LA VOLIÈRE

Je vivais à Budapest quand mon oncle m’a appelé à son chevet. Je ne me doutais pas qu’il voulait mourir dans mes bras. En le voyant se redresser sur son lit et tendre la main vers moi, j’ai compris que je n’avais pas fait le voyage pour rien. L’infirmière nous a laissés seuls, au plus mauvais moment, mais elle avait le métier pour elle. Ça fait bizarre de sentir qu’on est une famille à soi tout seul. J’avais beau être assis là, sur ces draps bleus, mon cœur et mes pensées restaient en apesanteur, quelque part entre Buda et Pest, entre une chambre meublée et une salle de classe. Pourtant, je l’avais toujours bien aimé, le bonhomme, ce pour quoi je me retrouvais là, une main pétrie dans la sienne, à l’heure où on aimerait tant qu’elle vous guide en douceur, quelque part par là-bas.

Il m’avait toujours parlé comme à un adulte, et il n’y a pas de désir de gosse plus fort que celui-là. Je me souviens même de ce jour où je suis tombé malade et refusais que quiconque entre dans ma chambre. Sauf lui. J’avais hurlé de douleur, j’avais dit à quel point tout ça était injuste et que ce monde pourri ne méritait pas qu’on le subisse. Il m’avait répondu que je finirais bien par en trouver une autre, plus jolie encore, et que celle-là mériterait qu’on l’accompagne une vie entière.

— J’ai pas peur, tu sais, me dit le vieux.

— Bien sûr que je sais, tu ne m’as pas appris ça.

— Tu te souviens quand j’attrapais des scorpions derrière les vignes, et que je les encerclais dans une boucle, et que j’y mettais le feu ?

— Comme si c’était hier.

— Eh bien, c’est seulement maintenant que je regrette d’avoir fait ça.

Là, je nous ai revus accroupis dans la terre, les yeux rivés sur une de ces petites bêtes prise de folie en se voyant prisonnière des flammes. Ça ne manquait jamais, elle faisait rebiquer son dard vers elle-même et se donnait la mort. C’était beau, c’était horrible, ça me posait tant de questions qui venaient de si loin.

Tout à coup, il a retenu son souffle avant de dire :

— Je veux être enterré près de la volière.

Et sa joue a caressé l’oreiller comme un flocon de neige finit sa chute.

Dis, tonton ? T’es mort ? C’est bien ça que je dois comprendre ? On en a vu mourir, des choses, quand on se promenait dans la lande, toi et moi. Des mouches en hiver, des chats trop curieux, des arbres mal aimés. C’est ça qui t’arrive, hé le vieux ? Tu me demandais : « Le notaire et le curé entrent chez ton voisin, qu’est-ce qui se passe chez le voisin ? » Le voisin meurt.

Aujourd’hui c’est ton tour, et il n’y a ni notaire ni curé, tu n’as jamais rien possédé et tu n’as jamais cru en Dieu. Il ne reste que moi.

Je ne sais pas où tu es désormais, je ne suis pas curieux de le savoir. J’ai envie de te dire qu’on finira bien par se retrouver, mais je n’y crois qu’à moitié. Tu ne m’en voudras pas si je laisse les gens du métier t’enterrer sans moi ? J’aurais l’air de quoi, tout seul dans un cortège funéraire, sans personne avec qui comparer nos douleurs ? J’ai toujours trouvé dommage d’organiser une cérémonie dont le seul intéressé sera absent. Je sais désormais que les soirs où il m’arrivera de douter de l’humanité tout entière, je t’imaginerai, étendu quelque part, en train de rêver à tous les secrets qu’il nous reste à partager.

Étendu quelque part.

Quelque part mais où… ?

Je suis sûr et certain qu’il a dit « Je veux être enterré près de la volière ». Pas une volière mais la volière ! Qu’est-ce que c’est que cette volière, nom de Dieu ! ? Et il n’a pas dit J’aimerais bien ou J’aurais tant aimé, non, « JE VEUX être enterré près de la volière ». On ne demanderait pas mieux que de t’enterrer près d’une volière, tonton, mais tu aurais pu me faciliter la tâche ! L’infirmière revient, me fait ses condoléances, me dit des choses définitives sur la vie et la mort, et j’acquiesce bêtement pendant que dans ma tête tournoie un ouragan de volières.

— Dites-moi, madame, il n’y aurait pas dans le coin un pigeonnier ou un truc dans le genre, près d’un cimetière ?

L’infirmière, habituée aux contrecoups émotionnels à l’annonce d’un décès, me regarde d’un air bizarre. J’insiste :

— Vous n’avez jamais entendu parler d’un « cimetière de la volière » ?

— Demandez aux gens des pompes funèbres, ils ont toujours plein de réponses aux questions les plus délicates.

Jusqu’à ce qu’elle dise ça, j’étais persuadé d’avoir fait le plus dur en venant jusqu’ici mais, sans savoir pourquoi, je me suis dit que pour assurer l’éternité à un mourant il ne suffit pas de lui tenir la main pendant un quart d’heure. Je pourrais prendre le vol de demain matin pour Budapest, mes élèves m’attendront sans doute un jour de plus, le temps de tirer au clair cette histoire absurde, juste pour m’éviter les remords que je sens déjà poindre. Je veux être enterré près de la volière… Et merde ! Il aurait pu dire des choses plus simples, plus banales, des trucs comme Rosebud ou N’oublie jamais, mon petit, que seul le romantisme est absolu, mais pourquoi faut-il qu’un type qui a joué au ball-trap avec tout ce qui a des plumes veuille être enterré près d’une volière ?…

— Nous, sortis du cimetière municipal… Y a bien un columbarium au Père-Lachaise, mais c’est uniquement pour ceux qui veulent se faire incinérer.

— Il a dit clairement qu’il voulait être enterré.

— C’est vous qui voyez. Mais d’ici trois jours, on va bien être forcés de le mettre en bière.

— Trois jours ?

— En général, ces choses-ià se décident bien avant l’heure fatidique. Après trois jours, on sera obligés de suivre la procédure habituelle.

*

Trois jours. C’est tout ce que j’ai pu obtenir du directeur de mon lycée, voyage compris. Trois jours pour trouver une volière où faire reposer le tonton. Il paraît que les dernières volontés d’un mort sont sacrées. J’ai essayé de compter le nombre d’heures que le vieux avait passées à mes côtés, patient et attentif au petit bonhomme que je devenais, et j’ai largement franchi la barre des soixante-douze. Nous étions lundi matin, et si je n’avais pas mis la main sur une volière d’ici jeudi, tonton se retournerait dans sa tombe pour les siècles à venir sans trouver le repos.

Le lendemain, je suis allé dans le petit meublé du centre-ville où il avait toujours vécu. L’endroit n’avait pas changé depuis quarante ans, j’y ai retrouvé tous mes petits bonheurs du jeudi, la pâtisserie où je m’empiffrais avec lui de choses énormes, le cinéma où l’on passait des films pour les grands, le café où je le regardais jouer au billard. Sa voisine de palier, une éternelle célibataire, vivait toujours là. Avec les années, elle ne s’était toujours pas décidée à devenir une vieille fille.

— Mais c’est… Jeannot ? Ça me fait drôle… Remarque, à bien te regarder on retrouve les petits yeux espiègles de ton oncle… Quand tu te promenais avec le Louis, on savait jamais qui était le plus voyou des deux.

— Il ne vous a jamais parlé d’une… volière ? Un endroit où il aurait voulu finir ses jours ?

J’ai bien été obligé d’accepter son infusion ae romarin, soi-disant que ça l’aidait à réfléchir. Au bout de deux tasses, elle a sorti une goutte de fine pour passer à la vitesse supérieure.

— Ton oncle était un sérieux zigoto. On pouvait s’insulter un jour entier comme des chiffonniers à travers la cloison, le soir il venait partager un Fernet-Branca, et on parlait, jamais de nous, mais du monde entier et de ce qu’il devenait. Pour te dire, le 21 juillet 69, deux heures du matin, on était tous les deux devant la télé, ici même, à l’endroit où t’es assis, pour regarder l’Américain qui a marché sur la Lune.

— Et ma volière ?

— Eh ben… Cette histoire de volière me dit quelque chose. Ça se passait le vendredi. Incapable de te dire quoi, mais c’était tous les vendredis, pendant bien dix ans. Je lui disais « Vous venez voir le western ce soir, m’sieur Louis ? ». Et il répondait « Vous savez bien que le vendredi c’est le jour de la volière ». Il devait être colombophile ou un truc comme ça, y a des amateurs, ça devait s’envoyer des messages dans les pattes des pigeons, allez savoir. Tous les vendredis à dix-huit heures pétantes, son copain Ferré, le garagiste du quartier de la Borne… tu te souviens ?

— Jamais entendu parler.

— Eh ben, le Ferré venait le chercher pour aller à cette satanée volière. Ton oncle revenait tard dans la nuit, et puis plus rien jusqu’au vendredi suivant. C’est tout ce que je peux te dire, mon gars.

Des messages dans les pattes des pigeons… Même si le tonton avait des passions bizarres, cette soudaine affection pour des trucs emplumés paraissait suspecte. Mais la piste avait l’air de suivre son cours. Le soir même, j’ai abouti dans une supérette du quartier de la Borne où jadis se tenait le garage d’Etienne Ferré, vénérable vieillard qui habitait désormais dans une cité dortoir à trois encablures de là. Deux heures plus tard, j’avais trouvé la bonne porte du bon escalier. Une marmaille tonitruante m’a ouvert.

— Tu viens pour l’anniversaire de pépé et mémé ?

Dans le salon, une vingtaine d’individus de tous âges entouraient un gâteau gigantesque où trônait le chiffre cinquante. Étienne et Josette Ferré fêtaient leurs noces d’or. J’ai eu beau jurer que je passais là par hasard, personne n’a voulu me croire. Quand je me suis présenté comme le neveu du Louis, Étienne m’est tombé dans les bras. Il a retenu ses larmes quand je lui ai annoncé que son pote de toujours avait passé l’arme à gauche.

— Tu crois qu’il aurait prévenu qu’il se sentait pas bien ? C’est tout Louis, ça. Faut dire que ces dernières années on se voyait plus beaucoup. CM l’enterre quand ?

— Quand, je peux vous le dire, c’est jeudi matin, mais le problème c’est où.

Un gosse m’a servi d’office une part de fraisier. On était encore loin de la saison des fraises.

— Dans un dernier soupir il a insisté pour qu’on l’enterre près d’une volière. D’après ce que j’ai compris, mon oncle et vous fréquentiez un club de colombophiles tous les vendredis soir. Si vous pouviez m’éclairer un peu là-dessus.

Je ne sais pas ce qui s’est passé mais, juste après avoir dit ça, il y a eu une sorte de silence un peu craquant, comme une corde de pendu qui se détend juste après le lynchage. Étienne a blanchi d’un coup et sa canonique épouse l’a regardé avec une lueur de doute.

— Dis donc, Étienne… Le vendredi, c’était pas le soir où tu tapais la belote chez Louis ? Tu revenais même à des heures pas possibles, et dans des états !

— Je suis vieux et j’ai plus ma tête, m’a fait Étienne. Je suis désolé pour ton oncle, mais ce soir mon couple a atteint l’âge d’or et je te souhaite de vivre ça un jour. Sur ce, je te raccompagne, c’est quand même une fête de famille.

Et c’est ce qu’il a fait, le vieux Ferré. En deux secondes il me poussait sur le palier avec une énergie insoupçonnée pour son âge. Avant de me claquer la porte au nez, il a dit :

— Cinquante ans de boulot quotidien pour en arriver là et tu viens foutre la merde juste aujourd’hui avec ta volière ! Remue le passé tant que tu veux mais pas le mien ! La volière… La volière… Va voir du côté de l’Hôtel des Tilleuls, à Granville, mais ne repasse surtout pas pour me dire ce qu’il est devenu.

Il était onze heures du soir. Plus aucun car ne partait pour Granville. Faute de trouver le sommeil dans ma chambre d’hôtel, j’ai réveillé le veilleur de nuit à qui j’ai parlé du Danube jusqu’au petit matin.

*

Vu de l’extérieur, l’Hôtel des Tilleuls avait ce cachet modeste qui n’inspire que les vagabonds et les touristes en sac à dos. Mais dès qu’on passait le seuil, on se retrouvait dans un petit palace laissé à l’abandon malgré ses heures de gloire. Des boiseries, du velours rouge, un escalier à double révolution soutenu par des atlantes, bref, un vrai décor de cinéma. On m’a demandé si je voulais une chambre. Malgré une certaine fatigue, j’ai eu le courage de dire non. Le jeune concierge n’a pu répondre à aucune de mes questions, l’endroit avait changé trois fois de propriétaires en trente ans avant d’être repris par un trust hôtelier. Le gérant m’a dit à peu près la même chose et personne dans tout le personnel n’a pu me faire avancer d’un pouce. À force d’insister, j’ai bien vu que je commençais à fatiguer tout le monde. J’ai passé un coup de fil au type des pompes funèbres qui s’apprêtait à clouer le cercueil de tonton. Pour me laisser le temps de décider, j’ai pris une chambre à l’Hôtel des Tilleuls. L’après-midi, j’ai traîné dans le coin en posant d’autres questions sans réponses, jusqu’à ce qu’un cantonnier me montre le cimetière, un petit carré discret bordé d’arbres, à un jet de pierre de l’hôtel. J’ai trouvé étrange que, dans une gentille ville comme celle-là, il y ait un hôtel aussi chic pour un cimetière aussi désuet.

La tête vide, sur les coups de vingt-trois heures, devant la télé de ma chambre, je me suis affalé dans la position typique de celui qui vient de passer la main. J’ai repensé à mon oncle qui, sans être fier de moi, devait sans doute, de là-haut, rendre hommage à ma bonne volonté. C’est là qu’on a toqué à ma porte. Un jeune homme avec une tête de conspirateur.

— Je travaille ici, à l’économat. C’est ma grand-mère qui tenait l’hôtel il y a quarante ans. Elle se souvient de votre oncle Louis.

Je l’ai suivi dans la nuit noire et nous nous sommes retrouvés dans un pavillon à la sortie de la ville.

— C’est gentil de faire ça pour moi, rien ne vous y obligeait.

— Faut respecter la mémoire des vieux. Grand-mère, il n’y a plus personne pour l’écouter, c’est comme une honte pour toute la ville. J’aime bien ce que vous faites pour votre oncle.

La grand-mère n’avait pas d’âge, elle vivait dans quelques mètres carrés où elle parvenait à caser tout le bric-à-brac de ses souvenirs.

— Louis Magnaval et Étienne Ferré… À l’époque j’aurais plutôt misé sur le premier, et c’est l’autre qui est resté.

— La volière, ça vous dit quelque chose ?

Elle a laissé échapper un petit rire qui grinçait comme une vieille table.

— Qu’est-ce qu’on vous apprend de la vie, de nos jours ? Une volière, tu sais pas ce que c’est ? Ton oncle t’a pas appris ça ? Un clandé, une taule… ? Non ? Un claque, un boxon… ?

— … Une maison close ?

— C’était comme ça que les braves gens disaient. Les parents de ceux qui me montrent du doigt aujourd’hui. Les ingrats ! On devrait me donner la médaille du Mérite. Mais, pour comprendre ça, faudrait remonter à l’époque. Tiens, regarde…

Elle a posé devant moi une vieille caisse à champagne remplie de photos sépia. Sur l’une d’elles on la voyait entourée de ses filles, sur une autre un couple dansait près d’un gramophone, sur toutes semblait régner une franche bonne humeur.

— Attends que je retrouve la bonne…

Elle a fourragé un moment dans le tas et, triomphante, m’en a mis une sous les yeux.

Tonton ! Un sourire béat, une guitare entre les mains et un beau brin de fille qui le tenait par les épaules. J’ai repensé à tous ces vendredis qui suivaient de près mes jeudis… Personne chez moi ne pouvait se douter, sinon on m’aurait interdit de le fréquenter, on m’aurait dit que c’était un monstre, et aujourd’hui je serais un autre. Ni meilleur ni pire, mais un autre.

— Le Ferré, c’était le client banal, le tout-venant, un passionné à la petite semaine, on arrive avec une envie folle de faire la fête et on repart avec la honte aux yeux. Ton oncle c’était différent. Il venait en amoureux.

— Pardon ?

— Tu vois la fille à qui il chante une aubade ? C’était l’amour de sa vie. Ah, ces deux-là… Fallait voir… Ça a jamais roucoulé autant dans une volière ! Il la regardait comme un crapaud mort d’amour, elle se faisait un sang d’encre quand il arrivait en retard. Ça a duré dix ans. Et c’est chez moi qu’ils se sont trouvés, on choisit pas.

Elle semblait dire ça avec une bonne dose de fierté.

— Il aurait pu l’épouser, l’emmener avec lui, je ne sais pas… Tel que je connaissais mon oncle, c’était le genre de choses dont il aurait été capable.

— C’est difficile de dire ça aujourd’hui… C’était comme un contrat entre eux et personne n’avait rien à dire. Les pactes entre amoureux, y en a pas deux qui se ressemblent.

— Qu’est-ce qu’elle est devenue ?

— Un beau matin elle est partie sans rien dire, personne n’a su pourquoi’. Les années ont passé. Et il y a trois ans à peine, elle est revenue se faire enterrer ici. Tu sais ce qu’il te reste à faire.

*

Je l’ai reconnue tout de suite. Sur sa tombe, on avait placé un médaillon avec son portrait. Un beau visage de jeune femme qui souriait. À n’en pas douter, c’était à mon oncle Louis. Personne n’a fait de difficulté pour les faire reposer côte à côte. Les pactes entre amoureux, y en a pas deux pareils.

Et je suis rentré à Budapest avec l’irremplaçable bonheur du devoir accompli. Dans les mois qui se sont écoulés, j’ai failli cent fois raconter l’histoire de mon oncle Louis, mais il aurait fallu commencer par le début, depuis la première fois où il a posé les yeux sur moi jusqu’au moment où j’ai fermé les siens, et je ne connais personne doté d’une telle patience.

Dans un bar de Szeged, au moment où je m’y attendais le moins, j’ai rencontré Anna. J’ai tout de suite reconnu en elle « celle qui méritait qu’on l’accompagne une vie entière » comme disait tonton pour consoler le jeune adolescent qui léchait ses premières plaies d’amour. Je me suis promis de ne la quitter qu’un seul jour par an. À la Toussaint.

Faire l’aller et retour pour un pot de chrysanthèmes ? Tonton n’en demandait pas tant. Je suis resté un bon moment devant sa tombe, le regard perdu entre l’Hôtel des Tilleuls qu’on apercevait au loin, et la légère effervescence des cimetières le 1er novembre. C’est là qu’une femme d’à peu près mon âge est venue se recueillir sur la tombe qui jouxtait celle du Louis.

Sans faire attention à moi, elle a posé son bouquet de fleurs, jeté l’ancien, et donné quelques coups de balayette pour rectifier les angles de terre. J’ai eu un petit pincement au cœur quand j’ai reconnu quelque chose de familier dans son visage. Sûrement les petits yeux espiègles dont parlait la voisine de tonton.

— Vous n’êtes pas du coin, j’ai dit.

— Non, j’habite Paris. Je n’ai jamais su pourquoi maman a voulu être enterrée ici.

— Je m’appelle Jean.

— Je m’appelle Louise.

— J’ai une histoire à vous raconter, Louise. Et vous au moins, je suis sûr que vous aurez la patience de l’écouter.

Загрузка...