ANNEXES

Chronologie UNE VIE, UNE ŒUVRE[426]

1929

Naissance le lundi 8 avril, à trois heures du matin, 138 avenue du Diamant à Schaerbeek (Bruxelles), de Jacques Romain Georges Brel ; fils de Romain Brel (né en 1883) et d’Élisabeth Van Adorp (1896), mariés le 3 décembre 1921, et déjà parents de Pierre (19 octobre 1923). « J’ai eu une enfance où il ne se passait presque rien ; il y avait un ordre établi assez doux. Ce n’était pas rugueux du tout… C’était paisible et forcément morose. »


1936–1941

Études primaires chez les frères de l’école Saint-Viateur, à Bruxelles ; devient louveteau (1937) puis scout (avec le totem de Phoque hilarant) dans la troupe Albert Ier. « Je crois que la vie s’arrête un tout petit peu quand s’arrête l’enfance. Après, je pense qu’on passe toute sa vie à essayer de réaliser ce qu’on a rêvé quand on était enfant. C’est ce que les imbéciles appellent la vocation. Quand on a douze ans, on rêve de certaines choses, et après, toute sa vie, on court après. »


1941–1947

Études secondaires au collège Saint-Louis à Bruxelles, où il se montre mauvais élève (redouble les classes de 6e, 4e et 3e), sauf en récitation et rédaction. Pratique le sport et, lecteur assidu (Verne et London en particulier), écrit des poèmes, des nouvelles, ébauche un roman, Le Cheminot. « La culture, c’est une manière de compenser les endroits où l’on a peur, où l’on n’est pas suffisant… » Participe au collège à la création d’une troupe de théâtre (1944), la Dramatique Saint-Louis, avec laquelle il joue ses premiers rôles sur scène et improvise des compositions au piano sur ses poèmes. Adhère à la Franche Cordée (1946), mouvement de jeunesse catholique, où il présente des spectacles bénévoles devant des malades ou des personnes âgées (adapte Le Petit Prince de Saint-Exupéry, La Ballade des pendus de Villon, Le Silence de la mer de Vercors…). À la fin de sa 3e, son père l’embauche à la cartonnerie familiale. « On dit toujours que je suis un fils de bourgeois, c’est vrai. Mais je ne le savais pas. Comment veux-tu savoir que tu es le fils de bourgeois ? Moi, j’étais le fils de mes parents. Je n’aurais jamais su que j’étais fils de bourgeois si je n’avais pas fait des chansons. »


1948–1949

Devance l’appel et fait son service militaire au 15e Wing de Transports et Communications, dans la périphérie bruxelloise (1er juin 1948-1er juin 1949). Libéré avec le grade de caporal, commence à écrire des chansons qu’il interprète à la guitare (« Il y a un ton émotionnel que l’on n’obtient pas sans musique »), lors des soirées de la Franche Cordée. « On essaie de faire des petits trucs, de réaliser de petits rêves. On pousse des cris de joie ou de tristesse. Ensuite, on pousse la mauvaise éducation jusqu’à essayer de les présenter, de les offrir au public. »


1950–1951

Épouse le 1er juin 1950, à Laeken, Thérèse Michielsen, dite Miche (née le 30 décembre 1926), rencontrée à la Franche Cordée, dont il aura trois filles : Chantal (6 décembre 1951), France (12 juillet 1953) et Isabelle (23 août 1958). « Vivre en compagnie de certaines femmes est l’acte le plus paresseux. C’est un acte de vampire, très souvent. On s’en remet doucement à l’amour d’une dame et puis, quand on a fait le tour de cet amour, on s’en va. »


1952

Travaille à la cartonnerie Vanneste et Brel tout en écrivant des chansons et en passant des auditions dans les cabarets bruxellois. Débuts de chanteur au Coup de Lune et surtout à la Rose noire, petite rue des Bouchers, près de la Grand-Place. « Si un type débute, c’est parce qu’il se dit : “J’ai quelque chose à raconter qui est différent de ce qui se raconte constamment.” » Première émission de radio, invité par Angèle Guller dans « La Vitrine aux chansons ». « J’ai essayé de faire des chansons surtout parce que j’avais envie de raconter quelque chose. J’aurais voulu écrire des quatuors à cordes ou des symphonies… J’aurais bien voulu écrire des romans… »


1953

Prend de façon très provisoire le pseudonyme de « Jacques Bérel, fantaisiste » et chante le samedi à la Rose noire. Le 17 février, Clément Dailly, l’un des responsables de Philips-Belgique (et mari d’Angèle Guller), lui fait enregistrer avec un orchestre musette un premier 78 tours (Il y a et La Foire) qui sort seulement en Belgique et sera vendu à deux cents exemplaires. Lors de cette séance, il enregistre aussi Il pleut et Sur la place, seul à la guitare, sur un disque souple, une maquette acétate 78 tours qui sera adressée à Jacques Canetti : celui-ci, séduit, téléphone en mai à Bruxelles pour qu’il vienne le voir. Le 31 mai, il quitte son emploi à la cartonnerie. « Je suis parti parce que j’avais peur de devenir trop vite vieux, trop vite mort. J’ai eu envie de partir physiquement à la recherche de quelque chose. Et ce quelque chose, je ne l’ai pas trouvé. Mais je le cherche encore. C’est pour ça que je ne suis pas encore bien adulte peut-être. »

Le 20 juin, il passe une audition devant Canetti qui l’engage pour deux semaines en septembre au théâtre des Trois Baudets. Multiplie les auditions à Paris durant l’été, sans succès. En juillet, revenu à Bruxelles pour la naissance, le 12, de sa fille France, il termine dernier au casino de Knokke-le-Zoute à la Coupe d’Europe du tour de chant. Les 14 et 21 août, Jef Claessen, producteur radio à la BRT, l’invite à enregistrer vingt-six titres dans leur studio d’Hasselt (cachet : 600 francs belges). En novembre, après les Trois Baudets, où il rencontre Georges Brassens (et où il se produira régulièrement jusqu’à la fin des années 1950), il chante à l’Écluse (« J’ai passé une audition à l’Écluse, écrit-il alors à Miche ; nous étions plus ou moins soixante et je suis le seul engagé immédiat. Je te jure que je suis très content »), Chez Geneviève, à Montmartre et à l’Échelle de Jacob chez Suzy Lebrun, sur recommandation de Brassens.


1954

Tournée des cabarets (Chez Patachou, etc.) ; signe le 12 février chez Philips et enregistre le 17 (en direct avec les musiciens d’André Grassi) les neuf titres de son premier album 25 cm commercialisé en mai (échec critique et commercial), dont deux titres, Il peut pleuvoir et C’est comme ça, sortiront d’abord sur son premier 78 tours français (et quatre autres sur son premier 45 tours EP en mai 1955). Rencontre celui qui deviendra son meilleur ami, Georges Pasquier (dit Jojo), membre des Trois Milson, groupe fantaisiste de bruiteurs-imitateurs à l’affiche des Trois Baudets (avril). Le 28 mai, Juliette Gréco, en tête d’affiche à l’Olympia (inaugurée le 5 février, sous la direction de Bruno Coquatrix, par Lucienne Delyle et Gilbert Bécaud en « vedette américaine »), crée Le Diable (Ça va). Premier passage à l’Olympia en « supplément de programme » (Damia en vedette, avec Billy Eckstine, Claude Vega et Jean Wiener) avec trois titres à la guitare (du 8 au 22 juillet) ; première tournée Canetti d’été (« Festival du disque ») avec Sidney Bechet, Philippe Clay, Dario Moreno et Catherine Sauvage (du 25 juillet au 31 août) ; première tournée à l’étranger, en Algérie et au Maroc (octobre), en compagnie notamment des Trois Milson. « Je crois naïvement au cœur. […] J’ai envie qu’on m’aime bien, et puis j’ai envie de bien les aimer. Tout ça est très primaire, je ne m’en cache pas. Mais c’est comme ça que je suis bien dans ma peau. »


1955

Premier passage à l’Ancienne Belgique de Bruxelles (janvier). Échaudé par l’échec du premier album, Canetti lui fait enregistrer (avec Michel Legrand à la direction d’orchestre) un second 78 tours (Les Pieds dans le ruisseau et S’il te faut) et un troisième titre (Qu’avons-nous fait, bonnes gens ?) en vue d’un prochain 45 tours. S’installe en banlieue parisienne, à Montreuil, avec sa femme et ses deux filles (mars). Nouvelle tournée d’été et début d’une liaison avec Suzanne Gabriello, membre du trio Les Filles à papa. Galas en province et en Belgique, ronde des cabarets. « J’ai fait très longtemps sept cabarets par nuit. Ce qui est énorme. Quand je repense à ça, j’ai peur. Je faisais neuf chansons par cabaret, donc ça faisait soixante-trois chansons par nuit… »


1956

Sortie du 45 tours n° 2, avec six titres enregistrés entre février 1954 et octobre 1955. Tournée (Afrique du Nord, Amsterdam, Lausanne et Belgique). Le 23 juillet à Grenoble, rencontre François Rauber, étudiant au Conservatoire de Paris, qui a été engagé comme pianiste pour une tournée d’été Canetti et qui va désormais l’accompagner, restant jusqu’à la fin son arrangeur et directeur d’orchestre. Premier passage en lever de rideau à l’Alhambra (deux chansons) dans le programme de Maurice Chevalier (28 septembre). Cabarets : le Drap d’or, l’Échelle de Jacob, la Villa d’Este, Chez Patachou… Premier succès avec Quand on n’a que l’amour (45 tours 5 titres n° 3 sorti en novembre). « Je n’arrive pas à écrire rapidement. Ça dure quatre mois, cinq mois, six mois. On attrape une idée au vol, on essaie de la garder… J’essaie de mettre ça sur des feuilles de papier, avec des mots. C’est lent. Pour Quand on n’a que l’amour, il y avait une dame qui parlait à la radio. Et elle devait dire des choses très graves, très sérieuses… Je ne me souviens plus du tout ce qu’elle racontait. Mais, brusquement, il m’est venu à l’esprit que tout ça c’était bien joli, mais que c’était l’amour l’essentiel. […] Et la chanson est venue très vite. […] Il y a eu un enchaînement de mots, un enchaînement d’accords, un enchaînement de notes qui font que, brusquement, tout se cristallise. »


1957

Chante en vedette à l’Ancienne Belgique de Bruxelles (26 au 31 janvier) et d’Anvers. À Paris : Alhambra (février) et Théâtre des Variétés (mai) dans le programme de Zizi Jeanmaire. Deuxième 25 cm (mars), enregistré avec André Popp et son orchestre, grand prix de l’académie Charles-Cros (juin). Première participation à « Discorama », émission TV de Denise Glaser (avec Raymond Devos et Les Trois Ménestrels). Bobino (du 1er au 14 novembre) dans le programme d’Yvette Giraud. Trois Baudets avec Catherine Sauvage. Enregistre Sur la place en duo avec Simone Langlois (24 décembre), 45 tours et 25 cm Fontana. « Il n’y a pas de loi générale pour faire une chanson, pour la bâtir. Si on suit trop les lois, on a tendance à refaire constamment la même chanson. Souvent, ça part d’une idée. Autour de cette idée, on bâtit un rythme. Sur ce rythme, on ajoute une mélodie. Et à cette mélodie, on colle les paroles. Mais, en fait, c’est plus nuancé que ça… »


1958

S’installe dans un studio à Paris, près de la place Clichy (en février, Miche est retournée vivre en Belgique avec ses deux filles). Tournées en Italie, Suisse, Israël, Belgique, Afrique du Nord, France, Canada (où il est reçu par Félix Leclerc dans sa maison de Vaudreuil)… À Montréal, il passe Chez Gérard en mai, avec Gérard Jouannest au piano (rencontré plus tôt, alors qu’il accompagnait Les Trois Ménestrels dans les tournées Canetti, il remplacera désormais Rauber sur la route). Sortie le 21 juin du troisième 25 cm (Au printemps…), arrangé moitié par André Popp, moitié par François Rauber. Naissance d’Isabelle (23 août). Écrit et enregistre (22 octobre) un 45 tours souple intitulé Un soir à Bethléem, à l’initiative du magazine Marie-Claire. « Chacun s’invente un petit Noël, je crois. La religion a bien admis le sapin… Je crois que tous les hommes sont nés dans une crèche. Il y a un côté solidaire, un côté communautaire. C’est un joli symbole, c’est une jolie fête. C’est dommage que ce ne soit pas Noël tous les jours… » Triomphe à l’Olympia en vedette américaine de Philippe Clay (du 19 novembre au 15 décembre) ; rencontre Charley Marouani, qui deviendra bientôt son imprésario.


1959

Les Trois Baudets, avec Gainsbourg en première partie (mars) ; quatrième 25 cm (La Valse à mille temps…) avec François Rauber désormais seul à la direction d’orchestre (novembre) ; Bobino (du 5 au 16 novembre) pour la première fois en vedette dans une grande salle parisienne (création de Ne me quitte pas), puis Ancienne Belgique de Bruxelles (le 20) avec Aznavour. « On est environné de mots qui sont tout à fait bêtes. Est-ce que vous connaissez un mot plus idiot que le mot vedette ? Il y a star… Star, c’est encore plus bête. »


1960

Prix de l’Académie du disque. Signe un contrat d’agent artistique avec Charley Marouani (« Mon dernier service aura sans doute été de confier la suite de sa carrière au plus doux et plus patient des Marouani : Charley », écrira Canetti dans son livre On cherche jeune homme aimant la musique). Tournées incessantes (deux cent cinquante à trois cents concerts par an en moyenne) : Ancienne Belgique (19 au 24 mars), puis tournée Canetti d’été avec Jean Corti, désormais à l’accordéon ; Le Caire, Jérusalem, Tel-Aviv (octobre)… « Un spectacle, je ne sais pas ce que c’est. Cela ne veut rien dire. C’est une fonction, un spectacle. On fait un spectacle comme on est savetier. C’est la manière d’être savetier qui compte. Je connais plein de types qui ne sont pas dans le spectacle et qui, pourtant, sont bourrés de talent : ils ont du talent dans leur fonction. »


1961

Bobino, avec Colette Deréal en première partie (du 12 au 25 janvier). Programmé à la Comédie-Canadienne de Montréal, avec Raymond Devos (du 3 au 19 mars), il termine ses nuits Chez Clairette, la boîte à chansons de Claire Oddera qui deviendra une grande amie ; découvre l’avion de tourisme, invité par un ami à survoler la région. Sa liaison avec Suzanne Gabriello ayant pris fin, sa nouvelle « deuxième femme », ex-compagne de Serge Gainsbourg, s’appelle Sylvie. « On dit toujours que je suis misogyne. Mais je crois que les femmes ont une part de responsabilité. Elles apprennent trop la prudence aux hommes. Trop de “Ne dis rien, pense à l’avenir !” Comme si on pouvait penser à l’avenir ! On n’est que le présent ! »

Album n° 5 (Marieke…) ; « Discorama » (2 juin) ; enregistre quatre chansons en flamand pour le marché néerlandophone. Achète une petite maison à Roquebrune et s’initie aux rudiments de la voile : « Je n’ai pas de projets. Je n’ai que des rêves… » Chante à Moscou (11 septembre), au Proche-Orient, en Turquie, au Portugal, au Danemark… ; premier Olympia en vedette avec le grand orchestre dirigé par François Rauber (du 12 au 29 octobre) ; sixième 25 cm huit titres dont six enregistrés à l’Olympia (novembre). « Je trouve qu’il faut un singulier manque de pudeur pour se présenter devant une scène et chanter. Un manque de pudeur que j’ai essayé de rendre tolérable pour les gens. C’est de l’exhibitionnisme et rien de plus. Quand j’arrive devant les gens, il faut que je sois le plus parfait possible. Et c’est pour ça que j’ai travaillé 325 jours par an. Et même plus que ça, d’ailleurs. »


1962

Signe chez Barclay le 7 mars et premier 33 tours 30 cm avec Les Bourgeois… « Les bourgeois, c’est tout ce qui tue le rêve. C’est la sécurité. C’est une forme de médiocrité de l’âme. C’est tout ce que je n’aime pas. » Philips sort alors un 30 cm du récital intégral de l’Olympia (mars). Écrit les trois histoires de Jean de Bruges pour l’examen de composition de François Rauber au Conservatoire de Paris (27 juin). Fin novembre, il crée avec Miche sa propre maison d’édition, Pouchenel (Polichinelle, en bruxellois). Nouveau passage à « Discorama » (9 décembre). Avec 327 spectacles dans l’année, il devient recordman de la profession. « Je ne connais pas ce mot-là. Je ne veux pas savoir ce qu’il veut dire. Ma profession, c’est ma vie. »


1963

Nouveau 25 cm (Les Bigotes…) ; deuxième Olympia en vedette, avec Robert Nyel et Isabelle Aubret en première partie (du 1er au 9 mars), puis Bobino (du 4 au 22 avril). Enregistre Jean de Bruges et Il neige sur Liège (30 mai) pour un 25 cm hors commerce, puis Pourquoi faut-il que les hommes s’ennuient ? (été) pour le film Un roi sans divertissement. En mai, il offre les droits à vie de La Fanette à Isabelle Aubret, victime d’un grave accident. Tournées : Portugal, Danemark, Turquie, Israël, URSS… et Canada (chez Clairette, à Montréal, il rencontre Henri Tachan qu’il incite à rentrer à Paris). Récital au casino de Knokke-le-Zoute (23 juillet) ; Festival mondial des jeunes pour la paix, à Helsinki (août). Achète son premier voilier, l’Albena (en copropriété avec un ami de Menton, Max), à bord duquel il se fracture le pied (13 octobre). Immobilisé trois semaines, il travaille aux chansons de son prochain album : Mathilde, Le Tango funèbre, Jef, Les Bonbons, Le Dernier Repas… « Je crois qu’il faut faire les choses de tout son cœur et c’est tout. […] Je suis une aspirine, c’est la seule solution décente que je me sois trouvée. »


1964

Décès de son père Romain (8 janvier), puis de sa mère Lisette (7 mars). « Ma mère aimait aimer. Mais elle n’aimait pas tellement qu’on l’aime, ça ne lui faisait pas grand-chose… Ou, en tout cas, elle le dissimulait… admirablement… Je ne saurai jamais. » Chante un mois à Montréal, à la Comédie-Canadienne (février-mars). Nouvel album 25 cm (Mathilde…). Décide d’apprendre à piloter (brevets du 1er et 2e degrés, avec Paul Lepanse pour instructeur) et s’achète un premier avion, un monomoteur Gardan d’occasion (octobre). S’installe à l’Olympia, où il crée Amsterdam (du 16 octobre au 19 novembre). « Les gens qui vibrent sur scène sont des gens qui vibrent dans la vie. Le public ne s’y trompe pas. Quand un chanteur arrive sur scène et qu’il s’aime, lui, les gens le sentent immédiatement. Moi, j’ai envie d’aimer et je crois que je crèverai en aimant. » Album 25 cm Olympia 64, prix de l’Académie du disque français ; un premier livre lui est consacré par Jean Clouzet (Seghers).


1965

Fête ses douze ans de chanson à l’Échelle de Jacob, chez Suzy Lebrun (du 21 au 30 janvier) ; nouveau 45 tours quatre titres en flamand ; reçoit les Bravos du music-hall (palmarès annuel de l’artiste le plus populaire, dressé par la revue Music-Hall de Pierre Barlatier). Participe à une manifestation antinucléaire à Bruxelles (28 mars), où il chante Les Bourgeois, repris en chœur par la foule. Tournées incessantes : Pays-Bas, Arménie, URSS (cinq semaines, dont Moscou du 21 octobre — où il doit bisser Amsterdam — au 26 octobre), Canada (Comédie-Canadienne, avec Claire Oddera en première partie)… puis triomphe au Carnegie Hall de New York (4 décembre). « Optimiste ? Non. Je suis parfaitement désespéré et très heureux. »


1966

Dernier 25 cm (Ces gens-là…) ; tournée dans l’océan Indien (Djibouti, Madagascar, Réunion et Maurice du 21 avril au 3 mai), puis en France où, le 21 août au casino de Vittel, il annonce à ses musiciens qu’il a décidé d’arrêter la scène (en fait, la décision est prise depuis un concert à Laon, au début de l’été, où il a doublé machinalement un couplet des Vieux : « J’arrête », dit-il alors à Jojo). Dernier Olympia (du 6 octobre au 1er novembre), avec Michel Delpech en vedette américaine ; le dernier soir, longuement ovationné, il revient saluer sept fois, et une fois encore en peignoir : « Je vous remercie, parce que ça justifie… parce que ça justifie quinze années d’amour… » Le 10, il enregistre dans l’après-midi le « Palmarès des chansons » de Guy Lux (dix chansons en direct, dont Ne me quitte pas) et chante le même soir à la Mutualité pour le gala annuel du Monde libertaire ; Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (15 novembre), Royal Albert Hall de Londres, tournée au Maroc… Passe Noël en famille à Bruxelles (il vit alors à Paris, XIVe, dans le même immeuble que Brassens).


1967

Création le 22 janvier au Village Gate Theater de New York de la comédie musicale de Mort Shuman et Éric Blau (qui ont traduit ses chansons en anglais) Jacques Brel Is Alive and Well and Living in Paris (elle restera plus de cinq ans à l’affiche et sera présentée dans tout le pays par une quinzaine de troupes différentes, puis un peu partout à l’étranger). Nouvel album 30 cm, Jacques Brel 67 (janvier) ; participe le 23 février à Grenoble, avec Serge Reggiani, à un meeting de soutien à Pierre Mendès France, où il présente son tour de chant intégral (création des Moutons…). Nouveau passage triomphal au Carnegie Hall de New York (février) où, profitant de son séjour, il assiste, bouleversé, à plusieurs représentations de The Man of the Mancha (« Ce qui m’a séduit dans Don Quichotte, c’est le côté anachronique. Il y a tout dans Don Quichotte. Il y a une tendresse incroyable. Et moi, j’aime la tendresse. C’est la valeur à laquelle j’accorde le plus d’importance ») et contacte aussitôt les producteurs pour obtenir l’autorisation de l’adapter en français. « Je crois que quand on attend les choses, elles n’arrivent jamais. Il faut les provoquer. »

Suite de la tournée d’adieu dont le Québec (du 25 mars au 9 avril, avec Renée Claude en première partie) ; ultime tour de chant (en présence d’Eddie Barclay et Bruno Coquatrix) le 16 mai au casino de Roubaix (1 800 places) : « Celle-ci, on ne la refera plus… », dit-il à voix basse aux musiciens après chaque chanson, avant de finir comme toujours par Madeleine et sans revenir pour le moindre rappel. En juillet débute le tournage du film Les Risques du métier d’André Cayatte, où il joue le premier rôle aux côtés d’Emmanuelle Riva.


1968

Tourne en mars La Bande à Bonnot (Philippe Fourastié) ; nouvel album (J’arrive, Vesoul…). Création de L’Homme de la Mancha à Bruxelles, au Théâtre royal de la Monnaie (du 4 octobre au 13 novembre). « Don Quichotte est l’anti-espoir, il n’attend rien, il fait avec ce qu’il a. Et ça, c’est formidable. On vit dans un monde où les gens ont l’air d’attendre presque tout, et je crois que c’est la source du malheur. » Album enregistré en studio (du 23 au 27 novembre) avec Jean Calon dans le rôle de Sancho Pança, puis première parisienne au Théâtre des Champs-Élysées (10 décembre) avec Robert Manuel à la place de Dario Moreno, décédé brusquement à Istanbul (30 novembre). « Les barricades de Mai 68 étaient parfaitement du don quichottisme, bien plus que de la contestation. Cela a plus ressemblé à un rêve qu’à une révolution. »


1969

Table ronde avec Brassens et Ferré (Paris, 6 janvier). Dernière de L’Homme de la Mancha (17 mai). Au printemps, prend des cours d’escrime et d’équitation pour tourner Mon oncle Benjamin d’Édouard Molinaro (juillet-août). Pour Le Temple du soleil, dessin animé tiré des aventures de Tintin, il signe deux chansons enregistrées par Lucie Dolène et rencontre Hergé à cette occasion. Écrit les paroles de douze chansons (musiques de François Rauber) pour un projet de spectacle jeune public de Jean-Marc Landier, Le Voyage sur la Lune. Commence à Genève une formation de vol aux instruments avec le pilote Jean Liardon qui va devenir l’un de ses meilleurs amis (octobre). Achète son troisième avion, un Wassmer Super 4 (novembre). Enregistre Pierre et le loup et L’Histoire de Babar accompagné par l’orchestre des Concerts Lamoureux (12 novembre).


1970

Le 27 janvier, alors que la première du Voyage sur la Lune est prévue pour le 29, s’apercevant que ses chansons s’y intègrent mal, il demande l’annulation du spectacle, à ses frais. Fin de sa liaison avec Sylvie et début d’une autre avec Monique, avec laquelle il s’installe à Genève-Cointrin (mars), le temps d’obtenir sa licence PP-IFR 4 de pilote professionnel (17 avril). Achète son quatrième avion et premier bimoteur, un Beechcraft Baron B55. En juin, commence à tourner Mont-Dragon (Jean Valère). « Il y a des chansons que j’ai dessinées avant de les écrire. Bruxelles, je l’ai dessinée, avec des petits personnages. J’aime bien quand, d’une masse de personnages, il y en a un qui se dégage. J’aime bien procéder comme au cinéma. »


1971

Signe le 3 mars un « contrat à vie » avec Eddie Barclay (en fait, deux contrats de trente-trois ans) ; en mai sort son cinquième film comme comédien, Les Assassins de l’ordre de Marcel Carné ; en juin tourne son premier film comme réalisateur, Franz (avec Barbara). À la Guadeloupe, rencontre Maddly Bamy (17 novembre) et Lino Ventura sur le tournage de L’aventure c’est l’aventure, de Claude Lelouch, et début d’une liaison (d’abord intermittente) avec Maddly (elle a vingt-huit ans, lui quarante-deux). « Je crois que, dans la vie, il y a une seule chose d’important, c’est pour qui on fait quelque chose. Parce que le pourquoi, je ne le saurai jamais. »


1972

Assiste à New York au gala des cinq ans de Jacques Brel Is Alive and Well and Living in Paris (janvier) ; première de Franz à Bruxelles (1er mars) ; tourne Le Bar de la Fourche d’Alain Levent (juin) et réenregistre un album d’anciennes chansons (sortie en octobre) ; réalise en Belgique Le Far West, son second film (août-septembre). « Quand on invente quelque chose, on est une aspirine. […] Et si tu peux être une aspirine pour les autres, le temps d’une chanson, d’un film, et qu’ils ne pensent plus au truc qui les ronge à longueur de vie, c’est bien. C’est du rêve artificiel, en fait. C’est ça que j’ai essayé de faire. C’est une forme de médecine. »


1973

Rédige son testament en faisant de Thérèse Michielsen sa légataire universelle (7 janvier). Invite avec Maddly ses amis proches, à bord d’un Lear Jet, à un voyage en Guadeloupe qui se transforme en véritable périple (mai). « Radioscopie » avec Jacques Chancel (France Inter) depuis le festival de Cannes où, le soir même, Le Far West est projeté à la presse (21 mai). S’installe chez Maddly à Paris : « Quand mon film Le Far West a merdé, ça m’a fichu un coup au moral et Maddly épongeait les mouchoirs. J’ai commencé à la regarder autrement. Elle savait écouter, consoler, en étant douce et tendre. Elle me faisait du bien et ne me compliquait pas la vie. » Tourne son dernier film, L’Emmerdeur (Molinaro), avec Lino Ventura (juin). Embarque en Méditerranée sur un voilier école, Le Korrig (escale à Las Palmas, où il rencontre un compatriote, Vic, qui navigue sur Le Kalais), puis traversée de l’Atlantique (fin novembre) jusqu’à La Barbade (Noël et jour de l’an aux Grenadines). « L’homme est un nomade. Il est fait pour se promener, pour aller voir de l’autre côté de la colline. »


1974

S’installe chez Miche à Bruxelles (fin janvier) et se met en quête d’un bateau ; achète à Anvers un voilier de dix-huit mètres et quarante-deux tonnes, l’Askoy II, sur lequel il veut faire le tour du monde (28 février). Enregistre une nouvelle version de Ne me quitte pas (fin mai-début juin) pour l’adaptation à l’écran (par le Québécois Denis Héroux) de Jacques Brel Is Alive and Well and Living in Paris (sortie à Paris le 28 janvier 1976). S’inscrit en mars à l’École royale de la Marine, à Ostende, et obtient le 1er juillet son brevet de yachtman. Appareille d’Anvers sur l’Askoy avec Maddly, sa fille France et deux hommes d’équipage (24 juillet). Aux Açores (où ses matelots quittent le bord), il apprend que Jojo est mort la veille (1er septembre) ; regagne la France pour assister aux obsèques (7 septembre)… et revoir Monique à Menton. De retour sur l’Askoy, en escale à Ténériffe, il tombe brusquement malade (20 octobre). Hospitalisé d’abord à Genève, où l’on décèle une tumeur au poumon, il est opéré quelques semaines plus tard à Bruxelles (16 novembre).

Après une brève convalescence, il regagne les Canaries le 22 décembre où, le 24, voyant accoster Om, le bateau de son confrère Antoine, il invite celui-ci à passer sur l’Askoy le réveillon de Noël : « Le dîner, très familial (nous sommes quatre), écrira Antoine [cf. Le Hérisson n° 1504, 13–19 février 1975], se déroule comme un enchantement : foie gras et vins fins de France. Il fait un grand numéro, rit, joue… […] Et c’est sous un ciel paisible que nous sortons sur le pont, saluer les bateaux voisins, lorsque vient minuit. […] Mais tous les rêves s’envolent. Celui-ci était si beau qu’il faut qu’il finisse vite. […] Jacques Brel me confie un tas de choses que je ne vous raconterai pas, car Jacques Brel ne reçoit pas les journalistes, aime qu’on le laisse tranquille, et je m’en voudrais de dévoiler ses secrets. » Le 30, l’Askoy appareille pour les Antilles avec France et Maddly pour unique équipage.


1975

Mouillage à Fort-de-France (26 janvier), où sa fille débarque, et cabotage dans les Antilles, avant de gagner Caracas (puis Bruxelles en avion, le temps d’un contrôle médical) et le canal de Panamá ; resté seul avec Maddly, il entame la traversée du Pacifique (22 septembre). « Il faut être imprudent, il faut être fou ! L’homme n’est pas fait pour rester figé. Il faut arriver par discipline à n’avoir que des tentations relativement nobles. Et, à ce moment-là, il est urgent d’y succomber. Même si c’est dangereux, même si c’est impossible… Surtout si c’est impossible ! » Le 19 novembre, l’Askoy jette l’ancre dans la baie d’Atuona à Hiva Oa, dans l’archipel des Marquises.


1976

Abandonnant son idée de tour du monde, il loue une petite maison à Atuona, où il nourrit nombre de projets. Se remet à écrire de nouvelles chansons. « Il y a quinze ou vingt ans, j’étais contestataire, j’étais considéré comme fou, même par les universitaires. La contestation est aujourd’hui entrée dans les mœurs. Maintenant, il va falloir poétiser les choses… » Repasse durant l’automne sa qualification de pilote à Tahiti (où il invite Charley Marouani et Henri Salvador) puis, juste avant de vendre l’Askoy (décembre), s’achète un nouveau bimoteur (novembre), qu’il baptise Jojo… « Et je pense à Jojo qui devrait être avec moi et dont je cherche vainement le rire et le désespoir tranquille, écrit-il à Miche. Et je pense à ma vie qui fut plus folle encore que mes rêves les plus fous. Dévoré que je suis par ma rage de vivre, je crois que ce fut bien ainsi quand je pense à ce poumon en moins qui veut me dévorer ! »


1977

Sillonne le ciel des Marquises et de la Polynésie, en transportant le courrier, les malades, les femmes enceintes… tout en achevant les chansons de son nouvel album. Rentre à Paris pour les enregistrer avec Jouannest et Rauber (du 5 septembre au 1er octobre) et retrouver ses principaux amis (Barbara, Brassens, Gréco, Liardon, Marouani, Perret, Reggiani, Ventura…). L’enregistrement achevé, refusant de participer à sa promotion, il regagne Hiva Oa par le chemin des écoliers. À sa sortie (17 novembre), l’album s’écoule à plus d’un million d’exemplaires — record mondial de l’histoire du disque — au grand dam de l’intéressé. « Actuellement, un grand artiste est un artiste qui vend beaucoup de disques. Tout ça, c’est du bidon et c’est profondément malhonnête. »


1978

Le jour de ses quarante-neuf ans, il signe un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans pour un terrain sur les hauteurs de l’île, où il compte bâtir sa propre maison. Mais sa santé se dégrade de manière alarmante. Le 27 juillet, sur les conseils du professeur Israël rencontré à Papeete, il rentre à Paris avec Maddly pour être soigné à l’hôpital franco-musulman de Bobigny d’une nouvelle tumeur au poumon. Après six semaines de soins et une nette amélioration (on parle de guérison possible), poursuivi par les paparazzi, il se réfugie à Genève (avec un crochet par Avignon, où il compte trouver une maison pour y passer sa convalescence).

Mais, victime d’une grave crise respiratoire le 6 octobre, il est réadmis le lendemain en urgence à l’hôpital de Bobigny où, souffrant d’une embolie pulmonaire, il décède le lundi 9 à 4 h 10 auprès de sa compagne. La levée du corps a lieu en présence de son épouse Miche et de leurs filles, de son frère Pierre et de son neveu Bruno, ainsi que d’amis proches comme Barbara. Le vendredi 13, convoyée par Maddly et Charley Marouani entre Roissy et Hiva Oa, sa dépouille est inhumée au cimetière d’Atuona, tout près de la tombe de Paul Gauguin, en présence de la population locale. « Ce qui compte dans une vie, ce n’est pas la durée, c’est l’intensité… »

Les Éditions Jacques-Brel UNE PORTE OUVERTE

Créée en 1981 par France Brel, la Fondation internationale Jacques-Brel a dû changer de dénomination en 2006, après de nouvelles normes de la Communauté européenne restreignant l’utilisation du terme « fondation ». Dès lors, ladite fondation et les Éditions musicales Pouchenel, la société qui gérait les chansons écrites par l’artiste depuis 1962, ont été englobées dans les Éditions Jacques-Brel qui ont pignon sur rue, à Bruxelles, à deux pas de la célèbre Grand-Place. Abritant une exposition permanente et offrant la possibilité aux adhérents ou simples visiteurs de consulter toutes sortes de documents ayant trait à la vie et à l’œuvre du Grand Jacques, elles constituent un lieu touristique de plus en plus prisé dans la capitale belge. Pour le numéro « spécial Jacques Brel » de Chorus, publié à l’occasion des vingt ans de la disparition de l’artiste, France Brel avait accordé à l’auteur cet entretien sur la genèse et le rôle de la Fondation.

*

— Fred Hidalgo : La Fondation répondait-elle au départ à l’idée — au-delà de sa sauvegarde matérielle — de perpétuer l’œuvre de Jacques Brel ?

— FRANCE BREL : Pas du tout ! J’ai eu l’idée de créer cette fondation en 1981, après m’être rendu compte que le public de Brel était très orphelin. Je l’ai créée pour répondre aux demandes des vivants, des gens qui veulent s’informer, témoigner, faire un travail sur lui… J’estime que c’est leur droit le plus légitime de venir me poser des questions et, comme je suis une femme organisée, je me suis dit : il faut créer un lieu de rendez-vous, rassembler du matériel, réunir la matière nécessaire à reconstituer précisément le parcours de Jacques, à commencer par ses agendas… J’ai voulu organiser mes réponses vis-à-vis de gens qui se posent des questions sur quelqu’un que j’ai eu la chance de connaître… et que j’ai appris à mieux connaître grâce à eux ! Mais je ne me bats pas pour mon père, je me bats pour les gens qui s’intéressent à mon père…


— Cet échange d’informations se traduit en particulier avec Jef, le bulletin trimestriel de la Fondation, véritable mine d’informations contenant souvent des témoignages personnels…

— J’essaie que ce soit ainsi… car, pour moi, Brel c’est une porte qui s’ouvre, pas une porte qui se ferme. La Fondation, c’est ça : un accueil.


— En gros, on y trouve une compilation sous toutes ses formes de l’œuvre de Brel, ainsi que ses films, ses passages télé, les adaptations de ses chansons, les diverses publications le concernant…

— Oui, on essaie d’avoir tout… ou de savoir où l’on peut trouver ce qui nous manque, pour être en mesure d’aider tous ceux qui ont un projet sur Brel et que nous recevons ici : des étudiants qui font des thèses, des classes d’enfants, des artistes, des journalistes… « Il faut réaliser ses rêves, disait-il : pourquoi est-ce qu’on empêche les gens de faire ce qu’ils ont envie de faire ? » Ici, au contraire, on aide les gens qui ont des envies… On ne cherche pas à préserver une œuvre, mais une certaine véracité. Parce qu’avec le temps les mémoires sont moins fiables… Moi-même, je me demande toujours : est-ce que je n’invente pas, est-ce que c’est vraiment cela, est-ce que je ne refais pas l’histoire ? Il s’agit d’un individu que j’ai connu, certes, mais il faut quand même être vigilant, se méfier des souvenirs… C’est pour ça que, pour moi, le travail d’équipe est essentiel : on travaille beaucoup en équipe, avec des gens qui ont tous des mémoires d’éléphant… et on confronte nos mémoires d’éléphants !


— Au départ, la Fondation était une toute petite structure…

— J’ai commencé avec Rosa Fréda en 1981, on était seulement deux et puis d’autres sont venus, comme Karl Crabbé… En ce moment, on est sept car nous avons notre exposition, « Avec Brel », un soir de tournée, qui attire beaucoup de touristes…


— C’est la seconde exposition de la Fondation…

— Oui, mais c’est la première installée à demeure, avec reconstitution d’une soirée de Brel, de son arrivée dans la ville jusqu’à la scène du théâtre local en passant par sa loge ; l’autre est une exposition itinérante, « Brel par Brel », qui circule sans arrêt [ndla : depuis, celle-ci a été réactualisée sous le titre « Je chante, persiste et signe, je m’appelle Jacques Brel », où sont évoquées en quarante-deux panneaux « les différentes facettes de l’homme et de l’artiste » ]. Au début, la Fondation se trouvait dans un quartier assez excentré ; mais depuis que l’on s’est installés ici — on a inauguré les locaux actuels le 27 février 1997 —, l’affluence est très importante… On reçoit aussi bien des adhérents qui viennent du fin fond de la Corrèze, du Québec, d’Allemagne ou du Japon, que des touristes pour lesquels Brel fait partie du patrimoine belge… au même titre qu’Hergé ou Simenon.


— Existe-t-il un portrait type de l’adhérent de la Fondation ?

— Non, car nous comptons aussi bien des hommes que des femmes, des jeunes qui n’ont jamais vu Brel, mais pour lesquels il représente plein de choses, comme de moins jeunes qui l’ont connu…


— Rien à voir avec le comportement habituel, moutonnier et stéréotypé, du « fan »…

— Non, il n’y a pas de cas de figure type, pas de « type brélien » d’adhérent ; chaque lettre reçue, aussi, est différente, chaque témoignage est singulier. Toutes les couches sociales sont représentées… C’est surtout une question d’émotion et de sensibilité personnelle. Il y a des gens, par exemple, qui ne s’intéressent qu’au Brel comédien, pas du tout à l’auteur ou au chanteur ; ou alors c’est quelqu’un qui va prendre sa carte d’adhérent parce qu’il adore l’aviation… et Brel aussi ! D’autres vont mettre en avant son côté humain plutôt que son œuvre : « C’était un gars génial… mais ses chansons, non, je n’aimais pas du tout ! » C’est très étrange. En fait, Brel suscite des choses… et c’est la seule conclusion, finalement, à laquelle on arrive : Jacques Brel suscite des choses !


— Quelle différence y a-t-il entre les Éditions Pouchenel, la Famille Brel et la Fondation ?

— Les trois ont la même adresse, mais la Fondation diffuse des informations, les Éditions Pouchenel gèrent le patrimoine, tandis que la Famille Brel a en charge les documents privés… et la partie de l’œuvre de Brel restée inédite.


— Des projets pour la Fondation ?

— Son ouverture au monde via Internet…

*

Depuis cet entretien, un site Internet très complet a été conçu au nom des Éditions Jacques-Brel ; le bulletin Jef a été remplacé en 2006, au moment où la Fondation a changé d’appellation, par une « lettre d’information » sur Internet (mais la collection complète de Jef reste disponible par correspondance, soit cent dix numéros publiés entre janvier-février-mars 1982 et novembre-décembre 2005) ; une exposition permanente intitulée « J’aime les Belges ! » met l’accent, dans les locaux des Éditions, sur les relations complexes qu’entretenait Brel avec la Belgique, tandis qu’une promenade sur les traces de l’artiste à Bruxelles, « J’aime l’accent bruxellois », est proposée à partir des Éditions dans les rues et places du centre ville avec un guide audio (chansons, extraits d’interviews, commentaires de Miche et de France).

D’autre part, soucieuses de « préserver le patrimoine constitué par les importantes archives collectées et les documents familiaux », Miche et France Brel ont créé, au printemps 2011, une fondation d’utilité publique, dépositaire de ce patrimoine, la Fondation Jacques-Brel dont les buts sont de « réunir, conserver et restaurer tous documents relatifs à l’œuvre, à la vie et la personne de Jacques Brel ; en assurer la pérennité, en améliorer la connaissance, en faciliter la transmission ; diffuser le savoir relatif à ces archives, en développer la notoriété et les rendre accessibles à des fins non lucratives, éducatives ou scientifiques suivant des modalités à définir ».


Contact :

Éditions Jacques-Brel

Place de la Vieille-Halle-aux-Blés 11

B-1000 Bruxelles

Tél. : +32 2 511 10 20

Site : http ://www.jacquesbrel.be/

Discographie LA CHANSON DE JACKY

Aussi exhaustive que possible[427], la discographie suivante (établie par Mauricette Hidalgo et l’auteur) se limite aux seuls enregistrements originaux (en studio et en public) de Jacques Brel, parus sous forme d’albums (33 tours 25 et 30 cm) ; soit six 25 cm et un 30 cm Philips puis quatre 25 cm et six 30 cm Barclay (inclus L’Homme de la Mancha et l’album des réenregistrements de 1972). Les références indiquées sont celles d’origine.

ALBUMS PHILIPS

• 1954 (mai) — JACQUES BREL ET SES CHANSONS

La Haine — Grand Jacques — Il pleut (Les Carreaux) — Le Diable (Ça va) — Il peut pleuvoir — Il nous faut regarder — Le Fou du roi — C’est comme ça — Sur la place.

(33 tours 25 cm 76 027, enregistré le 15 février 1954)


• 1957 (mars) — 2

Quand on n’a que l’amour — Qu’avons-nous fait, bonnes gens ? — Les Pieds dans le ruisseau — Pardons — La Bourrée du célibataire — L’Air de la bêtise — Saint Pierre — J’en appelle — Heureux — Les Blés.

(25 cm 76 085, titres enregistrés entre le 11 mars 1955 et le 22 mars 1957)


• 1958 (juin)

Demain l’on se marie (La Chanson des fiancés) — Au printemps — Je ne sais pas — Le Colonel — Dors ma mie — La lumière jaillira — Dites, si c’était vrai (poème) — L’Homme dans la cité — Litanies pour un retour — Voici.

(25 cm 76 423, enregistré du 12 mars au 1er avril 1958)


• 1959 (novembre)

La Valse à mille temps — Seul — La Dame patronnesse — Je t’aime — Ne me quitte pas — Les Flamandes — Isabelle — La Mort — La Tendresse — La Colombe.

(25 cm 76 483, enregistré du 11 au 17 septembre 1959)


• 1961 (avril) — 5

Marieke — Le Moribond — Vivre debout — On n’oublie rien — Clara — Le Prochain Amour — L’Ivrogne — Les Prénoms de Paris — Les Singes.

(25 cm 76 513, enregistré du 22 février au 12 avril 1961)


• 1961 (novembre)

Les Bourgeois — Les Paumés du petit matin — La Statue — L’Aventure* — Madeleine — Les Biches — Zangra — Voir*.

(25 cm 76 556, *titres enregistrés en studio, les autres à l’Olympia les 27, 28 et 29 octobre 1961)


• 1962 (mars) — ENREGISTREMENT PUBLIC à L’OLYMPIA

Les Prénoms de Paris — Les Bourgeois — Les Paumés du petit matin — Les Flamandes — La Statue — Zangra — Marieke — Les Biches — Madeleine — Les Singes — L’Ivrogne — La Valse à mille temps — Ne me quitte pas — Le Moribond — Quand on n’a que l’amour.

(33 tours 30 cm 77 386, titres enregistrés les 27, 28 et 29 octobre 1961)

ALBUMS BARCLAY

• 1962 (mars)

Les Bourgeois* — Les Paumés du petit matin* — Le Plat Pays — Zangra* — Une île — Madeleine* — Bruxelles — Chanson sans paroles — Les Biches* — Le Caporal Casse-Pompon — La Statue* — Rosa.

(30 cm 80 173, enregistré du 6 au 14 mars 1962, *première version studio)


• 1963 (avril)

Les Bigotes — Les Vieux — Les Fenêtres — Les Toros — La Fanette — Les Filles et les Chiens — J’aimais — La Parlote.

(25 cm 80 186, enregistré du 2 au 10 avril 1963)


• 1964 (mars)

Mathilde — Tango funèbre — Les Bergers — Titine — Jef — Les Bonbons — Le Dernier Repas — Au suivant.

(25 cm 80 222, enregistré du 7 janvier au 7 mars 1964)


• 1964 (octobre) — OLYMPIA 64

Amsterdam — Les Vieux — Tango funèbre — Le Plat Pays — Les Timides — Les Jardins du casino — Le Dernier Repas — Les Toros.

(25 cm 80 243, enregistré les 16 et 17 octobre 1964)


• 1965 (novembre)

Ces gens-là — Jacky — L’Âge idiot — Fernand — Grand-mère — Les désespérés.

(25 cm 80 284, enregistré du 2 au 6 novembre 1965)


• 1967 (janvier) — JACQUES BREL 67

Mon enfance — Le Cheval — Mon père disait — La… la… la… — Les Cœurs tendres [du film Un idiot à Paris ] — Fils de… — Les Bonbons 67 — La Chanson des vieux amants — À jeun — Le Gaz.

(30 cm 80 334, enregistré du 30 décembre 1966 au 18 janvier 1967)


• 1968 (septembre)

J’arrive — Vesoul — L’Ostendaise — Je suis un soir d’été — Regarde bien, petit — Comment tuer l’amant de sa femme quand on a été élevé comme moi dans la tradition — L’Éclusier — Un enfant — La Bière.

(30 cm 80 373, enregistré du 15 mai au 23 septembre 1968)


• 1968 (décembre) — L’HOMME DE LA MANCHA

L’Homme de la Mancha — Un animal — Dulcinea — Vraiment je ne pense qu’à lui — Le Casque d’or de Mambrino — Chacun sa Dulcinea — Pourquoi fait-il toutes ces choses ? — La Quête — Sans amour — Gloria — Aldonza — Le Chevalier aux miroirs — La Mort.

(30 cm 80 381, enregistré du 23 au 27 novembre 1968)

NB : Livret de Dale Wasserman, musique de Mitch Leigh, paroles de Joe Darion, adaptation française de Jacques Brel, orchestrations de François Rauber ; avec Jean-Claude Calon, Joan Diener, Armand Mestral, etc. À noter qu’il n’existe aucun enregistrement audio ni document filmé du spectacle dans son intégralité.


• 1972 (septembre)

Ne me quitte pas — Marieke — On n’oublie rien — Les Flamandes — Les Prénoms de Paris — Quand on n’a que l’amour — Les Biches — Le Prochain Amour — Le Moribond — La Valse à mille temps — Je ne sais pas.

(30 cm 80 470 ; réenregistrements du 12 au 27 juin 1972 de titres parus chez Philips entre 1957 et 1961)


• 1977 (novembre)

Jaurès — La ville s’endormait — Vieillir — Le Bon Dieu — Les F… — Orly — Les Remparts de Varsovie — Voir un ami pleurer — Knokke-le-Zoute tango — Jojo — Le Lion — Les Marquises.

(30 cm 96 010, enregistré du 5 septembre au 1er octobre 1977)

NB : Avant le premier album 25 cm de 1954, deux 78 tours étaient déjà sortis en 1953 et 1954 : le premier uniquement en Belgique, avec La Foire et Il y a, enregistré le 17 février 1953 à Bruxelles (Philips P 19055 H) ; le second, enregistré le 15 février 1954 à Paris, avec Il peut pleuvoir et C’est comme ça (Philips 72 207). Un troisième et dernier 78 tours est paru en 1955 avec Les Pieds dans le ruisseau et S’il te faut, enregistrés les 11 et 17 mars (Philips 72 274). Le premier 45 tours, intitulé 1, est sorti en mai 1955 avec quatre titres tirés de la séance d’enregistrement du premier album : Sur la place, Grand Jacques, Ça va (le diable) et La Haine (Philips EP 432 018).

En 1962, Brel passant chez Barclay, Philips a sorti cinq albums 33 tours 30 cm, reprenant le contenu des cinq albums 25 cm originaux (sous des pochettes et dans un ordre parfois différents) complété pour les volumes 1 et 5 des cinq seuls titres parus seulement en 45 tours, soit : S’il te faut et La Bastille (1955, 45 tours n° 2, réf. 432 043) et Prière païenne (1956, 45 tours n° 3, réf. 432 126) pour le volume 1 ; Voir et L’Aventure (1958, 45 tours n° 6, réf. 432 326) pour le volume 5.

CURIOSITÉS

• 1958 (décembre) — UN SOIR À BETHLÉEM AVEC JACQUES BREL

La Nativité selon saint Luc : Je prendrai (poème) — La Nativité (1re partie) — La Nativité (2e partie).

NB : Paroles et musiques de Jacques Brel, avec Madeleine Clervanne, Simone Langlois, Roland Menard et Henri Nassiet ; d’abord livre-disque 45 tours souple réalisé pour le magazine Marie-Claire (réf. MC2/Philips 424 101), puis commercialisé en 1960 chez Philips et réédité en 1964 (réf. Pergola EP 450 103), sous des pochettes différentes.


• 1961 (mai)

Marieke — Laat me niet alleen (Ne me quitte pas).

De apen (Les Singes) — Men vergeet niets (On n’oublie rien).

(Versions en flamand enregistrées du 12 au 14 avril 1961, 45 tours simples Philips 372 858 et 372 859, édition belge)


• 1962

Mijn vlakke land (Le Plat Pays) — De nuttelozen van de nacht (Les Paumés du petit matin) / Rosa — De burgerij (Les Bourgeois).

(Versions en flamand enregistrées en mars 1962, édition belge, 45 tours simples 60 976 et 60 977 et 45 tours EP 70 907 ; puis titres réenregistrés le 12 février 1965, édition française, 45 tours simples 60 547 et 60 548 et 45 tours EP 71 112 © 1965)


• 1963 — JACQUES BREL CHANTE LA BELGIQUE

Le Plat Pays — Il neige sur Liège — Bruxelles — Jean de Bruges* (poème symphonique en trois mouvements).

(33 tours 25 cm hors commerce, tiré à 800 exemplaires, Barclay 33B-1. *Titre réédité dans le CD Suites d’orchestre de François Rauber, Classics Jazz France/Universal 481 034-1 © 2013)


• 1969 (décembre)

Pierre et le loup — L’Histoire de Babar.

(30 cm Barclay 80 406, puis CD Rym Musique/Polygram 191 417-2 sous le titre Jacques Brel raconte © 1994)


• 1987 — Amsterdam, LA VERSION ALTERNATIVE

La chanson Amsterdam n’ayant jamais été enregistrée en studio, la seule version connue est celle captée en public à l’Olympia, le 17 octobre 1964, au lendemain de sa création. Mais les deux premières soirées ayant été enregistrées, la version du 16, sur un arrangement sensiblement différent, s’est retrouvée « par erreur » en 1987 sur une réédition CD (Amsterdam, réf. Polygram Distribution 831 285-2) du 30 cm Amsterdam de 1967 (compilation de cinq titres du récital et de six titres en studio, réf. Barclay 80 344). Cette « erreur » ayant été décelée et constatée publiquement par Marc Robine dans le mensuel Paroles et Musique, Barclay décida de retirer rapidement ce CD du commerce, malgré l’intérêt évident du document. À noter que les deux autres chansons inédites du spectacle, Les Timides et Les Jardins du casino, n’ont jamais été reprises non plus en studio.

ALBUMS POSTHUMES

• 1993 — BREL KNOKKE

Enregistrement public du 23 juillet 1963 au casino de Knokke-le-Zoute (durée : 34 minutes) : Bruxelles — Rosa — La Fanette — Les Fenêtres — Quand on n’a que l’amour — Mathilde — Les Vieux — Le Plat Pays — Le Moribond — Les Bigotes — Madeleine ; complété de Brel parle, interview de 42 minutes réalisée le 8 janvier 1971, à Knokke-le-Zoute, par Henry Lemaire.

(CD Pouchenel-Barclay 521 237-2 ; sorti également en vidéo sous le même titre)


• 1998 — EN SCÈNES (ENREGISTREMENTS INÉDITS)

Extraits de divers récitals enregistrés à Lausanne, Cologne et Scheveningen entre mars 1960 et décembre 1966 : On n’oublie rien — La… la… la… — La Tendresse — Seul — La Valse à mille temps — Ne me quitte pas — Marieke — Le Moribond — Les Singes — Le Plat Pays — Rosa — La Fanette — Grand-mère — Fernand — Les Bourgeois — Le Prochain Amour — Les Bonbons — Madeleine.

(CD Barclay 559 231-2)

INTÉGRALES

Après les premières « intégrales » Philips et Barclay, du vivant de l’artiste, en coffrets 33 tours 30 cm en 1972 (Intégrale des chansons de 1954 à 1962, 5 volumes, Philips 6641 560) et 1974 (Brel, 7 volumes de 1962 à 1972, Barclay 8002), il faudra attendre 1982 pour que, par le jeu des concentrations de labels (Philips et Barclay appartenant dès lors à Polygram, qui deviendra ensuite Universal), soit réalisée une première vraie intégrale : Brel, L’œuvre intégrale, 14 volumes sous étui feutré bleu nuit (Barclay 200 301 à 314), 30 cm Olympia 61 et 25 cm Olympia 64 inclus, ainsi que quatre inédits réunis dans le volume 5 : Il y a et La Foire (du 78 tours belge de 1953), Les Amants de cœur (de Rod McKuen, paroles françaises de Brel, enregistré le 7 mars 1964 pour le 33 tours collectif Nuit de la chanson, Barclay NC1, hors commerce) et Il neige sur Liège (enregistré le 30 mai 1963).


Rééditée en 1988 en CD, sous le titre Intégrale Jacques Brel — Grand Jacques (réf. Barclay BA 816 719-2), cette deuxième intégrale proposait 172 enregistrements en 10 volumes (disponibles séparément sous les références 816 720 à 816 729 et numérotés de 1 à 10), soit 14 titres (inédits) supplémentaires. Trois dans le CD 3 : Les Moutons (enregistré le 18 janvier 1967), Pourquoi faut-il que les hommes s’ennuient ? (du film Un roi sans divertissement, enregistré durant l’été 1963), La Chanson de Van Horst (du film Le Bar de la Fourche, enregistré en 1972) ; quatre dans le CD 6 : les versions en flamand du 45 tours EP 71112 de 1965 ; sept dans le CD 9, Olympia 64, complétant définitivement ce récital : Les Bonbons, Mathilde, Les Bigotes, Les Bourgeois, Jef, Au suivant, Madeleine.


Troisième intégrale, parue le 23 septembre 2003 d’abord sous la forme d’une grosse boîte à bonbons, L’Intégrale 25e anniversaire (Barclay/Universal 980 816-2) regroupait seize CD. Également disponibles séparément (réf. 980 816-3 à 9 et 980 817-0 à 7), les quinze premiers, forts de 185 titres, suivaient la discographie originale, sous pochettes (digipack) 30 cm d’origine, mais complétée pour certains des titres parus seulement en 78 ou 45 tours et des enregistrements rares ou inédits suivants :


• Vol. 1 : S’il te faut, La Bastille, Prière païenne, Il y a, La Foire et Sur la place (version alternative du 10 novembre 1961).

• Vol. 2 : Quand on n’a que l’amour (version alternative du 25 janvier 1960).

• Vol. 3 : Voir, L’Aventure, Dites, si c’était vrai (première version du 19 septembre 1956 pour le 45 tours n° 3).

• Vol. 5 : Marieke, Laat me niet alleen, De apen, Men vergeet niets, Le Prochain Amour (première version du 21 février 1961).

• Vol. 7 : Il neige sur Liège, Pourquoi faut-il que les hommes s’ennuient ?

• Vol. 8 : Quand maman reviendra (enregistré le 2 avril 1963 pour le 45 tours EP Barclay 70 491), Les Amants de cœur.

• Vol. 9 : réédition du CD 9 de l’intégrale 1988, Olympia 64 (15 titres).

• Vol. 10 : Mijn vlakke land, Rosa, De burgerij, De nuttelozen van de nacht.

• Vol. 11 : Les Moutons.

• Vol. 12 : La Chanson de Van Horst, L’Enfance (du film Le Far West, enregistré le 24 mai 1973).

• Vol. 15 : Sans exigences, Avec élégance, Mai 40, L’amour est mort, La Cathédrale (inédits enregistrés du 5 septembre au 1er octobre 1977, repris également sur la compilation Brel infiniment, 2003, double CD Barclay 980 839-3).


Enfin, le dernier CD, joint sous pochette cartonnée au livre accompagnant l’intégrale (illustré de photos et documents divers, avec des commentaires de Brel sur certaines chansons), était un « CD bonus » de vingt-six chansons enregistrées en guitare-voix, pour la radiodiffusion belge BRT2, dans son studio régional du Limbourg, les 14 et 21 août 1953, à Hasselt (outre Si tu revenais, collection privée de Mme Brel, et Le Pendu, 1962, en public à la télévision hollandaise), soit :


• CHANSONS OU VERSIONS INÉDITES DE JEUNESSE

Deux* — Dites, si c’était vrai (poème) — Les Gens* — La Haine — Départs* — Le diable (Ça va) — Qu’avons-nous fait, bonnes gens ? — L’Ange déchu* — Les Pieds dans le ruisseau — La Bastille — Ce qu’il nous faut (Ce qu’il vous faut)* — L’Accordéon de la vie* — Je suis l’ombre des chansons* — S’il te faut — Ballade* — L’Orage* — Les Pavés* — Le Fou du roi — La Foire — Sur la place — Il peut pleuvoir — Les Deux Fauteuils* — Les Enfants du roi* — Le Troubadour* — Il nous faut regarder — C’est comme ça — Si tu revenais — Le Pendu.

(*Chansons inédites, CD Barclay 4954 LC 00126)

Filmographie ÇA DEVIENT UN CINÉMA

ACTEUR

1956 : La Grande Peur de Monsieur Clément, court métrage de Paul Deliens, musique de Jacques Brel (avec Jean Negal, etc.).


1962 : Petit Jour, court métrage de Jacques Pierre, musique de Jacques Brel et François Rauber (avec Pierre Barouh, Claude Bessy, Olivier Despax, Jean-Luc Godard, Roger Hanin, Anna Karina et Félix Marten).


1967 : Les Risques du métier, d’André Cayatte, musique de Jacques Brel et François Rauber (avec Nadine Alari, Muriel Baptiste, René Dary, Delphine Deysieux, Christine Fabréga, Jacques Harden, Emmanuelle Riva, etc.). Sortie le 20 décembre.


1968 : La Bande à Bonnot, de Philippe Fourastié, musique de Jacques Brel et François Rauber (avec Bruno Crémer, Annie Girardot, Jean-Pierre Kalfon, Armand Mestral, Michel Vitold, etc.). Sortie le 30 octobre.


1969 : Mon oncle Benjamin, d’Édouard Molinaro, musique de Jacques Brel (avec Alfred Adam, Bernard Alane, Bernard Blier, Robert Dalban, Paul Frankeur, Claude Jade, Armand Mestral, Paul Préboist, Rosy Varte, etc.). Sortie le 26 novembre.


1970 : Mont-Dragon, de Jean Valère (avec Carole André, Paul Le Person, Pascal Mazzotti, Françoise Prévost, Catherine Rouvel, etc.). Sortie le 16 décembre.


1971 : Les Assassins de l’ordre, de Marcel Carné (avec Jean-Roger Caussimon, Charles Denner, Boby Lapointe, Michel Lonsdale, Paola Pittagora, Catherine Rouvel, etc.). Sortie le 5 mai.


1972 : L’aventure c’est l’aventure, de Claude Lelouch (avec Nicole Courcel, Charles Denner, André Falcon, Charles Gérard, Johnny Hallyday, Aldo Maccione, Lino Ventura, et la participation d’Yves Robert, Gérard Sire et Maddly Bamy). Sortie le 3 mai.


1972 : Le Bar de la Fourche, d’Alain Levent, musique de Jacques Brel (avec Gabriel Jabbour, Isabelle Huppert, Bernard Lajarrige, Rosy Varte, etc.). Sortie le 23 août.


1973 : L’Emmerdeur, d’Édouard Molinaro, musique de Jacques Brel et François Rauber (avec Caroline Cellier, Jean-Pierre Darras, Lino Ventura, etc.). Sortie le 19 septembre.

NB : Jacques Brel apparaît aussi en 1976 (pour chanter Ne me quitte pas, assis à une table de bistrot) dans le film de Denis Héroux, Jacques Brel Is Alive and Well and Living in Paris, avec Joe Masiel, Mort Shuman et Elly Stone. Sortie le 28 janvier.

RÉALISATEUR (ET ACTEUR)

1972 : Franz, musique de Jacques Brel et François Rauber (avec Barbara, François Cadet, Danièle Évenou, Simone Max, Fernand Fabre, Louis Navarre, Serge Sauvion, etc.). Sortie le 2 février.


1973 : Le Far West, musique de Jacques Brel et François Rauber (avec France Arnelle, Danièle Évenou, Gabriel Jabbour, Arlette Lindon, Simone Max… et nombre d’amis de l’auteur : Édouard Caillau, Charles Gérard, Juliette Gréco, Claude Lelouch, Michel Piccoli, Lino Ventura, etc.). Sortie le 15 mai.

Bibliographie ON N’OUBLIE RIEN

La bibliographie de Jacques Brel compte des dizaines de titres parus depuis 1964. Une quantité faramineuse d’ouvrages qui ne dérive pas du seul opportunisme médiatique, loin de là : l’intérêt porté à l’auteur du Plat Pays et des Marquises repose sur un réel besoin ; une curiosité, voire une fascination, mise en lumière, parfois avec grand talent, à travers des genres allant de la biographie au simple témoignage, en passant par la bande dessinée, l’analyse textuelle et musicale. À l’occasion du mémorable dossier du n° 25 de Chorus, nous avions tenté, en 1998, le pari de l’exhaustivité. Dix ans plus tard — nouvelles parutions aidant pour les trente ans de la disparition de l’artiste —, nous proposions dans le n° 65 une sorte de guide brélien du « chansonnard ». Un tamis destiné, bien sûr, aux inconditionnels du Grand Jacques, mais surtout à ceux souhaitant séparer le bon grain de l’ivraie, pour mieux comprendre l’importance de notre homme dans l’histoire du music-hall et, de façon plus générale, dans celle du XXe siècle. On peut toujours s’y référer, sachant que l’on se limitera ici, classés par ordre chronologique, aux ouvrages essentiels et à ceux qui se rapportent peu ou prou, biographies de référence et témoignages divers, au « voyage au bout de la vie » de Jacques Brel.


BAMY Maddly, Tu leur diras, Éditions du Grésivaudan, 1981.

BERRUER Pierre, Jacques Brel va bien. Il dort aux Marquises, Presses de la Cité, 1983.

TODD Olivier, Jacques Brel, une vie, Robert Laffont, 1984.

PARRISH Prisca, Jacques Brel, l’Homme et la Mer, Plon, 1993.

ROBINE Marc, Grand Jacques, Le Roman de Jacques Brel, Anne Carrière/Chorus, 1998.

THOMAS Paul-Robert, Jacques Brel : « J’attends la nuit », Le Cherche Midi, 2001.

PRZYBYLSKI Eddy, Jacques Brel, La Valse à mille rêves, L’Archipel, 2008.

LEMESLE Claude, Plume de stars, 3 000 chansons et quelques autres, L’Archipel, 2009.

MAROUANI Charley, Une vie en coulisses, Fayard, 2011.

LECORDIER Serge, Hanakéé, la baie des traîtres. Parcours d’une vie aux Marquises, L’Harmattan, 2012.


L’auteur recommande également les ouvrages suivants :

Jacques Brel, Jean CLOUZET, Seghers, coll. « Poètes d’aujourd’hui », 1964 (réédité sous le titre De Bruxelles à Amsterdam, Seghers, coll. « Poésie et chansons », 1987, puis en 2003 dans une version augmentée par Angela Clouzet).

Cent pages avec Jacques Brel, Dominique ARBAN, Seghers, 1967.

Jacques Brel, Chansons, Bruno HONGRE, Paul LIDSKY, Hatier, coll. « Profil d’une œuvre », n° 52, 1976.

Brel, Le Livre du souvenir, Martin MONESTIER, Tchou, 1979.

Quitte à me tromper, Entretiens avec Jacques Brel, Henry LEMAIRE, Éd. Rossel & Cie, Bruxelles, 1988.

Brel, France BREL, André SALLÉE, Solar, 1988.

Jacques Brel, Une œuvre, Patrick BATON, Labor, Bruxelles, 1990.

Brel, Julos BEAUCARNE, Acropole, 1990.

Pierre Brel, le frère de Jacques, Thierry DENOËL, Le Cri, Bruxelles, 1993.

Jacques Brel, Chant contre silence, Stéphane HIRSCHI, Librairie Nizet, 1995.

Jacques Brel, le rêve en partage, Éric ZIMMERMANN, photos de Jean-Pierre Leloir, Didier Carpentier, 1998.

Brel à Bruxelles : le guide du Bruxelles de Jacques Brel, Eddy PRZYBYLSKI, Le Roseau Vert, Bruxelles, 2002.

Brel, Brassens, Ferré : Trois hommes dans un salon, François-René CRISTIANI, Jean-Pierre LELOIR, Fayard/Chorus, 2003.

Brel, vivre debout, Jacques VASSAL, Hors-Collection, 2003 (version revue et augmentée de Jacques Brel, De l’Olympia aux Marquises, Seghers, coll. « Club des Stars », 1988), puis réédition « remaniée, réactualisée et augmentée », 2013.

Sur les pas de Jacques Brel, Michel QUINT, illustrations de Philippe Lorin, Presses de la Renaissance, 2008.

Brel par Leloir, Jean-Pierre LELOIR, Éditions Fetjaine, 2008.

Jacques Brel, L’éternel adolescent, Serge LE VAILLANT, Textuel, 2008.


NB : La première édition des textes et chansons de Jacques Brel a été publiée en 1982 chez Robert Laffont, sous le titre Jacques Brel, Œuvre intégrale. Puis une « nouvelle édition complétée et corrigée » est parue en 1998, en format poche.

Remerciements ALLONS, IL FAUT PARTIR

Avant de mettre un point final au récit de ce voyage au bout de la vie, je veux remercier d’abord et surtout Maddly Bamy, qui n’a pas hésité à partir en n’emportant « que son cœur » et dont le témoignage, livré « à chaud », reste évidemment essentiel. Je remercie vivement tous ceux qui ont contribué d’une façon ou d’une autre à sa réalisation, et notamment : Guy Béart, Jean-Bernard Bonzom, Jean-Michel Boris, Louis et Maïma Bresson, Paulette Caussimon et ses enfants Céline et Raphaël (outre Le Castor Astral et Saravah), Bernard Chabbert, Jean Corti, Jean-Michel Deligny, Alex W. Du Prel, Leny Escudero, Valérie Fromont, Michel Gauthier, Georges Gramont, Renaud Jeune (alias Erwens), Gérard Jouannest, Serge Lecordier, Jean-François Lejeune, Claude Lemesle, Gérard Manset, Alain Marouani, Charley Marouani, Antoine Muraccioli, Patrick Printz, Guy Rauzy, Thierry Reims, Jean Saucourt, Pierre Schuller, Bernard Serf (et la famille de Barbara), Alain Souchon, Sally Tanselle, Peter et Gustaf Wittevrongel, de même que nombre d’habitants d’Hiva Oa (dont les sœurs et d’anciens professeurs du collège Sainte-Anne) et de Nuku Hiva. Je tiens aussi à saluer la mémoire de Philippe André, Marc Bastard, Pierre Berruer, Chantal Brel, Pierre Brel, Jean-Pierre Leloir, Pierre Onténiente (dit Gibraltar), François Rauber, Marc Robine et Paul-Robert Thomas.

J’exprime également ma gratitude à la famille de Jacques Brel en général, à Bruno Brel et à France Brel en particulier, ainsi qu’aux Éditions Jacques-Brel de Bruxelles qui possèdent l’entier copyright de la plupart des chansons dont je cite ici de courts extraits. Merci, d’autre part, pour leur amicale complicité, à mes éditeurs de L’Archipel (au nom prédestiné pour un ouvrage se déroulant, pour l’essentiel, dans celui… des Marquises !). Merci enfin, et « infiniment », à Mauricette Hidalgo pour… tout ; ne serait-ce que pour son aide précieuse en amont et en aval de cet ouvrage, au reportage et à l’enquête qui l’ont précédé, puis à sa mise en forme typographique.

À tous, ainsi qu’aux journalistes qui nous ont accompagnés avec talent et passion pendant trente ans à faire Chorus (et Paroles et Musique), à nos anciens lecteurs aussi, j’adresse les vœux que le Grand Jacques formulait lui-même l’année où il allait jouer L’Homme de la Mancha à la scène avant de l’incarner si bien à la ville… ou plutôt dans les îles, aux Marquises :

Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir,

et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns.

Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer,

et d’oublier ce qu’il faut oublier.

Je vous souhaite des passions.

Je vous souhaite des silences.

Je vous souhaite des chants d’oiseaux

au réveil et des rires d’enfants.

Je vous souhaite de résister à l’enlisement,

à l’indifférence, aux vertus négatives de notre époque.

Je vous souhaite surtout d’être vous.

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