Trois

Exaspéré, conscient qu’elle disait vrai et qu’il n’avait pas su s’en rendre compte plus tôt, Geary fixa Rione d’un œil furibond. « Je ne peux me pencher que sur un nombre restreint de questions à la fois. » C’était une excuse. Pourquoi cherchait-il une justification plutôt qu’une réponse ?

Rione lui décocha un regard malicieux. « Un leader avisé, ce que vous êtes d’ordinaire, ne chercherait pas à tout faire lui-même. Je vous conseillerais volontiers d’ordonner à quelqu’un de fiable de réfléchir à ce que les Énigmas risquent désormais de décider.

— Je ne peux pas consacrer Tanya à cette tâche.

— Votre capitaine serait-elle la seule personne de l’univers, amiral ? Nul dans la flotte, à part elle et vous, ne serait donc capable de réfléchir ? »

Geary eut un sourire en coin. « Si, peut-être. » Il tendit la main pour enfoncer une touche de com mais interrompit son geste. « Ces prisonniers de guerre que nous avons recueillis à Dunaï…»

Rione hocha la tête, le visage de nouveau impavide. « Ces nombreux généraux, amiraux, capitaines et colonels qui vous ont rendu la vie si difficile ?

— Oui. Je veux au moins une réponse à cette question : pourquoi le gouvernement m’a-t-il ordonné d’aller les récupérer à l’aller au lieu de me laisser le faire sur le trajet de retour ?

— Je ne pourrais qu’émettre des hypothèses, amiral, répondit Rione au bout d’un instant.

— Faites donc.

— D’aucuns se féliciteraient indubitablement que ces officiers supérieurs ne reviennent pas embarrasser les officiels et haut gradés actuels. »

Geary opina, le visage durci. « Et ces mêmes officiers et officiels ne seraient donc pas mécontents non plus que la flotte ne revienne pas ? »

Elle garda cette fois le silence, aussi figée et marmoréenne qu’une statue.

« Nous allons rentrer, affirma-t-il. Avec tous ces officiers supérieurs, pourvu toutefois qu’aucun n’entreprît rien qui m’obligerait à le faire fusiller. » Il se rendit compte à la dernière seconde que cette déclaration valait plus particulièrement pour le mari de Rione, le capitaine Benan, et ne put s’interdire de tiquer.

Rione s’en aperçut. « Vous n’avez aucune envie de les faire exécuter.

— Je l’ordonnerai si nécessaire. Vous le savez. »

Elle s’adossa à son siège, pensive. « Savez-vous combien de gens s’imaginent que pouvoir et hautes responsabilités leur permettent de faire tout ce qu’ils veulent et leur épargnent tout ce qui leur répugne ? »

Le rire âpre de Geary fit vibrer le compartiment quasiment désert. « Ce serait chouette, non ?

— N’est-ce pas ? Bien sûr, certains de ceux qui disposent d’un tel pouvoir y croient aussi. Ils font tout ce qui leur chante. » Rione le fixa intensément. « Vous savez combien je craignais que Black Jack n’en fît partie. Je me trompais. Maintenant, vous aimeriez savoir si quelques-uns de ces ex-prisonniers ne seraient pas de cet acabit ?

— Il y a déjà eu plusieurs tentatives d’interférence dans le commandement de la flotte, répondit Geary. Je suis sûr que vous en êtes consciente.

— Hélas, je ne suis consciente que de cela. Si l’on continue de comploter, on ne m’inclut pas dans la conspiration, ni moi ni personne qui se confierait à moi.

— Que pourriez-vous me dire de l’amiral Lagemann ? Ses états de service sont impeccables. Il est arrivé à son grade en combattant, non par la politique. »

Un éclair intrigué brilla fugacement dans les yeux de Rione. « Alors pourquoi m’interroger à son propos ? Je ne sais rien sur lui de répréhensible. Son nom n’a jamais été cité dans les rapports de sécurité intérieure que j’ai pu lire par le passé. Il était visiblement trop occupé à faire la guerre pour perdre son temps à des manœuvres politicardes en vue de son avancement, ou pour comploter contre le gouvernement.

— C’est aussi l’idée que je m’en faisais, affirma Geary. Mais il m’est déjà arrivé de me tromper. Et je me suis dit que, s’il y avait des squelettes dans son placard, vous seriez peut-être au courant.

— Voilà qui est blessant, amiral. » Elle semblait sincèrement ulcérée par le sous-entendu.

« Toutes mes excuses », répondit Geary en laissant clairement percer l’ironie avant d’appuyer enfin sur la touche de com.

Quelques secondes plus tard, la silhouette de l’amiral Lagemann apparaissait, encore à bord du Mistral. Il faisait partie des rares personnes de ce vaisseau autorisées à assister à la dernière conférence stratégique. Il inclina la tête vers Geary. « Déjà du neuf, amiral ? Nous nous efforçons de trouver le moyen de gagner ce point de saut sans coup férir.

— Quelques idées intéressantes ?

— Aucune.

— Outre la situation présente, il y a une autre route que j’aimerais vous voir explorer, expliqua Geary. D’une importance critique. Vos camarades vétérans et vous-mêmes m’avez naguère offert une mise en garde essentielle sur la tactique que les Énigmas risquaient d’employer à Alihi. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir réfléchir à la façon dont ils pourraient réagir, maintenant qu’ils savent que nous avons sauté vers cette étoile.

— Autre qu’en se félicitant de nous avoir vus plonger la tête la première dans le pot au noir, voulez-vous dire ?

— Exactement.

— Question passionnante. » Lagemann garda un instant le silence, le regard voilé, comme plongé dans ses pensées. Puis il hocha la tête. « Nous verrons bien ce qui nous viendra à l’esprit. Puis-je vous demander quelque chose, amiral ? » L’amiral accompagna sa requête d’un regard discret en direction de Rione.

« Allez-y.

— Allons-nous réellement rentrer, ou bien ne s’agit-il que de poudre aux yeux destinée à empêcher le moral des troupes de s’engouffrer dans le prochain trou noir ?

— Nous rentrons, affirma Geary. Et vous deviendrez alors, tous autant que vous êtes, le problème du seul gouvernement.

— Pas moi. Ramenez-moi chez moi et je me trouverai un gentil boulot peinard sur ma planète natale. » Lagemann s’interrompit de nouveau pour réfléchir. « Qui me permettra de travailler de nuit à l’intérieur. J’ai vu assez d’étoiles pour le restant de mes jours. »

Geary laissant Rione seule dans le compartiment, Desjani s’écarta d’une bourrade de la cloison à laquelle elle s’adossait pour l’attendre et marcha à ses côtés. « Vous avez gentiment bavardé, amiral ?

— Oui, Tanya. » Ils progressèrent un instant sans mot dire. « Elle affirme qu’elle va m’aider à ramener la flotte chez elle.

— Oh, merveilleux ! répondit Desjani d’une voix parfaitement plate. Cette sorcière cherche encore à te manipuler à ses fins. “Ne le fais pas parce que je te le demande mais parce que le grand héros Black Jack s’est tellement sacrifié pour toi.”

— Je ne crois pas qu’elle tenait à ce que nous venions ici, Tanya, déclara Geary. Mais qu’elle y était aussi contrainte que nous.

— Tu l’as déjà dit. Tu ne peux pas continuer à croire en tout ce que tu aimerais croire. Je la tiens à l’œil et je garde une arme à son intention. Note que je ne fais aucun commentaire sur la promptitude avec laquelle tu t’es remis à lui faire confiance, ni sur ta naïveté.

— Ma naïveté ?

— Ta confiance. J’ai dit confiance, pas naïveté.

— Quand tu ne faisais pas de commentaires, tu veux dire ? »

Desjani lui jeta un regard noir. « Quelqu’un doit bien surveiller vos arrières, amiral.

— Et je ne me fie à personne davantage qu’à toi. Mais elle aussi veut que la flotte rentre chez elle.

— De quand date ce brusque revirement ? » Desjani lui décocha un regard en biais sans ralentir le pas. « Ou bien tente-t-elle de te distraire quand tu devrais rester concentré sur notre actuel problème avec les Vachours ? »

Geary agita la main de dépit. « Je me concentrerai de nouveau sur cette question dès la fin de cette conversation. Elle a aussi dit quelque chose à propos de la découverte d’une nouvelle espèce extraterrestre. Ceux qui auraient aimé saboter cette mission ont peut-être mis la priorité sur l’étude d’une nouvelle menace potentielle. »

Desjani sourit. « Oh, tu viens de reconnaître que quelqu’un s’efforçait de la saboter, chéri !

— Je n’ai jamais nié cette éventualité. » Ou bien l’avait-il fait ? « Et surveillez votre langage, capitaine.

— Bien, amiral.

— Je crois que Rione s’inquiète pour son mari.

— Moi aussi. Je continue à croire qu’il se livrera à un sabotage un de ces jours. »

Geary eut le plus grand mal à ne pas fusiller Desjani du regard. Ce n’était pas à elle qu’il en voulait mais… au destin, peut-être ? À ce qui avait provoqué tout cela. « J’ai examiné les états de service de Paol Benan. Ils sont bons. Il était différent avant sa capture. Il est aujourd’hui impulsif. Furieux. Imprévisible.

— Bien normal, répliqua Desjani. Les Syndics l’ont torturé. Il existe des moyens de le faire sans laisser de souvenirs conscients ni de traces physiques, tu sais. »

Geary s’arrêta de marcher pour la fixer. Il venait enfin de comprendre ce que Rione avait seulement sous-entendu. « Le lieutenant Iger m’a affirmé que nous ne nous étions jamais abaissés à torturer, mais en avouant également que c’était par pur pragmatisme. La torture ne permet pas d’obtenir des renseignements fiables. Les Syndics aussi ont dû s’en apercevoir. »

Desjani se mâchonna pensivement la lèvre avant de répondre : « Ce dont vous ne tenez pas compte, le lieutenant Iger, les médecins de la flotte et toi, c’est que, pour certaines gens, la torture a un tout autre but que de recueillir des informations fiables. Elles s’y livrent par plaisir, ou parce qu’elles estiment que leur victime a mérité cette punition. » Elle avait dû lire sa réaction sur ses traits car elle poursuivit : « Je ne crois absolument pas que l’Alliance l’ait autorisée. Autant que je sache, nous avons toujours filtré très soigneusement notre personnel chargé des interrogatoires afin d’éliminer les tendances sadiques. Mais crois-tu sincèrement que les Syndics aient pris ce soin ? »

Geary avait rencontré des Syndics qui n’étaient que de très médiocres êtres humains. Quelques-uns, néanmoins, avaient fait montre de décence et d’un certain sens des responsabilités. Mais d’autres, le plus souvent parmi les dirigeants, semblaient dénués de tout scrupule. « Je vais demander aux médecins de travailler sur cette hypothèse et nous verrons bien ce qu’il en ressortira.

— Il est plus facile de briser quelqu’un que de lui rendre son intégrité, affirma Desjani d’une voix sourde. Officieusement, j’aimerais que ça ne lui soit pas arrivé. Ni à personne d’autre.

— Je n’en ai jamais douté. Je sais que le capitaine Benan est placé sous surveillance médicale. Des gens à toi le surveillent-ils aussi ?

— Vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. » Elle s’accorda une pause. « Ils ont l’ordre de l’arrêter s’il entreprend de faire une sottise. Je ne tiens pas à l’envoyer en cour martiale, seulement à éviter qu’il n’endommage mon vaisseau.

— Parfait. » Ils avaient atteint l’écoutille de la cabine de Geary. « J’ai de plus en plus l’impression qu’il va me falloir m’entretenir de nouveau avec lui.

— Ce serait une idée exécrable, amiral.

— Rien que lui et moi, ajouta Geary. Pour voir ce qu’il dit en tête à tête.

— Avec tout le respect que je vous dois, amiral, ce serait une très mauvaise idée, et parfaitement stupide, répéta Desjani sur un ton qui restait résolument égal.

— Je te le ferai savoir avant de tenter le coup, et pas avant que nous n’ayons trouvé le moyen de nous dépêtrer des Vachours.

— Voilà qui me rassure un peu. » Elle secoua la tête. « Les vivantes étoiles elles-mêmes doivent t’inspirer. Nul être humain au monde n’envisagerait raisonnablement un tête-à-tête avec l’époux déséquilibré d’une femme avec qui il a couché. »

Desjani parlait rarement de façon aussi directe de ce qui s’était passé entre Rione et Geary avant qu’ils n’apprennent que Benan était toujours en vie et que Desjani et lui ne prennent enfin conscience de ce qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Qu’elle y fît allusion à présent montrait à quel point elle était retournée. « Je te promets d’en discuter avec toi avant d’avoir un entretien privé avec le capitaine Benan. Bon, je vais maintenant mettre cette question de côté pour chercher un moyen de nous arracher à ce système stellaire.

— Merci. » Elle lui adressa un sourire ironique. « Une crise à la fois, hein ?

— Ce serait chouette, non ? » Le mot même dont il s’était servi pour répondre à Rione lui semblait à présent tout aussi adapté, mais il valait mieux que Tanya ignorât qu’il le répétait.

Il resta un moment planté derrière l’écoutille quand elle se fut refermée : seul dans la cabine qui avait naguère appartenu à l’amiral Bloch, avant que les Syndics ne l’éliminent à la faveur de prétendues « négociations », et qui, depuis, avait été son seul foyer. Que serait-il advenu de Tanya si elle avait été capturée par les Syndics alors que la guerre faisait encore rage ? Et que lui arriverait-il si elle l’était maintenant par les lambeaux, épars et brisés, de ce qui avait été naguère l’autorité centrale des Mondes syndiqués, et cela dans la plus grande partie de l’espace syndic ? Que ferait-on subir à la personne la plus proche du grand Black Jack Geary pour lui soutirer des informations, faire pression sur lui ou tout bonnement se venger de lui ?

Il mura cette pensée. Admettre la vraisemblance d’une telle hypothèse, d’un tel dénouement, risquait de le paralyser.

Alors que Geary observait la flotte en train de freiner au maximum de ses capacités par-delà la masse menaçante de la forteresse vachourse, la vague des centaines d’appareils ou missiles extraterrestres qu’elle avait lancés frappa la tête de la formation. De massives explosions la parcoururent sur toute sa longueur, les kamikazes piquant droit sur les dizaines de vaisseaux et d’auxiliaires.

Il annula la simulation avec un grognement écœuré. J’ai essayé tous les angles d’approche possibles, toutes les variantes en matière de vélocité et de trajectoire, et pas moyen d’échapper au fait que cette forteresse est bel et bien là, qu’il me faut conduire la flotte au point de saut tout proche et qu’elle ne doit pas dépasser 0,1 c en l’abordant.

Le plus exaspérant, c’était sans doute que l’univers tout entier s’ouvrait devant vous et que, malgré tout, vous vous retrouviez dans l’incapacité d’aller là où vous le souhaitiez.

Il tendit la main vers le panneau de commande des communications puis hésita en voyant l’heure. Celle du travail normal était largement dépassée, les coursives de l’Indomptable devaient déjà être plongées dans le noir afin de simuler le cycle d’alternance du jour et de la nuit prisé par les êtres humains, et presque entièrement désertes à l’exception du personnel de quart. Il aurait aimé en parler à Desjani, mais il ne pouvait faire fi de la mise en garde de l’amiral Timbal, selon laquelle ses mouvements et ceux de Tanya seraient étroitement surveillés pour tenter de surprendre tout signe de comportement non professionnel de leur part. En tant que subordonnée dans sa chaîne de commandement, Tanya ne ferait sans doute rien d’inconvenant, mais cela ne signifiait pas qu’une occupation innocente ne serait pas sciemment mal interprétée, surtout s’il lui rendait visite dans sa cabine de nuit.

Et zut ! il avait un boulot à effectuer. Il lui adressa une demande de rappel puis attendit que sa fenêtre surgît devant lui.

Elle se trouvait dans sa cabine, ce qui, compte tenu de l’heure tardive, lui mit du baume au cœur. Il lui arrivait parfois de se dire que Tanya vivait sur la passerelle de l’Indomptable, ce qui n’était bon ni pour elle ni pour ses subalternes. « Bonsoir, amiral. Que se passe-t-il ?

— Vous êtes occupée ? »

Elle lui rendit son regard. « Je commande à un croiseur de combat. Bien sûr que je suis occupée. Pourquoi ?

— Je sèche. » Geary montra l’écran au-dessus de la table de sa cabine. « J’ai trouvé le moyen d’esquiver les vaisseaux de ces Vachours mais pas de dépasser la forteresse qui garde le point de saut. Si je n’avais pas à me soucier de leurs bâtiments, je saurais peut-être réduire la forteresse à l’impuissance, mais je n’ai pas ce luxe.

— C’est un seul et même problème, affirma Desjani. J’aurais moi-même tendance à me concentrer sur les vaisseaux, mais ces forteresses sont le plus gros écueil. Devons-nous passer à portée de leurs armes ?

— Non, répondit Geary, lugubre. Nous pouvons passer hors de portée du rayon d’action moyen de tout ce qui pourrait y être installé, mais pas esquiver la nuée d’appareils/missiles qu’elle lancera pour nous intercepter, puisqu’elle connaîtra exactement la trajectoire qu’il nous faudra emprunter pour atteindre le point de saut. Des idées ?

— Je vous préviendrai dès qu’il m’en viendra une. Mais je ne suis que le commandant d’un croiseur de combat. Vous êtes Black Jack Geary.

— Vous savez comme moi que je n’aime pas ce surnom. Pourriez-vous descendre en discuter avec moi ? »

Desjani éclata de rire. « Oh, ça l’afficherait bien ! Moi, me faufilant dans votre cabine en pleine nuit. Dois-je mettre quelque chose de sexy, comme mon uniforme d’apparat ?

— Vous êtes éblouissante là-dedans. Bon sang, Tanya… nous sommes mariés !

— Hors de mon vaisseau, amiral. À son bord, nous sommes respectivement amiral et capitaine. Vous le saviez.

— C’est plus facile à vivre en théorie qu’en pratique, se plaignit Geary. En outre, ce sera purement professionnel. Vous avez la bosse de la stratégie, Tanya. J’en ai besoin.

— Ah, vous savez parler aux filles. » Elle secoua la tête. « Je crois que vous avez davantage besoin de sommeil que de… euh… ma bosse de la stratégie. Nous avons tous cherché un moyen de dépasser cette forteresse pour atteindre le point de saut que nous voulons emprunter. Personne n’a trouvé la solution. Il faut essayer autre chose.

— Comme quoi ?

— Que reste-t-il ? La planète natale de ces Vachours ?… Exclue. Nous avons déjà vu à quoi ressemblaient leurs vaisseaux.

— Mais nous ignorons comment ils s’en serviront, rétorqua Geary.

— Oui. Mais, jusque-là, ils se sont tous retournés pour piquer sur nous. Et nous avons vu aussi comment ces appareils/missiles nous accrochaient. » Elle haussa les épaules. « Ça ne nous mène pas bien loin, mais nous avons une petite idée de leur mode de raisonnement. On devrait peut-être se concentrer là-dessus. Demain. On réfléchit mal quand on n’a pas dormi. Allez vous coucher et nous en reparlerons dans la matinée.

— Allez-vous aussi vous mettre au lit ? demanda Geary.

— Je commande à un croiseur de combat. Nous avons déjà abordé ce sujet, non ? Le sommeil est un luxe.

— Je pourrais vous ordonner d’aller dormir.

— Sans doute, convint Desjani. Vous le regretteriez ensuite, mais vous pourriez. Si vous persistez à rester éveillé, réfléchissez à la manière dont raisonnent les Vachours pour tenter de comprendre l’ennemi. C’est ce que vous avez fini par faire avec les Énigmas. Et c’est le meilleur conseil que je puis vous donner. »

La communication coupée, Geary resta un bon moment à réfléchir à ce conseil dans sa cabine plongée dans le noir. Connaître l’ennemi. Ça relevait d’une antique sagesse. Et Tanya avait raison. Jusque-là, il s’était uniquement concentré sur les capacités de ses propres forces et celles, matérielles, dont l’ennemi devait disposer. Peu importait ce dont étaient capables ces extraterrestres, ce qui comptait, c’était ce que feraient en réalité les Vachours. Conscient qu’il n’avait jamais envisagé de se poser cette question, Geary entreprit d’y chercher une réponse. On connaissait certes quelques détails précieux à propos des Vachours, en particulier à partir d’évaluations succinctes émises par le lieutenant Iger et les experts civils, toutes farcies de termes tels que « inconnu », « présumé » et « possiblement », de sorte qu’il entreprit de consulter les renseignements dont il disposait sur les vrais ours.

L’ours était originaire de la vieille Terre, mais l’humanité en avait emporté des spécimens dans l’espace pour peupler de leur espèce quelques planètes lointaines, et elle avait rencontré sur certains autres mondes des animaux dont les caractéristiques étaient assez voisines de celles des ours terrestres pour qu’on leur appliquât le même terme générique. Techniquement bien sûr, en termes d’ADN, d’évolution et d’innombrables autres facteurs, ces animaux appartenaient tous à des espèces entièrement différentes. Mais, aux yeux de l’homme ordinaire, c’étaient tous des « ours », même si cet amalgame avait tendance à rendre dingue les zoologues.

Rien de ce qu’il découvrit sur les ours ne lui parut d’une quelconque utilité. C’étaient des animaux généralement solitaires, surtout comparés aux vaches. Ces Vachours, eux, étaient des animaux grégaires ; cela au moins était flagrant. Les ours étaient également omnivores, tandis que l’analyse, toujours en cours, des restes qu’on avait récupérés confirmait jusque-là le régime purement herbivore des Vachours.

Geary consulta les entrées « vache », « bétail », « taureau », « ruminant » et tout ce qui lui passait par la tête, lut des descriptions, des analyses, regarda des vidéos (dont l’étiquette de certaines affirmait qu’elles venaient de la vieille Terre elle-même), tout en laissant vagabonder son esprit.

Il se surprit à réfléchir à leurs supercuirassés. Ils n’étaient pas foncièrement plus lents que les cuirassés humains pourtant beaucoup plus petits. Si on leur en laissait le temps, ils devaient pouvoir atteindre les mêmes vélocités. C’était d’ailleurs précisément ce qu’ils faisaient en ce moment même : ils accéléraient régulièrement pour tenter d’intercepter sa flotte. Mais cette accélération exigerait un plus long délai, assez conséquent, de même que la modification de leur trajectoire à l’aide de propulseurs. Non pas à cause de la faiblesse relative de leur propulsion, mais de la masse plus volumineuse de ces bâtiments. Faire pivoter une telle masse demandait beaucoup de temps et d’énergie, et ces supercuirassés ne disposaient pas de l’énergie requise.

Tout comme dans la vidéo qu’il était en train de visionner : un taureau en train de charger, fonçant droit devant lui, ratant sa cible puis tournoyant sur lui-même pour faire face à un adversaire bien plus agile, un homme vêtu d’un costume bariolé ; mais celui-ci s’en écarta comme en dansant, anticipant ses réactions…

Geary consulta l’image gelée de la dernière simulation qu’il avait effectuée et qui flottait encore au-dessus de la table. Les massives forteresses, les vagues de missiles, l’armada des Vachours… Ses manœuvres avaient été déjouées et elle s’était largement déportée d’un côté. C’était d’ailleurs ainsi qu’il avait procédé à chaque simulation, en anticipant ses manœuvres de manière à l’esquiver. Mais, si l’on parvenait à la détourner, alors, peut-être…

« Tanya ! »

Il s’était servi sans réfléchir de la touche de dérogation, avait beuglé son message sans lui laisser une chance de se réveiller pour accepter la communication, et l’image de Tanya lui apparaissait à présent, clignant des paupières d’un air hébété. « Il vaudrait mieux qu’il s’agît de ma bosse de la stratégie, amiral, car vous avez ignoré mon conseil alors que je me suis pliée au vôtre.

— J’ai suivi votre autre conseil, Tanya. Je crois savoir comment procéder, mais je ne suis pas assez doué en matière de manœuvres pour parvenir à un résultat concluant. J’aimerais que vous vous en chargiez afin de voir si c’est jouable.

— Tout de suite ? »

Geary hésita, brusquement conscient de l’heure avancée. Plusieurs s’étaient écoulées pendant qu’il consultait les données et les dossiers. Pourtant Tanya avait posé très sérieusement la question. Elle sauterait sur l’occasion s’il le lui demandait, parce qu’elle était un fichtrement bon officier.

« Euh… non. Nous sommes encore très loin du point de saut que nous comptons emprunter et l’armada de ces Vachours n’est pas près de nous intercepter. Vous pourrez vous y atteler demain matin. Rendormez-vous. »

Ces derniers mots lui valurent un regard atone promettant de futures représailles. « Vous m’avez réveillée, déclara Desjani. Vous m’affirmez avoir peut-être trouvé la solution puis vous m’ordonnez de me rendormir. Merci, amiral. Transmettez-moi votre idée. Autant l’étudier maintenant que mes chances de retrouver le sommeil avant le début de la journée de travail me semblent bien minces. Cela dit, ce début n’est plus très éloigné, n’est-ce pas ? »

Peut-être lui pardonnerait-elle si son idée se révélait opérationnelle.

L’armada vachourse continuait de grossir à mesure que d’autres bâtiments s’y joignaient, et sa trajectoire générale de viser une interception de la flotte humaine. Celle-ci n’avait pas modifié la sienne, qui s’incurvait toujours vers le plus proche point de saut à travers les franges extérieures du système. Si aucune des deux n’altérait sa course ni sa vélocité, la flotte de Geary arriverait dans trente-deux heures à la portée estimée des appareils/missiles basés sur la forteresse ennemie et, dans trente-cinq, l’armada extraterrestre intercepterait ce qu’il en subsisterait.

Geary fixait son écran en se demandant ce que Desjani allait penser de son subterfuge. Au moins ne l’avait-elle pas déjà réfuté et regardé comme inepte. Dans la mesure où personne jusque-là n’avait avancé d’autre solution, il ne pouvait qu’espérer que la sienne serait jouable.

Épuisé, mais trop braqué pour trouver le sommeil, il quitta sa cabine pour arpenter les coursives de l’Indomptable alors que l’équipe du matin se mettait en place. Les matelots devaient absolument le voir, et le voir serein, calme et assuré. Il ne se sentait pas lui-même très confiant et sûr de lui, mais savoir donner le change malgré tout fait fondamentalement partie du travail d’un officier. Vous bilez pas trop si vos matelots vous voient un peu soucieux de temps en temps, lui avait dit un de ses sous-officiers alors que Geary était encore lieutenant. Dites-leur tout bonnement que vous êtes assez intelligent pour savoir quand vous devez vous inquiéter. N’ayez pas l’air trop préoccupé ou ils s’imagineront que vous ne savez pas ce que vous faites. L’équipage vous prendrait alors pour un demeuré ou un bouffon. Il sait que les officiers sont des hommes comme eux, et les hommes qui n’ont que la moitié d’une cervelle ne se font jamais de mouron. Mais, tant que vous aurez l’air de savoir ce que vous faites, ils vous suivront.

Le souvenir d’une femme, sans doute morte quatre-vingts ans plus tôt, dans les premières décennies de la guerre contre les Syndics, lui arracha un sourire. Le sergent-chef Gioninni qu’il avait rencontré un peu plus tôt ne portait pas le même nom de famille, mais ça ne voulait pas dire qu’il n’était pas un descendant du sergent-chef Voss. Il semblait en tout cas disposer des mêmes gènes pour la magouille et la chicanerie qui avaient rendu Voss si précieuse aux yeux du lieutenant Geary de l’époque, en même temps qu’ils faisaient d’elle une source constante d’appréhension.

Les spatiaux qu’il croisait le voyaient sourire et leur visage tendu reprenait de l’assurance. De toute évidence, l’amiral avait la situation bien en mains. Heureusement, Desjani est la seule à bord à lire dans mes pensées, songea-t-il ironiquement.

Sa promenade le conduisit devant les lieux de culte où l’équipage pouvait s’adonner en toute intimité à ses pratiques religieuses. Geary choisit un petit compartiment isolé et s’y assit, alluma la chandelle et patienta. Faites que je prenne la bonne décision, ô mes ancêtres. Que demander d’autre ? Mais il ne pouvait pas se contenter de quémander. Merci de nous avoir aidés à arriver jusqu’ici.

Il allait pour se lever quand le souvenir lui revint d’un autre problème, de sorte qu’il resta assis. Capitaine Michael Geary. Nous ne savons toujours pas si vous êtes mort quand votre bâtiment a été détruit. Êtes-vous avec nos ancêtres ? Il s’efforça en vain de pressentir une réponse. Votre sœur, ma petite-nièce, se conduit étrangement. Je ne sais pas ce qui lui prend. Ce n’est pas seulement qu’elle soit plus agressive. C’est le symptôme d’autre chose. Mais de quoi ? Aidez-moi à comprendre, s’il vous plaît.

Et, si vous êtes encore vivant et prisonnier des Syndics, je vous retrouverai et je vous libérerai un jour. Je ne renoncerai jamais. Promis.

Geary regagna ensuite sa cabine. Il se sentait exténué. Songer ainsi à son arrière-petite-nièce et son arrière-petit-neveu, sans doute décédé, avait ramené à la surface le souvenir de son frère. Tout le poids du passé s’était de nouveau abattu sur lui, et, en se remémorant tous ceux qui étaient morts pendant le siècle qu’il avait passé en sommeil de survie, il ne parvenait plus à sourire. Heureusement, il aurait toujours du pain sur la planche, et il pourrait trouver un semblant d’oubli dans le travail.

De retour dans sa cabine, Geary consulta la multitude de messages de sa boîte de réception. Le commandant de la flotte en recevait une bonne centaine par jour, dont bien peu traitaient de problèmes importants exigeant de lui qu’il prît une décision. Mais, pour celles qu’il devait arrêter, il lui fallait connaître une foule de petits détails, de sorte qu’on lui transmettait directement des données et des rapports, à charge pour lui de les consulter ou de les conserver. Il se contenta donc de feuilleter les en-têtes et de les trier, en s’interrompant parfois pour lire la teneur des messages particulièrement importants.

Les drones qu’on avait dépêchés vers les épaves ennemies pour découvrir des traces de leur équipage avaient aussi rapporté des débris de ces carcasses. Le rapport du capitaine Smyth résumait peu ou prou ce qu’on en avait tiré jusque-là et qui, malheureusement, se résumait à pas grand-chose : un mélange attendu d’alliages et de composites… l’analyse structurelle des alliages montre par certains signes une technique de fonte inhabituelle… les composites tendent à révéler la présence de davantage de silice que de carbone, suggérant une relative abondance de ce dernier élément sur leur planète natale… les fragments d’équipement récupérés ne sont pas assez gros pour fournir des informations essentielles sur leur destination ni sur leur conception.

Le capitaine Tulev avait pondu un rapport sur tout ce qu’on avait récupéré sur le site du combat. Au moins n’aurait-on pas à s’inquiéter de voir les extraterrestres analyser des débris ou fragments humains. Ce qu’ils retrouveraient après son nettoyage leur fournirait beaucoup moins d’indices sur les hommes que ceux-ci n’en retireraient de l’analyse des épaves ennemies.

L’œil de Geary s’attarda sur le résumé des mesures disciplinaires prises sur le Dragon. Un de ses sous-officiers avait synthétisé des drogues à partir de fournitures médicales volées. Six cas d’insubordination et trois rixes, dont une impliquant plusieurs matelots. Le capitaine Bradamont avait-il du mal à contrôler son équipage ?

Il ordonna au système de collecter tous les rapports disciplinaires et d’établir une moyenne pour chaque bâtiment. Le Dragon faisait un peu mieux que la moyenne, constata-t-il. L’Indomptable lui-même avait eu sa part d’incidents surnuméraires.

Geary fixait les chiffres, conscient de leur signification. Rixes. Insubordination. Manquements aux ordres. Autant de signes de troubles, et ça ne faisait qu’empirer. Les matelots étaient mécontents mais ne pouvaient déverser leur bile sur rien de précis, de sorte qu’ils se retournaient contre leurs pairs, en permettant à de légers incidents de dégénérer là où l’on aurait dû entreprendre une action disciplinaire. Tout cela restait relativement anodin. La situation n’était pas encore critique, mais il devait s’efforcer d’éviter qu’elle ne le devînt.

En rentrant à la maison, par exemple.

Il finit par s’endormir deux heures dans son fauteuil, avant de se réveiller en sursaut : un message résumant les progrès accomplis par les jeunes gradés de la flotte dans leurs qualifications trônait encore sur son écran. Pas étonnant qu’il ait sombré.

Un bref regard à l’écran des étoiles lui apprit que rien n’avait beaucoup changé dans le système stellaire. La flotte humaine et l’armada extraterrestre s’étaient légèrement rapprochées, convergeant lentement l’une vers l’autre, tandis que les vaisseaux de Geary étaient également moins loin de la forteresse qui gardait le point de saut, mais c’était à peu près tout.

Il éteignit l’écran, vérifia sa tenue, envisagea un instant d’apparaître sur la passerelle comme s’il venait de sortir d’une nuit de débauche, songea à la réaction de Tanya puis prit le temps de faire sa toilette et de revêtir un uniforme propre.

Desjani était sur la passerelle, impeccable dans son propre uniforme, encore que son visage trahît certains signes de fatigue. Elle bâilla tout en montrant à Geary son siège de commandement. « Bien reposé, amiral ?

— Plus ou moins.

— Tant mieux. En contrepartie de votre propre étalage de perspicacité, j’ai quelque chose à vous montrer. »

Il s’assit sans la quitter des yeux. « Un plan opérationnel ?

— Opérationnel ? Non, amiral. Grandiose. » Elle entra des instructions et l’écran de Geary s’activa.

Il observa les manœuvres, laissa la simulation défiler jusqu’au bout puis poussa un grand soupir. « Ça marche.

— Ça pourrait marcher, corrigea-t-elle. Si les Vachours font bien ce qu’on attend d’eux. Sinon, nous pourrons toujours rompre le contact et tenter autre chose. » Elle fixa son propre écran en fronçant les sourcils. « On devrait sans doute y arriver.

— Sans doute ?

— J’en ai la quasi-certitude, amiral. » Tanya bâilla de nouveau. « Ça n’opérerait sans doute pas contre les Syndics, mais j’ai transmis quelques idées au lieutenant Iger et à ses barbouzes, et elles correspondent à ce qu’ils ont vu sur les vidéos que nous avons captées. Cela dit, il ne laisse pas beaucoup de place à l’erreur. C’est un plan grandiose mais terrifiant. »

Geary s’interdit de se rembrunir. « Terrifiant ?

— Oui, amiral. Ce plan comporte pas mal d’hypothèses, et il échouera si l’ennemi ne réagit comme nous nous y attendons. Auquel cas nous nous retrouverions dans un sacré merdier. »

Il fronçait carrément les sourcils à présent, oscillant entre colère et déception. Il espérait qu’on avait trouvé une solution et les premières paroles de Tanya avaient encore conforté cet espoir. Mais, si elle-même trouvait son plan à ce point médiocre… « Nous devons donc trouver autre chose.

— Non. » Elle secoua la tête, se rejeta en arrière et poussa un soupir de satisfaction. « D’abord parce que j’ai déjà beaucoup travaillé là-dessus et, ensuite, parce que, même si ce n’est pas un plan formidable, il reste supérieur à toutes les idées qu’on a avancées jusque-là. Vous n’accorderiez même pas un regard à ceux que les systèmes de combat ont échafaudés dans leurs petits cerveaux artificiels.

— Ils sont si mauvais que cela ? s’enquit Geary, un peu moins abattu.

— Essayez de vous représenter cinquante pour cent de pertes. » Elle secoua la tête derechef, cette fois d’un air écœuré. « J’ai du mal à croire qu’on ait pu parler d’intelligence artificielle à propos de ces cochonneries. Ils sont plus bornés qu’un pont de vaisseau.

— Sans eux, nous ne pourrions même pas viser, fit remarquer Geary. Du moins pas dans une enveloppe de tir mesurée en millièmes de seconde. Et, sans les systèmes de pilotage automatique assisté, je ne me risquerais pas à manœuvrer à ces vélocités.

— Ouais, mais ça reste du pur matériel ! Nous pouvons le modéliser après l’avoir établi. Mais pour ce qui est de réfléchir ? De pondre quelque chose de nouveau ? Bah ! Rapide et stupide, ça reste stupide. Ils le deviennent seulement plus tôt que les hommes livrés à eux-mêmes. Ce qui reste une prouesse, je dois le reconnaître, ajouta-t-elle. Parce que nous sommes plutôt doués pour la stupidité.

— De quoi pavoiser, convint Geary.

— On s’enorgueillit de ce qu’on peut. » Elle agita la main. « Quoi qu’il en soit, votre plan est loin de l’être autant que les alternatives qu’on nous a proposées. Félicitations. »

Geary étudia de nouveau l’écran et ne tarda pas à prendre conscience de toutes les incertitudes et présomptions que Desjani avait été contrainte d’y inclure. Si, si et si. Il lui revenait à présent de décider s’il fallait l’appliquer en dépit de toutes ces supputations. Mais, même s’ils passaient encore plusieurs mois dans ce système à esquiver l’armada extraterrestre, ils n’obtiendraient toujours pas toutes les réponses. Son instinct lui soufflait de décamper au plus vite, avant que les stocks de la flotte ne se tarissent, que le moral soit au plus bas et que les Vachours, grâce à leurs ressources et leur monstrueuse supériorité numérique, ne déploient des forces encore plus importantes. « On fonce. »

Desjani hocha la tête, les yeux mi-clos l’espace d’une seconde. « Oh, vous avez oublié une phase essentielle du plan, amiral.

— Laquelle ?

— Celle où l’on prie pour qu’il opère, amiral. »

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