19.

Tout cela remonte à bien des années. Peut-être personne ne se souvient-il de ces événements qui, même à moi, m’apparaissent aujourd’hui comme un rêve. L’Épée-d’Orion m’a transporté depuis dans presque tous les coins de la galaxie. Durant certains voyages j’ai été capitaine ; pour d’autres, déchargeur, subrécargue, balayeur mental, et même parfois unité de propulsion. Dans le Service, peu importe la façon de servir.

Je pense souvent à elle. Il y a eu un temps où penser à elle revenait à faire face à des sentiments de chagrin, de souffrance et de perte irrémédiable, mais plus maintenant, depuis bien des années. Elle doit être morte depuis longtemps à présent, quelque vivace et résistante qu’ait pu être l’étincelle à laquelle elle se résumait. Et pourtant elle continue de vivre. De cela je suis certain. Il y a une place en moi où je peux joindre sa chaleur, sa force, sa vitalité fantasque, sa brusquerie déconcertante. Je sens tous ces aspects de sa personnalité, ces dons de son court temps d’asile à l’intérieur de moi, comme une présence toujours vivante, et je crois qu’il en sera toujours ainsi tant que j’irai d’un monde en laisse à un autre, tant que je serai du grand voyage, couvrant sans fin les noires années-lumière dans ce gigantesque vaisseau céleste.


Titre original :

The Secret Sharer

paru dans Isaac Asimov’s Science Fiction,

septembre 1987

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