— Tu n’as pas téléphoné ? je questionne…
Il est des cas où l’on a besoin de se rouler dans les redites afin de mieux se pénétrer d’une évidence.
— Mais non ! Je te dis que leur appareil ne marchait pas…
— Pourtant, j’ai entendu les trois appels consécutifs… Et je suis bien certain qu’ils émanaient de chez Josephini !
— Alors, c’est quelqu’un d’autre qui les a composés, affirme doctement cette vieille baderne. Je ne vois guère d’autre explication…
Je danse d’un pied sur l’autre jusqu’à ce que j’aie l’impression — déconcertante — de m’être transformé en métronome.
— Allons interviewer les gars de l’hôtel, décidé-je.
Nous entrons donc dans cet établissement médiocre, pompeusement baptisé Luxueux Hôtel. La porte franchie, nos narines (les miennes, du moins) sont assaillies par une odeur mélancolique faite de remugles épars… Ça schlingue la crasse chaude, la lessive froide, l’humanité impécunieuse… Le tout déprime comme un film raté.
Nous sommes obligés de sonner longtemps avant d’attirer un larbin vieux et mal rasé. Il est grand, voûté, avec un menton qui n’en finit plus et des yeux chassieux.
— C’est complet, bavoche-t-il. Et puis à ces heures…
— Montre ta carte au monsieur, dis-je à Pinaud, ça te fera faire de l’exercice…
Pinaud se fouille méthodiquement. Il extrait tour à tour de son portefeuille disloqué : un permis de pêche délivré par la Joyeuse Gaule de Carrières-sur-Seine, une carte de tarif réduit sur les chemins de fer, une vieille carte postale représentant le monument aux morts de Saint — Eusèbe-le-Grand et, enfin, un rectangle de carton blanc orné de tricolore sur lequel il est dit que M. Pinaud appartient à la maison parapluie. Il était temps : le larbin se rendormait debout, comme les chevaux dont il a le faciès.
— Police ? murmure-t-il en homme que ce mot n’impressionne plus depuis belle lurette.
— Heu !… oui, assure Pinaud.
Je crois mon intervention propice.
— Voici moins d’une heure, un type habitant le troisième étage est sorti, fais-je.
L’autre a un sourire lugubre.
— C’est bien possible…
— Je voudrais l’identité de cet homme…
— Faudrait que je susse de qui qu’il s’agit, déclare le garçon d’étage.
— Comment, vous ne l’avez pas vu partir ?
— Je dormais… Et s’il fallait me réveiller pour tous ceusses qui entrent ou qui sortent…
— Enfin, c’est un hôtel ou des chiotes publiques, ici ?
— Il y a des jours où je me le demande, soupire le vieux.
— Alors, procédons autrement. Je cherche un de vos clients qui, je vous le répète, demeure au troisième étage, dont la fenêtre donne sur la rue tout contre l’immeuble de gauche et qui possède une voiture noire, de marque indéfinissable…
Le vieux sourit largement, peut-être pour faire valoir les quatre derniers chicots meublant sa salle à manger.
— Oh ! c’est M. Van Voorne, dit-il.
Pinaud se mouche bruyamment. Il examine le produit de cette expulsion d’un œil soucieux, après quoi il plie son mouchoir en quatre et se tourne vers moi.
— Ça se corse, déclare-t-il sobrement.
Si Bérurier était là, il ne manquerait pas de répondre : « Chef-lieu Ajaccio », ce qui constitue un très honorable jeu de mots. Mais il n’est pas là et je n’ai plus le cœur aux à-peu-près.
— Il est ici depuis quand, ce Van Voorne ?
— Environ trois semaines…
— C’est lui qui a choisi sa chambre ?
Ma question paraît éveiller dans la mémoire du vieux un souvenir confus.
— C’est marrant, dit-il, que vous demandiez cela… Figurez-vous qu’il a d’abord demandé une chambre au troisième, en arrivant ici… On lui a donné le 34, si mes souvenirs sont exacts… Le lendemain, il nous a demandé le 39… Il le voulait, paraît-il, parce qu’il y avait logé dans d’heureuses circonstances quelques années auparavant. C’était un musicien du Tam-Tam qui l’occupait… Ils se sont mis d’accord. Je crois que le Hollandais lui a filé un bouquet !
J’enregistre sur disque souple ces paroles qui illuminent ma lanterne…
— On peut visiter la chambre 39 ?
L’autre hausse les épaules.
— Ma foi…
Il regarde le tableau des clés, mais celle du 39 ne s’y trouve plus.
— Vous êtes certain qu’il n’y a personne ? demande-t-il.
— Certain, fais-je.
Je lui biche le bras.
— Vous avez sa fiche ?
— Bien sûr.
— Le numéro de sa voiture doit y être porté ?
— Je crois que oui.
Il farfouille dans un casier et feuillette des fiches maintenues par des élastiques.
— Voici…
Je ligote la fiche, le numéro de la tire y figure bien.
— Tiens, dis-je à Pinuche, alerte les services… Il faut coûte que coûte qu’on retrouve cette bagnole… Elle a pris la route de Nancy… Qu’on établisse des barrages… Je veux ce type avant midi…
— Montons, fais-je au larbin.
Il puise dans sa fouille-kangourou et en ramène un passe.
— Si vous voulez bien me suivre…
Je grimpe l’escalier étroit, couvert d’un tapis qui fut rouge, mais que des millions de talons ont usé.
Le vieux débris s’époumone. Lorsque nous parvenons au troisième, ça siffle dans sa poitrine comme un conduit de chauffage central lorsqu’on a trop poussé la chaudière.
Il se dirige à petits pas vers la chambre 39…
Avant d’introduire son passe, il frappe discrètement à la lourde car c’est tout de même un homme scrupuleux. Et puis j’ai idée que Van Voorne ne devait pas lésiner pour le pourliche.
Les gens de l’hôtel devaient le prendre pour un de ces folingues qui balancent l’artiche à pleines pognes…
— Ouvrez ! ordonné-je sèchement.
Il soupire (comme un cœur qui n’a pas tout ce qu’il désire) et choisit une clé dans le gros anneau. Il a l’œil amerlock car la porte s’ouvre du premier coup. Le larbin actionne le commutateur et, au brusque mouvement de ses épaules, je réalise qu’il a une grosse surprise.
Je l’écarte d’une bourrade.
Cela me permet de mieux voir le cadavre abominablement saccagé d’un type étendu sur le lit.
J’en suis comme deux ronds de flan parce qu’enfin, entre nous et une crue de la Seine, je ne m’attendais vraiment pas à une découverte de ce genre…
Je m’approche. La victime est un homme d’une quarantaine d’années, de taille moyenne… Il a le visage ensanglanté, le nez écrasé, un œil exorbité, la mâchoire tordue…
— M. Van Voorne, balbutie le garçon d’étage.
Je me retourne.
— Vous dites ?
— C’est M. Voorne ! Qu’est-ce qui a pu se produire ?
— Il s’est engueulé avec un autobus…
Van Voorne ! Du coup, je ne pige plus rien à rien… Je le touche et j’ai la stupeur de constater qu’il est déjà froid. Donc, il a été buté depuis plusieurs heures…
C’est à ce point culminant de ma stupeur que Pinaud arrive.
— Voilà, annonce-t-il très satisfait. J’ai transmis tes ordres et on m’a promis de…
Il aperçoit le cadavre et instantanément bave son mégot visqueux sur le plastron — du reste constellé de taches — de sa chemise de nuit.
— Qui est ce monsieur ? demande-t-il, presque affable.
— Van Voorne…
— Mais…
Je trépigne.
— Ah ! non, plus de « mais », j’ai assez des miens comme ça ! Va téléphoner au labo et à l’identité judiciaire !
Il s’abîme dans la contemplation du cadavre.
— Qu’est-ce qu’il a pris, dit-il.
Il s’essuie la moustache avec son mouchoir.
— À propos, fait-il, je viens de retéléphoner à l’hôpital pour Bérurier… L’opération est terminée… Elle s’est effectuée dans de bonnes conditions, il ne reste plus qu’à attendre…
Ça me réconforte un peu.
— Parfait, maintenant, remue-toi…
Lorsqu’il a disparu, je me tourne vers le larbin.
— Vous n’avez rien entendu ?
— Non…
— Pourtant, quand on mailloche un gars pareillement, il doit crier aux petits pois, personne n’a rien signalé ?
— Non, absolument pas… Il faut dire que la radio marche jusqu’à point d’heure dans l’hôtel. C’est plein de gens qui s’emmerdent le soir… Sans compter les mioches…, ça hurle…
— Vous n’avez pas aperçu un type costaud avec un pardessus en poil de chameau ?
Il réfléchit.
— Si… Attendez… Oui, une fois ou deux… Avec le nez cassé ?
— C’est possible…
— Alors oui…
— Et cet après-midi ? Ou cette nuit ?
— Non, parce que je ne reste pas dans le cagibi de la réception, il y fait trop froid… Je me planque dans la lingerie avec des revues scientifiques…
— Et vous n’apparaissez que lorsqu’on a chopé une extinction de voix à vous héler ?
Il ne craint pas les sarcasmes. Sa vie à deux balles est presque sciée et il se fout de tout. À son âge, on n’a plus d’honneur.
— Je suis vieux, j’ai le droit d’être sourd…
Il me fait pitié.
— Excusez-moi, grand-père… Seulement c’est embêtant qu’on vienne bousiller la clientèle…
— À qui le dites-vous… On n’avait jamais rien eu de semblable au Luxueux depuis trente-trois ans que j’y balaie des préservatifs…
— Il faut un début à tout…
Tout en bavassant, je fouille les effets du défunt… Dans l’armoire, plusieurs complets sont alignés… Je déniche un passeport hollandais dans une poche… Il porte les visas de différents pays… Je bondis en découvrant que le mois passé, Van Voorne s’est rendu en Afrique du Sud, tout comme Josephini.
Ce sont les bureaux du Cap qui ont composté son passeport. Pas de doute, les deux hommes étaient en cheville, ou bien…
Réapparition de Pinaud dans le rôle principal de : J’en ai marre, est-ce qu’on va se coucher ?
— Ils vont arriver, dit-il.
Je lui montre le passeport de Van Voorne.
— Tu te rends compte de la vitesse du vent et de la clarté des étoiles, Pinuche ?…
Il se mouche avec force, ce qui a toujours été chez lui un signe manifeste d’émotion intense.
— Ça se…
— Tu l’as déjà dit…
— Ça se noue ! coupe mon collègue. J’aime quand les pistes parallèles se croisent…
— Ça prouve quoi, hé, géomètre ?
— Qu’elles perdent leur notion d’infini…
Son haleine sent le rhum. Je suis prêt à parier mon scalp contre la perruque de Bing Crosby qu’il a déniché une boutanche de Saint-James non loin du bigophone.
Alors il pose une question crétine au larbin :
— Comment se fait-il que vous n’ayez pas le téléphone ?
Je le regarde.
— Comment, pas le téléphone ? D’où as-tu appelé les Services, alors ?
— Ben… du bistrot d’à côté qui vient d’ouvrir…
Le vieux garçon d’étage s’explique.
— Le patron est un radin… Il a trouvé qu’il y avait trop de coulage avec le téléphone… Et puis, ça faisait des contestations chez les pensionnaires… Un jour, le vertigo lui a pris, il se l’est fait couper !
— Ça a dû être douloureux, gouaille Pinuche à qui le frais du matin et les petits rhums donnent une nouvelle jeunesse d’esprit.
Il s’approche du mur séparant la chambre de l’appartement de son beau-frère défunt. Il pose sur son nez des lunettes aux verres fendus, dont une branche a été rafistolée avec un brin de laine. Puis il examine le mur centimètre par centimètre.
Je suis attentivement ses recherches.
— Voilà ! dit-il enfin.
Il tient son doigt puissamment onglé de noir sur un petit trou rond… Dans ce petit trou, il y a une loupe de la dimension d’un crayon et qui, comme toutes les loupes, grossit la vision des choses…
— Poste d’observation, indique Pinaud.
— Voilà pourquoi il voulait le 39 ! s’écrie le larbin.
— Oui, dis-je, voilà pourquoi…
Je sens que le vieux videur de cuvettes va se lancer dans des questions, aussi le stoppé-je brutalement.
— L’identité va arriver, recevez-les bien… Nous, nous avons du travail urgent à faire…
Pinaud fait un signe affirmatif sans savoir ce dont je veux parler.
Je dévale l’escalier abrupt… Et je me rue dans ma voiture. Le brave Pinuche me rejoint en poussant devant lui une haleine blanche.
— Il ne fait pas chaud, observe-t-il en s’installant à mes côtés.
Je lui montre le pare-brise démoli.
— Si tu savais où je vais te mener tout à l’heure, tu tremblerais bien davantage !
Ce qu’il y a de curieux avec mon ami Pinaud, c’est qu’il a l’air de rien (et même de beaucoup moins), mais que, par moments, il émet des idées souveraines.
Recroquevillé sur le siège voisin du mien, son bonnet de nuit enfoncé jusqu’aux sourcils, le col du lardeuss relevé, on n’aperçoit de son physique de théâtre que la pointe rougissante de son pif et une touffe de ses moustaches…
De cet amas de hardes sort parfois une voix que le froid cruel rend de plus en plus chevrotante.
— Où allons-nous ? demande-t-il.
— Chez un espoir de la boxe, pour avoir l’adresse d’une ex-gloire…
— Si tu parlais en termes moins obscurs, dit-il, je suivrais plus facilement ta conversation.
Je donne les compléments d’information sollicités.
— C’est bien simple, je connais un petit boxeux, grâce à qui, dans le fond, j’ai pu mettre le nez dans cette affaire.
Pinaud se fait ricanant comme le Méphisto de l’opéra de Saint-Nom-la-Bretèche.
— Bien qu’il s’agisse de mon ex-beau-frère, dit-il, tu aurais mieux fait de le mettre dans autre chose…
Je continue, contre tous sarcasmes :
— Ce gars va me dire où demeure son compagnon de team Beppo Seruti, le poids léger que Josephini a emmené se faire torcher en Afrique du Sud… Cela fait trois personnes qui se seront trouvées au Cap à la même époque, peut-être n’est-ce qu’une coïncidence, pourtant comme sur les trois deux sont mortes, j’aimerais parler à la troisième, c’est humain, non ?
— C’est même nécessaire, convient Pinuche en reniflant une stalactite moins argentée que précédemment.
Je pilote à allure modérée car l’air glacé qui nous fouette le visage me brûle les lampions. Ben Mohammed pioge porte d’Italoche, une petite rue provinciale… Lorsqu’il sera vedette, il s’achètera un appartement à Passy et, lorsqu’il aura perdu ses titres, un bistrot-tabac dans un coinceteau de campagne où on se contente des gloires éteintes.
— Tu sais à quoi je pense ? murmure Pinaud.
— Aucun appareil récepteur ne pourra jamais capter les ondes émises par un cerveau en plâtre !
— Je pense, poursuit-il, que les Français connaissent mieux la géographie qu’on ne le prétend… Considérons l’affaire sur le plan géographique…
— Vas-y, je t’ouvre grandes mes coquilles Saint-Jacques.
J’éclate d’un rire chevrotant, car je les ai tout ce qu’il y a de mignonnes.
— C’est ça, me poilé-je, ça changera…
— Que trouvons-nous comme points importants dans toute cette histoire ?
— Deux Hollandaises et deux visas pour l’Afrique du Sud…
— Trois visas, si tu veux… Bon, que fait-on en Afrique du Sud ?
— On y organise des championnats de boxe…
— Oui, mais à part ça ?
Je hausse les épaules.
— Je donne ma langue au chat !
— On extrait des diamants du sol, dit Pinaud.
Je fronce le sourcil tout en chantant, histoire de prouver mon esprit d’à-propos :
— Merci, merci, monsieur Champagne !
Il relève le pompon de son bonnet de nuit qui lui titille l’arête du nez…
— Et en Hollande on les vend s’écrie-t-il.
Je la boucle.
Les grandes surprises sont muettes.
Ce vieux cataplasme vient de lancer une idée qui pourrait faire des petits… Et des petits blonds comme tous les Hollandais…
— Pinaud, je murmure, la salive abondante, Pinaud, par moments, je me demande si Pascal ne se serait pas réincarné en toi en compagnie de Conan Doyle et des petites pilules Pink pour le foie !
Le petit Arbi dort à poings fermés — ce qui est la moindre des choses pour un boxeur — lorsque nous carillonnons à la lourde de sa chambre de bonne.
Notre tintamarre doit lui déclencher un rêve à grand spectacle, car je l’entends soupirer d’aise. Il rêve qu’un coup de gong vient d’achever son dernier round contre le tenant du titre et qu’il devient champion du monde toutes catégories avec la mention très bien et un billet d’honneur signé par la directrice.
Enfin, il s’éveille, murmure des mots en kabyle ou en jsépacoua, et vient nous ouvrir. Il est vêtu d’un slip et son torse nu brille comme du bronze… Ses tifs emmêlés sont posés sur sa tête comme une fourchetée de laine noire… Il se frotte les yeux, me reconnaît et me sourit gentiment…
— Bijour, missieur commissaire…
— Salut, champion… Je viens pour un petit tuyau As-tu l’adresse de ton éminent confrère Beppo Seruti, qui est allé se faire démolir ses ultimes chailles en Afrique du Sud le mois dernier ?…
Le petit tronc se gratte la tignasse.
Il faut laisser aux paroles le temps de forer son cerveau martelé.
— Seruti ? demande-t-il.
Patient à mes heures, j’opine de la tête (si je puis m’exprimer ainsi).
— Attendez, fait-il, j’ai…
Il va ouvrir un tiroir de vieux placard et farfouille dedans. Il nous sort un cahier sur lequel il a collé les articles de presse consacrés à ses jeunes poings. Dedans, il a intercalé des papelards sur ses camarades de team… C’est ainsi qu’il me déballe une photo de Seruti… On voit le mec en short sur une pelouse, occupé à sauter à la corde…
L’image porte cette légende : Notre champion du monde s’entraînant dans sa propriété de Saint-Maur-des-Fossés.
Comme quoi on peut avoir le nez plat comme une limande, les portugaises épaisses comme des Fontainebleaux et la tronche plus cabossée qu’une automobile de dame et se permettre des déductions.
Je referme le cahier de l’Arbi.
— C’est bien, mon gars… On te remercie…
Je réfléchis.
— Tu sais où ça se tient, toi, Saint-Maur-des-Fossés ? demandé-je à mon ami Pinaud des Charentes.
— Bien sûr, dit-il. Tu rattrapes Joinville et…
J’ai un soubresaut. Je fonce sur le cahier de Mohammed et je le feuillette à vive allure au risque d’en arracher les pages.
Je tombe sur une autre photo représentant Ben Mohammed avec plusieurs autres champions chevronnés, parmi lesquels Beppo Seruti.
Je n’ai d’yeux que pour ce dernier… Dans mon turbin, fatalement, on a le zœil amerlock… La mémoire visuelle c’est l’A.B.C. de notre métier (comme dirait Mitty Goldyn).
Vous l’avez sans doute compris, ou alors c’est que vous avez des noyaux de cerises à la place de la matière grise, mais en me forçant un brin, j’arrive à admettre que ce champion déchu et le gars au pardingue en poil de transsaharien à quatre pattes ne sont qu’une seule et même ordure.
— Saint-Maur-des-Fossés, en voiture ! crié-je dans les trompes d’Eustache de Pinaud qui s’endormait contre le chambranle.
Et nous voilà partis, crevés, claquant des mandibules, avec des yeux d’une tonne et une fatigue à se répandre sur l’asphalte !
Ce qui m’a toujours sauvé la mise, en tout et pour tout, c’est ma rapidité. Rapidité de pensée d’une part, rapidité d’exécution de l’autre… Décider et agir en un temps record vous permet tous les espoirs… Ajoutez à cela la recette Danton : de l’audace, encore de l’audace (publicité Jean Majeur) et vous trouvez San-Antonio, bien en chair et solide en os…
Il fait tout à fait jour lorsque nous passons la plaque annonçant Saint-Maur…
Je viens de faire part de ma conviction à Pinaud et, bien entendu, d’une voix que le sommeil rend bourbeuse, le vieux chnock a mis son grain de sel :
— Tu ne dois pas te tromper, mon petit… Je suis certain que Van Voorne a été tué à coups de poing… Travail brutal, mais travail soigné de professionnel.
J’arrête un instant ma glacière à roulettes pour m’enquérir de l’adresse de Beppo… Justement, j’avise un petit gars d’usine soudé par le gel à son vélomoteur.
Je le stoppe.
— Le pavillon de Mario Seruti ? je demande.
Il trouve le moyen de rire malgré le froid.
— Vous êtes pile devant…
Il me salue et s’en va, joyeux, dans le matin glacé.
Pinaud se détranche sur la propriété… Celle-ci fait moins d’impression que sur la photo du canard. C’est une construction assez moderne d’assez faibles dimensions… Le jardin est un peu en friche… Le portail de bois est ouvert et j’avise, au bout de l’allée, la grosse bagnole de tout à l’heure.
Je pose ma main sur le genou cagneux de Pinuche.
— C’était bien lui, vise la voiture… On aperçoit la plaque NL derrière… Hollande !
— Que faisons-nous ? demande-t-il.
Je surveille un moment, puis, soudain, je fais une petite marche car je vois Seruti sortir de sa crèche, une valise dans chaque main… Il va les porter à une autre bagnole, française, celle-là, que je n’avais pas remarquée tout de suite, car elle est en partie masquée par l’autre.
Puis il rentre de nouveau dans la demeure.
Pinaud, tout comme moi, scrute par une échancrure de la haie.
— On dirait que nous arrivons à temps, non ?
— Oui, plutôt !
— Qu’est-ce qu’on fait ?
Je gamberge…
— Attends… Oui… Je vais descendre et aller alpaguer le frère. Dès que j’aurai franchi le mur, tu compteras lentement jusqu’à dix et tu avanceras avec la voiture jusque devant le portail de manière qu’il ne puisse se barrer avec son tombereau au cas où je n’arriverais pas à… à m’entendre avec lui, tu suis ?
— Ensuite ?
— Ensuite, tu planqueras ta vieille carcasse délabrée où tu pourras en gardant ton revolver à la main pour si des fois un pauvre boxeur en chômage venait te demander du feu.
Je contourne la haie et, parvenu à la hauteur du pavillon, je la franchis d’une ruée de sanglier. Je me retrouve de l’autre côté, sur un râteau dont le manche m’arrive en pleine poire. J’avais déjà vu ça au cirque et ça m’avait beaucoup fait rire. Pourtant, en l’occurrence, je trouve cette distribution de chandelles mal venue.
Je frotte ma calebasse et j’approche de la voiture en rasant les murs… De la seconde, s’entend.
Je m’accroupis derrière l’aile avant droite et j’attends. Je ne tarde pas à percevoir un crissement de pas sur les graviers. C’est l’autre casseur de gueules qui radine avec un nouveau chargement.
Je le laisse se pencher sur le coffre, puis je m’annonce d’un bond sur lui… Le Colt en pogne.
— Alors, Seruti, tu déménages ou bien tu changes de rue ?
Il sursaute et me regarde. Ses yeux noirs sont ardents, comme tous les yeux des Italiens. Et, comme tous les Italiens, malgré sa gogne cabossée, il reste très beau. Pas étonnant que toutes les nanas en veuillent de ces messieurs les bersagliers !
Ils paraissent tous avoir été conçus et réalisés, non par Sacha Guitry, mais par Rudolph Valentino…
— Qu’est-ce que vous voulez ? croasse-t-il.
— Te demander un autographe… Ton blaze ne vaut plus grand-chose sur le marché, mais le fils de ma concierge n’est pas difficile…
Tout en gouaillant, je fais gaffe, parce que si cet olibrius prenait la fantaisie de m’aligner un taquet, sûr et certain que ça ferait travailler mon dentiste…
Dès qu’il bat des cils, je crispe mon index sur la détente du pétard, prêt à lui placer de la marchandise de qualité dans les tripes… Pour l’heure, il n’ose pas taper… À son regard fiévreux, je comprends qu’il a passé une nuit blanche, lui aussi.
— Alors, depuis que la boxe ne nourrit plus son homme, on se lance dans le meurtre en série ?…
La peur se reflète dans son regard.
Je glisse ma main libre dans ma poche gauche pour y pêcher la paire de menottes qui s’y trouve. Ustensiles précieux, les poucettes… Ce sont elles qui font qu’un flic est flic… Seulement, à l’instant où je les sors, je perçois un bruit dans mon dos, un bruit de pas feutrés… L’instant est plus fort que mes réflexes… Je me détourne pour regarder qui vient. Je vois, mais pas longtemps car les cinq phalanges droites de Seruti viennent jouer Oublie-moi, ô mon amour sur la pointe de mon menton. Je lâche la rampe et m’engloutis dans des espaces interplanétaires qu’aucun télescope géant ne captera jamais.
Lorsque j’émerge du cirage, quelques secondes plus tard, je me trouve à l’intérieur du garage. Seruti m’y a traîné par les cannes… La petite bonne de Mme Van Voorne referme la porte pliante pour nous isoler… Cette fois, elle n’a plus du tout l’air bretonne. Elle porte un manteau d’astrakan et des souliers à talons hauts, mais je dois admettre que la transformation réside principalement dans l’expression. C’est une femme déterminée, positive et calme que j’ai devant moi, et non plus une soubrette godiche.
— Tiens, fais-je. Pour une surprise, c’est une surprise…
Je vais me mettre à genoux, mais je reçois un coup de pied dans la poitrine. Vous ne pouvez pas savoir ce qu’un pied de femme est douloureux, parfois.
Je repars à dame, sans perdre les pédales, toutefois. Alors Seruti revient du fond du garage, une corde dans les mains. Tout d’abord, je pense qu’il va s’en servir pour me ligoter, mais je lui vois faire un nœud coulant et je pige.
— Sans blague ! croassé-je, tu boulonnes en série, cette nuit, gars. Fais gaffe, il fait jour maintenant…
J’essaie de choper le lien de chanvre, mais il m’a cueilli par-derrière et je suis encore tout mou du gnon qu’il m’a téléphoné. Ce K.O. peut très bien m’être fatal…
Heureusement, Pinuche se la radine, un pétard gros comme ma jambe à la main… Celui-là, c’est son grand-oncle le cuirassier qui a dû le lui rapporter de la guerre de 70 ! Néanmoins, il intimide. Et il fait du dégât lorsqu’on appuie sur la détente. La preuve, c’est que deux prunes s’en échappent, dans un nuage de fumée âcre et que le mec Seruti se met à se rouler par terre en appelant sa madre.
Pinuche, content de lui comme le lauréat du concours du Figaro, tourne le canon de son arquebuse sur la fille.
— Ne bougez pas, conseille-t-il, plus chevrotant que jamais.
Il n’a pas du tout l’impression (ni l’intention) de verser dans le pathétique. La tragédie, c’est pas son blaud, il n’a joué dans sa jeunesse que La main de ma sœur et Tu m’as voulue, tu m’as eue… C’est le père tranquille du flingue…
Je commence à retrouver l’oxygène que j’ai pris l’habitude de consommer. En geignant, je me remets sur mes flûtes.
— Tu parles d’un coup fourré, dis-je à Pinaud. Sans toi… Comment qu’il m’a pêché, ce salaud !
Je me frotte le menton… J’ai l’impression d’avoir une mâchoire en fonte renforcée, elle pèse une vache ! Toute ma hure doit être fêlée, probable.
À terre, Seruti se tord toujours en geignant. Il a moulé deux bastos dans le poitrail et ça le gêne pour raconter la dernière de Marie-Chantal.
La môme le bigle avec des cocards qui lui bondissent de la tronche.
— Vite, vite, murmure-t-elle, il faut faire quelque chose… Une ambulance… L’hôpital…
Elle se met à couiner, soudain à bout de nerfs, et le gars San-Antonio lui cloque des tartes maison, ce qui est la thérapeutique idéale pour ces cas désespérés.
Elle s’arrête instantanément.
— Au secours, éructe Seruti en glaviotant du rouge.
— Je vous en supplie, larmoie la belle.
Pinaud, lui, se roule une cigarette « de ses pauvres doigts gris que fait trembler le froid »[2].
Je cligne de l’œil à mon pote.
— Écoute, bonne à tout faire, bonne à mal faire, devrais-je employer, nous irons chercher les ambulanciers lorsque tu auras éclairé notre lanterne, pas avant… Ton jules peut claquer, ça nous laisse froids… À toi de choisir… Elle choisit.
Et elle choisit dans le bon sens, car son boxeur, elle doit l’avoir profond dans la peau.
L’histoire est très simple, mais bourrée de détails qui le sont beaucoup moins. Renonçant à vous transcrire avec mon réalisme coutumier les révélations de la môme Machinchouette, je vous les résume succinctement.
Van Voorne était un courtier marron d’Amsterdam, spécialisé dans le trafic des cailloux. Sa femme et lui étaient séparés de corps, ce qui est exact, mais pas du tout de biens, et les deux compères constituaient un aimable attelage de fripouilles.
À plusieurs reprises, Van Voorne s’était rendu en Afrique du Sud pour tâcher de se procurer sur place un gros lot de diams à de bonnes conditions. Il avait mis au point une grosse affure et, le mois dernier, il s’apprêtait à véhiculer sa provende depuis Le Cap jusqu’en Hollande, lorsqu’il avait été inquiété par la police sud-africaine qui avait eu vent de ses manigances et qui ne plaisante pas avec les trafiquants de pierres précieuses. Sur le point d’être alpagué s’il ne se débarrassait pas des gemmes, et ne sachant où les carrer, Van Voorne s’était mis en cheville avec Josephini qui était descendu dans le même hôtel que lui et avec lequel il sympathisait.
Il avait donc collé sa belle marchandise au manager en lui promettant de faire fifty-fifty s’il amenait les cailloux à Paname… Josephini avait accepté, car une belle combine commak ne pouvait le laisser indifférent…
Van Voorne avait envoyé un message à sa grognace afin de lui recommander de réceptionner l’envoi à l’arrivée et il s’était démerdé avec les bignolons du coin qui, au bout d’une quinzaine, avaient dû admettre sa blancheur Persil.
Josephini était rentré peinard avec son poulain, lequel venait de paumer son titre et broyait du noir… Seulement Seruti avait assisté, à travers la porte de communication des chambres que son boss et lui occupaient au Cap, à la conversation de Van Voorne et de Mario… Et il pensait prendre une revanche sur le sort en s’octroyant une part du gâteau…
Une fois en France, il avait avoué à son manager qu’il était au courant de la combine et lui avait proposé de garder les cailloux… Ils feraient part à deux et si jamais Van Voorne la ramenait, il était prêt à le mettre à la raison…
Hélas ! Josephini avait feint la surprise et prétendu que Seruti devenait jobré… De même, lorsque la mère Van Voorne avait voulu récupérer le magot, il l’avait envoyée aux prunes en prétendant tout ignorer de l’affaire. Sale blague pour les Van Voorne… La femme avait rencardé son vieux à son retour d’Afrique du Sud et celui-ci, en homme pondéré, comprenant qu’il s’était laissé blouser et qu’il ne pourrait rien obtenir par la force, s’était arrangé pour surveiller Josephini de la façon que l’on sait… Lui surveillait les allées et venues chez le manager et sa femme s’occupait de la vie extérieure de Mario… Elle contactait fréquemment le beauf à Pinuche, histoire de lui demander s’il était ou non revenu de son erreur et aussi pour lui donner le sentiment gênant qu’il était surveillé.
Lorsqu’elle estimait que Josephini rencontrait des gens douteux, avec lesquels il aurait été susceptible de négocier les diamants, elle prévenait son mari d’une façon judicieuse, puisqu’il n’y avait pas le téléphone à l’hôtel, c’est-à-dire en lançant un signal dans l’appartement de Josephini qu’il surveillait. Alors Van Voorne se démerdait de tuber rue de la Faisanderie où sa femme téléphonait avant lui pour laisser l’adresse du lieu où il devait la rejoindre…
La môme nous bonnit tout cela avec des hoquets, des sanglots, des cris, des vagissements et des regards éperdus à son bonhomme en train de calancher dans le cambouis.
Ensuite, je la branche sur le chapitre Seruti, qui me paraît plus essentiel… Elle y va de sa chanson de gestes…
Pendant que les Van Voorne entreprenaient leurs travaux de récupération, Seruti, boxeur fini et garçon de moralité plus qu’élastique, surveillait aussi son patron. Cela faisait une gentille meute aux chausses du gars Mario… L’ancien champion avait pigé le manège des Van Voorne et il s’était résolu à les battre de vitesse… Lundi soir, il était allé chez son manager et lui avait fait la grosse séance d’intimidation… Il avait été très menaçant… Josephini avait pris peur et lui avait juré ses grands dieux qu’il venait de traiter avec Van Voorne et que les diams avaient été remis au Hollandais… Seruti ne s’en était pas laissé compter et s’était mis à faire le méchant. Alors Josephini s’était emparé du fameux coupe-papier et avait essayé de l’en frapper… Au comble de la rage, le bouillant Seruti lui avait arraché l’instrument des mains puis avait frappé son manager qui s’était répandu, out, sur la carpette… L’autre avait pris peur et s’était trissé…
Le lendemain, en apprenant que sa victime avait été trouvée sur le trottoir et qu’on pensait se trouver devant un suicide, il avait cru devenir fou… Puis il avait réfléchi et s’était dit que Van Voorne ne devait pas être étranger à la chose… C’était le Hollandais qui s’était amené pour fouiller l’appartement et qui avait camouflé le meurtre en suicide afin de ne pas attirer l’attention de la police sur ce décès…
Alors Seruti avait repris du poil de la bête… Il n’avait pas commis un meurtre pour la peau… Il voulait aller jusqu’au bout et récupérer le gâteau… À n’importe quel prix !
Il avait une maîtresse dévouée, la môme qui nous parle et qui répond, quand on l’appelle, au nom illustre de Martine ; celle-ci se fit engager chez la mère Van Voorne qui cherchait une bonne depuis pas mal de temps… Elle surveilla les allées et venues de la belle Hollandaise, fouilla l’appartement, en vain… Elle apprit, du moins, pas mal de choses sur les habitudes de Van Voorne, notamment en ce qui concernait leurs appels téléphoniques à la gomme.
Pourtant, son emploi de bonne ne donnant rien, Seruti s’impatienta… La veille, dans l’après-midi, il était entré chez Van Voorne et l’avait molesté (et comment !) pour lui faire cracher la vérité, mais Van Voorne avait affirmé jusqu’à la mort ne pas posséder les diamants… Dans la petite tête obtuse du boxeur, il n’y avait pas de doute : si Van Voorne ne possédait pas les cailloux, c’était sa femme qui les avait…
Le soir, ils avaient résolu, sa poule et lui, de « s’occuper » de la patronne… Ça urgeait d’autant plus que la police était venue l’interroger dans le courant de l’après-midi sous les traits agréables de San-Antonio, l’as des as, l’homme qui remplace le beurre et les céleris rémoulade !
Mais l’interrogatoire de la pépée Van Voorne n’avait rien donné non plus. Seruti lui avait fait le coup de la strangulation pour l’intimider… Ne connaissant pas sa force, il avait étranglé cette digne personne comme on étrangle un pigeon…
Ils avaient fouillé une fois de plus l’appartement, mais en vain… Ils étaient affolés par les deux meurtres commis dans la journée. Seruti était devenu, paraît-il, une sorte de bête féroce… Comme ils sortaient de l’appartement pour monter le cadavre dans la chambre de bonne de Martine, afin de gagner du temps en retardant la découverte de celui-ci, ils s’étaient trouvés nez à nez avec Bérurier…
Or, et c’est là que ça se corse, comme dirait le Gros. Seruti connaissait mon pote l’Enflure pour l’avoir vu souvent à la salle d’entraînement où Béru allait visionner les préparatifs de son neveu… Il savait que c’était un poulardin et s’est cru flambé… Il a collé un marron au Gros, l’a charrié dans sa voiture et là, lui a tiré une balle dans le cou en prenant soin d’entortiller un cache-col autour du revolver pour en étouffer le bruit. Il projetait d’embarquer l’auto et son chargement dans un autre quartier après… Lui et Martine ont coltiné le cadavre de la Hollandaise au sixième et l’ont filé sous le lit… Puis ils sont redescendus pour fuir, mais j’étais à l’auto de Béru… Ils ont alors cru à l’arrivée de renforts et sont remontés se terrer dans la chambre…
Le cadavre de la femme ayant disparu, nul ne pouvait croire que la soubrette était dans le coup… Si le pâté de maisons était cerné, ils avaient intérêt à se planquer en attendant…
Mon arrivée avec Pinuche les avait tenus sur le qui-vive… La môme Martine avait joué les bonniches en défaut avec un brave militaire… Elle s’était rendu compte que nous n’étions que deux et Seruti avait fui…
Elle se tait, la pauvrette, à bout de souffle.
— Comment se fait-il qu’il n’a pas pris sa voiture ?
— Il a peur qu’on l’ait repérée, car elle était devant la vôtre…
— Et dis-moi, mon petit cœur, comment se fait-il qu’il soit, en pleine nuit, retourné chez Van Voorne ?
— Il avait oublié ses gants chez lui… Il voulait les récupérer…
— C’est toi qui as téléphoné chez Josephini après son départ, cette nuit ?
Elle ouvre de grands yeux…
— Moi ? Oh ! non. Je suis venue ici attendre Beppo dès que j’ai pu…
Je regarde Pinuche.
— T’étais pas chlass, tout à l’heure, mec ? T’es bien certain que ça n’est pas toi qui ?
Pinaud hausse les épaules.
— Môssieur le commissaire, rouscaille-t-il, je crois que vous mettez en doute le bon fonctionnement de mes facultés mentales ?
— Leur bon fonctionnement, non, dis-je, seulement leur existence.
Là-dessus, nous embarquons la souris et téléphonons à police secours pour le déblaiement du garage… Inutile de déranger l’hosto : Seruti est mort comme tout un cimetière !