[1] La poésie de la mort, la poésie qui parle du royaume des morts.
[2] Les neuf filles de Pierius, roi de Thessalie, nommées d’après lui Pies ou Piérides, avaient défié les Muses. Calliope, déléguée par les autres Muses pour les représenter, étant sortie victorieuse, elles furent transformées en pies.
[3] Vénus.
[4] La constellation de la Croix du Sud, qui brille sur le ciel austral, a quatre étoiles; et elle n’était pas tout à fait inconnue des marins et des astronomes médiévaux. Cependant, il est à supposer que Dante, qui parle ici d’étoiles jamais vues, n’entendait pas faire allusion à cette constellation, mais à quelque groupe d’étoiles symboliques et imaginaires, représentant par exemple les quatre vertus cardinales.
[5] Caton d’Utique (95-46 av. J.-C). Il n’était pas tout à fait un vieillard, au moment de sa mort. D’autre part, on comprend que Caton, que l’Antiquité avait beaucoup admiré, jouisse, aux yeux de Dante, d’un régime de faveur: il est ici condamné sans l’être, puisque c’est lui qui l’entrée du Purgatoire. Mais Dante avait placé lui-même les païens dans le limbe, et les suicidés au septième cercle. Plus encore, Caton avait été l’ennemi de César, avec Brutus et Cassius, dont on a vu le terrible châtiment. On peut donc se demander quelle raison, difficile à entrevoir a induit Dante à traiter Caton autrement que ses pairs; cf. E. Trucchi, lntorno al Catone dantesco, Rome 1927. On a avancé que c’est parce que Dante considérait son suicide comme un sacrifice qui forme la base de l’Empire comme celui de Jésus-Christ forme la base de l’Église (L. Pietroboni, dans Giornale dantesco, 1927, pp. 164-165); mais le sacrifice du Christ n’était pas un suicide. Le Romain était considéré comme le champion par excellence de la liberté, cette liberté «si chère, que beaucoup de mortels l’aiment mieux que la vie «; il ne s’était pas dressé contre l’Empire, mais contre le tyran. Peut-être l’amour de Caton pour la liberté suffit-il, aux yeux du poète, pour racheter l’erreur du suicide, et même pour la transformer en symbole et en exemple à suivre?
[6] Il y a dans ce vers une nouvelle contradiction, que nous ne saurions expliquer; et il ne nous semble pas que les commentateurs l’aient expliquée. Plus haut, Enfer, XIII, 103, Dante disait que les suicidés ne retrouveront pas leur corps, lors du Jugement dernier; comment se fait-il que, par une nouvelle exception, Caton soit si assuré de retrouver le sien, que Virgile lui-même le sait?
[7] Marcia, femme de Caton d’Utique, était en effet mentionnée parmi les occupants du Limbe (Enfer, IV, 128).
[8] La montagne du Purgatoire est divisée en sept terrasses ou gradins.
[9] Cette réserve n’est pas sans objet, si l’on pense que dans l’Enfer, XXVI, le poète avait justement raconté la folle équipée d’Ulysse, qui était parvenu en vue de la montagne du purgatoire; il y avait donc eu des marins qui l’avaient vue) mais aucun d’eux n’était rentré chez lui.
[10] Imitation d’un passage de Virgile, Énéide, VI, 143-144.
[11] En d’autres termes, la montagne du Purgatoire se trouvait alors au moment du lever du soleil, et la nuit régnait sur les rives du Gange. La cosmographie de Dante, comme celle de tout le Moyen Age, partageait le globe terrestre en deux hémisphères: le monde connu, s’étendant de l’extrémité orientale de l’Inde à Finisterre en Espagne, sur 180 degrés, avec Jérusalem pour pôle ou point culminant; et le monde inconnu et inhabitable, avec le Purgatoire et le Paradis terrestre au centre, donc à l’antipode de Jérusalem. Admettons, pour mieux comprendre les calculs du poète, que l’extrémité orientale de l’Inde a le méridien 0 degré: nous aurons alors le tableau horaire suivant:
Gange: Longitude: 0° Heure: 24
Jérusalem: Longitude: 90° Heure: 18
Espagne: Longitude: 180° Heure: 12
Purgatoire: Longitude: 270° Heure: 6
La cosmographie dont se servait Christophe Colomb n’était pas très différente de celle-ci. Quant à la Balance, elle tombe des mains de la nuit lorsqu’elle «vieillit «en automne, quand le soleil entre dans la constellation de ce nom.
[12] «Lorsque Israël est sorti d’Egypte. «C’est le commencement du Psaume CXIII: on le chantait anciennement en accompagnant les cadavres. Le sens anagogique est clair si l’on remplace Israël par l’âme, délivrée de l’esclavage du péché.
[13] Le soleil s’est déjà légèrement élevé sur l’horizon, et le Capricorne, qui se trouvait auparavant sur la ligne méridienne, s’est déplacé au-delà de cette ligne.
[14] C’est Casella, musicien florentin, qui avait mis en musique les vers lyriques de plusieurs poètes toscans, et de Dante entre autres. On ne sait presque rien de lui.
[15] L’ange nocher.
[16] Depuis Noël 1299, date du commencement de l’année jubilaire, dont l’ange a fait profiter tous ceux qui attendaient leur tour. On ne sait quelle est la raison du refus qu’il avait d’abord opposé à Casella.
[17] Les âmes vouées au Purgatoire, qui se réunissent sur les bords du Tibre, symbolisent clairement le salut qui ne saurait venir que de Rome.
[18] En italien: Amor che nella mente mi ragiona; c’est une chanson de Dante lui-même, que, d’après certains commentateurs, Casella avait mise en musique. Elle fait partie du Convivio, III.
[19] Virgile était mort à Brindisi, mais son corps avait été enterré à Naples, par ordre d’Auguste.
[20] Dante venait de s’apercevoir de l’immatérialité des esprits lorsqu’il avait voulu embrasser Casella. Il voit maintenant que Virgile ne fait pas d’ombre; et c’est à cette curiosité nouvelle qui s’éveille en lui que répondent les observations de Virgile.
[21] Contentez-vous de constater, sans chercher à tout prix les explications.
[22] Entre La Turbie (Alpes-Maritimes), au-dessus de Monaco, et Lerici, sur le golfe de La Spezia, la côte est très abrupte et devait être anciennement d’un accès particulièrement difficile.
[23] Manfred, fils naturel de l’empereur Frédéric II (1232-1266), fut régent des Pouilles et de Sicile après la mort de l’empereur (1250) jusqu’à l’arrivée de l’héritier, Conrad IV (1252). Celui-ci étant mort en 1254, Manfred, qui s’était rendu agréable aux Italiens, supplanta Corradin, héritier légitime, mais mineur. Il fut âprement combattu par le pape Clément IV, qui donna la couronne de Naples à Charles d’Anjou, à charge de la conquérir sur Manfred. Celui-ci trouva la mort dans la bataille de Bénévent (1266).
[24] Constance, femme de Pierre III, roi d’Aragon et de Sicile, et mère de Frédéric, roi et «gloire de Sicile», et de Jacques, roi et «gloire d’Aragon». Ce jugement s’entend formulé par Manfred: pour l’opinion de Dante sur ces mêmes souverains, cf. plus loin, note 70, et note 278.
[25] Manfred étant excommunié, on ne pouvait lui donner la sépulture ecclésiastique. On l’avait enterré sur le champ de bataille; mais le terrain appartenait à l’Église et l’évêque de Cosenza, Bartolomeo Pignatelli, fit enlever le cadavre, à cierges éteints, comme on enterrait les excommuniés, et le jeter sur un terrain vague, près de la rivière Garigliano, dite aussi Verde.
[26] L’erreur des philosophes qui prétendaient qu’il y avait plusieurs âmes: les platoniciens en voyaient trois (végétative, sensitive et intellective) et les manichéens, deux (végétative et intellective).
[27] En d’autres termes, lorsque l’attention est fixée sur un objet quelconque, il faut considérer deux facultés différentes, et différemment attachées à l’âme. Si, par exemple, nous regardons un spectacle ou un paysage avec attention, ce «pouvoir de l’esprit» se rattache à l’âme, qu’elle concentre sur l’objet et qui réalise ce spectacle; si pendant ce temps une horloge donne l’heure, «le pouvoir de l’entendre» existe en nous, et nous l’entendons effectivement; mais comme cette faculté «reste libre» par rapport à l’âme, qu’elle n’intéresse pas actuellement, l’intelligence n’enregistre pas ce que cette faculté vient de percevoir – et c’est ce qui fait que le temps s’écoule sans que nous nous en rendions compte.
[28] Trois heures et demie environ viennent donc de passer depuis le moment où l’ange nocher est apparu.
[29] San Léo, près de San Marino, appartenait au duché d’Urbin; on n’y montait anciennement que par un sentier taillé dans le roc. Noli, sur la Riviera italienne, se trouve isolé au fond d’un cirque d’étroites falaises difficilement accessibles. Bismantova, au sud de Reggio Emilia, possédait un château fort, maintenant disparu, et d’un accès également difficile. Le texte italien, tel que le donnent les documents les plus connus, est: Montasi su in Bismantova e in Cacume. Les commentateurs qui admettent cette leçon identifient Cacume avec une montagne de ce nom, dans les Marais Pontins. Nous préférons lire, avec Torraca et d’autres commentateurs, cacume «sommet»; d’autant plus que la montagne de Cacume n’est pas réputée pour la difficulté de son accès.
[30] La montée des deux poètes les conduit au palier ou replat de l’Antipurgatoire; les négligents y attendent d’être admis dans le Purgatoire, un temps égal à celui de leur vie sur terre.
[31] Le quadrant ou quart de cercle a 90 degrés; l’angle de la pente suivie par les deux poètes avait donc de 45 à 90 degrés, c’est-à-dire qu’il s’approchait de la verticale.
[32] Regardant le lever du soleil, Dante s’étonne de le voir aller à gauche: c’est une idée qui lui vient de Lucain, Pharsale, IX, 538-539. Pour mieux la comprendre, il faut partir de l’observation de l’orbite céleste, faite à Jérusalem: là, Dante sait que l’on voit le soleil courir du Gange à l’Océan, soit de gauche à droite, puisqu’il suit sur le ciel la ligne équatoriale, qui est au sud de Jérusalem. Pour qui le regarde du Purgatoire, qui a l’équateur au nord, le soleil court de l’Océan vers le Gange, c’est-à-dire de gauche à droite. C’est ce que Virgile lui explique plus loin.
[33] En d’autres termes: Si le soleil n’était pas maintenant dans la constellation du Bélier, mais dans celle des Gémeaux, qui se trouve plus au nord, tu verrais sa route passer bien plus près des Ourses, c’est-à-dire du Pôle Nord, qu’elle ne le fait.
[34] Plus on arrive haut sur la montagne du Purgatoire plus on se délivre de la charge des péchés, et plus l’ascension devient aisée. Le voyage est donc pénible au commencement – et de là les efforts visibles du poète pour gravir le bas de la montagne.
[35] Florentin, fabricant de manches de rebecs et de luths. Nous n’en savons que ce qu’en raconte le commentateur du XIVe siècle connu sous le nom d’Anonyme Florentin: «C’était l’homme du monde le plus paresseux qui ait jamais existé. On raconte de lui qu’il arrivait le matin à sa boutique, il s’y asseyait et ne se levait plus avant d’aller manger et se coucher. Notre auteur était fort son familier et lui reprochait souvent cette négligence. Un jour qu’il le lui reprochait encore, Belacqua lui répondit avec les paroles d’Aristote: «C’est dans le repos et dans la tranquillité que l’âme acquiert la sagesse.» Alors l’auteur lui répondit: «Certes, si c’est en restant assis que l’on devient sage, il n’y a pas de plus sage que toi.»
[36] Un des sept psaumes de la pénitence.
[37] En portant aux vivants leurs nouvelles, ou en priant pour eux, comme il promet de le faire parfois.
[38] Les âmes de ceux qui furent négligents et n’eurent pas assez de temps pour le repentir, à cause de leur mort violente, occupent la seconde terrasse de l’Antipurgatoire.
[39] Iacopo del Cassero, originaire de Fano, podestat de Bologne (1296-1297), se trouvait à Fano lorsqu’il fut appelé à Milan pour être podestat. Pour éviter les terres d’Azzo VIII d’Esté, marquis de Ferrare, qui était son pire ennemi, il voulut se rendre à Milan par Venise et Padoue. C’est dans le territoire de Padoue, «pays d’Anténor», à Oriago, qu’il fut surpris et assassiné par les sbires du marquis; on voit toujours sa sépulture dans l’église de Saint-Dominique de Fano.
[40] La Marche d’Ancône, qui va de la Romagne au nord, jusqu’au royaume de Naples, où régnait alors Charles II d’Anjou.
[41] Anténor (cf. la note 309 de l’Enfer) passait pour avoir été le fondateur de la ville de Padoue.
[42] S’il avait choisi, alors que ses persécuteurs l’avaient découvert à Oriago, de se diriger vers Mira, qui est sur la route de Padoue, Iacopo pense qu’il eût pu se sauver. Il suivit cependant une inspiration malencontreuse, en se dirigeant vers des marais, qui l’arrêtèrent dans sa marche, et où il se fit attraper par ses assassins.
[43] Buonconte de Montefeltre était le fils de ce Guido de Montefeltre, conseiller de la fraude, sur lequel cf. l’Enfer, note 259. Il conduisait les Gibelins d’Arezzo à la bataille de Campaldin, dans laquelle il trouva la mort, le 11 juin 1289. Dante avait combattu dans les range Florentins, dans cette même bataille.
[44] Campaldino se trouve dans le Casentin, qui est vallée supérieure de l’Arno. Archiano est un affluent de ce fleuve; et l’ermitage dont il est parlé est celui des camaldules de saint Romuald, près du joug de Falterona: ces deux noms sont mentionnés par le poète, saint Romuald et Paradis, XXII, 49, et Falterona au Purgatoire, XIV, 17.
[45] Là où disparaît le nom d’Archiano, parce que la rivière de ce nom se verse dans l’Arno.
[46] Pratomagno et la Giogana sont les deux massifs qui bornent la campagne de Campaldin.
[47] Pia dei Tolomei, de Sienne, femme de Nello dei Pannocchieschi, seigneur du château della Pietra, dans la Maremme. Son mari, désireux d’épouser Marguerite Aldo-brandeschi, trois fois veuve, avait fait tuer sa femme; il semble qu’il la fit jeter du haut d’une fenêtre de son château, en simulant ensuite un accident. Cet assassinat dut être perpétré entre 1297 et 1300.
[48] Benincasa de Laterina, juge à Arezzo, fut assassiné par Ghino di Tacco, de Sienne, personnage mentionné dans le Décaméron de Boccace, pour venger un parent que ce juge avait condamné, d’ailleurs justement.
[49] Guccio dei Tarlati, de Pietramala dans la région d’Arezzo, se noya dans l’Arno en poursuivant les Bostoli, ses ennemis.
[50] Frédéric, fils de Guido Novello, des comtes Guidi, tué un Bostoli de la famille mentionnée dans la note précédente, vers 1290. Selon les anciens commentateurs, celui de Pise est Farinata, fils de Marzucco degli Scorgiani, de Pise. Son père, vaillant chevalier, avait fini par entrer dans l’Ordre de Saint-François. Farinata ayant été tué par un certain Beccio da Caprona, son père prêcha dans son oraison funèbre la paix et le pardon, et vint baiser la main du tueur de son fils.
[51] Orso degli Alberti, fils de Napoléon Alberti, comte de Mangona (cf. Enfer, note 303), avait été tué par Alberto Alberti, son cousin.
[52] Chirurgien, chambellan de Philippe III le Hardi, roi de France. Louis, prince héritier de la couronne de France, étant mort en 1276, Pierre de la Brosse fit peser le soupçon d’empoisonnement sur Marie de Brabant, seconde femme du roi. Celle-ci s’en vengea en l’accusant plus tard de trahison en faveur du roi de Castille; et le roi Philippe le fit pendre, en 1278. Les expressions qu’emploie le poète au sujet de «la dame de Brabant» prouvent assez qu’il croyait Pierre de la Brosse innocent.
[53] Allusion à un vers de L’Énéide, VI, 373, par lequel la Sibylle répond à une prière indiscrète de Palinure: Desine fata deum flecti sperare precando, «abandonne l’espoir de faire fléchir le destin fixé par les dieux, à force de prières».
[54] Sordello, originaire de Goito dans le duché de Mantoue, trouvère du XIIIe siècle. Dante l’avait en grande estime, car il en parle aussi dans De vulgari eloquentia, I, 15; mais s’il l’a choisi comme personnage du Purgatoire, c’est sans doute parce qu’il était Mantouan, comme Virgile.
[55] En rédigeant le code des lois de Rome.
[56] Albert d’Autriche, fils de Rodolphe de Habsbourg empereur d’Allemagne de 1298 à 1303: il négligea les affaires d’Italie, comme son père.
[57] L’intention évidente qui a présidé au choix des noms de ces quatre familles est de montrer à quel point les maisons les plus nobles d’Italie sont divisées et ruinées par la guerre civile. La raison de leur choix n’est pas aussi sûre D’après les uns, il s’agit de familles rivales et qui luttaient pour se détruire: les Capulets et les Montaigus à Vérone (ce sont les deux familles auxquelles appartenaient Roméo et Juliette), les Monaldi et les Filippeschi à Orvieto. D’après les autres, le poète entend signaler la ruine des familles gibelines d’Italie, c’est-à-dire des propres partisans de l’empereur, qui abandonne sa cause et la leur: les Montecchi à Vérone, les Cappelletti à Crémone, les Monaldi à Pérouse et les Filippeschi à Orvieto. Cette explication paraît la plus logique mais se heurte à une difficulté de fait, car les Cappelletti étaient Guelfes.
[58] Comté dans la Maremme de Sienne, qu’assiégeaient à la fois, vers 1300, la ville de Sienne et les armées du pape.
[59] Rome s’entend ici comme siège de l’Empire, que Dante appelle de tous ses vœux, pour mettre une fin aux abus et aux empiétements de l’autorité spirituelle, rendus possible par la carence de l’autorité politique. Il faut ajouter cependant que ce passage doit avoir été écrit après 1305, date ou les papes avaient transféré leur siège à Avignon – en sorte que Rome était alors deux fois abandonnée.
[60] Claudius Marcellus, consul et partisan de Pompée, ici parce qu’ennemi acharné de César: tous les vilains qui usurpent une place, en rognant sur l’autorité de l’Empire, s’imaginent ou veulent faire croire qu’ils combattent pour la liberté.
[61] Ces membres semblent être les partis politiques, les Guelfes et les Gibelins, les Blancs et les Noirs, qui se sont chassés les uns les autres.
[62] Les trois vertus théologales: foi, espérance, charité.
[63] Le vallon des princes négligents.
[64] Prière que l’on récite après vêpres, pour demander à la Vierge la grâce de nous retirer de cette vallée de larmes: elle convient donc parfaitement, dans cette circonstance.
[65] Rodolphe de Habsbourg, empereur d’Allemagne (1273-1291), avait déjà été accusé de négligence par Dante, cf. la note 56. «L’autre» semble être son successeur non immédiat, Henri VII (1308-1313).
[66] Ottokar II, roi de Bohême (1253-1278), fut le principal ennemi de Rodolphe de Habsbourg; mais l’inimitié terrestre n’est plus de mise ici. Son fils, Venceslas IV le Pieux, roi de Bohême (1278-1305) et de Pologne (1300-1305), ne jouit pas de la sympathie du poète.
[67] Le camus est Philippe III le Hardi, roi de France (1270-1285), mort à Perpignan, de retour d’une expédition en Aragon où il avait essuyé des revers. Son interlocuteur est Henri Ier le Gros, roi de Navarre. Ils étaient père r beau-père de Philippe IV le Bel, roi de France, sévèrement jugé par Dante dans d’autres endroits de son poème.
[68] Le premier est Pierre III, roi d’Aragon (1276-1285) le pire ennemi de son voisin Charles d’Anjou, roi de Naples et de Sicile (1264-1285), qu’il supplanta après les Vêpres siciliennes. Pierre III était le mari de Constance, fille de Manfred; cf. plus haut, la note 24.
[69] L’aîné de Pierre III, Alphonse III, roi d’Aragon de 1285 à 1291; il mourut sans avoir eu d’enfants. Mais sa réputation n’est pas aussi bonne que la lui fait Dante; en sorte qu’on a pensé qu’il faisait plutôt allusion au cadet, Pierre, mort très jeune et sans avoir régné.
[70] Jacques II, dit le Juste, roi d’Aragon (1291-1327), et Frédéric II, roi de Sicile (1296-1337), «gloire de Sicile et d’Aragon» d’après leur grand-père Manfred (cf. la note 24). L’histoire n’a pas été pour eux aussi sévère que Dante.
[71] Ce sont les mêmes Charles d’Anjou et Pierre III d’Aragon, dont il a déjà été question.
[72] Constance, fille de Manfred, femme de Pierre III, eut un meilleur mari que Béatrice, fille de Raymond, comte de Provence, et femme de Charles d’Anjou, et que la seconde femme de celui-ci, Marguerite, fille du duc de Bourgogne.
[73] Henri III, roi d’Angleterre (1216-1272, souverain falot, père d’Édouard Ier, roi de 1272 à 1307.
[74] Guillaume III, marquis de Montferrat de 1254 à 1292, vicaire de l’empereur en Lombardie, durement combattu les villes guelfes. Prisonnier des habitants d’Alexandrie, le firent mourir dans une cage de fer; son fils voulut venger sa mort, ce qui provoqua de longs sanglants combats entre Montferrat et Alexandrie, soutenue par les Visconti de Milan.
[75] Hymne que l’on chante à complies, et qui commence: Te lucis ante termimon, renim creator, poscimus (Toi créateur des choses, nous te demandons avant la fin du jour).
[76] Nino Visconti, fils de Giovanni Visconti et de la fille d’Ugolin della Gherardesca – le célèbre Ugolin du chant XXXIII de L’Enfer – avait été ami de Dante. Juge de Gallure en Sardaigne et magistrat de Pise avec son grand-père, il mourut en 1296; cf. aussi la note Enfer 214.
[77] Conrad Malaspina, dont il sera encore question à la fin de ce chant.
[78] Jeanne, née vers 1292, était fille unique de Nino Visconti. Elle se maria plus tard à Rizzardo da Camino (cf. Paradis, IX, 50), resta veuve en 1312, et mourut pauvre et seule à Florence, avant 1339.
[79] Béatrice, fille d’Obizzo II d’Esté, se remaria à Galeazzo Visconti; mais Dante anticipe, car ce mariage est de juin 1300. Galeazzo fut chassé de Milan en 1302; et c’est pourquoi Nino dit que sa femme doit regretter son second mariage.
[80] Les Visconti de Pise portaient pour armes le coq, et Visconti de Milan, la guivre.
[81] Ce passage n’est pas clair, et embarrasse les commentateurs. Il ne saurait s’agir d’étoiles réelles, car on ne comprend pas comment elles disparaissent du matin au soi surtout lorsqu’elles tournent si près du pôle. Sans doute le poète n’avait-il en vue que le sens allégorique: les quatre étoiles qui apparaissaient le matin sont les quatre vertus cardinales, qui caractérisent la vie active; et les trois étoiles du soir sont les vertus théologales, foi, espérance et charité qui conviennent mieux à la vie contemplative.
[82] Fils de Frédéric Ier Malaspina, marquis de Villafranca, et petit-fils de Conrad Ier le Vieux. Le château de Villafranca s’élevait dans la région de Val di Magra.
[83] C’est-à-dire que les Malaspina s’étaient également distingués par leur magnanimité et par leur vaillance.
[84] Par elle il faut entendre sans doute la maison des Malaspina. L’identification n’est pas aussi évidente, pour ce qui concerne «le chef pervers», qui est peut-être le pape Boniface VIII.
[85] Sept ans ne passeront pas avant que tu ne sois l’hôte des Malaspina, dans la Lunigiane. Sur tout ce passage, cf. Dante e la Lunigiana , Milan 1909.
[86] L’Aurore. Amoureuse de Tithon, elle avait demandé à Jupiter de le rendre immortel comme elle, mais elle avait oublié de lui demander en même temps la jeunesse éternelle. L’interprétation exacte de tout ce passage est rendue difficile par l’absence d’indication sur l’endroit où blanchissait l’Aurore; il semble cependant qu’il faut comprendre que Dante se référait tout d’abord à l’heure italienne.
Cependant, ce n’est pas là la seule difficulté de ce texte, très diversement interprété par les commentateurs.
[87] Cela veut dire, sans doute, que l’Aurore se montrait à l’horizon avec la constellation ainsi désignée. Compte tenu de la saison (le printemps), cette constellation devrait être celle des Poissons (19 février au 21 mars), qui précède le Bélier (comme l’aurore précède le soleil, qui se trouvait alors dans le Bélier); mais la description qu’en donne Dante fait penser plutôt au Scorpion.
[88] Si l’on considère qu’en ce moment de l’année la nuit est à peu près égale au jour, les trois pas vers le jour doivent être les trois premières heures de la nuit. Si l’on admet que celle-ci commence vers six heures du soir, Dante veut dire qu’il était alors environ neuf heures du soir au Purgatoire; ce qui correspond (cf. la note 11) à six heures du matin, approximativement, pour l’Italie. Cette interprétation d’un passage particulièrement confus est possible, sans être tout à fait sûre.
[89] Allusion à la légende mythologique de Procné et de sa sœur Philomèle.
[90] Dante rêve ce qui lui arrive réellement: il est transporté en haut, sur la montagne du Purgatoire, par Lucie, qui n’est autre que la Grâce divine (cf. Enfer, note 27).
[91] Il était donc environ huit heures du matin.
[92] La marche blanche symbolise la contrition; la noire, la confession orale; et la rouge, la satisfaction par les œuvres. Le seuil en diamant symbolise la fermeté du confesseur.
[93] Les sept péchés capitaux, symbolisés par sept plaies; chacun d’eux s’effacera lors du passage à la terrasse correspondante du Purgatoire. Cf. G. R. Sarolli, Noterella biblica sui sette P, dans Giornale dantesco, 1957, p. 217-224.
[94] La cendre a la couleur de l’humilité.
[95] Les deux clefs du règne des cieux sont le symbole du pouvoir apostolique de l’Église. La clef d’argent représente l’autorité divine grâce à laquelle le prêtre absout; la clef d’argent est la science qui lui permet de peser et de juger les fautes, avant d’absoudre. La clef d’or est plus chère, parce que d’origine divine.
[96] L’absolution reste sans effet, si le pécheur retourne à son péché.
[97] Lors de l’entrée de César à Rome, L. Cecilius Metellus, tribun de la plèbe et gardien du trésor de Rome, qui était conservé dans un dépôt au-dessous de la Roche Tarpéienne, voulut s’opposer, mais inutilement. César le fit expulser, et la porte du trésor, ouverte par force, «gémit avec un grand bruit», selon Lucain, Pharsaîe, III, 154-155.
[98] Hymne de louange, composé par saint Ambroise.
[99] La première terrasse du Purgatoire, sur laquelle les orgueilleux cheminent accablés par d’énormes poids qu’ils doivent supporter.
[100] La première terrasse, qui fait tout le tour du mont, a une largeur comprise entre 5 et 6 mètres.
[101] «Voici la servante de Dieu» (Luc I, 38). Le premier haut-relief représente l’Annonciation, offerte ici, comme toutes les scènes suivantes, comme exemple d’humilité: c’est la vertu contraire au vice que l’on purge sur ce palier.
[102] Allusion à un passage de la Bible (II Rois VI: 6-7): Pendant le transport de l’arche, Oza, l’un des accompagnants, eut l’impression qu’elle se balançait dangereusement et voulut la soutenir: mais seuls les prêtres pouvaient la toucher, et Oza mourut sur place, victime de sa témérité. Dante, qui était partisan ardent de la séparation des pouvoirs, ne pouvait oublier cet exemple.
[103] Dans le même passage de la Bible, Michol reprochait à David de s’être exposé aux yeux de ses sujets dans la tenue d’un bouffon. Mais ce n’est là qu’un autre exemple d’humilité.
[104] D’après une légende médiévale, le pape Grégoire le Grand (590-604), touché par le renom de justice dont jouissait Trajan, et par sa damnation, avait réussi par ses prières à le faire ressusciter pour recevoir le baptême et le faire entrer au Paradis. Cette légende figure déjà dans la Viede Saint Grégoire par Paul Diacre, et se trouve expliquée du point de vue dogmatique par saint Thomas d’Aquin; voir aussi Paradis, note 286. Quant à la légende du jugement de Trajan en faveur de la veuve, elle est aussi racontée dans le Novellino, LXIX, et dans d’autres recueils du Moyen Age; cf. Alphonse Chacon (dit Ciaconius), Historia ceu verissima a calumniis multorum vindicata, quae refen Trafani animant precibus divi Gregorii a Tartareis cruciatibus ereptam, Rome 1576; G. Paris, La Légende de Trajan, dans Mélanges publiés par l’École des Hautes Études, Paris 1878, pp. 261-298.
[105] Le Jugement dernier.
[106] Humbert Aldobrandeschi, comte de Santafiore, d’une puissante famille gibeline de la maremme de Sienne, est mort dans la bataille de Campagnatico, en 1259. Sur les malheurs de ceux de Santafiore, cf. plus haut, note 58.
[107] Il marchait courbé, non seulement pour mieux voir et entendre, mais aussi pour se plier lui-même à la règle de pénitence, et pour se punir de son orgueil.
[108] Oderisi de Gubbio était un miniaturiste, mort probablement en 1299. De ses œuvres on ne connaît que deux missels à miniatures.
[109] Franco Bolognese était contemporain d’Oderisi. Vasari, qui parle des deux, le considère bien supérieur; mais il se peut qu’il se soit laissé influencer, dans son jugement, par la modestie tardive d’Oderisi, dans le poème de Dante.
[110] Giovanni Cimabue (12407-1302?) fut l’un des premiers à orienter la peinture occidentale sur des chemins différents de la typologie byzantine. Très admiré de son vivant, a gloire fut obscurcie par la réputation de Giotto di Bondone (1266?-1337): ce peintre, le plus illustre de son siècle, fut ami de Dante et auteur de son seul portrait authentique.
[111] Guido Guinzelli (12307-1276), dont il sera question plus loin (cf. la note 292), avait été supplanté, dans la mémoire des contemporains de Dante, par la gloire plus sûre de Guido Cavalcanti, ami du poète, dont il a déjà été question (cf. Enfer, note 89).
[112] Les commentateurs admettent d’une façon assez unanime que Dante pense à lui, en écrivant ceci: c’est sa propre gloire qui fera bientôt obscurcir celle des deux Guido qu’il vient de mentionner. Cette interprétation repose sur des bases bien frêles. Dante n’a fait jusqu’à présent que parler de l’oubli qui guette les artistes des générations précédentes, lorsqu’un autre artiste de la même catégorie le remplace dans la conscience du public. Franco Bolognese était très probablement plus jeune qu’Oderisi; Giotto était né environ vingt-cinq ans après Cimabue; et Guido Cavalcanti avait quelque vingt-cinq ans de moins que Guinizelli. Il est donc évident que Dante pense à un jeu naturel des générations qui se suivent et se remplacent. S’il en est ainsi, il n’aurait su se proposer lui-même comme remplaçant de Cavalcanti, qui était son contemporain et son ami. Ce qu’il veut dire, c’est que ce même jeu auquel il se réfère permet de supposer qu’en 1300 le remplaçant de Cavalcanti était déjà né, même s’il ne s’était pas produit encore. Ceci, sans tenir compte du fait que la preuve d’orgueil qu’on lui attribue, injustement à notre sens, se Place juste au moment où il devrait se repentir de son orgueil et faire preuve d’humilité.
[113] Provenzan Salvani, chef des Gibelins de Sienne après la victoire de Montaperti, et bientôt chef de tous les Gibelins de Toscane, fut fait prisonnier et décapité par les fl0rentins, dans la bataille de Valdelsa, en 1269. Il voulut devenir seigneur de Sienne, sans aucun droit, si ce n’est celui que lui conférait la force de son parti: c’est là le reproche que lui fait Dante.
[114] La grande place de la ville de Sienne.
[115] Mino dei Mini, fait prisonnier par Charles Ier d’Anjou, dans la bataille de Tagliacozzo. On demanda 10 000 florins pour son rachat. «La nouvelle en vint à messire Provenzano, et craignant pour son ami, il fit mettre une table couverte d’un tapis dans la place de Sienne, et assis là, il demandait modestement aux Siennois de l’aider dans ce besoin avec un peu d’argent, sans y obliger personne, mais demandant humblement leur concours; et les Siennois, voyant leur seigneur, qui d’habitude était très altier, les solliciter si doucement, s’en sentirent émus, et chacun l’y aida selon son pouvoir.» (Jacopo dellia Lana.)
[116] Tes concitoyens, les Florentins, en confisquant tes biens et en te bannissant de ta ville, t’obligeront de même à solliciter l’aide des autres: c’est alors que tu sauras ce que c’est que frissonner d’angoisse.
[117] Elle n’est devenue aisée qu’une fois purgée la peine des orgueilleux.
[118] Des exemples de superbe, gravés sur la route, font pendants aux exemples de modestie et d’humilité qui ornaient la paroi.
[119] Le premier des anges, Lucifer.
[120] Briarée, déjà mentionné (Enfer, XXXI, 98), avait pris part à la guerre des Titans contre les dieux, et avait été abattu par la foudre de Jupiter. Thymbrée est un surnom d’Apollon.
[121] Arachné s’étant vantée de faire des tissus plus fins que ceux de Pallas, celle-ci l’avait changée en araignée.
[122] Roboam, fils de Salomon et roi d’Israël, ayant traité durement et hautainement ses sujets, qui se révoltèrent, fut obligé de fuir pour se mettre à l’abri de leur poursuite.
[123] Alcméon tua sa mère Ériphyle, parce que celle-ci, en échange d’un collier, avait révélé à Polynice la cachette de son mari Amphiaraùs; cf. Enfer, note 193.
[124] Sennachérib, roi d’Assyrie, qui fit en vain la guerre à Ezéchias, fut massacré dans le temple par ses enfants.
[125] La sixième heure vient de passer: c’est l’heure qui correspond aujourd’hui à midi.
[126] Ce geste efface le premier des sept P inscrits sur le front du poète et prouve qu’il a fait pénitence dans le premier giron du Purgatoire; il en sera de même sur chaque terrasse.
[127] Rubaconte, qui portait ce nom d’après le podestat qui avait commencé sa construction en 1237, est le pont appelé aujourd’hui della Grazie, dans Florence «la sagement gouvernée», allant vers San Miniato a Monte. Naturellement, le qualificatif accordé à la ville est ironique! et les vers suivants le disent assez clairement.
[128] La montée qui conduit, par le moyen de l’escalier étroit, de la première à la deuxième terrasse du Purgatoire.
[129] La première des béatitudes évangéliques, promises par le Christ dans le Sermon sur la Montagne. Malgré le pluriel «des voix», il faut entendre que c’est l’angle seul qui chante; cet emploi n’est pas sans exemple.
[130] La deuxième terrasse circulaire du Purgatoire, réservée aux envieux: les pénitents restent assis, s’appuyant contre la montagne, les paupières cousues avec du fil de fer.
[131] On n’y trouve pas des représentations plastiques, comme sur la corniche et le long de la route, sur la terrasse précédente.
[132] Ces voix qui passent dans les airs offrent aux âmes pénitentes des exemples insignes d’amour du prochain: c’est la vertu dont les envieux ont le plus besoin.
[133] Paroles de charité, dites par la Vierge à son Fils, lors des noces de Cana.
[134] Ces mots sont censés prononcés par Pylade, qui voulut se faire passer pour Oreste, pour mourir à sa place, en Tauride, donnant ainsi un clair exemple d’amitié.
[135] Précepte évangélique: «Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent» (Mat. V: 43).
[136] Le Léthé, qui fait oublier à l’âme déjà purifiée jusqu’au souvenir de ses fautes de jadis.
[137] Sapia, Siennoise, tante de Provenzan Salvani (cf. plus haut, la note 113) et femme de Ghinibaldo Saracini, seigneur de Castiglioncello; elle mourut entre 1274 et 1289. Selon Benvenuto da Imola, elle souhaitait si ardemment la défaite de ses compatriotes, qu’elle avait promis de se jeter par la fenêtre, si les Siennois rentraient victorieux. Cf. U. Frittelli, Si può rinfimar Sapia? Chiosa dantesca, Sienne 1920; A. Lisini, A proposito di una recente publicazione su ta Sapia dantesca, dans Bullettino sanese di storia patria, XXVII, 1920, pp. 61-89.
[138] La bataille de Colle di Valdelsa (1269), où les Siennois furent défaits par les Florentins et où Provenzan Salvani trouva la mort.
[139] Pier Pettinaio, tertiaire franciscain, mourut en odeur de sainteté, en 1289. Cf. Vita del B. Pietro Pettinajo Sanese, volgarizzata da una leggenda latina [di Fra Pietro da Montermi] del 1333 per F. Serafino Ferri, Vanno 1508, corretta e riordinata dal P. M. De Angelis, Sienne 1802.
[140] Le poète craint moins la terrasse des envieux que celle des orgueilleux, puisqu’il se sent plus coupable de ce vice-ci que de celui-là.
[141] Talamon était un port sur la côte toscane, non loin d’Orbetello. Les Siennois l’achetèrent en 1303 et y firent H grands travaux, car ils ne disposaient pas d’une autre sortie à la mer libre; cependant ils ne recueillirent pas le fruit de leurs peines, car ce port, situé aux confins de maremme siennoise, ne jouissait pas d’un bon climat et n’attira guère les habitants.
[142] Le bruit avait couru qu’un grand cours d’eau, qu’on appelait la Diane, coulait au-dessous de la ville de Sienne. Les Siennois ne disposaient que de quantités insuffisantes d’eau: ils firent de grosses dépenses pour chercher cette nappe d’eau, qui n’apparut jamais. Nous ne savons s’il s’agit d’un fait historique ou de quelque anecdote malveillante inventée par les Florentins.
[143] Cf. plus haut, la note 44.
[144] Pélore, aujourd’hui cap Faro, est la pointe extrême de la Sicile, à proximité de la côte de Calabre: c’est un prolongement des Apennins. Dante ne le sait pas par la géologie, mais par la tradition antique, qui veut que la Sicile ait été primitivement rattachée au continent.
[145] Les porcs qui habitent le cours supérieur de l’Arno sont les habitants du Casentin en général, et les comtes Romena en particulier, puisqu’ils étaient dits aussi di Porciano. Cf. sur eux plus haut, Enfer, note 285.
[146] Les roquets sont les habitants d’Arezzo, réputés par Dante plus insolents que vraiment forts; c’est près d’Arezzo que l’Arno fait un coude, comme pour détourner «son museau».
[147] Le Valdarno supérieur, correspondant à la région de Florence.
[148] Le Valdarno inférieur; les renards sont les Pisans.
[149] Fulcieri dei Calboli en Romagne, podestat de Florence en 1303 et chef du parti des Noirs. C’est lui qui décréta le bannissement des Blancs, dont Dante, et qui fit arrêter ensuite ce qui restait de ce parti à Florence, et les fit décapiter.
[150] Guido del Duca, de la maison des Mainardi de Ravenne, était seigneur de Bertinoro; il avait été juge à Faenza (1195) et à Rimini (1199) et était mort vers 1250. Cf. P. Amaducci, Lo spirto di Romagna, dans Ricordi di Ravenna médiévale, Ravenne 1921.
[151] Cette réflexion se trouve longuement commentée au chant suivant.
[152] Rinieri da Calboli, de la noble famille guelfe des Paolucci de Forli, fut podestat de Parme (1252). Ayant été exilé de Forli en 1294, il y revint en 1296, mais il fut pris et tué.
[153] Lizio, seigneur de Valbona, était Guelfe, au service de Guido Novello, podestat de Florence en 1260. Arrigo Mainardi, de la famille des seigneurs de Bertinoro (cf. plus haut, la note 150), avait été l’ami de Guido del Duca. Pierre Traversaro, Gibelin, fut seigneur de Ravenne de 1218 jusqu’à sa mort, en 1225. Guido di Carpigna, de la famille des comtes de Miratoio de Carpegna, dans la région de Montefeltro, ne nous est connu que par l’éloge que, à sa générosité, font les anciens commentateurs du poème.
[154] Fabbro Lambertazzi, de Bologne, chef des Gibelin de Romagne, mourut en 1259. Bernardino di Fosco, podestat de Pise (1248) et de Sienne (1249), était connu par ses libéralités.
[155] Guido de Prata, dans la région de Faenza, ami du suivant. Ugolin d’Azzo, de la famille toscane des Ubaldini fut consul de Faenza (1170). Federico Tignoso, de Rimini ainsi appelé par antiphrase, à cause de sa belle chevelure blonde. Les Traversari et les Anastagi étaient deux grandes familles de Ravenne.
[156] En Romagne.
[157] Brettinoro, aujourd’hui Bertinoro, ville entre Forli et Cesena, fief des Mainardi dont il a été question plus haut.
[158] Bagnacaval, bourgade sur le Senio, dans la région de Ravenne, fief des comtes Malvicini, dont la dernière descendante, en 1300, était la femme de Guido de Polenta, le dernier protecteur de Dante. Castrocaro et Conio étaient fiefs des comtes de Barbiano.
[159] Maghinardo Pagano de Susinana, chef et «diable» des Pagano, famille noble de Faenza, mourut en 1302.
[160] Ugolin dei Fantolini, de Cerfugnana dans la région de Faenza, mort vers 1278, avait laissé derrière lui une bonne réputation, que ses deux fils, morts avant 1286, n’avaient pas eu le temps de ternir.
[161] Paroles de Caïn après son meurtre. Cette vision, ainsi que la suivante, complètent les exemples de charité, par de nouveaux exemples, d’envie punie.
[162] Aglaure, envieuse des amours de sa sœur Hersé et e Mercure, avait été changée par ce dieu en rocher.
[163] Le soleil était à trois heures de son couchant, ce qui veut dire qu’il était trois heures de l’après-midi au Purgatoire et minuit en Italie.
[164] L’ange qui veille à la sortie de la deuxième terrasse du Purgatoire, et qui efface le deuxième P sur le front du poète: Dante ne sent son frôlement que «comme un poids sur mon front».
[165] La cinquième des béatitudes évangéliques, suivie du commencement d’un hymne qui n’a pas été identifié de façon satisfaisante.
[166] Allusion à la réflexion de Guido del Duca (cf. la note 151): «Ô genre humain, pourquoi choisis-tu tes plaisirs de façon à tenir les autres à l’écart?»
[167] La troisième terrasse du Purgatoire, réservée aux colériques, qui cheminent dans un nuage de fumée dense et piquante. Des visions s’offrent aux pénitents, leur donnant des exemples de douceur et de mansuétude.
[168] Ce sont là les paroles de Marie à Jésus enfant, qu’elle était allée chercher dans le temple; cf. Luc II: 41-52.
[169] La ville d’Athènes. Cette anecdote concernant Pisistrate, tyran d’Athènes, est prise du recueil de Valère Maxime.
[170] Saint Etienne, protomartyr, lapidé par les juifs.
[171] Erreur, puisque ces mots n’avaient pas été prononcés réellement; mais exacte, puisqu’il avait vu se dérouler ces scènes dans son esprit. Ce sont des visions, qui ne correspondent à rien de réel, mais qui n’en font pas moins impression sur les sens.
[172] Invocation que l’on récite durant la messe, pour demander la miséricorde divine et la paix: c’est ce qui manquait le plus aux colériques.
[173] Personnage connu des anciens conteurs (Novellino, XLVI) et chroniqueurs, et qui paraît avoir joué un certain rôle social dans les cours lombardes du XIIIe siècle; mais sa vie est assez mal connue.
[174] La loi interdisait aux Hébreux la viande, si elle ne venait pas d’animaux ruminants et aux pieds fourchus. Par cette étrange image, Dante veut dire, sans doute, que le pasteur, c’est-à-dire le pape, ne remplit qu’une seule des deux conditions qu’on a le droit d’attendre de lui. Quant à déterminer quelles sont ces deux conditions, cela n’est pas aussi clair. On suppose le plus souvent que le fait de ruminer signifie qu’il possède la sagesse et la doctrine; s’il n’a pas le pied fourchu, c’est parce qu’il ne sait pas faire la séparation entre le pouvoir spirituel et le temporel, thème éternel des récriminations du poète, et qui, d’ailleurs, est plus clairement repris dans les vers qui suivent.
[175] Les anciens auteurs ecclésiastiques s’étaient servis ‘a de l’expression biblique, duo luminaria magna, pour désigner, par le soleil qui donne sa lumière à la lune, l’église qui légitime l’Empire. Dante jugeait sans doute cette image traditionnelle, tendancieuse, puisqu’il lui substitue l’image de deux soleils d’égale importance; cf. B. Nardi, La «Donatio Constantini» e Dante, dans Nel mondo di Dante, Rome 1944, pp. 158-160.
[176] Corrado III, de la famille des comtes de Palazzo, de Brescia, avait été vicaire de Charles Ier d’Anjou à Florence (1276) et podestat de Plaisance (1288). Gherardo de Camino, capitaine général de Trévise (1283), mourut en 1306. Guido de Castello, de la famille des Roberti de Reggio Emilia. vivait en 1318 à Vérone.
[177] Les Lévites, descendants de la tribu de Lévi, étaient tous prêtres: ils n’avaient pas le droit d’hériter.
[178] Gaïa, fille de Gherardo et femme de Tolberto da Camino, son proche parent, mourut en 1311. Sa réputation, s’il faut en croire les anciens commentateurs, ne fut pas celle d’une sainte: on la disait aussi belle que facile et d’humeur agréable.
[179] Les visions du chant précédent s’adressaient aux sens: le poète croyait voir et entendre les scènes qu’il raconte. Ici, à la sortie de la troisième terrasse, de nouvelles visions, qui offrent des exemples de colère punie, s’adressent seulement à l’imagination, sans intéresser en même temps les sens.
[180] Procné, jalouse de son mari, avait tué son propre fils; elle fut transformée en rossignol; cf. plus haut, la note 89.
[181] Aman, le ministre d’Assuérus.
[182] Amata, femme du roi Latinus et mère de Lavinie, s’était tuée dans un accès de colère, croyant que son futur gendre, Turnus, était déjà mort, et refusant de voir Lavinie mariée à Enée.
[183] L’ange qui veille à la sortie du troisième giron.
[184] C’est par ce geste que l’ange efface le troisième P sur le front de Dante.
[185] La quatrième terrasse du Purgatoire, occupée par les négligents.
[186] L’amour inné ou instinctif, qui ne saurait se tromper ou commettre des erreurs, puisqu’il est mis au cœur de la créature par Dieu, mais qui peut viser mal, ou montrer trop ou trop peu d’application; et l’amour d’élection, qui est sujet à l’erreur.
[187] Dieu.
[188] C’est dans les trois premiers girons du Purgatoire que l’on purge la faute de l’amour, dans ses trois aspects, orgueil, envie et colère.
[189] Le bien matériel, le bien de ce monde, qui ne saurait produire le vrai bonheur. Ceux qui se sont attachés avec excès à cette sorte de biens, c’est-à-dire les avares, les gourmands et les luxurieux, occupent les dernières terrasses du Purgatoire.
[190] Selon la physique ancienne, tous les éléments tendaient naturellement vers leur sphère: le feu tend vers la sphère du feu, qui se trouve au-dessus de celle de l’air.
[191] La forme substantielle est la forme par excellence, le principe qui fait qu’une substance est ce qu’elle est: la forme substantielle de l’homme est son âme. Ces formes possèdent des vertus particulières et caractéristiques, que l’on ne reconnaît que par leurs manifestations extérieures et qui, étant innées, ne dépendent pas de la volonté de l’individu.
[192] Petite ville sur le Mincio, à côté de Mantoue, réputée pour avoir été la patrie de Virgile.
[193] Deux rivières de Béotie, dont les vallées étaient le théâtre des bacchanales.
[194] Exemples de diligence, par lesquels les négligents se stimulent eux-mêmes. Le premier est une allusion à la visite de Marie chez Elisabeth (Luc I: 39); le second est tiré de l’histoire de la campagne de César en Espagne.
[195] Gherardo II, abbé de Saint-Zéron à Vérone, mourut en 1187 (Frédéric Barberousse avait régné de 1152 à 1190). On ne sait rien d’autre de lui; et il n’est même pas sûr que ce soit à lui que pensait Dante. Il se peut que le poète ait choisi ici pour personnage cet abbé, qu’il ne nomme pas, simplement pour pouvoir lui faire prononcer l’allusion qui suit, et qui était d’une actualité autrement vivante.
[196] Alberto della Scala, qui devait mourir en 1301, et qui, par conséquent, avait déjà «un pied dans le tombeau» et qui fut père de Can Grande della Scala, avait nommé son bâtard, Giuseppe, abbé de Saint-Zénon. Il administra le couvent de 1292 à 1313 et laissa une réputation de débauché; de plus, il était boiteux.
[197] Exemples de négligence punie: les juifs qui sortirent d’Égypte avec Moïse furent punis pour leur lenteur à suivre Moïse; et les compagnons d’Énée qui, fuyant les nouvelles épreuves vers lesquelles se dirigeait leur chef, s’étaient arrêtés en Sicile, ont bien mérité qu’on les oubliât.
[198] La terre étant froide naturellement, et Saturne étant considérée comme la planète froide par excellence.
[199] Les devins qui lisaient l’avenir à l’aide de points jetés par terre ou sur le papier, appelaient Forturie majeure une figure que le hasard produisait parfois, et qui ressemblait à la seconde moitié du Verseau ou à la première des Poissons: c’était signe de chance et de prospérité.
[200] Symbole de faux bonheur dont il a été question plus haut (note 189), ou du triple vice de la gourmandise, de l’avarice et de la luxure.
[201] Elle n’est pas facile à identifier. On a pensé à Béatrice; mais, si c’était elle, le plus probable est que Dante l’aurait nommée.
[202] L’ange qui veille à la sortie de la quatrième terrasse, et qui, d’un battement d’aile, efface le quatrième P sur le front du poète, en récitant l’une des béatitudes évangéliques.
[203] Il est réservé aux avares et aux prodigues, qui gisent par terre, le visage collé au sol.
[204] «Mon âme était attachée à la terre», paroles du Psaume CXVIII, qui traduisent bien l’attachement coupable des avares pour les biens de la terre.
[205] «Sache que j’ai été le successeur de Pierre.» Celui qui parle ainsi est Ottobuono Fieschi, qui fut pape pendant trente-huit jours, en 1276, sous le nom d’Adrien V. Il appartenait à la famille des comtes de Lavagna, qui tiraient leur titre du nom d’une rivière dans la région de Gênes, entre Sestri et Chiavari, sur la Riviera ligure.
[206] «Après la résurrection, les hommes ne se marieront pas», avait dit le Christ (Mat. XXII: 30). Par extension, le pape ne sera plus l’époux de l’Église: il n’est ici qu’un esprit comme les autres.
[207] Fille de Niccolò Fieschi, elle avait épousé Moroello Malaspina, avec qui Dante était en relations au moins depuis 1306: il faut donc croire que cette mention de son nom est une fleur poétique adressée au passage à la femme de son protecteur.
[208] Dante ne pouvait opposer sa simple curiosité au désir de pénitence de son interlocuteur, Adrien V.
[209] Ce vers, qui répond à un épisode du commencement de L’Enfer (voir la note 14), est la meilleure réponse à ceux qui considèrent que l’allégorie du Lévrier désigne une personne déterminée. Dante appelle de tous ses vœux ce Lévrier vengeur; mais il ne sait pas quand il viendra – ce qui prouve assez qu’il ne cache sous ce nom personne de connu.
[210] Exemples de pauvreté vertueuse: ils ne sont plus offerts par des représentations ou par des visions, mais récités par les pénitents du Purgatoire.
[211] Saint Nicolas, évêque de Myre, passe pour avoir doté secrètement trois jeunes filles que leur père, vaincu par la misère, se proposait de livrer à la prostitution.
[212] C’est une tradition qui avait cours un peu partout, au XIVe siècle, et qui fut âprement combattue par les historiens français, du XVIe siècle surtout. Elle n’a aucun fondement historique; en réalité, Hugues Capet descendait de la famille des ducs de France et comtes de Paris. Dante, qui n’éprouvait aucune sympathie pour la politique des rois de France, s’est emparé d’une légende qui servait ses fins; on peut d’autant moins l’en accuser, qu’il était sans doute de bonne foi, et qu’il croyait à la réalité de cette tradition.
[213] Nouvelle inexactitude. La race des Carolingiens ne s’était pas éteinte à la mort de Louis V le Fainéant. Charles, duc de Lorraine, s’était mis sur les rangs; mais il fut fait prisonnier et mourut sans avoir retrouvé la liberté. Ce n’est pas lui qui avait été réduit à la bure, mais le dernier Mérovingien, Chilpéric III, avec qui Dante paraît le confondre.
[214] En réalité, Hugues Capet avait été sacré roi lui-même, en 987.
[215] Probablement la dot des pays du Midi, apportée à: Louis le Jeune, en 1137, par sa femme, Aliénor de Guienne.
[216] C’est Philippe Auguste qui enleva ces trois provinces à Jean sans Terre, roi d’Angleterre, en 1205; mais la Gascogne fut rendue aux Anglais en 1259.
[217] Charles Ier d’Anjou, investi par le pape de la couronne de Naples, qu’il disputa victorieusement à Manfred. Corradin, neveu de ce dernier et dernier prince de la maison de Souabe, voulut reprendre son héritage; mais il fut trahi à la bataille de Tagliacozzo (1268) et décapité par l’ordre de Charles.
[218] On accusa Charles d’Anjou d’avoir fait mourir Thomas d’Aquin, en 1274; mais il n’y a aucune apparence de vérité dans cette affirmation.
[219] Charles de Valois, frère de Philippe le Bel. Appelé en ltalie par Boniface VIII, il entra dans Florence en 1301, et établit le gouvernement des Noirs, qui bannit et ruina aussitôt les Blancs, au parti desquels appartenait Dante lui-même.
[220] Charles II d’Anjou, roi de Naples, prisonnier pendant trois ans du roi d’Aragon (1284-1287); il maria sa fille, Béatrice, à Azzo VIII, marquis d’Esté (1305), dans des conditions qui firent de ce mariage une affaire pour lui.
[221] Philippe le Bel envoya Guillaume de Nogaret à Nagni, en septembre 1303, pour s’assurer de la personne du pape Boniface VIII, que Dante détestait d’ailleurs cordialement.
[222] Le procès des Templiers (1305-1312) est cité ici comme une preuve de la cupidité de Philippe le Bel, parce l’Ordre des templiers jouissait d’une grande force et prospérité économique, et que l’on pensait que le roi visait en tout premier lieu à s’approprier leurs biens.
[223] Pygmalion, frère de Didon, assassina son beau-frère Sichée, pour mettre la main sur son trésor.
[224] Acham avait volé une partie du butin fait à Jéricho-il fut tué sur l’ordre de Josué.
[225] Ananie et Saphire moururent pour avoir caché une partie des biens que tout d’abord ils avaient offerts à saint Pierre.
[226] Envoyé par Séleucos pour saisir le trésor du temple de Jérusalem, il fut mis en fuite par les ruades d’un cheval qui apparut miraculeusement.
[227] Polymnestor, roi de Thrace, avait rué son beau-frère pour s’approprier ses richesses.
[228] Marcus Licinius Crassus, tué par ordre de Suréna. Le roi des Parthes, ayant reçu sa tête, lui fit verser de l’or fondu par la bouche, pour calmer sa soif d’or.
[229] Délos était une île flottante, que Neptune avait fait sortir des ondes, pour abriter Latone, poursuivie par Junon, et qui allait donner le jour à Apollon et à Diane, «les deux yeux de la voûte». C’est Jupiter qui rendit ensuite cette île stable, comme récompense.
[230] Les bergers auxquels les anges l’avaient chanté, pour leur annoncer la naissance du Christ.
[231] Sur le chemin d’Emmaüs; Luc XXIV: 13.
[232] Dante porte au front les sept P, dont quatre ont déjà été effacés par l’ange: ce qui montre qu’il est en bon chemin sur la voie du salut.
[233] Lachesis, la seconde des Parques.
[234] Ce qu’une partie du ciel peut avoir d’influence sur une autre partie: on sait, en effet, et on le verra exposé plus clairement ailleurs, que les cieux les plus hauts exercent une influence constante sur les autres.
[235] Iris, ou l’arc-en-ciel.
[236] La peine que souffrent les prodigues et les avares, au cinquième cercle du Purgatoire.
[237] Il était poète. C’est Stace qui parle. Publius Papinius Statius (45-96 ap. J.-C.) fut auteur des Silvae, de La Thébaïde et de l’Achilléide, qu’il n’eut cependant pas le temps de terminer. Dante l’appréciait au-delà du mérite qu’on lui attribue communément aujourd’hui, comme il le faisait aussi pour Lucain; et c’est parce qu’ils étaient tous les deux poètes épiques, et que le poème épique, ou comme il l’appelle la tragédie, était de son point de vue la forme la plus élevée de l’art. Il était originaire de Naples, et non de Toulouse, comme le croyaient Dante et ses contemporains, par suite d’une confusion. D’autre part, le christianisme du poète latin est une invention de Dante.
[238] L’ange qui garde la sortie de la cinquième terrasse a effacé le cinquième P du front du poète, en chantant la quatrième béatitude évangélique. Mais il ne l’a pas dite en entier; ce serait: Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam «heureux ceux qui ont faim et soif de justice». L’ange à donc omis le verbe esuriunt, «ont faim», parce que cette partie de la béatitude regarde les pénitents de la terrasse suivante, les gourmands.
[239] Sur le cinquième palier du Purgatoire on punissait en même temps les avares et les prodigues. Virgile et Dante n’avaient rencontré aucun prodigue sur leur passage; ils pensaient donc que Stace était resté couché parmi les avares, et qu’il en avait été un.
[240] Ce sont deux vers de L’Énéide, III, 57-58, mais que Dante traduit à sa manière, en altérant leur sens au mieux des intérêts de sa démonstration. Virgile disait: Quid non mortalia pectora cogis, auri sacra famés? «jusqu’où ne pousses-tu pas le cœur des mortels, maudite soif de l’or?» Dans la traduction qu’en donne Dante, sacra famé est interprétée par de nombreux commentateurs comme «sainte, bienheureuse faim de l’or», et expliquée comme une référence à l’honnête désir des biens terrestres, que Dante n’exclut pas. Cette explication ne semble pas naturelle, et ce qui est honnête n’est pas forcément saint: il est plus probable que sacra est chez Dante un latinisme, que l’on comprend aisément dans une citation, et qu’il faut lui donner le sens du latin.
[241] Si je n’avais pas, dit Stace, réfléchi sur tes vers, je serais maintenant aux Enfers, en train de rouler des poids, les prodigues du septième cercle le font.
[242] En d’autres termes: on ne voit pas, dans ton poème sur la guerre de Thèbes, que ton inspiration poétique soit d’accord avec la religion chrétienne; on ne voit pas que tu aies été chrétien.
[243] Saint Pierre.
[244] Vers connus de la IVe églogue, qui ont fait la célébrité de Virgile durant tout le Moyen Age, en le transformant en une sorte de prophète des gentils. Virgile chantait la naissance du fils d’Asinius Pollio; mais ses paroles ont été interprétées comme l’annonce de la prochaine incarnation du Christ.
[245] La chronologie de la pénitence de Stace n’est pas claire. Mort environ en l’an 96, il dit avoir passé cinq cents ans parmi les couchés (cf. plus haut, chant XXI, vers 68), et quatre cents ans sur la quatrième terrasse, celle des négligents. Cela fait mille ans: il n’est pas dit ce qu’il fit pendant les trois cents ans qui le séparent encore du voyage de Dante au monde d’au-delà.
[246] Ce sont là des personnages de La Thébaïde de Stace. La fille de Tirésias est Manto, qui se trouvait avec les autres devins, au huitième cercle de l’Enfer: le fait de l’avoir introduite ici parmi les habitants du Limbe est une des erreurs de fait très rares dans l’œuvre de Dante.
[247] Comme la journée commençait à six heures du matin, il est donc dix heures passées.
[248] Ce sont des exemples de tempérance et de sobriété, proposés aux gourmands qui occupent la sixième terrasse du Purgatoire. On les verra plus loin, amaigris par leur pénitence, qui consiste à voir les fruits et l’eau sans avoir le droit de les toucher.
[249] C’est un verset du Psaume L, appelé Miserere.
[250] Erysichton avait été puni par Cérès, qui lui avait donné une faim tellement impossible à satisfaire, qu’il avait fini par se dévorer lui-même.
[251] Lors du siège de Jérusalem par Titus, la famine à l’intérieur de la ville avait été telle, qu’une femme appelée Myriam avait mangé son propre fils.
[252] Le crâne vu de face formait, pour les hommes du Moyen Age, le mot omo «homme», les deux orbites étant les O et les fosses nasales, l’M. C’est celui-ci qui est le plus difficile à reconnaître sur la face des vivants; mais les gourmands du Purgatoire étaient si maigres, qu’on le retrouvait facilement. Les explications des commentateurs sont en général assez différentes.
[253] Forese Donati, frère de Corso Donati, chef des Noirs de Florence et de Piccarda, que l’on retrouvera au Paradis, chant III, mourut en 1296. Il était un peu poète, et l’un des meilleurs amis de jeunesse de Dante. Cf. M. Barbi, La tenzone di Dante con Forese, dans Studi danteschi, IX, pp. 5-149.
[254] Puisque le repentir, qui est «l’heure de la bonne douleur ne te vint que sur le tard, alors tu avais perdu leur «le pouvoir de pécher»; puisque, donc, ta réconciliation avec le Ciel ne s’est faite qu’in extremis, je pensais que tu serais encore dans l’Antipurgatoire, où l’on rachète les années passées dans le vice par autant d’années d’attente.
[255] La femme de Forese. Dans sa correspondance poétique avec Forese, Dante taquinait son ami, en lui reprochant déjà sa gourmandise, son amour des plaisirs et sa carence en tant qu’époux: ce passage du Purgatoire est donc une sorte de réparation posthume offerte à la mémoire de l’ami, qu’il pouvait bien attaquer lorsqu’il était vivant.
[256] La Barbagia, au centre de la Sardaigne, était réputée par la grossièreté bestiale de ses habitants: selon Forese, l’autre Barbagia, celle de Florence, était encore pire.
[257] Allusion sans doute à la vie joyeuse qu’ils avaient menée ensemble: en cette circonstance, cette allusion n’est pas un souvenir agréable, mais la «confession retenue, mais sincère», qu’il n’était pas lui-même sans reproche (Tommaseo).
[258] Stace.
[259] Équivalence classique du Paradis, comme «souverain Jupiter» (Purgatoire, VI, 118) était l’équivalent de Dieu.
[260] Poète, imitateur des Provençaux, il mourut vers 1297.
[261] Martin IV, pape de 1281 à 1285, était si connu pour sa passion pour les anguilles, qu’à sa mort on lui avait fait l’épitaphe suivante: Gaudent anguillae, quia mortuus hic jacet ille. Qui quasi morte reas escoriabat eas.
[262] Cette satisfaction signifie peut-être qu’ils regardent la découverte que l’on fait ainsi de leur vice, comme une pénitence de plus.
[263] Frère du cardinal Ottaviano (cf. Enfer, note 96) et d’Ugolin d’Azzo (cf. Purgatoire, note 155), il fut père de l’archevêque Ruggieri, l’ennemi d’Ugolin (cf. Enfer, note 317).
[264] Bonifazio Fieschi, de la même famille des comtes de Lavagna, à laquelle appartenait le pape Adrien V (cf. Purgatoire, note 205), avait été archevêque de Ravenne (1274-1295).
[265] De la famille des Orgogliosi de Forli. Selon Benvenuto de Imola, «comme il demandait une fois à son écuyer de lui dire ce que les gens disaient de lui, celui-ci lui répondit en tremblant: «Seigneur, ils disent que vous ne faites que boire.» Et il dit en riant: «Et pourquoi ne disent-ils pas que j’ai toujours soif?»
[266] Bonagiunta di Lucca.
[267] Le discours que Dante prête à Bonagiunta est volontairement sibyllin. Ce que l’on peut en tirer de sûr, c’est qu’il lui parle de Gentucca, comme d’une femme de Lucques, qui en 1300 ne portait pas encore le bandeau, et qui devait un jour adoucir l’exil du poète. Sans doute Dante lui-même ne voulait-il pas en dire davantage. Mais qui était Gentucca? On l’a identifiée à Gentucca Morla, mariée à Bonaccorso Fondora, et qui était toute jeune en 1317: ce qui, au dire des commentateurs, signifie qu’en 1300 elle ne portait pas encore les cheveux bandés ou voilés, comme les jeunes filles. Cette explication est loin d’être sûre; et il semble plus probable qu’il s’agisse du «blanc bandeau des veuves» (cf. Purgatoire, VIII, 74), et que Dante voulait dire qu’en 1300 Gentucca n’était pas encore veuve. Si c’est cette interprétation qui est exacte, l’identification proposée ne saurait correspondre à la réalité. Quant à la nature des relations de Dante avec Gentucca, toutes les conjectures sont possibles et mal assurées.
[268] En italien: Donne che avete intelletto d’amore. C’est le premier vers de la première chanson de Dante, commentée plus tard par lui-même dans la Vitanuova. C’est l’une des productions les plus caractéristiques de la nouvelle école poétique appelée dolce stïl nuovo; et c’est dans ce dernier sens que Buonagiunta l’appelle «vers nouveaux».
[269] Jacopo da Lentino, notaire en Sicile, mort vers 1246, fut poète en italien et imitateur des Provençaux. Guitton d’Arezzo, mort en 1294, le plus important des rimeurs de l’école toscane. Avec Buonagiunta lui-même, ils appartiennent tous à la génération poétique antérieure à la révolution que représente le dolce stil nuovo.
[270] Florence, dont Dante était toujours citoyen en 1300.
[271] Le plus coupable de ces maux est le chef des Noirs de Florence, Corso Donati, le frère de Forese, dont celui-ci prédit ainsi la mort prochaine. Corso contribua puissamment à l’instauration du gouvernement des Noirs à Florence; mais il fut accusé de trahison en 1308 et dut prendre la fuite. Il fut pris en route par des mercenaires qui 1 ramenèrent vers Florence. Alors, dit Villani, «Messire Corso, craignant de tomber entre les mains de ses ennemis et d’être exécuté par le peuple, et se trouvant tourmenté de la goutte aux mains et aux pieds, se laissa tomber de son cheval. Lesdits Catalans, le voyant par terre, lui donnèrent un coup de lance à la gorge, et le laissèrent pour mort. Les moines du couvent (de San Salvi) le portèrent dans leur monastère: les uns disent qu’avant de mourir il s’était mis lui-même entre leurs mains, pour faire pénitence, et les autres, qu’on l’avait trouvé mort.» Dans la version de Dante, qui probablement n’en parlait que par ouï-dire, c’est le cheval qui emporte Corso et qui est la cause de sa mort.
[272] La pensée.
[273] Exemples d’intempérance punie: Les Centaures, fils d’Ixion et d’une nue à laquelle Jupiter avait donné la forme de Junon, s’étaient enivrés aux noces de Pirithoùs et voulurent enlever sa femme, Laodamie; mais ils furent vaincus par Thésée, à qui ils opposèrent en vain leur «double poitrine» d’hommes et de bêtes. Sur les Hébreux chassés par Gédéon à cause de leur ivresse, cf. Juges VI-VII.
[274] L’ange qui veille à la sortie de la sixième terrasse vient d’effacer le sixième P du front du poète, en récitant une paraphrase de la quatrième félicité, adaptée aux pénitents de ce cercle (cf. plus haut, la note 238).
[275] Il est à peu près deux heures de l’après-midi au Purgatoire. Le soleil, qui se trouve dans la constellation du Bélier, s’était déplacé sur la voûte du Purgatoire, laissant à sa place sur le cercle méridien, le Taureau; à l’antipode, à Jérusalem, il est deux heures de la nuit, et le Scorpion occupe le cercle méridien.
L’escalier est celui qui monte de la sixième à la septième et dernière terrasse du Purgatoire.
[276] Comment les esprits de la sixième terrasse, qui n’ont plus besoin de manger, étant des êtres immatériels, peuvent-ils souffrir de faim et maigrir?
[277] Méléagre, dont la vie dépendait d’un tison, mourut en effet lorsque celui-ci acheva de se consumer.
[278] La doctrine physiologique et embryologique de Dante vient d’Aristote, à travers saint Thomas d’Aquin.
[279] Le sperme qui se mêle à l’ovule; selon la doctrine de Dante, ils ont été produits tous les deux par le cœur, le plus «noble organe» du corps.
[280] L’âme du foetus est une sorte d’âme végétative, produite par le mélange des deux «sangs», maternel et paternel. Elle diffère cependant de l’âme végétative en ce que cette dernière est immuable, tandis que celle du fœtus est appelée à devenir âme sensitive et à se réunir plus tard à l’âme rationnelle.
[281] C’est-à-dire que dans une première phase l’âme végétative se contente d’un corps sans organes différencié.
[282] C’est là l’erreur d’Averroès, qui distinguait l’intellect possible ou raisonnement, ou faculté de comprendre par le moyen du jugement, de l’intellect actif, qui transforme les idées en actes, ou qui rend sensibles les possibilités de l’autre intellect. Comme il avait constaté que l’intellect possible ne logeait dans aucun organe spécialisé, Averroès avait conclu qu’il était un réflexe de l’intelligence universelle, dont l’âme se dépouillait au moment de la mort. C’est cette erreur qu’après saint Thomas, Dante combat à son tour, en attribuant aux âmes toutes les facultés de l’intellect possible.
[283] Sur la rive de l’Achéron, si elle a été destinée à l’Enfer; sur la rive du Tibre, si elle doit aller au Purgatoire.
[284] Sur la septième terrasse du Purgatoire, les luxurieux rachètent leurs erreurs en cheminant dans les flammes.
[285] Hymne qui figure dans le bréviaire romain sous une forme un peu différente, Summae parens clementiae, qui contient aussi un passage qui est une prière pour éloigner les tentations de la chair.
[286] Réponse de Marie à l’Archange: «Je ne connais pas d’homme.» Comme le cri suivant, c’est un exemple de chasteté que l’on offre aux luxurieux.
[287] Hélice, nymphe séduite par Jupiter, avait été chassée de sa société par Diane.
[288] Exemples classiques de luxure, que les deux groupes s’appliquent eux-mêmes.
[289] Les sables chauds d’Afrique, ou les Monts Hyperboréens, au nord du continent.
[290] Il semble que César avait eu de curieuses complaisances pour Nicomède, roi de Bithynie; en sorte qu’à l’occasion de son entrée triomphale dans Rome, ses soldats l’appelaient regina Bithynica et chantaient, s’il faut en croire Suétone: Gallias Caesar subegit Nicomedes Caesarent.
[291] Il semble qu’il faille comprendre ce mot comme «ayant les deux sexes à la fois»: il s’agit donc de simple luxure, du péché de la chair commis entre hommes et femmes, réprobable surtout à cause de l’intempérance qui transforme l’homme en bête: de là le symbole, assez équivoque, de Pasiphaé. Il faut ajouter cependant que certains commentateurs pensent que le second groupe est composé par des personnes qui, comme Pasiphaé, leur patronne, s’étaient accouplées avec des bêtes.
[292] Guido Guinizelli (12307-1276), déjà mentionné (cf. Purgatoire, note 111), était naturel de Bologne et fut une sorte d’ancêtre du dolce stil nuovo. Dante reconnaissait déjà ailleurs ses mérites comme précurseur, et dans De vulgari eloquentia, I, 15, il l’appelle «maximus Guido».
[293] L’enfant de Lycurgue, roi de Némée, étant mort par suite de la négligence de sa nourrice, Hypsiphyle, celle-ci fut condamnée à mort; mais ses deux fils arrivèrent à temps pour la sauver. Cet épisode vient de La Thébaïde de Stace, chant V.
[294] Guiraut de Borneil, troubadour limousin (1175-env 1220), considéré comme l’un des meilleurs poètes provençaux. On voit que Dante lui préfère Arnaut Daniel, qui est le poète montré du doigt par Guinizelli, et qui était plus artiste et plus recherché.
[295] Guitton d’Arezzo, sur lequel cf. plus haut, la note 269.
[296] La phrase de l’oraison dominicale, et ne nos inducas in tentationem, est sans objet pour les âmes du Purgatoire.
[297] Arnaut Daniel, troubadour originaire du Périgord, qui mourut probablement vers l’an 1200. Il ne semble pas avoir joui d’une réputation égale au respect dont lui témoigne Dante; il se distingue par la complication de sa forme, qu’il soigne avec application et avec un penchant évident pour les difficultés.
[298] Votre question courtoise me plaît tellement, que je ne puis ni ne veux me cacher à vos yeux. Je suis Arnaut, qui pleure et vais chantant. Je m’afflige en voyant ma folie passée, et je me réjouis en voyant devant moi la Joie que j’attends. Or je vous prie, au nom de cette force qui vous conduit en haut de l’escalier: lorsqu’il sera temps, souvenez-vous de ma douleur!»
[299] H est donc six heures du soir au Purgatoire, six heures du matin à Jérusalem, minuit en Espagne et midi sur le Gange. Sur ces calculs, cf. plus haut, la note 11.
[300] L’ange qui veille à la sortie de la septième terrasse et qui chante la sixième béatitude évangélique: la pureté du cœur ne siérait pas mal à ceux qui sont en train de purger leur luxure.
[301] Ce sont les paroles avec lesquelles le Christ accueillera les élus, lors du Jugement dernier; cf. Mat. XXV: 34.
[302] Cf. plus haut, Purgatoire, VII, 52-57.
[303] Vénus, ou l’étoile du soir.
[304] Lia, fille de Laban, était chassieuse, mais eut beaucoup d’enfants de son mari Jacob. Les Pères la considèrent déjà, comme Dante, comme un symbole de la vie active. Sa soeur Rachel, qui fut la seconde femme de Jacob, représente la vie contemplative.
[305] Virgile, qui personnifie la raison humaine, a pu conduire l’âme sur le chemin des embûches du monde et sur celui du rachat. Maintenant, qu’ils sont arrivés au Paradis terrestre, la raison n’est plus un instrument suffisant: il faut que la foi illumine l’âme – et c’est ce qu’elle fera, par l’arrivée de Béatrice.
[306] L’âme délivrée du péché ne dépend plus que d’elle-même, elle est son propre souverain, dans le temporel aussi bien que dans le spirituel.
[307] Le Paradis terrestre, qui forme comme un plateau au-dessus de la montagne du Purgatoire.
[308] La célèbre pinède de Chiassi, à Ravenne, est l’ancienne Classis, d’où le nom de Saint-Apollinaire-in-Classe.
[309] Le Léthé de la mythologie, transformé par Dante en rivière qui donne à l’âme purifiée l’oubli de ses anciennes fautes.
[310] Cette dame, dont le nom n’est indiqué que bien plus loin, au chant XXXIII, est Mathilde. On a longuement discuté pour savoir quelle personne réelle et quel symbole elle représentait. On considère généralement que, tout comme Lia représentait la vie active dans les conditions courantes de l’existence humaine, Mathilde représente la vie active parfaite, telle que l’humanité aurait dû la connaître et la pratiquer au Paradis terrestre, si elle n’en avait pas été chassée par le péché d’Adam. Cette explication est vraisemblable. Cependant il convient d’ajouter qu’il s’agit de simples conjectures; et il est inquiétant de voir que Dante, qui fait expliquer à Lia sa propre personnalité, n’indique nullement le sens de celle de Mathilde – omission qui, jointe à celle de son nom, pourrait faire croire que cette partie du poème n’avait pas reçu sa forme définitive. Quant à sa personnalité historique, on a pensé le plus souvent à Matelda, comtesse de Toscane, qui légua au Saint-Siège la suzeraineté de la Toscane, et de Florence avec elle. On voit mal le rapport établi par Dante entre la vie active parfaite et la comtesse qui seconda les papes dans leur lutte contre les empereurs; mais Dante a de ces choix qui peuvent paraître bizarres au premier abord, et qui se justifient suffisamment, à la lumière d’un détail biographique précis et dont l’intérêt transcendant n’était pas évident. Ainsi, on a avancé, peut-être avec raison, que Mathilde, qui prend la relève de Virgile pour le conduire vers Béatrice, est une médiatrice entre le ciel et la terre, comme la Mathilde historique l’avait été, lorsqu’elle avait contribué à réconcilier l’Église et l’Empire. La principale objection que l’on oppose à cette identification, est que Mathilde a été conçue par le poète comme une médiatrice permanente entre le Paradis terrestre et le Ciel, et que, par conséquent, elle doit s’y trouver depuis le commencement, ou tout au moins depuis la création du Purgatoire: ce qui, naturellement, ne saurait être le cas pour la Mathilde historique. Mais raisonner ainsi est oublier les droits de la poésie. D’une part, il n’est pas certain que Mathilde soit là pour toutes les âmes et que ses fonctions soient permanentes; la preuve en est qu’elle n’agit pas avec Dante comme avec Stace (cf. plus loin, chant XXXIII, vers 135). D’autre part, s’il était vrai que Mathilde ne peut se trouver depuis le commencement au Paradis terrestre, à plus forte raison cette observation devrait s’adresser à Béatrice, laquelle nous le savons, personnifie la foi. Tout ce qu’on peut donc dire, c’est que la conjoncture qui rapproche ce personnage du poème de la comtesse de Toscane n’est pas absurde, mais qu’elle n’est pas sûre non plus; et qu’il faut déplorer l’absence d’une détermination plus précise, qui manque sans doute pour une autre raison que la volonté de l’auteur.
[311] Commencement du Psaume XCI: «Delectasti me, Domine, in factura tua.»
[312] Stace venait d’expliquer que la partie haute du Purgatoire n’était pas sujette aux intempéries (Purgatoire, XXI, 42-54). Comme Dante sent du vent et voit une rivière, il est donc en droit de s’étonner et de demander quelle est explication.
[313] D’après la science du temps, le Premier Mobile tourne d’est à ouest, entraînant avec lui tous les autres cieux: le mouvement universel est parfois interrompu par des causes secondes, telles que le vent, qui peut prendre des directions différentes. Le vent qui agite le feuillage au Paradis terrestre est donc celui que produit le mouvement des cieux.
[314] «Heureux ceux dont les péchés ont été pardonnés»; c’est le début du Psaume XXXI.
[315] Ou le sensible commun, objet que l’on perçoit par plus d’un sens à la fois. Les commentateurs expliquent que ce que Dante prenait pour des arbres était perçu à la fois par la vue et le toucher, ce qui est manifestement faux. Compte tenu des mentions faites au tercet suivant, il faut comprendre que cet objet était perçu à la fois par la vue et par l’ouïe.
[316] La vertu estimative, qui prépare le jugement.
[317] Les sept candélabres, première partie d’un étrange cortège mystique, sont les sept esprits de Dieu, qui ouvrent la voie aux sept dons de l’Esprit saint; celles-ci suivent, comme sept bandes lumineuses, qui sont Sagesse, Intelligence, Prudence, Force, Science, Piété et Crainte de Dieu.
[318] Diane, qui était née à Délos.
[319] Les vingt-quatre livres de l’Ancien Testament (selon la version de saint Jérôme). L’Apocalypse offrait déjà un symbole pareil; mais là les vingt-quatre vieillards représentaient les douze patriarches et les douze apôtres.
[320] Les quatre Évangiles; leur description est empruntée à la vision d’Ezéchiel, que Dante cite plus loin, et à l’Apocalypse de saint Jean.
[321] Le char de l’Église militante, traîné par un griffon, animal qui tient à la fois du lion et de l’aigle, et dans lequel on a cru voir la double nature, divine et humaine, de Jésus-Christ lui-même; mais cf. plus bas, la note 334. Les trois femmes qui accompagnent le char à droite sont les trois vertus théologales: la Foi (blanche), l’Espérance (verte) et la Charité (rouge). À gauche du char se tiennent les quatre vertus cardinales, Justice, Force, Tempérance et Prudence, celle-ci pourvue de trois yeux.
[322] Ces sept vieillards qui forment l’arrière-garde du char sont: les Actes des Apôtres, personnifiés par saint Luc, qui avait été médecin, donc disciple d’Hippocrate; les Épîtres de saint Paul, représentées par leur auteur, qui avait été soldat; les quatre livres d’épîtres catholiques; et l’Apocalypse, représenté par un vieillard plongé dans le sommeil. Les flammes qui entourent leurs têtes indiquent l’inspiration du Saint-Esprit.
[323] Les sept dons du Saint-Esprit.
[324] Passage tiré du Cantique des Cantiques et qui est une invocation à Béatrice, qui va descendre du ciel.
[325] «À la voix d’un si grand vieillard», plus de cent anges apparaissent, chantant Béni sois-tu, toi qui arrives, chant qui accueillit le Christ lors de son entrée à Jérusalem (Mat. XXI:), et répandez les lis par pleines poignées, tiré de L’Énéide, VI, 883.
[326] Réminiscence d’un vers célèbre de L’Énéide, IV, 23: Agnosco veteris vestigia flammae.
[327] C’est la première partie du Psaume XXX, qui est un hymne d’espoir en Dieu. L’expression pedes meos marque la fin du neuvième verset.
[328] Ce n’est que dans cette dernière phrase que Béatrice explique la raison de sa dureté. Dante devra boire l’eau du Léthé, et oublier qu’il a péché: c’est là un privilège qu’il faut avoir mérité – et il n’a pas encore prouvé qu’il s’était repenti.
[329] La Libye.
[330] Pendant qu’il restait sans connaissance, Matelda a trempé le poète dans le Léthé, le traînant vers la rive ou reste Béatrice. Les anges chantent la formule qu’employait le prêtre, en jetant l’eau bénite, après la confession.
[331] La beauté des yeux de Béatrice, peut-être l’Intelligence divine, est complétée par la «seconde beauté» de ses lèvres, qui pourraient symboliser l’Amour divin.
[332] Béatrice Portinari était morte en 1290.
[333] C’est l’arbre de la science du bien et du mal. Le rappel du nom d’Adam en cette circonstance est un reproche, car c’est par sa faute que l’arbre est dépouillé. Il a été interprété de façon très différente; mais on admet généralement qu’il représente le droit naturel, ou l’Empire.
[334] Ce passage devrait être fondamental pour l’intelligence des doctrines politiques de Dante: malheureusement il est enveloppé dans les nuages d’un symbolisme trop épais, que les commentaires en général ne font qu’obscurcir encore plus. S’il est certain que le char est l’Église militante et l’arbre est l’Empire, le fait de les attacher ensemble est le symbole de l’union nécessaire des deux, tant de fois prônée par Dante. Il n’est donc pas possible de se mettre d’accord avec les commentateurs qui voient dans le Griffon le Christ lui-même – car ce n’est pas lui qui tire le char de l’Église, et cette image serait pour le moins irrévérencieuse. La double nature de cet animal n’est donc pas l’humaine et la divine, mais probablement la temporelle et la spirituelle réunies. Nous sommes donc devant le même rêve d’unité et de primauté de l’Empire, que le poète appelle de tous ses vœux et qu’il avait déjà exprimé plus d’une fois ailleurs, notamment par le symbole du Lévrier. Ainsi «l’animal deux fois né» serait le même qui doit naître «entre feutre et feutre» et que sa double naissance (ailleurs sa naissance sous la constellation des deux frères) prédestine à la réalisation de l’union entre le spirituel et le temporel. Il faut ajouter que, pour d’autres commentateurs, le griffon qui rattache la croix du timon à l’arbre du bien et du mal serait le Christ qui rachète par son sacrifice le péché d’Adam.
[335] Si l’explication proposée plus haut est bonne, on comprend pourquoi l’hymne qu’entendit Dante n’est pas connu sur terre, puisqu’il devrait dire les louanges de l’union entre l’Église et l’Empire, c’est-à-dire de quelque chose qui n’existait que dans les vœux du poète.
[336] Mercure contait à Argus le conte des amours de Syrinx, pour l’endormir avant de le tuer.
[337] Par l’aigle romain, il faut probablement entendre les empereurs de Rome qui persécutèrent l’Église primitive; le renard qui se glisse dans le char est l’hérésie. La seconde descente de l’aigle est l’attitude de Constantin, qui, selon Dante, avait commencé par persécuter l’Église, et qui lui fit ensuite la donation si justement célèbre, et dont le poète parle plus d’une fois. Le dragon qui sort de terre n’a pas été expliqué de manière satisfaisante: on a pensé au démon, au schisme oriental, à Mahomet.
[338] Par l’aigle dont il a été question, c’est-à-dire par Constantin.
[339] Les sept péchés capitaux, qui rappellent la bête de l’Apocalypse.
[340] Probablement la cour de Rome aux pires temps de sa dissolution, c’est-à-dire pendant le pontificat de Boniface VIII. Le géant, aux dires des commentateurs, serait Philippe le Bel, roi de France, qui tour à tour caresse et frappe celle qu’il garde de près. Ce symbolisme n’est pas toujours clair: on ne comprend pas bien, par exemple, pourquoi la courtisane le regarde, lui, Dante.
[341] Le char de l’Église, devenu bête de l’Apocalypse.
[342] Texte tiré du Psaume LXXVIII: «Ô Dieu, les peuples ont envahi ton héritage, ils ont souillé ton temple sacré.» L’application au char de l’Église est évidente.
[343] «Un peu de temps encore, et vous ne me verrez plus; et encore un peu de temps, et vous me verrez à nouveau.» Ces paroles, par lesquelles le Christ annonçait sa mort à ses disciples, sont interprétées par Dante dans le sens d’une prochaine résurrection de l’Église.
[344] Selon les anciens commentateurs (Jacopo della Lana), un usage ancien voulait que l’assassin qui dans les neuf premiers jours de son meurtre pouvait manger une soupe, une fois par jour, sur la tombe de sa victime, jouissait d’une prescription et ne pouvait plus faire l’objet de poursuites. Cette tradition est douteuse, mais elle avait probablement cours au temps de Dante. Cela veut dire, ici, que la vengeance de Dieu ne saurait tenir compte de prescriptions aussi ridicules, et que Dieu punira les coupables, tôt ou tard.
[345] Les commentateurs interprètent, de commun accord, l’Empire ne restera pas toujours vacant; et ils ajoutent que Dante considérait l’Empire comme virtuellement vacant de 1250 à 1308, à cause de la carence des empereurs. Cette explication est visiblement insuffisante, sans tenir compte du fait que ce passage est probablement postérieur à 1308 Mais Dante dit expressément que c’est Constantin, l’auteur de la donation, qui ne restera pas toujours sans héritier, cela veut dire qu’un jour viendra où un empereur se présentera comme héritier de Constantin, pour réclamer son héritage, ou du moins pour demander des comptes: et c’est bien là ce qu’il annonce dans les tercets suivants.
[346] Cette énigme dantesque rappelle à la fois le Lévrier qui, comme le personnage annoncé ici, sera l’homme prédestiné à rendre à l’Église corrompue son brillant d’autrefois, et l’Apocalypse, où 666 cachait le nom de Néron. Les commentateurs peuvent être distingués en deux grandes classes. Les uns prennent 515 comme une indication purement numérique, et par un calcul dont la base pourra paraître discutable, ajoutent ce chiffre à 800, an de la fondation de l’Empire par Charlemagne, et fixent à 1315 la date indiquée par Dante pour la grande révolution qu’il prônait; mais il est extrêmement difficile d’imaginer que Dante se livrait à des prophéties aussi importantes, et pour des délais aussi rapprochés, au risque de rendre son poème ridicule, en cas d’insuccès. Les autres lisent 515 = DXV, et interprètent Dux, ou «chef», ce qui semble plus raisonnable et n’est pas sans exemple: Un ouvrage de Bartolomeo Zamberto, dit Sonnetti Isoîani et imprimé vers 1480, commence par une dédicace:
Al divo cinquecento cinque e diece
Tre cinque ado mil nulla tre e do un cento
Nulla questa opra dar più oltre lecce.
K n’avons pas déchiffré tout ce logogriphe; mais il semble évident que le premier vers signifie: Al divo Dux, probablement le doge de Venise. Dante parle donc probablement d’un chef, qui sera le sauveur de l’Église; il serait oiseux de discuter si c’est le même Lévrier ou Griffon, puisque aussi bien le poète ne fait pas des prophéties, mais formule des vœux.
[347] Les fils de Laïus, qui, comme Oreste, fourniront la solution de l’énigme. Dante avait écrit Naïades, forme qui figure par erreur dans certains manuscrits anciens d’Ovide.
[348] L’Else, rivière de Toscane, a des propriétés pétrifiantes. Les vains pensers ont donc endurci l’esprit du poète; ses plaisirs, d’autre part, il les paie de son sang, comme Pyrame la couleur du mûrier qu’il avait teint de son sang.
[349] Les deux fleuves étaient réputés avoir leur source au Paradis terrestre.
[350] L’Eunoé, déjà mentionné auparavant comme étant un bras du Léthé, a la vertu de conserver à l’âme le souvenir de ses bonnes actions.