CHAPITRE V

Ils n’allèrent au cinéma comme Maigret l’avait projeté la veille. La pluie tombait plus drue, crépitait sur la chaussée et il n’y avait pour ainsi dire pas de passants boulevard Richard-Lenoir. Il n’y eut qu’aux heures de messes qu’on vit quelques silhouettes sombres raser les murs sous des parapluies et le vent, dès dix heures du matin, commença à souffler en bourrasques.

C’est vers dix heures aussi, seulement, que le commissaire se décida à faire sa toilette, ce qui était rare. Jusque-là, il resta en pyjama et en robe de chambre, à ne rien faire de précis.

Il avait de nouveau de la température, pas beaucoup, 37°6, ce qui n’en suffisait pas moins à le rendre paresseux et mou. Mme Maigret en profitait pour le chouchouter et, chaque fois qu’elle avait une petite attention à son égard, il feignait de grogner.

— Qu’est-ce que tu vas faire à déjeuner ?

— J’ai un rôti avec des têtes de céleri et de la purée.

Comme quand il était enfant. Le rôti du dimanche. À cette époque-là, il le voulait très cuit, il eut ainsi, au cours de la journée, plusieurs bouffées de son enfance.

Ils étaient tous les deux calfeutrés dans l’appartement d’où ils voyaient la pluie tomber. Vers midi, Maigret murmura, hésitant :

— Je crois que je vais m’offrir comme apéritif un petit verre de prunelle.

Elle ne le lui déconseilla pas et il ouvrit le buffet. Il avait le choix entre la prunelle et l’eau-de-vie de framboise. Toutes les deux venaient de chez sa belle-sœur, en Alsace. La framboise était plus parfumée et il suffisait d’une toute petite gorgée qu’on gardait un moment dans la bouche pour que le palais reste parfumé pendant une demi-heure.

— Tu n’en veux pas une goutte ?

— Non. Tu sais bien que cela m’endort.

Il régnait de bonnes odeurs, à peine déformées par le rhume, et il parcourut les hebdomadaires qu’il n’avait pas le temps de lire pendant la semaine.

— C’est curieux de voir que, dans certain milieu, les règles de vie n’existent plus...

Elle ne lui demanda pas à quoi il faisait allusion. Il restait malgré tout, malgré lui-même, plongé dans l’affaire Chabut et il lui arriva ainsi plusieurs fois de prononcer une petite phrase qui s’y rapportait.

— Quand une bonne centaine de personnes ont plus ou moins envie de tuer un homme...

Qui était donc le petit bonhomme claudicant qui mettait tant d’habileté à se fondre dans la foule ? Et comment se trouvait-il presque toujours, à l’avance, aux endroits où Maigret se rendait ?

Il fit la sieste, dans son fauteuil. Quand il ouvrit les yeux, sa femme était occupée à coudre car il lui était insupportable de garder les mains inactives.

— J’ai dormi plus longtemps que je ne le pensais.

— Cela te fait du bien.

— Si encore cette grippe se déclarait vraiment...

Il alla tourner le bouton de la télévision. On donnait un western et il le regarda sans déplaisir. Il y avait un méchant, bien entendu, et on aurait pu trouver certaines analogies entre lui et Chabut. Le vilain, lui aussi, voulait prouver aux autres et à lui-même qu’il était fort et, pour cela, il humiliait les gens.

Le film fini, il murmura, en se souvenant de leur tête-à-tête de la veille dans le boudoir de la place des Vosges :

— Drôle de femme.

— Qui est-ce qui va s’occuper de l’affaire ?

— Elle.

— Elle est au courant ?

— Guère. Elle s’y mettra vite et je suis à peu près sûr qu’elle s’en tirera. Je parierais même qu’avant un an elle mettra Louceck à la porte.

Il lisait un article sur les fonds marins quand soudain une pensée lui vint à l’esprit. Qu’avait donc dit la Sauterelle au sujet du comptable ? Que c’était un nouveau venu. Qu’il n’était là que depuis quelques mois. Son prédécesseur était-il parti de lui-même ou avait-il été renvoyé ?

Il aurait voulu une réponse tout de suite. Cette idée l’excitait et il chercha dans l’annuaire des téléphones, trouva le numéro de la jeune fille.

L’appareil sonna longtemps mais personne ne répondit. La Sauterelle et sa mère devaient être au cinéma, ou chez une parente. Il appela encore, sans résultat, vers sept heures et demie.

— Tu crois qu’elle sait quelque chose ?

— Elle n’a pas pensé que cela pouvait être important et elle ne m’en a pas parlé. Il est fort possible, d’ailleurs, que ce soit une fausse piste. J’en suis tellement en ce moment...

Un bon dimanche, malgré tout. Ils firent un repas de viandes froides et de fromage. À dix heures, ils étaient tous les deux au lit.

Au lieu de passer par le Quai, le lendemain matin, Maigret téléphona à Lapointe de venir le prendre avec une voiture.

— Vous vous êtes reposé, patron ?

— Je n’ai pour ainsi dire pas quitté mon fauteuil de toute la journée. Il me semble que j’en suis ankylosé. Quai de Charenton, mon petit !

Le personnel était en place mais on ne sentait aucune fièvre, presque aucune activité, sauf au fond de la cour où des hommes, un sac sur la tête pour les protéger de la pluie, roulaient des barriques.

— Va donc, en m’attendant, bavarder un peu avec le comptable.

Il gravit l’escalier, frappa à la porte, retrouva le sourire franc et toujours comme amusé de la Sauterelle.

— Vous n’étiez pas à l’enterrement ? remarqua-t-il.

— Le personnel a été prié de ne pas y aller.

— Par qui ?

— Par M. Louceck. Il a fait passer une note de service.

— J’ai pensé hier à quelque chose qui m’avait échappé. Quand vous m’avez parlé du comptable, je crois que vous m’avez dit que c’était un nouveau.

— Il est là depuis le 1er juillet. C’est curieux que vous m’en parliez justement aujourd’hui.

— Pourquoi ?

— Parce que j’y ai pensé hier au cinéma et que je me proposais de vous en parler quand vous viendriez. Il s’agit de l’ancien comptable, Gilbert Pigou. Il a quitté la maison en juin, vers la fin juin, si je ne me trompe, et c’est pourquoi je n’ai pas cru utile de parler de lui.

Maigret était assis dans le fauteuil tournant d’Oscar Chabut et la Sauterelle tenait ses longues jambes croisées, plus de la moitié de ses cuisses découvertes par la minijupe.

— Il est parti de son plein gré ?

— Non.

— Quel genre d’homme était-ce ?

— Il n’avait guère de personnalité et il n’attirait pas l’attention. Vous avez vu le bureau de la comptabilité, en bas, qui donne sur la cour. On dit la comptabilité, mais la vraie comptabilité se fait avenue de l’Opéra. Il n’y a que des broutilles qui lui passaient par les mains.

— Il était marié ?

— Oui. Je crois. J’en suis même sûre. Je me souviens qu’un jour il a téléphoné qu’il ne pouvait pas venir parce qu’on devait opérer sa femme d’urgence. Une appendicite à chaud, si je ne me trompe.

« Il ne parlait pas volontiers. On aurait dit qu’il avait peur des gens et qu’il se faisait aussi petit que possible. »

— C’était un bon employé ?

— Ses fonctions ne demandaient aucune initiative. C’était uniquement de la routine.

— Il ne vous faisait pas la cour ? Ni à une ou l’autre des dactylos ?

— Il était trop timide pour ça. Il est entré dans la maison il y a plus de quinze ans, quand les affaires ont commencé à prendre une certaine envergure. C’était un pauvre type.

— Pourquoi dites-vous ça ?

— Parce que je pense à sa dernière entrevue avec le patron. J’aurais tout donné pour ne pas assister à cette scène, la plus pénible que j’aie vécue. Je revois Oscar, à dix heures du matin, alors qu’il arrivait de l’avenue de l’Opéra, me demander en se frottant les mains :

— Téléphonez à Pigou de monter.

On aurait dit qu’il se réjouissait d’avance de ce qui allait se passer et je me sentais déjà inquiète.

— Asseyez-vous, monsieur Pigou. Un peu plus à gauche, que vous soyez en pleine lumière. Je déteste parler à des gens dont je ne vois qu’une image floue. Comment allez-vous ?

— Bien, je vous remercie.

— Votre femme aussi ?

— Oui.

— Elle travaille toujours rue Saint-Honoré, dans une chemiserie, si je me souviens bien ?

La Sauterelle interrompit son récit pour remarquer :

— Il avait une mémoire étonnante des gens et des moindres petits faits. Il n’avait jamais vu Mme Pigou, mais il se souvenait qu’elle avait été vendeuse dans une chemiserie de la rue Saint-Honoré.

— Ma femme ne travaille plus.

— C’est dommage.

Le comptable le regardait sans savoir que penser. Et Chabut prononçait avec le plus grand calme :

— Vous êtes mis à la porte, monsieur Pigou. Vous venez de vivre votre dernier matin dans la maison. Comme je ne compte pas vous donner de certificat de complaisance, vous risquez de ne pas trouver de travail d’ici longtemps.

Il jouait au chat et à la souris et cela me faisait mal.

Pigou, assis sur le bord de sa chaise, ne savait comment se tenir ni que faire de ses mains et on le sentait si angoissé que je m’attendais à le voir pleurer.

— Voyez-vous, monsieur Pigou, quand on veut devenir un malhonnête homme, il vaut mieux être un malhonnête homme d’envergure et y mettre un certain panache.

Le comptable se débattait encore un peu, levait la main, ouvrait la bouche pour dire quelque chose.

— Tenez ! Prenez ce papier. J’en ai une copie. C’est la liste des sommes que vous m’avez volées depuis trois ans.

— Il y a quinze ans que...

— Que vous êtes à mon service, c’est exact. Et je me demande pourquoi vous n’avez commencé vos tripotages qu’il y a trois ans.

Des larmes roulaient sur les joues de Pigou, qui était très pâle. Il fit mine de se lever et Chabut lui ordonna :

— Restez assis. J’ai horreur de parler à des gens debout. En trois ans, comme vous pouvez le voir sur cette liste, vous m’avez volé trois mille huit cent quarante-cinq francs. Par petites sommes. Au début, cinquante francs à la fois, presque chaque mois. Puis soixante-quinze. Puis, une fois, une somme plus importante : cinq cents francs.

— C’était à Noël.

— Et alors ?

— C’était censé être ma gratification.

— Je ne comprends pas.

— Ma femme ne travaillait déjà plus. Elle n’a pas beaucoup de santé.

— Vous allez prétendre que vous m’avez volé à cause de votre femme ?

— C’est la vérité. Elle me faisait sans cesse des reproches. Elle me répétait que je n’avais aucune ambition, que mes employeurs abusaient de moi et auraient dû me payer davantage.

— Vraiment !

— Elle insistait pour que je demande une augmentation.

— Et vous n’avez pas eu le courage de le faire.

— Cela n’aurait servi à rien, n’est-ce pas ?

— En effet. Vous êtes un employé comme on peut en trouver tant qu’on veut, un gagne-petit sans connaissances particulières et sans initiative.

Pigou restait immobile, les yeux fixés sur le bureau devant lui.

— J’ai dit à Liliane que j’avais demandé l’augmentation et que j’en avais obtenu une de cinquante francs.

« — Ton patron ne s’est pas fendu, mais c’est toujours un commencement. »

La Sauterelle s’interrompit une fois encore.

— La scène devenait de plus en plus pénible et plus le comptable se montrait sans défense, plus les yeux du patron exprimaient la jubilation.

— Il y a un an, le tarif a été de cent francs. Et c’est à Noël dernier que je suis supposé vous avoir donné une gratification de cinq cents francs. Pour votre femme, tout au moins, vous étiez devenu un employé indispensable, je suppose ?

— Je vous demande pardon...

— Trop tard, monsieur Pigou. Pour moi, vous n’existez déjà plus. Il est possible qu’un jour M. Louceck décide de me voler. Je n’ai pas plus confiance en lui qu’en n’importe quel homme. Peut-être a-t-il commencé à le faire, mais il est assez intelligent, lui, pour que personne ne s’en aperçoive. Et il ne gaspillera pas des petites sommes pour faire croire à sa femme qu’il est un homme épatant. Il me volera sur une grande échelle et je pense que je lui tirerai mon chapeau.

« Voyez-vous, monsieur Pigou, vous êtes un miteux. Vous l’avez toujours été et vous le resterez toute votre vie. Un miteux et un serre-fesses. Venez ici, je vous en prie. »

En voyant Chabut se lever, j’ai failli crier :

— Non !

Pigou s’avançait, un bras prêt à se lever pour se protéger le visage mais Oscar fut plus rapide que lui et sa main s’abattit sur la joue du comptable.

— Ceci, c’est pour m’avoir pris pour un imbécile. Je pourrais vous livrer à la police, mais cela ne m’intéresse pas. Vous allez franchir cette porte pour la dernière fois, prendre vos affaires et disparaître. Vous êtes une petite ordure, monsieur Pigou et, ce qui est plus grave, vous êtes un imbécile.

La Sauterelle se tut.

— Il est parti ?

— Que pouvait-il faire d’autre ? Il a même oublié un stylo dans son tiroir et il n’est jamais venu le chercher.

— Vous n’avez pas eu de nouvelles de lui ?

— Pas pendant les premiers mois.

— Sa femme n’a pas téléphoné ?

— Seulement en septembre ou au début d’octobre. Elle est venue.

— C’est Chabut qui l’a reçue ?

— Elle était dans le bureau quand il est arrivé. Elle voulait savoir si son mari travaillait encore ici.

« — Il ne vous a pas dit qu’il n’appartenait plus à la maison depuis le mois de juin ?

« — Non. Il a continué à partir le matin à la même heure, à suivre le même horaire et à me verser en fin de mois le montant de son salaire. Il a prétendu qu’il avait trop de travail pour aller en vacances au cours de l’été.

« — Nous nous rattraperons cet hiver. J’ai toujours eu envie de me rendre aux sports d’hiver.

« — Vous n’en avez pas été surprise ?

« — Vous savez, je m’occupais si peu de lui...

« Elle est beaucoup plus jolie que je m’y attendais, avec un beau petit corps, et elle était gentiment habillée.

« — J’espérais que vous pourriez me donner des nouvelles de mon mari. Il y a deux mois qu’il a disparu.

« — Et vous n’êtes pas venue avant ?

« — Je me suis dit qu’il reviendrait un jour ou l’autre.

« Elle était nonchalante, avec des yeux d’un brun sombre qui n’exprimaient pas grand-chose.

« — Maintenant, je suis au bout de mon rouleau et...

Chabut entrait, la regardait de la tête aux pieds, puis se tournait vers sa secrétaire.

— Qui est-ce ?

— Mme Pigou, fut-elle bien obligée de dire.

— Qu’est-ce qu’elle veut ?

— Elle croyait que son mari travaillait toujours ici. Il a disparu.

— Parbleu !

— Pendant deux ou trois mois, il lui a remis le montant de son salaire.

Il la regarda en face.

— Vous ne vous êtes aperçue de rien ? Je ne sais pas où votre mari a trouvé de l’argent, mais cela n’a pas dû être facile. Vous ignoriez que c’était un voleur ? Un petit voleur minable qui vous faisait croire qu’il avait obtenu une augmentation. S’il a cessé de rentrer chez lui, c’est qu’il a fait le plongeon.

— Que voulez-vous dire ?

— On peut se maintenir un mois ou deux à la surface, mais le moment vient où on dégringole sans aucune chance de remonter.

« — Vous voulez nous laisser, Anne-Marie ?... »

— Je me doutais de ce qui allait se passer. J’étais écœurée. Je suis descendue prendre l’air dans la cour et, une demi-heure plus tard, je l’ai vue sortir. Elle a détourné la tête en passant près de moi mais j’ai eu le temps de me rendre compte que son rouge à lèvres s’était étendu sur sa joue.

Maigret se taisait. Il prit le temps de bourrer une pipe, de l’allumer. Enfin, il murmura :

— Vous permettez, mon petit, que je vous pose une question sur un sujet qui ne me regarde pas ?

Elle l’observa avec une certaine inquiétude.

— Pourquoi, le connaissant comme vous le connaissiez, avez-vous continué à avoir des relations intimes avec lui ?

Elle prit d’abord la chose légèrement.

— Lui ou un autre... Il me fallait quand même quelqu’un...

Puis, plus gravement :

— Avec moi, c’était un homme différent. Il n’éprouvait pas le besoin de bluffer, de jouer les matamores. Au contraire, il laissait voir sa vulnérabilité.

« — C’est peut-être parce que tu ne comptes pas, que tu n’es qu’une gamine et que tu n’essaies pas de profiter de moi...

« Il avait très peur de mourir. On dirait qu’il avait comme un pressentiment de ce qui allait lui arriver.

« — Il y aura bien un de ces pleutres pour se révolter, nom de Dieu !

« — Pourquoi faites-vous tout pour qu’on vous déteste ?

« — Parce que je suis incapable de me faire aimer. Alors, autant qu’on me haïsse à fond. »

Elle conclut, moins animée :

— Voilà. Je n’ai jamais eu de nouvelles de Pigou. Je ne sais pas ce qu’il est devenu. Je n’ai même pas eu l’idée de vous parler de lui, pensant sans doute que c’était déjà de l’histoire ancienne. C’est hier, tout à coup, au cinéma, que j’ai pensé à la gifle...


Un peu plus tard, Maigret descendait l’escalier, frappait à la porte du bureau du comptable et entrait. Lapointe était là, en conversation avec un jeune homme terne, aux vêtements sombres et mal coupés.

— Je vous présente M. Jacques Riolle, patron.

— Je l’ai déjà vu.

— C’est vrai. Je n’y pensais plus.

Riolle se tenait debout, impressionné par le commissaire. Son bureau était le plus sombre et le plus triste de la maison, celui aussi, pour une raison mystérieuse, où l’odeur de vinasse était la plus forte. Sur des rayonnages s’alignaient des classeurs verts comme dans une étude de province. Un énorme coffre-fort d’un ancien modèle trônait entre les deux fenêtres et les meubles, qui avaient dû être achetés d’occasion, étaient couverts de taches d’encre et même d’entailles, comme des pupitres d’école.

Intimidé, Riolle se balançait d’une jambe à l’autre et Maigret avait l’impression d’avoir devant lui Gilbert Pigou à ses débuts.

— Tu as fini, Lapointe ?

— Je vous attendais, patron.

Ils saluèrent le jeune homme et quelques instants plus tard ils s’installaient dans la petite auto noire. Lapointe soupirait :

— Je me demandais si vous redescendriez jamais. C’est long d’attendre en tête à tête avec un garçon aussi terne et aussi morne que celui-là.

« Il a pourtant fini par me faire des confidences. Il n’est pas comptable, mais il suit des cours du soir et il espère avoir son diplôme d’ici deux ans. Il est fiancé à une jeune fille de son pays. Il est de Nevers. Ils ne pourront se marier que quand il sera augmenté, car il ne gagne pas assez d’argent pour se mettre en ménage... »

— Elle continue à habiter Nevers ?

— Oui. Elle vit chez ses parents et travaille dans une mercerie. Il va la voir une fois par mois.

Lapointe se dirigeait machinalement vers le quai des Orfèvres quand Maigret s’en aperçut.

— Nous ne rentrons pas tout de suite. Conduis-moi d’abord 57 bis, rue Froidevaux.

Ils prirent le boulevard Saint-Michel, tournèrent à droite en direction du cimetière Montparnasse.

— Le jeune Riolle n’a pas connu son prédécesseur ?

— Non. Il s’est présenté à la suite d’une annonce. C’est Chabut qui l’a interrogé en personne.

— Et qui s’est assuré qu’il était un moindre !

— Que voulez-vous dire ?

— Qu’il ne s’entourait, exception faite pour Louceck, que de gens faibles, résignés, qu’il pouvait mépriser. En somme, cet homme-là méprisait tout le monde, les hommes comme les femmes, ceux qui travaillaient pour lui et les amis qui fréquentaient sa maison. Je suis persuadé que s’il couchait avec tant de femmes, c’était pour avoir la sensation de les dominer, pour les souiller en quelque sorte.

— Nous sommes arrivés, patron.

— Il vaut peut-être mieux que tu ne montes pas avec moi. Je vais voir Mme Pigou et si nous arrivons à deux cela risque de paraître trop officiel et de l’effaroucher. Attends-moi donc dans ce petit bar.

Il poussa la porte de la loge.

— Mme Pigou, s’il vous plaît ?

— Au quatrième à gauche.

— Elle est chez elle ?

— Je ne l’ai pas vue sortir. Elle doit y être.

Il monta les quatre étages à pied, en s’arrêtant parfois pour souffler, car il n’y avait pas d’ascenseur. La maison était propre, en bon état, l’escalier pas trop sombre. Au premier, il entendit de la radio. Au second étage un petit garçon de quatre ou cinq ans était assis sur une marche et jouait avec un modèle réduit de voiture.

Au quatrième, il frappa, car il ne voyait pas de bouton de sonnerie. Il attendit un bon moment et frappa à nouveau, ennuyé à l’idée qu’il aurait peut-être à revenir.

Il colla l’oreille à la porte et n’entendit rien à l’intérieur. Il n’en frappa pus moins une troisième fois, assez fort pour que la porte frémisse sur ses gonds et cette fois des pas s’approchèrent ; c’était plutôt un glissement, comme si la personne portait des pantoufles.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Mme Pigou, s’il vous plaît.

— Un instant.

Cela prit un peu plus d’une minute et la porte s’entrouvrit enfin. Une jeune femme le regardait curieusement, en tenant une robe de chambre croisée devant elle.

— Qu’est-ce que vous vendez ?

— Je ne vends rien. Je désire simplement un entretien avec vous. Je suis le commissaire Maigret, de la Police Judiciaire.

Elle hésita, finit par dégager le passage.

— Entrez. Je ne me sentais pas bien et je faisais une petite sieste.

En pénétrant dans la salle de séjour, elle alla fermer la porte de la chambre à coucher où Maigret avait eu le temps d’entrevoir le lit défait.

— Asseyez-vous, disait-elle en lui désignant une chaise.

La fenêtre donnait sur le cimetière et sur les hauts arbres des allées. Les meubles avaient été achetés dans un grand magasin du boulevard Barbès. Ils étaient de style rustique, comme disent les catalogues.

Sur un guéridon, il y avait un tourne-disque et des disques étaient épars sur le divan proche comme si Liliane avait l’habitude de s’étendre là et de faire de la musique. Un cendrier était plein de mégots de cigarettes.

— C’est au sujet de mon mari ?

— Oui et non. Vous avez des nouvelles de lui ?

— Toujours pas. Je suis allée à son bureau et il y a six mois qu’il n’y a pas mis les pieds.

— Depuis combien de temps vous a-t-il quittée ?

— Depuis deux mois. C’était à la fin septembre, le jour où il aurait dû m’apporter son traitement.

Elle était assise sur les bras d’un fauteuil et chaque fois que les pans de la robe de chambre s’écartaient on voyait sa chemise rose bonbon. Elle ne s’en préoccupait pas. Cela devait être sa tenue habituelle quand elle était chez elle.

— Il y a longtemps que vous êtes mariée ?

— Huit ans. Il est entré par hasard dans le magasin où je travaillais pour acheter une cravate. Il a mis très longtemps à la choisir. Il paraissait impressionné. Quand je suis sortie le soir, il m’a suivie. Pendant quatre ou cinq jours, il a marché ainsi derrière moi avant d’oser m’adresser la parole.

— Il habitait déjà cet appartement ?

— Non. Il vivait dans un hôtel meublé du quartier Latin. Il n’y avait pas trois semaines qu’il me connaissait qu’il me proposait de m’épouser. Je n’étais pas trop chaude. C’était un gentil garçon, mais il ne cassait rien.

— Vous n’étiez pas amoureuse ?

Elle le regarda en soufflant la fumée de sa cigarette.

— Ça existe ? Vous savez, moi, je n’y crois pas beaucoup.

— Une question, madame Pigou. Est-ce que votre mari boitille légèrement ?

— Depuis qu’il a été renversé par une voiture et qu’il a eu la rotule cassée, il a tendance à jeter la jambe gauche de travers quand il marche vite.

— Il y a longtemps qu’il a eu cet accident ?

— Avant de me connaître.

— Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

— Huit ans. Un mois de fiançailles, en quelque sorte, puis le reste de vie conjugale.

— Vous avez continué à travailler ?

— Pendant trois ans. Cela ne pouvait pas continuer. Le matin, il fallait que je prépare le petit déjeuner et que je mette un peu d’ordre. À midi, nous nous retrouvions dans un restaurant pour déjeuner et le soir il me fallait faire le marché, préparer le dîner, m’occuper du ménage. Ce n’était pas une vie.

Il regardait l’étroit divan couvert de disques et de magazines, le cendrier aux mégots. Cela devait être sa place favorite et peut-être est-ce là qu’elle dormait quand il avait dû frapper à la porte avec tant d’insistance.

Avait-elle des amants ? Il aurait juré que oui, par désœuvrement, par une sorte de romantisme.

Il y avait sur son visage une expression boudeuse qui semblait lui être naturelle.

— Vous n’avez rien soupçonné jusqu’à ce que votre mari disparaisse ?

— Non. Je ne sais pas s’il est allé travailler ailleurs mais il quittait la maison toujours à la même heure, rentrait à la même heure aussi.

— Et il vous remettait en fin de mois la même somme ?

— Oui. Je lui donnais quarante francs par mois pour ses cigarettes et ses menus frais.

— Vous ne vous êtes pas inquiétée en ne le voyant pas revenir ?

— Pas trop. Je ne m’inquiète pas facilement. J’ai téléphoné à son bureau. C’est un homme que j’ai eu au bout du fil. Je lui ai demandé à parler à mon mari.

« — Il n’est pas là, m’a-t-il répondu.

« — Vous ne savez pas quand il reviendra ?

« — Je ne sais rien. Il y a longtemps que je ne l’ai pas vu...

« Il a raccroché. C’est alors que j’ai commencé à devenir un peu inquiète et je suis allée demander au commissariat si on avait entendu parler de lui, si, par exemple, il n’avait pas été victime d’un accident. »

Elle ne devait pas avoir insisté beaucoup.

— Vous savez où il est ? questionna-t-elle.

— Non. C’est à vous que je suis venu poser la question. N’avez-vous aucune idée de l’endroit où il aurait pu se réfugier ?

— Pas chez son père, qui habite rue d’Alésia depuis près de cinquante ans. C’est dans cet appartement-là que Gilbert est né. Il a pour ainsi dire toujours habité le quartier. Sa mère est morte. Son père a pris sa retraite. Il était caissier dans une agence du Crédit Lyonnais.

— Les deux hommes s’entendaient bien ?

— Jusqu’à ce que Gilbert m’épouse. Je crois que son père ne pouvait pas me sentir. Gilbert, bien entendu, prenait mon parti, de sorte que, ces dernières années, ils étaient en froid.

— Vous n’avez pas averti le père de sa disparition ?

— À quoi bon ? Ils ne se voyaient quand même qu’une fois par an, le 1er janvier. Nous y allions ensemble et nous avions droit à un verre de porto avec un biscuit. L’appartement sentait le célibataire.

— Comment expliquez-vous que votre mari ait continué pendant trois mois à vous apporter son traitement alors qu’il avait quitté sa place ?

— Il travaillait probablement ailleurs.

— Vous n’aviez pas d’économies ?

— Des dettes, oui ! Le réfrigérateur n’est pas encore entièrement payé et j’ai eu juste le temps de décommander la machine à laver la vaisselle qu’on devait me livrer en septembre.

— Il ne possédait pas d’objets de valeur ?

— Certainement pas. Même les bagues qu’il m’a offertes sont en toc. Vous ne m’avez pas encore dit pourquoi vous vous occupez de lui.

— Son patron l’a mis à la porte à la fin juin, après avoir découvert que, depuis trois ans, il puisait plus ou moins adroitement dans la caisse.

— Il avait une maîtresse ?

— Non. Il prenait ainsi de très petites sommes. Cinquante francs par mois tout d’abord.

— C’était ça, son augmentation ?

— Exactement. Vous lui répétiez qu’il devait parler à M. Chabut et, comme il n’avait pas le courage de le faire, ce qui, d’ailleurs, n’aurait mené à rien, il s’est mis à truquer les écritures. De cinquante francs, il est passé à cent. Puis, au dernier Noël...

— Les cinq cents francs de gratification ! Elle haussait les épaules.

— Quel idiot ! Le voilà bien avancé, maintenant ! J’espère pour lui qu’il a trouvé une autre place.

— J’en doute.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il m’est arrivé de l’apercevoir dans les rues à différentes heures de la journée, alors que les bureaux et les magasins sont ouverts.

— Il a fait quelque chose ? Vous avez une raison pour le rechercher.

— Oscar Chabut a été tué mercredi dernier par un homme qui l’attendait devant une maison de passe de la rue Fortuny. Votre mari possédait un pistolet ?

— Un petit automatique noir, qu’un ami lui avait donné quand il était encore au service militaire.

— Il est toujours ici ?

Elle se leva et traîna ses pantoufles jusqu’à la chambre à coucher où on l’entendit ouvrir et refermer des tiroirs.

— Je ne le vois pas. Il l’a sans doute emporté avec lui. À ma connaissance, il ne s’en est jamais servi et je me demande s’il avait des cartouches. Je ne me souviens pas d’en avoir vu.

Elle alluma une nouvelle cigarette et s’assit cette fois dans le fauteuil.

— Vous croyez vraiment qu’il aurait été capable de tuer son patron ?

— Celui-ci l’a traité cruellement et, à un moment donné, lui a flanqué une gifle.

— Je le connais. Enfin, je l’ai rencontré. Cela ne m’étonne pas de lui. C’est une grande brute.

— Il ne vous a pas raconté ce qui s’était passé ?

— Non. Il m’a seulement dit qu’il était content d’être débarrassé de mon mari et que c’était un bon débarras pour moi aussi.

— Il vous a donné de l’argent ?

— Pourquoi me demandez-vous ça ?

— Parce que ce serait assez bien son genre. J’imagine ce qui a dû se passer.

— C’est que vous avez vraiment de l’imagination.

— Non, mais c’est que je connais ses façons ‘ d’agir avec les femmes.

— Vous voulez dire qu’il les traitait toutes de la même façon ?

— Oui. Il vous a donné un autre rendez-vous ?

— Il a pris mon numéro de téléphone.

— Mais il ne vous a jamais appelée ?

— Non.

— Vous ne m’avez pas répondu au sujet de l’argent.

— Il m’a remis un billet de mille francs.

— Et, depuis, comment vous en tirez-vous ?

— Je m’en tire comme je peux. Je réponds à des petites annonces mais, jusqu’ici sans succès.

Maigret se leva, le corps engourdi, le front couvert d’une buée de sueur.

— Je vous remercie de m’avoir reçu.

— Dites-moi, puisque vous dites que vous l’avez vu plusieurs fois, vous allez pouvoir le retrouver.

— À condition qu’il se mette à nouveau sur mon chemin et qu’il ne disparaisse pas dans la foule comme il l’a fait jusqu’à présent.

— De quoi a-t-il l’air ?

— De quelqu’un qui est fatigué et qui n’a pas dormi dans un lit la nuit précédente. Il n’a pas d’amis à Paris ?

— Je ne lui en connais pas. Nous ne fréquentions qu’une de mes copines, Nadine, qui vit avec un musicien. Ils venaient parfois passer la soirée ici. On allait acheter une ou deux bouteilles de vin et il nous jouait de la guitare électrique.

Elle devait avoir couché avec le musicien aussi, et sans doute avec bien d’autres.

— Au revoir, madame.

— Au revoir, monsieur le commissaire. Si vous avez des nouvelles, soyez gentil de me tenir au courant. C’est quand même mon mari. S’il a vraiment tué quelqu’un, j’aimerais mieux le savoir. Je suppose que cela suffit pour obtenir le divorce ?

— Je le crois aussi.

Il inscrivit l’adresse du père de Pigou, rue d’Alésia, retrouva Lapointe dans le petit bar où il lisait le journal de l’après-midi.

— Alors, patron ?

— Une petite garce. J’ai rarement vu autant de personnages peu ragoûtants dans une seule enquête. Un rhum, garçon !

— Elle ne sait rien qui puisse nous mettre sur une piste ?

— Non. Elle ne s’est jamais occupée de lui. Dès qu’elle l’a pu, elle a cessé de travailler et, autant qu’on puisse juger, elle passe ses journées vautrée sur un divan, à jouer des disques, à fumer cigarette sur cigarette et à lire des magazines. Elle doit être au courant de la vie intime de toutes les vedettes. Quand son mari a disparu, elle s’est à peine inquiétée, et quand je lui ai dit qu’il avait peut-être tué un homme, elle m’a demandé si cela lui suffirait pour obtenir le divorce.

— Qu’est-ce que nous faisons maintenant ?

— Tu me déposes rue d’Alésia, où j’aimerais avoir une courte entrevue avec son père.

— Son père à elle ?

— Non, à lui. C’est un ancien caissier du Crédit Lyonnais à la retraite. Il a cessé de s’entendre avec son fils quand celui-ci s’est marié.

L’appartement de la rue d’Alésia était un peu plus cossu et, au grand soulagement de Maigret, il y avait un ascenseur. Quand il sonna, la porte ne tarda pas à s’entrouvrir.

— Oui ?

— Monsieur Pigou ?

— Moi-même. Que désirez-vous ?

— Vous me permettez d’entrer ?

— Vous ne venez pas pour me vendre une encyclopédie ? Il en est venu quatre rien que la semaine dernière.

— Commissaire Maigret, de la P.J.

L’appartement sentait l’encaustique et on n’y voyait pas un grain de poussière. Chaque objet était à sa place.

— Asseyez-vous, je vous en prie.

Ils étaient dans un petit salon qui ne devait pas servir souvent et Pigou alla ouvrir les rideaux qui étaient à moitié fermés.

— J’espère que vous ne m’apportez pas une mauvaise nouvelle ?

— À ma connaissance, il n’est rien arrivé à votre fils. Je voudrais seulement savoir quand vous l’avez vu pour la dernière fois.

— C’est facile. Le 1er janvier.

Et il avait un sourire un peu amer.

— J’ai eu le malheur de le mettre en garde contre cette fille qu’il a absolument voulu épouser. J’ai tout de suite compris en la voyant que ce n’était pas quelqu’un pour lui. Il est monté sur ses grands chevaux et m’a accusé d’être un vieil égoïste et de je ne sais quoi d’autre encore. Auparavant, il venait me voir une fois par semaine. Il a cessé ses visites et je ne l’ai revu qu’au nouvel an. Depuis, chaque année, le 1er janvier, il est venu me voir avec sa femme, comme on accomplit une politesse nécessaire.

— Vous lui en voulez ?

— Non. Il ne voit que par elle. Il n’y peut rien.

— Il ne vous a jamais demandé d’argent ?

— Vous ne le connaissez pas. Il est trop fier pour ça.

— Pas même ces derniers mois ?

— Qu’est-il arrivé ?

— Il a perdu son emploi au mois de juin. Pendant trois mois, il a suivi le même horaire que quand il travaillait quai de Charenton et il rapportait la même somme d’argent.

— Il a donc trouvé une autre place ?

— Vous ne croyez pas que c’est difficile, à quarante-cinq ans, quand on n’est pas un spécialiste ?

— Peut-être. Il faut pourtant bien...

— Qu’il ait trouvé cet argent quelque part. Depuis fin septembre, il a disparu.

— Sa femme ne l’a pas revu ?

— Non. Son ex-patron, Oscar Chabut, a été tué de quatre balles, en pleine rue, par un inconnu.

— Et vous croyez que... ?

— Je ne sais pas, monsieur Pigou. Je cherche. Je suis venu vous voir dans l’espoir d’apprendre quelque chose.

— J’en sais moins que vous. Sa femme n’a même pas trouvé utile de me mettre au courant. Vous avez l’impression qu’il a quelque chose à se reprocher et qu’il se cache ?

— C’est possible. Je suis à peu près certain de l’avoir aperçu deux ou trois fois ces derniers jours. C’est lui aussi, j’ai toutes les raisons de le penser, qui m’a téléphoné par deux fois et qui m’a envoyé une lettre écrite en caractères bâtonnets...

— Vous ne lui avez pas dit...

— Lui dire quoi ? Si c’est lui qui a tiré sur son patron, il joue avec le feu, comme s’il avait envie de se faire arrêter. Cela arrive plus souvent qu’on ne croit. Il est sans domicile, sans ressources. Il sait qu’il sera fatalement pris un jour ou l’autre. Il n’a pas honte d’avoir tiré. Au contraire, il en serait plutôt fier, car Chabut était un être méprisable.

— Je ne comprends pas.

— Je vous tiendrai au courant, monsieur Pigou. De votre côté, s’il vous donnait de ses nouvelles, soyez assez aimable pour me passer un coup de fil.

— Je vous l’ai dit : il y a peu de chance pour qu’il s’adresse à moi.

— Merci de m’avoir reçu.

Lapointe lui demanda :

— Il savait quelque chose ?

— Encore moins que la femme. C’est moi qui lui ai appris que son fils a disparu. C’est un petit vieillard propret, très sympathique, qui passe son temps à astiquer son parquet et ses meubles, à mettre de l’ordre dans l’appartement. Je n’ai pas vu d’appareil de télévision, pas de transistor non plus. Au Quai, cette fois. Il est temps qu’on en finisse.

Une heure plus tard, cinq de ses collaborateurs étaient réunis dans le bureau de Maigret.

Загрузка...