CHAPITRE IV

Il était environ cinq heures quand on frappa discrètement à la porte du bureau de Maigret. Sans attendre de réponse, le vieux Joseph, le plus ancien des huissiers, s’avança et tendit une fiche au commissaire.

« Nom : Jean-Luc Caucasson.

« Motif de la visite : affaire Chabut. »

— Où l’avez-vous mis ?

— Dans l’aquarium.

On appelait ainsi une salle d’attente vitrée de trois côtés où il y avait toujours des visiteurs.

— Laissez-le mariner encore pendant quelques minutes, puis amenez-le-moi.

Maigret se moucha longuement, alla se camper quelques instants devant la fenêtre et finit par boire un peu de la fine champagne qu’il avait toujours en réserve dans son placard.

Il se sentait toujours flou et il avait l’impression désagréable d’évoluer dans un univers cotonneux.

Il était occupé à allumer sa pipe, debout près de son bureau, quand Joseph annonça :

— Monsieur Caucasson.

Celui-ci ne paraissait pas impressionné par l’atmosphère du quai des Orfèvres. Il s’avançait, la main tendue :

— C’est au commissaire Maigret que j’ai l’honneur... ?

Mais le commissaire se contentait de grommeler :

— Asseyez-vous, je vous en prie.

Lui-même contournait son bureau pour aller s’asseoir à sa place.

— Vous êtes éditeur de livres d’art, je pense ?

— C’est exact. Vous connaissez ma boutique de la rue Saint-André-des-Arts ?

Maigret évita de répondre et regarda comme rêveusement son interlocuteur. C’était un bel homme, grand, élancé, aux abondants cheveux gris bien lissés. Son complet, son pardessus étaient gris aussi et il avait aux lèvres un sourire suffisant qui devait lui être habituel. Il faisait penser à un animal de race, à un chien afghan, par exemple.

— Je m’excuse de vous déranger, d’autant plus que ma démarche n’a pas grand intérêt pour vous. J’étais un ami d’Oscar Chabut...

— Je sais. Je sais aussi que, mercredi, vous avez assisté à la première mondiale d’un film sur la Résistance. Le film n’a commencé qu’à neuf heures et demie et vous aviez tout le temps de parcourir le chemin entre la rue Fortuny et les Champs-Elysées.

— Vous me considérez comme suspect ?

— Jusqu’à preuve du contraire, tous ceux qui ont été en rapport avec Chabut sont plus ou moins suspects. Vous connaissez Mme Blanche ?

Il hésita un instant, se décida vite.

— Oui. Il m’est arrivé d’aller chez elle.

— Avec qui ?

— Avec Jeanne Chabut. Elle savait que son mari était un habitué de l’hôtel particulier. Elle avait envie de voir par elle-même.

— Vous êtes l’amant de Mme Chabut ?

— Je l’ai été. J’ai tout lieu de croire qu’elle en a eu d’autres.

— À quelle époque cela se passait -il ?

— Il y a six mois environ que nous ne nous sommes pas donné rendez-vous.

— Vous alliez la voir place des Vosges ?

— Oui. Lorsque son mari se rendait dans le Midi, ce qui lui arrivait presque chaque semaine.

— C’est à cause de cela que vous êtes venu me voir ?

— Non. Je n’ai fait que répondre à votre question. Ce que je voulais vous demander, c’est si vous avez trouvé les lettres.

Maigret l’observa en fronçant les sourcils.

— Quelles lettres ?

— Les lettres qu’Oscar recevait personnellement. Pas sa correspondance d’affaires, bien entendu. Je suppose qu’il les conservait place des Vosges ou, peut-être, quai de Charenton.

— Et vous aimeriez rentrer en possession de ces lettres ?

— Meg... C’est ma femme... Meg, dit-il, a la manie d’écrire de longues lettres dans lesquelles elle met tout ce qui lui passe par la tête...

— Ce sont ses lettres que vous voulez retrouver ?

— Elle a eu une assez longue liaison avec Oscar. Je les ai surpris ensemble et il a paru ennuyé.

— Il était amoureux ?

— Il n’a jamais été amoureux de sa vie. C’en était une de plus à ajouter à son tableau de chasse.

— Vous êtes jaloux ?

— J’ai fini par me faire une raison.

— Votre femme a eu d’autres aventures ?

— Je suis bien obligé de le reconnaître.

— Si je comprends bien, votre femme était la maîtresse de Chabut et vous étiez l’amant de Mme Chabut. C’est à peu près ça ?

Il y avait dans la voix de Maigret, dans son attitude, une ironie rentrée dont l’éditeur d’art ne s’apercevait pas.

— Vous avez écrit des lettres aussi ?

— Trois ou quatre.

— À Mme Chabut ?

— Non. À Oscar.

— Pour vous plaindre de ses relations avec Meg ?

— Non.

Il en arrivait au point difficile et il s’efforçait de prendre un air dégagé.

— Vous ne devez pas être au courant de la situation d’un éditeur d’art. La clientèle est clairsemée, le prix de revient des ouvrages extrêmement élevé. Une édition met plusieurs années à s’écouler et elle représente un important capital.

« Cela vous explique que nous avons encore besoin de mécènes. »

Maigret, plus ironique que jamais, questionnait d’une voix innocente :

— M. Chabut était un mécène ?

— Il était très riche. Il gagnait l’argent à la pelle. J’ai pensé qu’il pourrait m’aider et...

— Vous le lui avez écrit ?

— Oui.

— Alors même qu’il était l’amant de votre femme ?

— Les deux choses n’ont aucun rapport.

— Vous les aviez déjà surpris ?

— Je n’ai plus les dates en tête mais je suppose que oui.

Renversé en arrière, Maigret tassait du doigt la cendre dans sa pipe.

— Vous étiez déjà l’amant de Jeanne Chabut ?

— Je savais bien que vous ne comprendriez pas. Vous en revenez toujours à la bonne vieille morale bourgeoise qui n’a pas cours dans notre milieu. Pour nous, ces rapports sexuels sont sans importance.

— Je comprends bien. Autrement dit, vous vous adressiez à Oscar Chabut uniquement parce qu’il était riche.

— C’est exact.

— Vous vous seriez aussi bien adressé à un banquier ou à un industriel que vous ne connaissiez pas.

— Si je m’étais vu acculé, oui.

— Mais vous n’étiez pas acculé ?

— J’avais en tête un ouvrage important sur certains aspects de l’art asiatique.

— Il y a dans ces lettres des phrases que vous regrettez ?

Il était de plus en plus mal à l’aise mais il parvenait à garder une certaine dignité.

— Mettons qu’elles pourraient être mal interprétées.

— Des gens superficiels, par exemple, des gens qui n’appartiennent pas à votre monde et qui manquent d’idées larges, pourraient penser à un chantage. C’est bien cela ?

— Plus ou moins.

— Vous avez beaucoup insisté ?

— J’ai écrit trois ou quatre lettres.

— Toutes sur le même sujet ? Dans un laps de temps assez court ?

— J’étais pressé de mettre le livre en chantier. Un des meilleurs connaisseurs en art oriental m’avait déjà fourni le texte.

— Il a payé ?

Caucasson secoua la tête.

— Non.

— Vous avez été très déçu ?

— Oui. Je ne m’attendais pas à cela de sa part. Je ne le connaissais pas suffisamment.

— Il était dur, n’est-ce pas ?

— Dur et méprisant.

— Il vous a répondu par écrit ?

— Il ne s’en est pas donné la peine. Un soir qu’il offrait un cocktail à une trentaine d’amis, je l’ai suivi dans l’espoir qu’il me donne enfin une réponse...

— Et il vous l’a donnée ?

— Brutalement. Il s’est retourné, en plein milieu du salon, et il m’a dit à voix haute, de sorte que d’autres que moi ont entendu :

— Sachez que je me moque éperdument de Meg et encore plus de ce que vous fricotez avec ma femme. Cessez donc de me demander de l’argent.

Son visage plutôt pâle quand il était entré était devenu rose et ses longs doigts manucurés tremblaient un peu.

— Vous voyez que je vous parle en toute franchise. J’aurais pu me taire, attendre les événements.

— C’est-à-dire attendre que je trouve les lettres ?

— On ne peut pas savoir dans quelles mains elles vont tomber.

— Vous l’avez revu depuis ?

— Deux fois. Nous avons, Meg et moi, continué à être invités place des Vosges.

— Et vous y êtes allé, murmura Maigret avec une feinte admiration. Je vois que vous pratiquez le pardon des offenses.

— Que pouvais-je faire d’autre ? C’est une brute, mais aussi une force de la nature. Il a dû en humilier d’autres, même parmi nos amis. C’était chez lui un besoin de se sentir puissant et il ne demandait pas à être aimé.

— Vous comptiez que je vous remettrais ces lettres ?

— Je préférerais les savoir détruites.

— Celles de votre femme et les vôtres, n’est-ce pas ?

— Les lettres de Meg risquent d’être un peu trop passionnées, sinon erotiques, et les miennes, comme je vous l’ai dit, pourraient être mal interprétées.

— Je verrai ce que je puis faire pour vous.

— Vous les avez trouvées ?

Il ne répondit pas et marcha jusqu’à la porte afin de marquer la fin de l’entretien.

— Au fait, possédez-vous un pistolet automatique 6,35 ?

— J’ai un automatique dans mon magasin. ïl est dans le même tiroir depuis des années et je n’en connais même pas le calibre. Je n’aime pas les armes.

— Je vous remercie. Au fait, saviez-vous que votre ami Chabut se rendait chaque mercredi vers la même heure rue Fortuny ?

— Oui, car il nous est arrivé, à Jeanne et à moi, d’en profiter.

— Ce sera tout pour aujourd’hui. Si j’ai besoin de vous, je vous convoquerai.

Caucasson finissait par sortir en rasant le chambranle et Maigret le suivait des yeux jusqu’à l’escalier. Quand il rentra dans son bureau, il demanda la communication avec la place des Vosges. Cela prit un certain temps, car la ligne était sans cesse occupée.

— Mme Chabut ? Ici, le commissaire Maigret. Je vous demande pardon de vous déranger à nouveau mais une visite que je viens de recevoir m’oblige à vous poser une ou deux questions.

— Je vous demanderai de faire vite car je suis extrêmement occupée. En fin de compte, les obsèques ont lieu demain dans la plus stricte intimité.

— Il y aura une cérémonie religieuse ?

— Une simple absoute. Je ne préviens que quelques intimes et deux ou trois collaborateurs de mon mari.

— M. Louceck ?

— Je ne peux pas faire autrement.

— M. Leprêtre ?

— Certainement. Et même sa secrétaire particulière, cette jeune fille maigre qu’il appelait la Sauterelle. Trois voitures nous conduiront directement au cimetière d’Ivry.

— Savez-vous où votre mari gardait sa correspondance privée ?

Il y eut un silence assez long.

— Figurez-vous que je ne me suis jamais posé la question et que je suis en train de réfléchir. Il recevait très peu de courrier à l’appartement et les gens s’adressaient le plus souvent quai de Charenton. Avez-vous certaines lettres bien déterminées en tête ?

— Des lettres d’amis, d’amies.

— S’il les conservait, elles doivent se trouver dans son coffre personnel.

— Où se trouve ce coffre ?

— Dans le salon, derrière son portrait.

— Vous en avez la clé ?

— Ce sont vos services qui m’ont renvoyé hier les vêtements qu’il portait mercredi et il y avait dans une poche son trousseau de clés. J’ai remarqué une clé de coffre-fort, mais je n’ai pas pensé plus loin.

— Je ne veux pas vous prendre encore de votre temps aujourd’hui mais, dès que les obsèques auront eu lieu...

— Vous pouvez me téléphoner demain après-midi.

— D’ici là, je vous demande instamment de ne rien détruire, pas le moindre bout de papier.

N’allait-elle pas avoir la curiosité, dès aujourd’hui, d’ouvrir le coffre afin de voir ces fameuses lettres ?

Il téléphona ensuite à la Sauterelle.

— Comment cela va-t-il là-bas ?

— Pourquoi cela irait-il mal ?

— Je viens d’apprendre que vous avez été invitée aux obsèques.

— Par téléphone, en effet. Je ne m’y attendais pas. J’avais plutôt l’impression que je lui étais antipathique.

— Dites-moi, y a-t-il un coffre-fort dans l’immeuble du quai de Charenton ?

— Au rez-de-chaussée, oui, dans le bureau du comptable.

— Qui en possède la clé ?

— Le comptable, bien entendu, et sans doute aussi Oscar.

— Savez-vous s’il rangeait des papiers personnels, des lettres, par exemple, dans ce coffre ?

— Je ne le crois pas. Quand il recevait des lettres privées, ou bien il les déchirait en menus morceaux, ou bien il les fourrait dans ses poches.

— Voulez-vous poser quand même la question au comptable et me donner la réponse ? Je reste à l’appareil.

Il en profita pour rallumer sa pipe qui s’était éteinte. On entendait des pas, une porte qui s’ouvrait et se refermait puis, après quelques minutes, la porte et les pas à nouveau.

— Vous êtes toujours là ?

— Oui.

— Je ne me trompais pas. Le coffre ne contient que des papiers d’affaires et une certaine somme en argent liquide. Le comptable ignore même si le patron en possédait une clé. Il semble que ce soit plutôt M. Leprêtre qui en détienne une.

— Je vous remercie.

— Vous serez à l’enterrement aussi ?

— Je ne crois pas. D’ailleurs, je ne suis pas invité.

— Tout le monde a le droit d’entrer dans une église.

Il raccrocha, la tête toujours assez lourde, mais son humeur était moins sombre que le matin. Il finit par entrer dans le bureau des inspecteurs où Lapointe était occupé à taper son rapport à la machine. Il ne se servait que de deux doigts mais il écrivait aussi vite que la plupart des dactylos.

— Je viens de recevoir une visite, murmura Maigret. Celle de l’éditeur d’art.

— Que voulait-il ?

— Récupérer des lettres. C’est inexcusable de ma part de ne pas avoir pensé aux lettres qu’Oscar Chabut recevait. Il y en a certainement dans le lot de très révélatrices. C’est le cas pour celles de Caucasson, par lesquelles celui-ci réclame de l’argent...

— Parce que le marchand de vin couchait avec sa femme ?

— Caucasson les a pris en flagrant délit. Il est vrai que, de son côté, il avait des rapports intimes avec Jeanne Chabut. Ce n’est qu’un cas. Je crois que, quand nous aurons la correspondance en main, nous en découvrirons d’autres...

— Où sont ces lettres ?

— Selon toute vraisemblance, dans un coffre-fort qui se trouve derrière le portrait de notre homme, dans le grand salon.

— Sa femme les a lues ?

— Il paraît qu’elle n’a pas pensé au coffre. Elle en a reçu la clé par hasard, dans une poche des vêtements que Chabut portait mercredi.

— Vous lui en avez parlé ?

— Oui. Et je suis persuadé que, dès ce soir, elle va les lire. Les obsèques ont lieu demain. Il y aura une absoute en l’église Saint-Paul, puis trois voitures seulement emmèneront les intimes vers le cimetière d’Ivry.

— Vous y allez ?

— Non.

À quoi bon ? Le meurtrier du marchand de vin n’était pas de ceux qui se font remarquer par leur attitude au cours d’un enterrement.

— Il me semble, patron, que vous allez mieux, que vous vous mouchez moins.

— Ne parle pas trop vite. On verra ça demain matin.

Il était cinq heures et demie.

— Ce n’est pas la peine que j’attende six heures. Je serai quand même mieux chez moi.

— Bonsoir, patron.

— Bonsoir, les enfants.

Et Maigret quitta le bureau des inspecteurs, ‘ la pipe aux dents, le dos rond, les jambes un peu molles.


Il dormit d’un sommeil lourd et, s’il rêva, il ne devait pas s’en souvenir le matin. Les vents avaient dû changer pendant la nuit car le temps était tout différent, beaucoup moins froid, avec une pluie longue et monotone qui zébrait les vitres.

— Tu prends ta température ?

— Non. Je n’en ai pas.

Il se sentait mieux. Il but, en les savourant, ses deux tasses de café et Mme Maigret, une fois de plus, téléphona pour appeler un taxi.

— N’oublie pas ton parapluie.

Dans son bureau, il jeta un coup d’œil machinal sur la pile de lettres qui l’attendaient. C’était une vieille habitude. Il se rendait compte ainsi, en regardant les enveloppes, s’il reconnaissait l’écriture d’un ami, ou de quelqu’un dont il attendait un message.

L’adresse, sur une des enveloppes, était tracée en caractères bâtonnets. Dans le coin du haut, à gauche, le mot « Personnel » était souligné trois fois.

Monsieur le Commissaire Principal Maigret

Chef de la Brigade Criminelle

38, Quai des Orfèvres

Il ouvrit cette lettre avant les autres. Elle contenait deux feuillets d’un papier dont on avait coupé l’en-tête, sans doute celle d’une brasserie ou d’un café. Les caractères étaient réguliers, les espacements aussi et on sentait que l’auteur était un homme méticuleux, attentif aux détails.

J’espère que cette lettre ne restera pas en panne dans vos services et que vous la lirez personnellement.

C’est moi qui vous ai téléphoné par deux fois mais j’ai coupé rapidement par crainte que vous repériez le numéro d’où je vous appelais. Il paraît que c’est impossible avec l’automatique mais je préfère ne pas m’y fier.

je suis surpris par le silence des journaux en ce qui concerne la personnalité d’Oscar Chabut. N’y a-t-il donc personne, parmi les gens qu’ils ont contactés, pour leur dire la vérité ?

Au lieu de cela, on parle de lui comme d’un homme d’envergure, audacieux et tenace qui a créé à la force du poignet une des plus grosses affaires de vin.

Si ce n’est pas malheureux ! Cet homme-là était une crapule, je vous l’ai dit et je le répète. Il n’hésitait pas à sacrifier n’importe qui à son ambition et à sa folie des grandeurs. Car, dans un certain sens, je me demande si ce n’était pas un fou.

Il est difficile de croire qu’un homme sain d’esprit puisse se conduire comme il le faisait. Avec les femmes, c’est le besoin de les salir qui dominait. S’il voulait les posséder toutes, c’était pour les rabaisser et se sentir supérieur à elles. Il se vantait d’ailleurs de ses bonnes fortunes sans aucun égard pour leur réputation.

Et les maris ? Se peut-il qu’ils ne sachent rien ? Je ne le pense pas. Eux aussi, il les dominait de son mépris et il les forçait en quelque sorte à se taire.

Il fallait qu’il rabaisse tout autour de lui afin de se sentir grand et puissant. Me comprenez-vous bien ?

Il m’arrive de parler au présent comme s’il vivait encore, alors qu’il a enfin ce qu’il méritait. Personne ne le pleurera, pas même ses proches, pas même son père qui ne tenait plus depuis longtemps à le voir.

Tout cela, les journaux ne le disent pas et, si un jour vous arrêtez celui qui a tiré sur lui et qui a mis fin à ses agissements malfaisants, c’est sur cet homme que tout le monde s’acharnera.

J’avais envie de prendre contact avec vous. Je vous ai vu pénétrer dans la maison de la place des Vosges en compagnie d’un autre homme qui doit être un de vos inspecteurs. Je vous ai aperçu aussi quai de Charenton, où les choses ne sont pas si simples qu’on voudrait les faire paraître. Tout ce qui touchait à cet homme est en quelque sorte contaminé.

Vous cherchez le meurtrier ? C’est votre métier et je ne vous en veux pas. Mais, s’il y avait une justice, cela devrait être pour le féliciter.

Je vous le répète : c’était une immonde crapule et un être profondément vicieux.

Je vous prie de croire, monsieur le Commissaire Principal, à mes sentiments dévoués et je m’excuse de ne pas signer.

Il y avait cependant un vague paraphe au bas de la lettre.

Maigret la relut lentement, phrase par phrase. Il avait reçu, au cours de sa carrière, des centaines de lettres anonymes et il savait reconnaître celles qui présentaient un intérêt réel.

Malgré l’emphase et sans doute l’exagération, celle-ci ne contenait pas que des accusations gratuites et le portrait qu’elle traçait du marchand de vin n’était pas sans ressemblance avec le modèle.

Était-ce le meurtrier qui écrivait de la sorte ? Était-il une des nombreuses victimes d’Oscar Chabut ? Si oui, s’agissait-il de quelqu’un à qui il avait pris la femme pour la rejeter ensuite, selon son habitude, ou d’un homme qui avait eu à souffrir de son cynisme en affaires ?

Maigret revoyait malgré lui le bonhomme à la patte folle qui l’avait attendu en face de l’entrée de la P.J. et qui s’était dirigé ensuite vers la place Dauphine. Il ne payait pas de mine. Il avait l’air d’avoir dormi dans ses vêtements, sans être pourtant un clochard. Il existe ainsi à Paris des milliers d’êtres qui ne se classent dans aucune catégorie. Certains glissent inexorablement vers le bas et on les retrouvera sur les quais, à moins qu’ils ne se suicident.

D’autres se raccrochent, serrent les dents, et il arrive qu’ils remontent à la surface, surtout si quelqu’un leur tend une main secourable.

Maigret, au fond de lui-même, aurait voulu aider ce bonhomme-là. Il ne devait pas être fou, malgré la haine qu’il vouait à Chabut et qui était devenue sa raison d’être.

Était-ce lui qui avait abattu le marchand de vins ? C’était possible. On le voyait bien attendant dans l’ombre, les mains crispées sur la crosse glacée d’un pistolet.

Il tirait comme il se l’était promis, une fois, deux fois, quatre fois, puis il se dirigeait en boitillant vers l’entrée du métro.

Où couchait-il ? Où s’était-il rendu alors ? S’était-il contenté de gagner les Grands Boulevards ou un autre quartier éclairé et d’entrer dans un bistrot pour se réchauffer et fêter tout seul le succès qu’il venait d’obtenir ?

Le meurtre de Chabut n’était pas improvisé. Celui qui l’avait perpétré y avait pensé pendant longtemps, hésitant, ressassant ses griefs pour se décider à agir.

Or, voilà que son ennemi était mort. N’était-ce pas un peu comme si le meurtrier avait perdu tout à coup sa raison d’être ? On parlait de la victime comme d’un homme brillant, d’un homme d’affaires exceptionnel. Personne ne parlait de celui qui l’avait abattu ni des raisons qu’il avait eues pour le faire.

Alors, il téléphonait à Maigret, puis il écrivait.

Il écrirait encore, quitte à en dire assez, à son insu, pour se faire prendre.

Maigret se dirigea vers le bureau du grand patron, car la sonnerie venait d’annoncer le rapport.

— Rien de nouveau en ce qui concerne la rue Fortuny ?

— Rien de précis. Je commence néanmoins à avoir de l’espoir.

— Vous croyez qu’il y aura un scandale ?

Maigret fronça les sourcils. Il n’avait pas parlé à son chef de la personnalité de Chabut et les journaux n’en avaient rien dit non plus. Pourquoi, dès lors, parler de scandale ?

Parce que le directeur de la P.J. connaissait le marchand de vin ? Ou parce qu’il fréquentait des milieux où celui-ci était bien connu ? Il savait, dans ce cas, que des quantités de gens avaient de bonnes raisons d’en vouloir assez à Chabut pour leur donner envie de le tuer.

— Je n’ai encore aucun nom en tête, dit-il évasivement.

— En tout cas, vous avez bien fait de ne pas trop parler à la presse.

Plus tard, il dépouilla le reste de son courrier et fit monter une dactylo afin de dicter un certain nombre de réponses. Il se sentait encore courbaturé, assez faiblard, mais il n’était plus obligé de vivre le mouchoir à la main.

Lapointe entra un peu avant midi.

— j’espère que vous ne m’en voudrez pas. je pourrais presque dire que j’y suis allé à titre privé. J’étais curieux de voir cet enterrement-là. Il n’y avait qu’une vingtaine de personnes en tout et seul M. Louceck représentait le personnel.

— Tu n’as reconnu personne d’autre ?

— En sortant de l’église, il m’a semblé qu’un homme, sur le trottoir d’en face, me regardait. J’ai essayé de le rejoindre mais le temps de me faufiler dans le flot de voitures et il avait disparu.

— Tiens ! Lis ça.

Il lui tendit la lettre anonyme qui fit plus d’une fois sourire l’inspecteur.

— Cela lui ressemble, non ?

— Remarque qu’il m’a vu place des Vosges, quai de Charenton, sans doute aussi entrant à la P.J. Ce matin il devait s’attendre à ce que je sois à l’enterrement.

— Il a dû me voir avec vous et il m’a reconnu.

— J’aimerais que, cet après-midi, nous ayons un homme place des Vosges. Qu’il ne s’occupe pas de moi. Il est probable que je rendrai visite à Mme Chabut. Ce à quoi il faut être attentif, c’est à quelqu’un qui rôde à proximité de la maison. Autant que nous en puissions juger, il a une grande facilité à disparaître.

— Vous voulez que j’y aille ?

— Si tu veux. D’autant plus que tu connais déjà sa silhouette.

Il rentra déjeuner chez lui, mangea avec appétit et ne passa qu’un petit quart d’heure à somnoler dans son fauteuil. De retour au Quai, il appela la place des Vosges et demanda à parler à Jeanne Chabut. On le fit attendre assez longtemps.

— Je vous demande pardon de vous déranger si vite après les obsèques. Je vous avoue que j’ai hâte de voir cette correspondance qui nous donnera peut-être des indications précieuses.

— Vous voudriez venir cet après-midi ?

— De préférence.

— J’ai une visite que je ne peux pas remettre, vers cinq heures. Si vous pouvez venir tout de suite...

— Je serai chez vous, dans quelques minutes.

Lapointe se trouvait déjà en faction aux environs de l’immeuble. Maigret se fit conduire par Torrence, qu’il renvoya ensuite à la P.J. Les draperies noires à larmes d’argent avaient disparu du portail et, dans l’appartement, il n’y avait plus trace de la chapelle ardente. Seule une odeur de chrysanthèmes subsistait.

Elle portait la même robe noire que la veille, mais elle y avait ajouté un clip en pierres de couleur qui la rendait moins sévère. Elle était très nette, très maîtresse d’elle-même.

— Si vous voulez, nous pouvons aller dans mon boudoir. Le grand salon est décidément trop vide pour deux personnes.

— Vous avez ouvert le coffre ?

— Je ne vous le cache pas.

— Comment avez-vous découvert la combinaison ? Je suppose que vous ne la connaissiez pas.

— Non, bien entendu. J’ai pensé tout de suite que mon mari devait l’avoir toujours sur lui. J’ai cherché dans son portefeuille. En ouvrant son permis de conduire, j’ai vu une série de chiffres et je les ai essayés sur le coffre.

Sur le meuble Louis XV, elle avait préparé un assez gros paquet mal ficelé.

— Je n’ai pas tout lu, je m’empresse de vous le dire. La nuit n’y aurait sans doute pas suffi. Cela a été une surprise pour moi de voir tous les papiers qu’il conservait. J’ai même retrouvé de vieilles lettres d’amour que je lui envoyais lorsque nous n’étions pas encore mariés.

— Je pense qu’il vaut mieux commencer par la correspondance plus récente, qui pourrait expliquer le meurtre.

— Asseyez-vous.

Il fut étonné de la voir mettre des lunettes qui semblaient lui donner une personnalité différente. Il comprenait maintenant sa volonté de prendre les affaires en main. C’était une femme pleine de sang-froid, qui devait avoir une volonté farouche et qui n’abandonnait pas facilement une tâche qu’elle s’était imposée.

— Beaucoup de billets... Tenez !... En voici un signé Rita... Je ne sais pas de quelle Rita il s’agit...

Je serai libre demain trois heures. À l’endroit habituel ? Bises. Rita.

« Comme vous le voyez, elle n’est pas très sentimentale et son papier à lettres est de mauvais goût, sans compter qu’il est parfumé. »

— Il n’y a pas de date ?

— Non, mais ce billet se trouvait parmi les lettres de ces derniers mois.

— Vous n’avez rien trouvé de Jean-Luc Caucasson ?

— Vous êtes au courant ? Il est allé vous voir ?

— Le sort de ces lettres le préoccupe fort.

Il pleuvait toujours et l’eau formait des rigoles zigzagantes sur les vitres des hautes fenêtres. L’appartement était calme, silencieux. Ils étaient tous les deux en face de centaines de lettres et de billets qui résumaient en somme toute la vie d’un homme.

— En voici une. Vous voulez la lire vous-même ?

— De préférence, oui.

— Vous savez, vous pouvez fumer votre pipe. Cela ne me gêne pas le moins du monde.

Mon cher Oscar,

J’ai fort hésité à t’écrire cette lettre mais, tandis que je pensais à notre vieille amitié, mes scrupules se sont dissipés. Tu es un homme d’affaires brillant tandis que je ne connais pas grand-chose aux chiffres, ce qui explique qu’il me soit très désagréable de parler d’argent.

Le métier d’éditeur d’art n’est pas un métier comme un autre. On est toujours à l’affût du livre qui sera un grand succès. Parfois, on doit l’attendre longtemps et, quand il vous tombe dans les mains, on se trouve incapable de le publier.

C’est ce qui m’arrive. Alors que les affaires sont stagnantes et que je n’ai rien publié depuis plus d’un an, j’ai reçu un ouvrage exceptionnel sur certains aspects de l’art asiatique. Je sais que c’est un grand livre et qu’il obtiendra un succès mérité. Il est même à peu près certain que je pourrai en vendre les droits aux États-Unis et dans d’autres pays, vente dont une petite partie couvrirait les frais.

Mais, pour publier, il me faudrait tout de suite environ deux cent mille francs dont je n’ai pas le premier centime. Quant à Meg, qui a sa petite caisse personnelle, tout son magot se monte à une dizaine de milliers de francs.

Peux-tu me faire l’avance de la somme ? Je sais que pour toi c’est une bagatelle. C’est la première fois que je demande ainsi de l’argent et j’en suis fort gêné.

J’en ai parlé à Meg avant de me décider et elle m’a dit que tu as trop d’amitié pour nous pour refuser ce service.

Téléphone-moi ou envoie-moi un petit mot me donnant rendez-vous chez toi ou dans un de tes bureaux. Je te signerai tous les papiers que tu voudras.

— Écœurant, n’est-ce pas ?

Maigret allumait sa pipe alors qu’elle venait d’allumer une cigarette.

— Vous avez remarqué l’allusion à Meg. La seconde lettre est plus courte.

Toutes les deux étaient écrites à la main, d’une petite écriture nette et nerveuse.

Mon cher ami, Je suis surpris de ne pas avoir encore reçu de réponse à ma lettre. Cela m’a demandé beaucoup de courage de l’écrire. C’est une preuve de confiance que je te faisais en te parlant avec autant de sincérité.

Depuis, la situation s’est quelque peu détériorée. J’ai prochainement d’assez grosses échéances qui pourraient m’obliger à mettre la clé sous la porte.

Meg, qui est au courant, se fait beaucoup de mauvais sang et a insisté pour que je t’écrive.

J’espère que tu me prouveras que l’amitié n’est pas un vain mot.

Je compte sur toi comme tu peux compter sur moi.

Fidèlement.

— Je ne sais pas si, comme moi, vous sentez derrière les mots comme une menace voilée.

— Oui, grommela Maigret. C’est assez clair.

— Lisez donc les lettres de Meg. Il en prit une au hasard :

Mon grand chéri,

Il me semble qu’il y a une éternité que je ne t’ai vu et pourtant c’était lundi de la semaine dernière. Que j’étais bien dans tes bras, contre ta poitrine où je me sens tellement en sécurité !

Je t’ai envoyé un billet avant-hier pour te donner rendez-vous. J’y suis allée, à l’endroit habituel, mais tu n’es pas venu et Mme Blanche m’a dit que tu n’avais pas téléphoné.

Je suis inquiète. Je sais que tu es très occupé, que tu as des affaires importantes et je sais aussi que je ne suis pas la seule. Je ne suis pas jalouse, à condition que tu ne me délaisses pas tout à fait car j’ai besoin que tu me serres à me faire mal comme j’ai besoin de sentir ton odeur.

Donne-moi donc vite de tes nouvelles. Je n’attends pas une longue lettre mais le jour et l’heure d’un rendez-vous.

Jean-Luc est très occupé ces temps-ci. Il a je ne sais quel livre en tête qui sera, prétend-il, la grande affaire de sa vie. Ce qu’il peut-être falot et inconsistant à côté d’un homme comme toi !

Je t’embrasse partout.

Ta Meg.

— Il y en a beaucoup de la même eau, certaines d’un érotisme assez accusé.

— De quand est la dernière ?

— D’avant les vacances.

— Où les avez-vous passées ?

— Dans notre appartement de Cannes. Oscar a dû faire deux ou trois sauts à Paris en avion. Nous avons retrouvé là-bas certains amis de Paris, mais pas les Caucasson. Je crois me souvenir qu’ils ont une petite maison quelque part en Bretagne, dans un village surtout fréquenté par des peintres.

— Vous n’avez pas trouvé d’autres lettres demandant de l’argent ?

— Je suis loin d’avoir tout lu. Il y a un billet d’Estelle Japy, une veuve assez entreprenante qu’il a fréquentée pendant un certain temps.

Cher ami,

Je vous fais parvenir cette facture que je serais bien en peine de régler. J’attends le plaisir de vous voir.

Votre Estelle.

— La facture est jointe à la lettre ?

— Je ne l’ai pas trouvée et je ne sais donc pas de combien ni de quoi il s’agit. Un bijou ? Un manteau de fourrure ? Elle était ce matin à l’église mais elle n’a pas continué jusqu’au cimetière.

— Je suppose que vous ne me permettriez pas d’emporter ces lettres chez moi, où je pourrais passer le dimanche à les lire ?

— Il m’est désagréable de vous refuser quelque chose mais il m’en coûterait de me séparer, même provisoirement, de ces documents.

« Venez quand vous voudrez, demain si vous le désirez, et je vous laisserai lire en paix. Il y a une lettre de Robert Trouard, l’architecte, qui essayait d’intéresser mon mari à la construction d’immeubles de grand standing.

— Il lui est arrivé d’accepter des propositions de ce genre ?

— À ma connaissance, jamais.

— La femme de Trouard ?

— Bien entendu. Comme les autres. Seulement, je ne crois pas qu’il le sache.

« Tenez, voici la lettre la plus extravagante. Il y en a six pages, d’un érotisme échevelé. Non seulement la prénommée Wanda, que je ne connais pas, éprouve le besoin de rappeler par le menu tout ce qu’ils ont fait la veille, mais elle détaille avec une imagination délirante ce qu’ils feront lors de leur prochaine rencontre. Il semblerait que ce soit une Russe, ou une Polonaise. Oscar a dû avoir du mal à s’en débarrasser.

« Une autre. Elle est de Marie-France, la femme de Henry Legendre... »

Elle lui tendit le papier bleuâtre. L’encre était d’un bleu plus sombre.

Affreux chéri,

Je devrais te détester et c’est ce qui arrivera si h. ne viens pas cette semaine me demander pardon. J’en ai appris de belles sur ton compte, je ne dis pas par qui, car il s’agit d’une autre de tes conquêtes. Il est vrai que tu ne dois pas te les rappeler toutes.

Bref, il y a quelques jours, tu te trouvais à un cocktail et il se fait que quelqu’un a parlé de moi. Or, je suis sûre que tu as dit à voix haute, devant cinq personnes au moins :

— C’est dommage qu’elle ait les seins mous.

Je savais déjà que tu étais un mufle. J’en ai la preuve. Mais je n’ai pas le courage de ne pas te revoir.

À toi de jouer.

— Cela vous semblerait beaucoup plus savoureux si vous connaissiez les personnages, si vous pouviez voir, par exemple, la belle Mme Legendre pénétrer dans un salon en compagnie de son mari, la poitrine ruisselante de diamants.

« Maintenant, vous allez devoir me laisser, car Gérard va arriver d’un instant à l’autre. C’est Gérard Aubin, le banquier, à qui j’ai certains conseils à demander. J’ai toute confiance en lui.

« Si vous désirez venir demain après-midi... »

— Je ne crois pas.

— Je comprends que vous désiriez passer votre dimanche en famille.

Elle ne se doutait pas que les Maigret allaient se contenter, une fois de plus, d’aller passer l’après-midi dans un cinéma de quartier et de rentrer ensuite chez eux bras dessus bras dessous.

Sur la place, Maigret aperçut Lapointe.

— Vous aviez raison, patron. Mais il m’a eu. Cet homme-là est comme les anguilles. Je le cherchais à proximité de la maison, dont je n’osais pas trop m’approcher. Après une demi-heure environ, je regarde la partie de la place des Vosges entourée de grilles. À cause de la pluie, il y avait peu de monde. Sur un banc, du côté opposé, j’ai aperçu un homme que je suis à peu près sûr d’avoir reconnu. Il portait un chapeau brun défraîchi, un imperméable, un complet assez sombre.

« J’ai pénétré dans le square et j’ai commencé à me diriger vers lui mais je n’avais pas fait dix pas qu’il quittait le banc et disparaissait dans la rue de Birague.

« J’ai couru, à la grande surprise de deux vieilles dames qui discutaient sous un même parapluie. Quand je suis arrivé rue Saint-Antoine, il n’y avait plus aucune trace de mon bonhomme. On dirait que c’est vous qu’il suit, comme s’il voulait s’assurer que vous continuez l’enquête. »

— Il en sait probablement plus que moi. Si seulement il pouvait parler ! Tu as une voiture ?

— Je suis venu en autobus.

— Prenons donc le bus.

Et Maigret enfonça les mains dans ses poches.

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