Autobiographie

Paroles: Charles Aznavour. Musique: Georges Garvarentz 1980

J'ai ouvert les yeux sur un meublé triste

Rue Monsieur-Le-Prince au Quartier Latin

Dans un milieu de chanteurs et d'artistes

Qu'avaient un passé, pas de lendemain

Des gens merveilleux, un peu fantaisistes

Qui parlaient le russe et puis l'arménien

Si mon père était chanteur d'opérette

Nanti d'une voix que j'envie encore

Ma mère tenait l'emploi de soubrette

Et la troupe ne roulait pas sur l'or

Mais ma sœur et moi étions à la fête

Blottis dans un coin derrière un décor

Tous ces comédiens chargés de famille

Mais dont le français était hésitant

Devaient accepter pour gagner leur vie

Le premier emploi qui était vacant

Conduire un taxi ou tirer l'aiguille

Ça pouvait se faire avec un accent

Après le travail les jours de semaine

Ces acteurs frustrés répétaient longtemps

Pour le seul plaisir un soir par quinzaine

De s'offrir l'oubli des soucis d'argent

Et crever de trac en entrant en scène

Devant un public formé d'émigrants

Quand les fins de mois étaient difficiles

Quand il faisait froid, que le pain manquait

On allait souvent honteux et fébrile

Au Mont-de-piété où l'on engageait

Un vieux samovar, des choses futiles

Objets du passé, auxquels on tenait

On parlait de ceux morts près du Bosphore

Buvait à la vie, buvait aux copains

Les femmes pleuraient et jusqu'aux aurores

Les hommes chantaient quelques vieux refrains

Qui venaient de loin, du fond d'un folklore

Où vivaient la mort, l'amour et le vin

Nous avions toujours des amis à table

Le peu qu'on avait, on le partageait

Mes parents disaient: "Ce serait le diable

Si demain le ciel ne nous le rendait"

Ce n'est pas là geste charitable:

Ils aimaient les autres et Dieu nous aidait

Tandis que devant poêles et casseroles

Mon père cherchait sa situation

Jour et nuit sous une lampe à pétrole

Ma mère brodait pour grande maison

Et nous avant que d'aller à l'école

Faisions le ménage et les commissions

Ainsi je grandis sans contrainte aucune

Me soûlant la nuit, travaillant le jour

Ma vie a connu diverses fortunes

J'ai frôlé la mort, j'ai trouvé l'amour

J'ai eu des enfants qui m'ont vu plus d'une

Fois me souvenir le cœur un peu lourd

Rue Monsieur-Le-Prince au Quartier Latin

Dans un milieu de chanteurs et d'artistes

Qu'avaient un passé, pas de lendemain

Des gens merveilleux un peu fantaisistes

Qui parlaient le russe et puis l'arménien

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