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Il ne conserva que peu de souvenirs cohérents du trajet. À l’aube ils avaient laissé la zone dangereuse derrière eux et la fuite était devenue une marche. Les animaux avaient disparu, chacun reprenait sa route, mais respectant toujours le silencieux armistice.

Mais la trêve tacite devant le danger commun était terminée : ils durent tuer un chien sauvage qui les attaqua brusquement lorsqu’ils s’approchèrent du tronc couché derrière lequel il se reposait. En essuyant soigneusement son couteau sur la fourrure de l’animal, Rhes expliqua calmement.

— Généralement, ils ne nous ennuient pas, mais celui-ci était excité. Il avait probablement perdu sa bande dans le tremblement de terre.

Ses réactions étaient à l’opposé de celles des citadins. Il n’avait pas cherché la lutte et au lieu de se vanter de sa victoire, il semblait troublé par cette mort inutile.

Jason savait maintenant comment la guerre avait commencé sur cette planète mortelle et il savait comment y mettre un terme. Il ne restait plus qu’une chose à faire.

Rhes le regarda et il sut qu’ils partageaient les mêmes pensées.

— Expliquez-vous, dit Rhes. Que vouliez-vous dire en affirmant que nous pouvions réduire l’ennemi et recouvrer notre liberté ?

— Réunissez les autres et je vais vous le dire, répondit Jason. Je veux voir spécialement Naxa et tous les parleurs qui sont ici.

Ils se rassemblèrent rapidement, sachant tous que le conducteur de camion avait été tué pour sauver cet étranger qui portait tous leurs espoirs de salut.

— Nous voulons tous mettre fin à la guerre qui se déroule sur Pyrrus, commença Jason, et un moyen existe. Mais il coûtera des vies humaines. Je pense toutefois que le prix est acceptable, car le succès vous apportera tout ce que vous avez toujours désiré. Nous allons envahir la cité, forcer le périmètre. Je sais comment y arriver…

Une vague de murmures courut dans la foule. Jason leva la main pour obtenir le silence.

— Je sais que cela paraît impossible, mais laissez-moi m’expliquer. Il faut faire quelque chose et c’est le moment d’agir. La situation ne peut à présent qu’empirer. Les hommes de la cité peuvent se débrouiller sans votre nourriture, mais ils vont se retourner contre vous de toutes les façons possibles. Plus de métaux pour vos outils ou de pièces pour vos appareils électroniques. Leur haine leur fera probablement rechercher vos fermes et les raser à partir du vaisseau. Et il y a pire. Ils perdent la guerre contre la planète et ils sont moins nombreux d’année en année. Les connaissant, je suis certain qu’ils détruiront le vaisseau et même toute la planète si c’est possible.

— Comment pouvons-nous les arrêter ? Cria quelqu’un.

— En attaquant maintenant, répondit Jason. Je connais tous les détails de l’organisation du réseau de défense. Leur périmètre n’est conçu que pour les protéger des attaques animales, mais nous pourrons le traverser si nous le voulons vraiment.

— Où cela nous mène-t-il ? Coupa Rhes. Nous passons le périmètre et ils se retirent. Puis ils contre-attaquent en force. Comment tenir contre leurs armes ?

— Nous n’aurons pas à le faire. Leur aire d’envol touche au périmètre, et je connais le point exact où le vaisseau est posé. Nous passerons à cet endroit. Il n’y a pas de véritable garde sur le vaisseau et il y a peu de monde dans cette zone. Nous nous emparerons du vaisseau. Que nous puissions ou non le piloter est sans importance. Celui qui a le vaisseau commande Pyrrus tout entier. Et nous les menacerons de détruire le vaisseau s’ils n’acceptent pas nos conditions. Ils auront le choix entre le suicide général et la coopération. J’espère qu’ils choisiront de coopérer.

Ses mots les laissèrent silencieux pendant un moment, puis ils se mirent à parler tous ensemble.

— Du calme ! Cria Rhes. Attendez que Jason ait fini avant de décider. Nous ne savons toujours pas comment il se propose de réaliser cette invasion.

— Ce que j’ai en tête dépend des parleurs, répondit Jason. Naxa est-il ici ? (Celui-ci fendit la foule jusqu’au premier rang.) J’ai besoin d’en savoir plus long sur les parleurs, Naxa. Je sais que vous pouvez parler aux doryms et aux chiens. Mais les bêtes sauvages ? Pouvez-vous leur faire faire ce que vous voulez ?

— Ce sont des animaux. Bien sûr, on peut leur parler. Plus y’a de parleurs, plus y’a de puissance. Y font exactement ce qu’on leur dit.

— Alors l’attaque doit marcher. (Jason s’excitait à son tour.) Pouvez-vous réunir les parleurs d’un seul côté de la cité – le côté opposé à l’aire d’envol – et exciter les animaux ? Leur faire attaquer le périmètre ?

— Bien sûr ! Cria Naxa, enthousiasmé par cette idée. Nous pourrions amener des animaux de toutes parts, provoquer la plus grande attaque qu’ils aient jamais vue !

— Alors, ça va. Les parleurs suscitent une attaque sur le côté opposé du périmètre. Si vous restez cachés, les gardes penseront que c’est un nouvel assaut des animaux. Je sais comment ils font. Pendant que la lutte s’engage, ils ont recours aux réserves et appellent les hommes des autres zones du périmètre. Au plus fort de la bataille, je prendrai la tête de l’attaque qui forcera le périmètre et capturera le vaisseau.

Il se laissa retomber, épuisé. Il écouta le débat, conduit par Rhes, et les questions et réponses qui alternèrent. Personne ne trouva de faille fondamentale dans le plan, même s’il restait plusieurs points d’interrogation. Ils se séparèrent bientôt et Rhes revint près de Jason.

— Ils sont tous d’accord. Nous avons envoyé des messages à tous les parleurs. Ils sont l’atout principal de votre plan et plus nous en aurons, mieux cela vaudra. Nous ne voulons pas utiliser les interphones, l’ennemi pourrait intercepter les ordres. Il nous faut cinq jours pour être prêts.

— Il m’en faudrait plus pour retrouver toutes mes forces, soupira Jason.

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