Paroles: Charles Aznavour. Musique: Y. Gilbert 2003 "Je voyage"
note: Ecrit à la mémoire de Daniel Pearl, journaliste américain pris en otage et assassiné au Pakistan
De prisons en prisons, de cellules en cellules,
Pour avoir informé preuves à l'appui pourtant
Je ne suis plus un nom, pas même un matricule,
Abandonné de tous, je suis un mort vivant
On m'a pissé dessus, craché à la figure,
Sur mes parties intimes on a mis le courant,
Avec les rats crevés je dors dans la raclure,
Malade et décharné, je suis un mort vivant
Parce que j'accusais et qu'au sang de ma plume
La liberté coulait et défendait des droits,
Pour m'empêcher d'écrire on a dû sur l'enclume
Et me briser le corps et me broyer les doigts
Dès lors que vérité n'avait pas bonne face,
Dès lors que mes refus à rentrer dans le rang
N'étaient pas dans le goût de ces messieurs en place
Au fond de ce tombeau, je suis un mort vivant
Parce que je touchais le point où le bat blesse,
Que de langue et de plume j'étais virulent,
Des hommes de pouvoir et de fausses promesses
M'ont jeté dans l'oubli, je suis un mort vivant
Parce que mon esprit n'a jamais su se mettre
Au rang des compromis, lèche-culs militants,
On m'a mis dans ce trou afin de me soumettre
Par la soif et la faim, je suis un mort vivant
Mon Dieu, si tu existes, écoute ma prière,
Donne-moi le courage et la force et la foi
De ne jamais faiblir face à mes tortionnaires
Je t'en prie, au moins toi, ne m'abandonne pas
Moi le pisse papier à longueurs de colonne
Que l'on veut museler en lui rognant les dents
Humble je viens à toi, moi qui ne suis personne
Jette un regard sur moi, je suis un mort vivant
Les voix des disparus, moi, je peux les entendre,
Bien que gorges tranchées et bien que hors du temps,
Sortant des murs griffés et de dessous des cendres
Qui hurlent avec moi, je suis un mort vivant
Je rampe dans mon trou comme un rat sous la terre,
Dans la crasse, l'oubli, dans la merde et le sang,
Dans ce lieu où jamais un rayon de lumière
Ne caresse ma peau, je suis un mort vivant
Je bois des eaux usées, Dieu sait ce que je mange,
Revêtu de haillons, j'ai l'air d'un revenant,
Subis des sévices et je vis dans la fange,
Mais je sais qui je suis et ce que je défends
De prisons en prisons, de cellules en cellules,
Pour avoir informé preuves à l'appui pourtant
Je ne suis plus un nom pas même un matricule,
Pour délit d'opinion, pour délit d'opinion,
Pour délit d'opinion, je suis un mort vivant.