.

Je reviens à ma pipelette :

— C’est le mois dernier que la femme en question est venue, vous êtes certaine ?

— Ben voyons ! Le lendemain du terme ! Je m’apprêtais à aller chez le gérant de l’immeuble avec mes loyers…

— Bon, merci pour le renseignement… Dites-moi encore, lundi, elle ne vous aurait pas dit son nom ?

— Non.

— Et le soir, vous ne l’avez pas vue repasser avec ou sans Mario ?

— Non plus…

— Pourtant vous observez toutes les allées et venues ?

— En général, mais le lundi je vais prendre le café chez ma collègue du 112, Mme Renard… Elle est veuve comme moi et…

La vie de Mme Renard ne m’intéressant pas, je laisse ma cerbère… à ses oignons.

2

Le commissariat du sixième est désert comme l’intérieur d’un tambour lorsque nous débarquons.

Un type qui ressemble plus à une brute qu’à l’inventeur de la bombe H calligraphie des choses empoisonnantes pour quelqu’un, puisque c’est sur des papiers administratifs, en tirant une langue démesurée et sale.

Il a les tifs huileux, des boutons sur le nez, un regard étincelant de connerie et des taches de vin sur sa cravate pourtant lie-de-vin.

— Ce qu’y a ? éructe-t-il au bout d’un long silence volontaire.

— Le commissaire Soupin, fais-je, devançant Pinuche qui s’apprête à déballer sa dernière tranche de vie.

— À quel sujet ?

— T’occupe pas de ça, papa, lui dis-je en lui montrant ma carte.

Il se lève sans joie, ce qui nous permet de constater que sa braguette est ouverte à deux battants, comme l’église de la Madeleine, un jour d’enterrement national.

Il disparaît un instant et revient, plus maussade encore.

— Monsieur le commissaire dit que vous l’attendiez, il est occupé.

Soupin finit par me cavaler sur la membrane avec ses façons de snober. Je lui réserve une drôle de surprise, à ce chéri.

Je pousse la porte battante qui s’ouvre dans le comptoir de bois verni et je me dirige vers la lourde du commissaire.

— Mais je vous ai dit !… gronde le bull-dog, vexé.

Je fais volte-face.

— Moi, je n’ai qu’une chose à te dire : ferme ta bouche et le reste, papa ; because rien d’intéressant ne peut sortir de l’une ou de l’autre !

Pinaud rit comme rirait une chèvre si ces animaux possédaient le propre de l’homme. D’un geste brutal, je délourde le burlingue de Soupin.

Ce gnace a un haut-le-corps et il fronce méchamment les sourcils en m’apercevant. Il a le dessus du dôme nu comme un verre de montre, avec, de chaque côté, une touffe de cheveux copiée sur celle de Zavatta. Son regard est froid, intelligent, et il est nippé avec recherche ; ça a toujours été un grand coquet.

Bien entendu, ce digne fonctionnaire si « occupé » est seulâbre dans son bureau. Pour le quart d’heure, il ligote « Mon Film » sur la couverture de quoi s’étalent les attributs différenciant Sophia Loren de Pauline Carton.

— En plein boum, à ce que je vois ? tonitrué-je.

Il repousse le baveux d’un revers de manche.

— Je t’en prie, en voilà des manières…

— Le prends pas sur ce ton, Soupin. coupé-je. Tu n’as d’un flic que la mégalomanie, sans en avoir les qualités.

— Je ne permettrai pas…

Je m’assieds et je désigne une chaise à Pinuche. Celui-ci, ennuyé par l’algarade, n’ose déposer dessus les deux trucs flasques qui lui servent de fesses.

Soupin est blanc comme un meunier. Son regard distille de la colère à haute fréquence.

Mais sa rage l’étouffe, ce qui me permet de prendre la parole sans crainte d’être interrompu.

— Mon pauvre vieux, dis-je, au lieu de nous chambrer avec tes grands airs, tu ferais mieux d’écrire aux petites annonces du Chasseur Français pour tâcher de trouver une situation quelque part aux D.O.M.

Il flaire quelque chose d’inquiétant et soudain sa bouille flétrie par la colère exprime une espèce d’inquiétude.

— Quand je t’ai tubé, ce matin, au sujet de la mort de Josephini, tu m’as expédié aux prunes en m’affirmant que tu étais certain de son suicide, pas vrai ?

— Et je te le réaffirme ! coupe-t-il d’un ton glacial.

— Et moi, tête de haineux, je t’affirme que j’ai en ce moment, au placard, un zigoto qui reconnaît l’avoir trouvé mort assassiné chez lui et l’avoir balancé par la fenêtre…

— Hein ? Tu plaisantes !

— Et ce type va même plus loin, il jure qu’il était dans l’appartement lorsque tu as fait ton enquête… Il s’était planqué dans la penderie de la salle de bains… Tu parles d’un policier à la mords-moi-le-lobe ! Quand ça va se savoir, tu pourras t’acheter le nouveau Parker pour rédiger ta bafouille de démission. Les petits copains rigoleront tellement fort que tu risques la double perforation des tympans…

Il est de plus en plus pâlichon, Soupin, mais cette fois, c’est à cause de sa traquette. Son battant fait du rabe, croyez-moi. Et pour s’humecter la menteuse, c’est midi…

— Cet homme s’est foutu de toi, murmure-t-il, en désespoir de cause.

— Naturellement ! Il risque d’y aller du cigare pour te faire une vacherie…

— Alors, c’est lui l’assassin !

— C’est ce que je cherche à définir, mais, franchement, je ne le pense pas.

Soupin est vaincu. Il éponge sa rotonde bien que nulle sudation ne l’emperle (ce que je cause bien le français quand je veux !).

— C’est effarant ! conclut-il. Tout cela paraissait tellement simple… La porte fermée au verrou de l’intérieur…

— Un vrai poulardin ne se fie pas aux apparences, mon vieux. Tu aurais pu au moins fouiller l’appartement !

— Je l’ai fait !

— De façon superficielle. Il paraît, aux dires de mon zèbre, que tu aurais soulevé le rideau de la penderie sans écarter les vêtements accrochés ?

— C’est exact…

— Pauvre cloche !

— Je t’en prie !

Pinaud se décide enfin à s’asseoir. Il sort un cancrelat de sa poche et, y ayant mis le feu, nous prouve qu’il s’agit en réalité d’un mégot.

— Tu aurais pu repérer quelques taches de sang qui vont du lit à la fenêtre…

— Je…

Je hausse les épaules.

— Je ne suis pas là pour faire ton procès. Je viens te trouver, au contraire, pour te sauver la mise, si tu veux bien abandonner toutefois tes airs de prince hindou engagé à la Légion.

Ça lui refile de l’oxygène dans les éponges… Il soupire doucement.

— Tu es gentil, San-Antonio, c’est chic de ta part…

— Que veux-tu, je n’ai pas la mentalité « pion »…

— Je t’en suis reconnaissant…

Abandonnant alors le ton cinglant que j’avais adopté, je lui résume ce que je sais de l’affaire et lui explique comment j’ai été amené à m’occuper de ce « suicide ».

— Pour conclure, dis-je, nous en sommes là : ou bien Abel est l’assassin et nous lui cognons dessus jusqu’à ce qu’il l’admette, ou bien il a dit la vérité et nous devons le découvrir. Une nouvelle piste se présente : celle de la femme blonde aux fourrures…

— Un peu romantique, ta nouvelle piste, grommelle cet incorruptible pédant.

Je m’arrête de jacter et le bigle en plein dans les lampions.

— Tu permets…

— Pardon…

— Nous avons un moyen de retrouver la femme… Et de la retrouver très vite…

— Ah oui ?

— Tu ne vois pas ?

— Heu… non.

Pinaud retrouve son rire de chèvre. Il donne le coup de pied en vache (afin de compléter l’étable) à Soupin en déclarant :

— Voyons, la contravention…

Soupin jubile :

— Oh oui, c’est vrai ! Il faut rechercher dans le cahier des procès-verbaux le numéro de la voiture ayant été verbalisée par un de mes hommes devant la porte de chez Josephini… Quelle date ?

— Sans doute le 16 du mois dernier puisque la pipelette affirme que c’était le lendemain du terme.

Soupin appelle :

— Méhu !

Et le scribouillard à la braguette béante radine, hostile et boutonné.

— M’sieur le commissaire ?

— Apportez-moi le cahier des contraventions…

Le calligraphe obéit et bientôt nous feuilletons un registre d’où, j’espère, sortira la lumière…

Soupin vérifie toutes les contraventions du 16 écoulé, mais aucune n’a été relevée rue de l’Université. C’est plutôt moche. Soupin est perplexe.

— Tu es certain que ta concierge ne se goure pas ?

— Elle a affirmé qu’elle a vu le poulet verbaliser alors qu’elle portait le fric du terme au gérant…

Il me vient une idée. Je vais consulter le calendrier accroché au mur et je pousse un grognement disgracieux mais satisfait.

— Attends, le 15, jour du terme, était un dimanche, donc la vieille a encaissé l’article seulement le 16 et c’est le 17 qu’elle a coltiné son blé chez le gérant.

Soupin passe donc au 17. Son doigt racé court de haut en bas sur les pages du registre.

— Là ! s’écrie-t-il, soulagé.

Il lit :

« Stationnement interdit, devant le numéro 47 de la rue de l’Université… »

— C’est bien ça, opine Pinaud (je tiens à souligner au passage l’intérêt euphorique des deux mots « opine Pinaud »).

Il continue à ligoter, Soupin :

— Cabriolet 203 noir, immatriculation : 7811 DD 75.

Je note fiévreusement.

— Bon, avec ça, nous allons avoir quelque chose à nous foutre sous la dent… Téléphone à la préfecture pour savoir le nom du propriétaire…

Soupin s’empresse. En ce moment, je lui demanderais de cirer mes targettes qu’il le ferait sans hésiter, et même il les ferait briller avec sa ravissante pochette de soie !

Il parlemente avec des zigs et raccroche.

— Nous aurons le tuyau d’ici quelques minutes.

J’acquiesce. Pinaud récolte ce qu’il a de tabac en vrac dans sa poche. Il dépose sa moisson plus un morceau de crayon, dans une feuille de papier à cigarette, roule le tout et commence à le fumer. Pendant ce temps, je sonne la Grande Taule. Je réclame Bérurier et je l’obtiens. Il déclare arriver justement de la salle d’entraînement. Pas de renseignements importants… On a remarqué la femme blonde que je cherche car elle était très belle, mais elle est venue peu souvent. Elle n’a pas donné aux habitués de la salle d’entraînement l’impression qu’elle était une camarade de lit à Josephini…

— Autre chose, enchaîne le Gros, l’équipe de dragage qui vient d’opérer entre les deux ponts indiqués a découvert le coupe-papier…

— Bonne nouvelle ; donc Abel ne nous a pas bourré le mou. Fais mettre l’objet au dossier… Tu as prévenu Moras ?

— Oui, il instruit…

J’ai fait exprès de confier l’affaire à ce juge d’instruction. Il est réputé pour sa lenteur, ce qui me donne toute latitude pour continuer à mon compte cette enquête officieuse.

— Dis donc, murmure le Gros, les gars du dragage ont trouvé aussi un vieux bidet, ils demandent ce qu’ils doivent en faire…

— Fais-le livrer chez toi, tu t’en serviras pour mettre des fleurs.

Il raccroche, furax.

Là-dessus, le bignou carillonne illico et le préposé de la préfecture nous dit que le cabriolet 203 appartient à Mme Tania Van Voorne, sujette de sa majesté la reine de Hollande, comme son nom l’indique, laquelle habite à Paris, 124, rue de la Faisanderie.

Je me lève et serre sans chaleur la main manucurée de Soupin.

3

La nuit est bleue comme un paquet de Gauloises, avec, çà et là, des étoiles d’argent, comme dirait mon pote Lamartine qui avait un joli lot de clichés au bout de sa mélancolie. Pinaud marche à mes côtés jusqu’à ma bagnole. Il a les épaules rentrées et la moustache plus effrangée que jamais.

— Que faisons-nous ? demande-t-il.

— Je te dépose à une station de métro, pépère, et tu rentres chez toi donner à ton épouse la preuve qu’on peut être un mâle efficace tout en ayant une gueule en grain de courge !

Il bougonne :

— Toujours courtois, hein ?

Puis, modifiant son visage :

— Que penses-tu de tout ça ?

— De l’affaire ?

— Oui.

— Et toi ?

— Faudrait voir cette femme blonde. Note que je ne crois pas qu’elle ait fait le coup.

Je considère Pinuche avec l’œil du monsieur qui vient de trouver un kangourou adulte dans sa baignoire.

— Vous disiez, baron ?

— Qu’elle n’a pas dû tuer mon beau-frère…

— Par quels chemins sinueux ton minuscule cerveau arrive-t-il à cette sommaire conclusion ?

Pinaud se gratte le crâne et, par conséquence directe, une averse de pellicules choit sur son pardingue.

— Assommer n’est pas un geste féminin… Si elle avait pris le coupe-papier, elle aurait utilisé la lame, et pas le manche, tu comprends ? C’était une sorte d’arme à double…

— Tranchant…

— Non, usage ! Elle pouvait servir de masse et de poignard… Je te le répète, et je te prie de croire ma vieille expérience ; j’ai cinquante-quatre ans et ça fait…

Je mugis :

— Au fait ! Ta vie n’intéresserait même pas un spécialiste des voies urinaires…

— Bon. D’après ma vieille expérience, disais-je, un homme aura vu la matraque dans le coupe-papier, et une femme le poignard… C’est ainsi…

Je réfléchis. Le raisonnement paraît un peu spécieux, mais il tient debout.

— Ta vieille expérience ressemble à une peau de banane, affirmé-je, elle risque de me faire glisser.

Je stoppe à Franklin-Roosevelt.

— Va accomplir ton destin, Pinaud…

Il me touche la main en abandonnant un morceau de son mégot dans ma paume.

— À demain, dit-il.

Je le regarde s’engouffrer dans la bouche béante du métro. Comme je suis en stationnement illicite, un poulardin me fait signe de décarrer. J’obtempère.


Au 124 de la rue de la Faisanderie, il y a, tout autour du numéro, un building de six ou sept étages. J’actionne le bouton de commande de la lourde vitrée, et je pénètre dans un vaste hall carrelé. À droite, un bureau vitré abrite un standard ainsi que la dame qui va avec.

Je m’adresse à icelle :

— Madame Van Voorne, s’il vous plaît ?

— Rez-de-chaussée, porte du fond, près de l’ascenseur.

Voilà bien ma veine. Pour une fois que j’ai à turbiner dans un immeuble avec ascenseur, il faut que la personne qui m’intéresse crèche au rez-de-chaussée ! Enfin, c’est la vie !

Je me propulse jusqu’à la porte indiquée et je me mets à jouer Mambo italiano sur le bouton de sonnette.

Une soubrette affolée vient m’ouvrir. Elle est petite, propre, bête, bretonne et appétissante.

Je lance un regard en forme de grappin sur la protubérance qu’elle pousse en avant.

— Pourrais-je parler à Mme Van Voorne, s’il vous plaît ?

Ayant dit, je lui décoche mon sourire 116 bis, celui qui concerne les gens de maison.

Elle rougit, de confiance, puis hésite.

— Je ne sais pas si Madame est rentrée.

— Si vous ne le savez pas, c’est donc qu’elle est là, affirmé-je.

Elle se trouble comme un verre de Ricard sous la pluie.

— Mais…

— Mettez le grand développement et allez lui dire qu’un ami de M. Josephini voudrait lui parler…

Elle hésite encore, car ses réflexes sont mous comme un chewing-gum d’occasion.

Un nouveau sourire dissout ses ultimes hésitations.

— Je vais voir, fait-elle. Quel nom que vous avez dit, déjà ?

— Josephini…

Elle m’invite à entrer, referme la lourde et me désigne un canapé profond comme une pensée de Pascal.

J’y dépose la partie la moins intellectuelle de ma personne et j’attends le bon vouloir de Mme Van Voorne. Quelques minutes s’écoulent. La soubrette revient me dire que, par un hasard presque miraculeux, Madame vient de rentrer.

Elle m’introduit dans un living délicieusement arrangé dans les mauves et jaune citron. Au mur, un Dufy éclairé par un tube. Sur une console Louis-Chose, un buste d’empereur romain qui ressemble à Bérurier… Bref, de la classe.

Si la dame vient de rentrer, elle a dû avoir un certain succès dehors, car elle est en déshabillé de satin blanc. Elle est plus hollandaise que je pensais et un peu moins jolie que je ne l’espérais… Elle va chercher la quarantaine et la trouve aisément. Elle est grande pour son âge ; d’une blondeur extraordinairement pâle. Elle est mince, avec un contrepoids abondant ; ses yeux sont bleus et troublants. Dès qu’on se met à la bigler sérieusement, on se rend compte que cette femme a un charme inouï et qu’elle a de l’intelligence à ne pas savoir où la mettre.

— Vous désirez me parler de la part de M. Josephini ? demande-t-elle.

— Oui… Je suis un de ses mis…

— Mais… M. Josephini est mort ? s’étonne-t-elle.

— Oui, dis-je et d’une façon assez… brutale…

Elle ne sourcille pas. Son visage n’est qu’attentif. Elle se demande qui je suis et ce que je veux.

— J’ai vu, dit-elle.

— Vous le connaissiez bien ? je demande.

Elle hausse un sourcil.

— Bien ! C’est beaucoup dire… Il s’agissait d’une relation… amicale.

Je la regarde, ses yeux ne cillent pas.

— Puis-je vous demander ?… commence la Hollandaise.

Je feins la confusion.

— Pardonnez-moi : commissaire San-Antonio !

Mon titre ne la trouble pas outre mesure. Elle continue d’être surprise et attentive, un point c’est tout.

Elle est décidément très belle. Les larges manches de son déshabillé découvrent par instants des bras parfaits et, quand elle croise les jambes, j’ai l’impression que mon cœur va me rester sur l’estomac.

Je lui coule une œillade gourmande, mais qui ne la trouble pas le moins du monde.

— La police ? demande-t-elle.

— Oui, madame…

— Vous enquêtez…

— … Sur l’assassinat de Josephini, oui, madame.

Cette fois, elle a un brusque mouvement de tête.

— L’assassinat !

— Oui, madame : l’assassinat !

— Mais j’ai lu dans la presse.

— Un journaliste n’est qu’un homme, madame… C’est dire qu’il est faillible.

J’attaque sec :

— Quand avez-vous vu Josephini pour la dernière fois ?

— Mais, monsieur !

Je l’interromps :

— Vous avez certainement déjà lu des romans policiers, madame… Par conséquent, vous devez savoir qu’on interroge toujours les… relations des victimes !

Elle hausse les épaules.

— J’ai dû le voir le jour de… de sa mort.

— En effet. Mais à quelle heure ?

— Dans l’après-midi…

— Vous ne l’avez pas vu en fin de soirée ? Vous n’êtes pas allée chez lui, par exemple ?

— Non…

— Puis-je vous demander de quelle nature étaient vos relations ?

— Eh bien, je connaissais M. Josephini depuis longtemps… Nous nous étions rencontrés un jour dans le train en venant de Nice. Nous avions sympathisé…

Elle me regarde.

— Simplement sympathisé… Ne vous faites pas d’idées…

Elle s’exprime très bien, avec un très vague accent pas désagréable.

— Je ne m’en fais pas, madame.

— Il me donnait des invitations pour la boxe… J’adore la boxe ! Je ne manque jamais un combat… Chaque fois je vais le voir… Enfin, j’allais le voir… Et il me remettait des fauteuils de ring.

Je souris.

— C’était chic de sa part. Avez-vous assisté à la rencontre Ben Mohammed-Micoviak ?

— Non… Non, je me trouvais en voyage… Et je…

— Et à la rencontre Milazzo-Ballarin ?

— Je ne…

— En somme, dis-je, suave, pour une aficionado de la boxe, vous manquez beaucoup de combats ?

— Je voyage énormément…

Mon attention est sollicitée tout à coup par un fil qui serpente au ras du plancher… Sans avoir l’air de rien, je le suis du regard, et je vois qu’il va d’un pot de fleurs posé près de moi jusqu’à une boîte rectangulaire oubliée dans un coin de la pièce, près d’une prise de courant.

— En somme, vous ne savez rien de la vie de Josephini ?

— Absolument rien…

— Alors, inutile que je vous importune davantage… Je vais vous demander la permission de me retirer, madame Van Voorne… Vous êtes apparentée à la ville de Van Voorne en Hollande ?

Elle éclate de rire.

— Sûrement…

— Vous vivez depuis longtemps à Paris ?

— Depuis la guerre…

— Mariée ?

— Divorcée…

— Vous êtes peut-être dans les affaires, madame Van Voorne ?

Son regard s’assombrit. Elle a l’air agacée.

— Non, monsieur le commissaire. Je vis de mes rentes… C’est tout ce qu’il y a pour votre service ?

— Ce sera tout… pour aujourd’hui, oui, madame… Considérez ma visite comme une prise de contact. Tant que je n’aurai pas découvert le meurtrier, je suis capable de rendre souvent visite aux personnes ayant connu, — même superficiellement — la victime… On ne sait jamais… Un petit fait, comme ça, peut vous revenir en mémoire…

Nous sommes à la porte. Elle sent rudement bon (pas la porte, la Hollandaise).

Je me décide brusquement :

— Excusez-moi, madame Van Voorne… Je vous retiens, et pendant ce temps votre magnétophone, dans le living, n’enregistre plus que du silence…

Je m’incline.

— Mes hommages, madame. Et à bientôt, peut-être ?…

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