Ils étaient assis sur le sol, dos appuyé contre une rangée de machines à sous auxquelles personne ne jouait, et ils observaient le flux et le reflux de la violence autour d’eux comme s’ils assistaient à un match de football. Miller avait posé son feutre sur son genou relevé. Il sentait la vibration dans la caisse de la machine derrière lui quand celle-ci lançait sa démonstration pour appâter le client. Les lumières clignotaient et brillaient. À côté de lui, Holden avait autant de mal à respirer que s’il venait de terminer une course de fond. Au-delà, telle une scène imaginée par un Jérôme Bosch actuel, les casinos d’Éros se préparaient à la mort.
L’émeute s’était essoufflée, au moins pour un temps, et hommes et femmes se rassemblaient par petits groupes. Des gardes passaient ici et là, pour menacer et disperser tout attroupement qui leur paraissait trop important ou turbulent. Quelque chose se consumait trop vite pour que les recycleurs d’air puissent chasser l’odeur de plastique fondu. La musique bhangra diffusée en fond sonore se mêlait aux sanglots, aux gémissements et aux cris de désespoir. Un inconscient apostrophait l’un des prétendus policiers. L’homme se disait avocat, il prenait tout ce qui se passait sur vidéo, et promettait de gros ennuis au responsable de cette pagaille généralisée. Miller vit les gens s’attrouper peu à peu autour de l’incident. L’agent en tenue antiémeute écouta patiemment la diatribe de l’autre, acquiesça à sa conclusion et lui logea une balle dans le genou. La foule se dispersa à l’exception d’une femme, l’épouse ou la petite amie du blessé, qui se pencha sur lui en hurlant. Dans l’intimité du crâne de Miller, tout se désagrégeait lentement.
Il prenait conscience qu’il possédait deux esprits différents. L’un était le Miller auquel il était habitué. Celui qui réfléchissait à ce qui allait se passer quand il se découvrirait, quelle étape suivante aiderait à relier les points entre la station Phœbé, Cérès, Éros, et Juliette Mao, et comment faire progresser cette affaire. Cette version de lui-même scrutait la foule de la même manière que s’il avait observé une scène de crime, en attendant qu’un détail, un changement attire son attention. Que cela l’envoie dans la bonne direction et lui permette de résoudre le mystère. C’était la partie un peu sommaire, qui raisonnait à court terme et qui ne pouvait envisager sa propre fin, pensant que sûrement, sûrement il y aurait un après.
L’autre Miller était plus calme. Triste, mais en paix. Des années plus tôt, il avait lu un poème intitulé Le Mort en moi, et il n’avait pas compris l’expression avant cet instant. Un nœud au centre de sa psyché se défaisait. Toute l’énergie qu’il avait consacrée à maintenir l’unité – de Cérès, son mariage, sa carrière, lui-même – se libérait. Il avait tué par balles plus de personnes ce dernier jour que durant toute sa carrière de flic. Il commençait – et commençait seulement – à se rendre compte qu’il était en fait tombé amoureux du sujet de ses recherches après avoir eu la certitude qu’il l’avait perdu à jamais. Il voyait clairement que le chaos qu’il s’était efforcé de repousser toute sa vie était plus puissant et plus diversifié que lui-même le serait jamais. Aucun des compromis auxquels il pouvait consentir ne serait suffisant. Le mort-en-lui l’envahissait, et cet épanouissement ténébreux ne réclamait aucun effort de sa part. C’était un soulagement, un relâchement, une longue et lente libération après des décennies de retenue.
Il était en ruine, mais c’était sans importance, puisqu’il agonisait.
— Eh, fit Holden.
Sa voix était plus forte que Miller ne s’y serait attendu.
— Ouais ?
— Vous avez déjà regardé Misko et Marisko quand vous étiez gamin ?
Miller fronça les sourcils.
— L’émission pour enfants ?
— Celle avec les cinq dinosaures et le type méchant coiffé d’un gros chapeau rose, répondit le Terrien.
Il se mit à fredonner un air enlevé. Miller ferma les yeux et se joignit à lui. Il y avait eu des paroles sur cette musique, dans le temps, mais à présent ce n’était plus qu’une série de notes montantes et descendantes, une roulade sur une gamme majeure avec chaque dissonance résolue dans la note suivante.
— J’ai dû la voir, oui, dit-il quand ils furent arrivés au terme de leur duo.
— J’adorais cette émission. J’avais huit ou neuf ans la dernière fois que je l’ai regardée. Curieux comme ce genre de choses vous reste en mémoire.
— Ouais, approuva Miller.
Il toussa, tourna la tête et cracha quelque chose de rouge.
— Comment vous vous en sortez ? demanda-t-il.
— Je crois que ça va à peu près, répondit le Terrien, qui ajouta, après un instant de réflexion : Tant que je ne me mets pas debout.
— Nauséeux ?
— Ouais, un peu.
— Moi aussi.
— Qu’est-ce que c’est ? dit Holden. Je veux dire : pourquoi font-ils tout ça ?
C’était une bonne question. La dévastation d’Éros, ou d’une autre station dans la Ceinture d’ailleurs, était une tâche très facile à effectuer. N’importe qui ayant suivi une première année d’études sur la mécanique orbitale pouvait trouver un moyen de projeter un astéroïde assez gros et à une vitesse suffisante pour éventrer la station. Avec les moyens que Protogène avait engagés, ils auraient pu couper l’alimentation en air, l’empoisonner ou en faire ce qu’ils voulaient. Ce n’était pas un meurtre. Ce n’était même pas un génocide.
Et il y avait tout ce matériel d’observation. Des caméras, des systèmes de communication, des senseurs pour l’air et pour l’eau. Il n’existait que deux raisons d’accumuler ce genre d’équipement. Soit les salopards de Protogène étaient dingues, et ils prenaient leur pied à regarder les gens mourir, soit…
— Ils ne savent pas, dit Miller.
— Quoi ?
Il se tourna vers Holden. Le premier Miller, l’inspecteur, l’optimiste, celui qui avait besoin de savoir, était maintenant aux commandes. Son mort-en-lui ne luttait pas, parce que ce n’était pas quelque chose qu’il faisait, bien sûr. Il ne luttait contre rien. Il leva la main, comme s’il s’apprêtait à faire la leçon à un bleu.
— Ils ne savent pas à quoi rime tout ça, ou… voyez-vous, au minimum ils ne savent pas ce qui va se passer. Tout ça n’est pas agencé comme une chambre de torture. Tout est observé, d’accord ? Ces senseurs pour l’air et l’eau. C’est une boîte de Petri. Ils ignorent ce que fait cette saloperie qui a été Julie, et c’est la façon qu’ils ont trouvée de le découvrir.
Holden se renfrogna.
— Ils n’ont donc pas de laboratoires ? Des endroits où ils pourraient refiler cette vacherie à des animaux, par exemple ? Parce que comparé aux méthodes d’expérimentation traditionnelles, tout ça a l’air un peu confus.
— Peut-être qu’ils ont besoin d’une expérimentation à grande échelle. Ou alors ça ne concerne pas les gens, mais ce qui arrive à la station.
— Voilà une pensée réjouissante, grommela le Terrien.
Dans l’esprit de Miller, Julie Mao chassa une mèche de cheveux de devant ses yeux. Elle semblait pensive, intéressée, soucieuse aussi. Tout cela devait avoir un sens. C’était comme un de ces problèmes de base sur la mécanique orbitale dans lequel chaque nœud et chaque changement de direction semblait aléatoire jusqu’à ce que toutes les variables trouvent leur place. Ce qui avait été inexplicable devenait alors inévitable. Julie lui sourit. Julie telle qu’elle avait été. Telle qu’il imaginait qu’elle avait été. Le Miller qui ne s’était pas résigné à la mort lui sourit en retour. Et quand elle fut partie, son esprit revint au bruit des machines à sous et au gémissement bas et démoniaque de la foule.
Un autre groupe, fort d’une vingtaine d’hommes penchés en avant comme des joueurs de football américain avant le mouvement, se précipita vers les mercenaires qui gardaient l’entrée du spatioport. Tous furent fauchés dans les secondes suivantes.
— Si nous avions assez de gens, dit Holden quand la fusillade cessa, nous pourrions y arriver. Ils ne pourraient pas nous tuer tous.
— C’est pour ça que les faux policiers patrouillent, répliqua Miller. Pour s’assurer que personne n’organise un rassemblement trop important. Ils n’arrêtent pas de remuer la soupe pour éviter les grumeaux.
— Mais s’il y avait une révolte contre eux, je veux dire une vraie révolte d’ampleur…
— Peut-être, admit l’ex-policier.
Quelque chose dans sa poitrine produisait un bruit sec qui n’existait pas une minute auparavant. Il prit une inspiration lente et profonde, et le bruit se fit entendre de nouveau. Il le sentait qui claquait au fond de son poumon gauche.
— Au moins Naomi s’est sauvée, dit Holden.
— Une bonne chose.
— Elle est étonnante. Elle ne mettra jamais Amos et Alex en danger si elle peut l’éviter. Je veux dire : elle est sérieuse. Professionnelle. Forte, vous comprenez ? Enfin, elle est vraiment, vraiment…
— Jolie, aussi, proposa Miller. De beaux cheveux. J’aime bien ses yeux.
— Non, ce n’est pas ce que je voulais dire…
— Vous ne la trouvez pas séduisante ?
— C’est mon officier en second. Elle est… Vous me comprenez…
— Hors catégorie.
Holden soupira.
— Elle s’en est tirée, vous croyez ? demanda-t-il.
— C’est presque certain.
Ils firent silence. Un des blessés du dernier assaut toussa, se releva et se traîna en boitant jusqu’au casino le plus proche. La blessure dans son flanc laissa derrière lui une traînée de sang. Le bhangra fut remplacé par un medley afro pop, avec une voix basse et sensuelle qui chantait dans une langue inconnue de Miller.
— Elle nous aura attendus, dit Holden. Vous ne pensez pas qu’elle nous aura attendus ?
— C’est presque certain, répondit le Miller mort-en-lui-même, sans particulièrement se soucier que ce soit là un mensonge.
Il y réfléchit pourtant un long moment, et se tourna pour regarder le Terrien dans les yeux.
— Eh, juste pour que vous sachiez : je ne suis pas au top de ma forme, en ce moment.
— Compris.
— Bon.
Les lumières orange indiquant la fermeture de la station de métro située à l’autre bout du niveau passèrent au vert. Intéressé, Miller se redressa un peu. Son dos était collant, mais c’était probablement seulement dû à la sueur. D’autres personnes avaient remarqué le changement. Comme un courant dans un réservoir d’eau, l’attention de la foule alentour délaissa les gardes bloquant l’accès au spatioport et se porta sur les portes en acier brossé de la station de métro.
Les panneaux métalliques s’ouvrirent, et les premiers zombies apparurent. Des hommes et des femmes aux yeux vitreux et à la musculature amollie franchirent le seuil en trébuchant. Pendant sa période de formation sur Cérès, Miller avait vu un documentaire consacré aux fièvres hémorragiques. Les mouvements de ces gens correspondaient aux symptômes décrits : apathiques, contraints, manquant de coordination. Comme des chiens atteints de la rage dont le cerveau avait déjà rendu les armes devant la maladie.
Il posa sa main sur l’épaule d’Holden.
— Eh, ça commence.
Un homme d’âge mûr portant la combinaison des services d’urgence alla à la rencontre des nouveaux venus. Il tendait les mains écartées devant lui, comme s’il pouvait les arrêter tous par ce seul geste. Le premier zombie de la meute posa sur lui un regard vide et vomit un jet d’une substance brune poisseuse très familière.
— Regardez, dit Holden.
— J’ai vu.
— Non, regardez !
Partout au niveau des casinos, les témoins lumineux du métro passaient du rouge au vert. Les portes s’ouvraient. Les gens se dirigeaient vers les rames ouvertes, mus par l’espoir insensé d’une fuite possible, et aussi pour s’éloigner des morts et des mortes qui continuaient d’avancer.
— Des zombies qui vomissent, dit Miller.
— Venus des abris antiradiations, ajouta Holden. Cette chose, cet organisme. Il se développe plus vite avec les radiations, n’est-ce pas ? C’est pourquoi cette fille – son nom m’échappe –, cette fille s’est comportée de façon aussi bizarre avec l’éclairage et la combinaison pressurisée.
— Elle s’appelle Julie. Et ouais, ces incubateurs étaient destinés à ça, fit Miller dans un soupir, avant d’envisager de se lever. Eh bien, nous ne mourrons peut-être pas empoisonnés par les radiations, finalement.
— Pourquoi ne pas simplement diffuser cette merde dans l’air ?
— L’anaérobie, vous vous souvenez ? Trop d’oxygène les tue.
L’homme des services d’urgence éclaboussé de vomissures essayait toujours de traiter les zombies vacillants comme si c’étaient des patients ordinaires. La substance brune maculait les vêtements des gens, les murs. Les portes de la rame de métro s’ouvrirent, et Miller vit une demi-douzaine de personnes s’engouffrer dans une voiture repeinte en brun. La foule était devenue indécise, son esprit collectif ayant dépassé le point de rupture devant ce spectacle.
Un policier antiémeute s’avança et se mit à arroser les zombies avec des rafales de son arme. Des plaies entrantes et sortantes que créaient les projectiles jaillirent des filaments noirs, et les morts-vivants s’écroulèrent. Miller ricana avant même de comprendre ce qu’il trouvait comique. Holden le regarda.
— Ils ne savaient pas, dit l’ex-flic. Les mercenaires en tenue d’intervention. Ils vont être retirés de la circulation. De la viande pour la machine, exactement comme nous tous.
Le Terrien laissa échapper un murmure d’approbation. Miller acquiesça, mais quelque chose de vague l’intriguait. Les gangsters venus de Cérès dans leur équipement volé étaient sacrifiés. Cela ne signifiait pas que tout le monde le serait. Il se pencha en avant.
L’arcade donnant sur le spatioport était toujours défendue par des mercenaires en position, l’arme prête. Ils semblaient même plus disciplinés maintenant qu’ils l’étaient auparavant. Miller observa le plus galonné, qui à l’arrière aboyait des ordres dans un micro.
Miller avait cru tout espoir illusoire. Il avait pensé avoir épuisé toutes ses chances, et subitement, elles ressurgissaient.
— Levez-vous, dit-il.
— Hein ?
— Levez-vous. Ils vont se replier.
— Qui ?
Miller désigna les mercenaires.
— Ils savaient. Regardez-les. Ils ne paniquent pas. Ils ne sont pas troublés. Ils attendaient que ça arrive.
— Et vous pensez qu’ils vont se replier ?
— Ils ne vont certainement pas traîner. Levez-vous.
Presque comme s’il s’était donné l’ordre à lui-même, Miller se mit debout en grognant sous l’effort. Ses genoux et sa colonne vertébrale lui faisaient un mal de chien. Le bruit dans son poumon empirait. Son ventre émit un gargouillement doux et complexe qui aurait été inquiétant en d’autres circonstances. Dès qu’il bougea il put prendre la mesure de l’étendue des dégâts corporels. Sa peau n’était pas encore douloureuse mais cela n’allait pas tarder, il le sentait, comme dans l’intervalle entre une brûlure grave et l’apparition des cloques qui en résultent. S’il survivait, il allait souffrir.
S’il survivait, tout allait le faire souffrir.
Son mort-en-lui-même cherchait à se manifester. La sensation de délivrance, de soulagement, de paix ressemblait à quelque chose de précieux qu’il avait perdu. Alors même que son esprit pareil à une machine s’affairant et jacassant continuait de tourner et de tourner encore pour avancer, le centre fragile et meurtri de son âme l’incitait à faire une pause, à se rasseoir, à laisser les problèmes s’éloigner.
— Qu’est-ce que nous cherchons ? demanda Holden.
Il s’était mis debout. Un vaisseau sanguin dans son œil gauche avait éclaté, et le blanc de la cornée était aussi rouge que de la viande crue.
Qu’est-ce que nous cherchons ? dit le mort-en-lui-même de Miller dans une sorte d’écho intérieur.
— Ils vont se replier, affirma-t-il pour répondre à la première question. Nous les suivons. En restant juste hors de portée pour que le dernier à partir ne se sente pas obligé de nous abattre.
— Et tout le monde ne va pas faire la même chose ? Enfin, quoi, une fois que les mercenaires seront partis, vous ne pensez pas que tous les gens présents ici ne vont pas se diriger vers le spatioport ?
— Si. C’est ce que je pense, dit Miller. Alors essayons de devancer la ruée générale. Regardez. Là.
Ce n’était pas grand-chose. Une légère modification dans l’attitude des mercenaires, un glissement infime dans leur centre de gravité collectif. Miller toussa. C’était plus douloureux que ça aurait dû l’être.
Qu’est-ce que nous cherchons ? répéta le mort-en-lui-même. Une réponse ? La justice ? Une autre occasion pour l’univers de nous donner un coup de latte dans les couilles ? Qu’y a-t-il de l’autre côté de cette arcade qui puisse être une version plus rapide, plus propre, moins douloureuse que celle qui attend dans le canon de nos armes ?
Le chef des mercenaires recula tranquillement d’un pas avant de parcourir rapidement le couloir extérieur et de disparaître à la vue. Là où il s’était tenu un moment plus tôt, Julie était assise, et elle le regarda partir. Puis elle se tourna vers Miller. Qui fit un signe de la main.
— Pas encore, dit-il.
— Quand ? demanda Holden, et sa voix surprit l’ancien flic.
Dans la tête de Miller l’image de Julie se brouilla, s’évanouit, et il fut de retour dans le monde réel.
— Ça vient, dit-il.
Il se devait de prévenir ce type. Il le lui devait. Vous entriez dans une mauvaise phase, vous deviez au moins à votre équipier la courtoisie de l’en avertir. Il se racla la gorge. C’était douloureux, ça aussi.
Il est possible que je me mette à halluciner, ou que j’aie des pulsions suicidaires. Il se pourrait que vous deviez m’abattre.
Holden lui jeta un coup d’œil. Les machines à sous les éclairaient en bleu et en vert, et cliquetaient d’un ravissement artificiel.
— Quoi ? dit Holden.
— Rien. J’assure mon équilibre.
Dans leur dos, une femme cria. Miller regarda en arrière et la vit qui repoussait un zombie, mais un jet de substance brune l’avait déjà touchée. Derrière l’arcade, les mercenaires reculaient en ordre dans le couloir.
— Allons-y, dit-il.
Holden et lui marchèrent vers l’arcade, et il remit son feutre en place. Des voix fortes, des cris, le son bas et informe de gens pris de nausées violentes. Les recycleurs d’air ne suffisaient plus à la tâche, et une odeur forte et âcre se répandait, qui évoquait le bouillon de bœuf mêlé à des substances acides. Miller avait l’impression d’avoir un caillou dans sa chaussure, mais il était presque certain que s’il vérifiait il y aurait seulement une rougeur là où la peau de sa voûte plantaire commençait à se fendiller.
Personne ne les prit pour cible. Personne ne leur ordonna de s’arrêter.
Quand ils arrivèrent à l’arcade, il mena Holden contre le mur, puis il risqua un coup d’œil au-delà du coin. Il lui suffit d’un quart de seconde pour constater que le couloir était désert sur toute sa longueur. Les mercenaires en avaient fini ici, et ils abandonnaient Éros à son destin. La fenêtre était ouverte. La voie était libre.
Dernière chance, se dit-il, autant pour vivre que pour mourir.
— Miller ?
— Ouais. Ça a l’air bon. Allons-y. Avant que tout le monde ait la même idée.