XXII

Les trois garçons étaient eux aussi dans la rue, dans la nuit, Tibère allongé, les mains croisées sous la nuque, Claude assis près de lui, Néron debout.

— Est-ce que tu veux que je t’évente ? proposa Néron à voix douce.

— Néron, dit Tibère, pourquoi faut-il toujours que tu sois pénible comme ça ?

— Je n’aime pas te voir allongé sur le trottoir en pleine nuit, le regard crétin braqué vers les étoiles. Il y a des gens qüi passent et qui te regardent, figure-toi. Et tu n’as rien d’une belle statue antique, crois-moi. Tu as tout d’un déglingué.

— Puisque je te dis que je suis un homme mort, dit Tibère.

— Néron, tu n’entends donc pas ce qu’il dit ? dit Claude. Il fait le mort, il fait le mort, c’est tout ! Tu n’as pas besoin de l’éventer, fous-lui la paix, nom de Dieu.

— Je ne pouvais pas deviner qu’il faisait le mort, protesta Néron.

— Ça se voit pourtant, dit Claude. C’est pas sorcier.

— Bon, alors s’il est mort, ça change tout. Combien de temps dure la veillée ? demanda-t-il en s’asseyant en face de Claude, de l’autre côté du corps étendu de Tibère.

— Ça dépend de lui, dit Claude. Il a besoin de réfléchir.

Néron gratta une allumette et examina Tibère de très près.

— Ça a l’air que ça va durer un bon moment, conclut-il.

— Forcément, dit Claude. Laura va partir. Elle va être condamnée et emprisonnée.

— L’envoyé spécial ?

Claude hocha la tête.

— Ce soir, il y a quelque chose qui monte, continua Claude. Ça suinte, ça grimpe jusqu’à la gorge et ça vous tranche les jambes. C’est la fin de Laura qui monte, et tout le monde a peur et se rétracte. Quand on aura fini de veiller Tibère, je ferai le mort aussi, et il faudra que tu me veilles à ton tour, Néron.

— Et moi, qui va me veiller ? Est-ce que je vais être tout seul comme un con, avec mes bras en croix sur le trottoir ? Pourquoi pas sur un tas de fumier ?

— Vos gueules, dit Tibère.

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