Chapitre XIV

Les quatre voitures filaient tous phares allumés dans les lacets du Sunset Boulevard. En tête, une vieille Cadillac noire aménagée en corbillard, ensuite la Dodge conduite par Albert Mann où avait pris place Malko, enfin, deux voitures du FBI.

Daphné La Salle reposait dans une alvéole du Westwood Cemetery. La cérémonie n’avait pas duré dix minutes. Cet enterrement à la sauvette sous ce ciel radieux avait quelque chose d’irréel. Malko était partagé entre la tristesse et la rage. De temps en temps, une des voitures qui croisait le petit convoi allumait ses phares un court instant, par déférence. Cela rappelait à Malko un autre jour à Los Angeles où des centaines de milliers de Californiens roulaient en plein jour, avec leurs phares, en hommage à Robert Kennedy.

— Elle a été assassinée, dit-il. Albert Mann hocha la tête.

— Très probablement, mais nous ne possédons aucune preuve. N’oubliez pas que le coroner a délivré un permis d’inhumer mentionnant que la cause de la mort était le suicide…

Les yeux dorés de Malko avaient foncés jusqu’à être verts. Mauvais signe.

— Pourquoi ne pas secouer sérieusement Gene Shirak où Jill Rickbell ?

— Parce que nous sommes en démocratie, soupira Albert Mann. Et que nous préférons ne pas mêler la police locale à cette histoire. Vous allez agir, vous.

— Mais comment ? protesta Malko. Nous sommes en plein brouillard. Je ne suis même pas sûr que Gene Shirak lui-même soit coupable. Il faudrait leur faire peur.

Ils avaient atteint Beverly Hills et roulaient un peu plus vite. Le chauffeur du corbillard avait hâte de rentrer.

— J’ai une nouvelle pour vous, dit Albert Mann. Depuis deux jours Gene Shirak a un nouveau jardinier. Un Navajo, comme celui qui a été trouvé au Mexique…

— Et alors ?

— Alors, fit Albert Mann, je crois que c’est le commencement de la fin. Si nous avions pu, c’est nous qui l’aurions mis là, ce Navajo. Pour jouer le rôle de la chèvre dans la chasse au tigre…

— Nous avons affaire à des adversaires aux abois, pressés par le temps, j’en suis sûr maintenant. Sinon, ils n’auraient pas commis de meurtres. Cela va encore s’accélérer car ce Navajo, ils le veulent…

— Mais pourquoi, bon sang !

— Je n’en sais rien. Mais ils vont faire du forcing. Gene Shirak a peut-être un rôle, mais derrière, il y a des vrais professionnels. C’est ceux-là que nous voulons. Cela ne servirait à rien de boucler Shirak et Jill Rickbell. Récapitulez :

— Nous ne savons même pas où et pourquoi a été tué Zuni le Navajo.

— Nous n’avons pu relier la tentative de meurtre sur vous à aucun des personnages de cette histoire.

— Et officiellement, Daphné La Salle s’est suicidée.

— Sur le plan légal, nous sommes pieds et poings liés. Mais rien ne vous empêche, vous, de demander à miss Jill Rickbell où Daphné se trouvait le soir de sa mort et avec qui…

Le corbillard continuait tout droit sur le Sunset et Albert Mann tourna dans le driveway du Beverly Hills. Malko réfléchissait. L’Américain avait raison, hélas.

— Je vais aller voir Jill Rickbell, dit-il sombrement. Malko avait dans sa ceinture le colt 38 offert par Albert Mann. Il ne voulait plus prendre aucun risque. On mourait trop à Los Angeles – la Cité des Anges.

Il avait décidé de débarquer chez Jill Rickbell sans crier gare, même s’il devait l’attendre toute la nuit. Elle finirait bien par rentrer. Et la surprise était un bon atout.

Tout le rez-de-chaussée de la villa était éclairé. La Cadillac blanche et la Corvette rouge se trouvaient dans le driveway. Malko gara la Mustang derrière et appuya sur le bouton de la sonnette.

« Darling » Jill ouvrit elle-même. Malko ne vit aucune peur dans ses yeux, seulement de la surprise, et très vite une lueur amusée.

— Pourquoi n’avoir pas téléphoné ? demanda-t-elle espièglement. Vous vouliez me surprendre ?

— C’est un peu cela, dit Malko en entrant. L’attitude de « Darling » Jill ne collait pas du tout avec ses hypothèses.

La jeune femme était vêtue d’un curieux pantalon de cuir marron, fermé comme une barboteuse par des lanières, avec un chemisier de soie rouge. Un bandeau dans ses cheveux lui donnait l’air très sage. Mais elle ne portait aucun dessous comme à son habitude.

Malko alla s’asseoir sur le grand canapé de velours noir.

Moulée dans son pantalon de cuir, « Darling » Jill était extrêmement désirable. Comme la vie était mal faite. Elle lut dans le regard de Malko car elle se rapprocha soudain de lui.

— Je suis heureuse de vous voir.

Malko prit la main aux doigts couverts de bagues et la baisa. Il n’avait pas envie de dire ce qu’il avait à dire.

— Je ne suis pas venu ici pour cela, dit-il.

Le visage de madone s’assombrit, une lueur inquiète passa dans ses yeux.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Malko plongea dans les siens ses yeux dorés.

— Daphné La Salle est morte. Quelques heures après avoir passé la soirée avec vous.

Jill détourna les yeux. Mais sans aucune peur.

— Je… je sais, dit-elle. Je l’ai lu dans les journaux. Je suis désolée. C’était votre amie, n’est-ce pas ?

— C’était mon amie, dit Malko. Et je voudrais savoir comment elle est morte.

Jill baissa la tête.

— Je sais, j’aurais dû vous téléphoner, mais je n’aime pas parler de mort. Cela me faisait peur. Je ne sais pas pourquoi. Daphné s’est suicidée. Elle est partie longtemps avant moi. Je me suis réveillée à six heures du matin.

Malko soupira :

— Jill, Daphné La Salle ne s’est pas suicidée. Elle a été assassinée. Quelqu’un lui a fait prendre à son insu une forte dose de somnifères. Vous étiez là. Donc vous êtes complice d’un meurtre. Voilà ce que je voulais vous dire.

— Vous plaisantez ! dit Jill. Il n’y avait que Seymour, Gene, Patricia et moi.

— Où ?

— Je… Je préfère ne pas vous le dire. Cela n’a aucune importance d’ailleurs.

Malko la sentait ennuyée, mais pas vraiment inquiète. Ou il n’avait plus aucune psychologie, ou elle n’était pour rien dans la mort de Daphné.

Ce qui semblait impossible.

« Darling » Jill sourit gentiment et dit :

— Je comprends que vous ayez de la peine, mais il ne faut pas aller imaginer des choses pareilles. Pourquoi voulez-vous qu’on tue Daphné…

Elle renifla, sincère :

— C’était une fille formidable…

Malko sentit que c’était le moment de la prendre à contre-pied.

— Il n’y avait aucune raison non plus de tuer Zuni, le Navajo.

« Darling » Jill resta la bouche ouverte, puis la terreur tordit son joli visage, la rendant laide. Une fine sueur froide apparut sur son front. Ses oreilles bourdonnaient, elle était au bord de la syncope.

Les yeux dans le vide, elle se leva et balbutia :

— Partez, partez tout de suite. Ou j’appelle la police. Malko ne broncha pas.

— Je ne partirai pas avant de savoir le nom de l’assassin de Daphné, dit-il calmement, même si c’est vous, Jill.

Il crut qu’elle allait piquer une crise de nerfs, là sous ses yeux. Elle se tordit les mains, baissa sur lui des yeux horrifiés, comme si elle découvrait une chose immonde, effroyable :

— Mais qui êtes-vous ? demanda-t-elle d’une voix suppliante. Pourquoi dites-vous toutes ces choses horribles ? Partez, partez !

Sa voix monta hystériquement. Malko s’efforçait de rester froid : cette fois, il avait tapé dans le mille. Jill avait peur, peur de quelque chose qu’il ignorait. Il était au bord de la réussite.

— Je me moque du Navajo, répéta-t-il. Mais je veux savoir qui a tué Daphné et je le saurai.

Un chaos de pensées assaillit Jill. Malko se leva et elle crut qu’il allait la prendre par le bras pour l’emmener Dieu sait où ; elle recula, trébucha et hurla en tombant sur le tapis.

Un grondement lui répondit, venant de la pièce du fond ; Jill se releva, les yeux brillants de haine, courut à la porte et l’ouvrit.

Sun, le Cheetah, bondit dans la pièce et vint s’étirer aux pieds de sa maîtresse ; Malko resta cloué sur le canapé de velours, un frisson désagréable dans la colonne vertébrale ; le fauve s’était assis en face de lui et ne le quittait pas des yeux.

— Je comprends maintenant comment est mort Zuni, dit-il. Pourquoi l’avez-vous tué, Jill ?

— Je ne l’ai pas tué !

Rassurée par la présence de Sun, elle avait repris un peu d’assurance. Mais tout s’effondra lorsque Malko reprit :

— Il va falloir vous expliquer sur beaucoup de choses, Jill… Qui couvrez-vous, si vous n’êtes pas coupable ? Vous allez venir au FBI avec moi. – Dites à cette bête de se tenir tranquille.

Le Cheetah gronda et la phrase de Gene fulgura dans la tête de Jill : ils tueront Sun et te mettront en prison. Quelque chose bascula dans sa tête. Lorsqu’elle regarda Malko, ses yeux fous lui firent peur. Instinctivement, il posa la main sur la crosse du 38.

— Foutez le camp, fit-elle d’une voix basse et sifflante ou je lâche Sun.

Le Cheetah se leva, gronda, fit le tour de la table et s’arrêta en face de Malko, aplati contre la moquette la gueule entrouverte. Ses babines retroussées laissaient apercevoir ses crocs blancs. Les yeux jaunes ne quittaient pas Malko. Son arrière-train ondulait légèrement.

Il se préparait à bondir.

Très lentement, pour ne pas effrayer le fauve, la main de Malko releva le chien du pistolet, caché par la veste. Il avait affreusement peur.

— Jill, dit-il, même si votre Cheetah m’égorge, cette fois, vous ne vous en tirerez pas.

— Ce n’est pas vous qui m’attraperez, cria-t-elle d’une voix aiguë.

Au son de sa voix, Sun baissa les oreilles et s’aplatit encore plus. Ses yeux jaunes n’étaient plus que deux lignes invisibles.

Malko s’était rarement trouvé dans une position aussi inconfortable. De la main gauche, il attira à lui un des gros coussins de velours du divan.

Jill recula lentement jusqu’à la porte. Malko esquissa un mouvement et s’arrêta net. Le Cheetah allait bondir. Il s’en fallait d’une fraction de seconde. Retenant sa respiration il se rassit.

Jill avait atteint la porte.

— Jill, appela Malko. Revenez.

Pour toute réponse, la pièce fut plongée dans l’obscurité et la porte claqua.

Malko se trouvait seul dans le noir avec le fauve.

Sun feula : il avait peur. Malko ne le distinguait pas mais sentit qu’il allait bondir. D’une détente désespérée, il se laissa tomber par terre, sortant son pistolet…

Dehors il entendit le rugissement du moteur de la Cadillac.

Presque aussitôt, il y eut un choc sourd à l’endroit où se trouvait Malko une seconde plus tôt. Il entendit nettement les griffes s’enfoncer dans le velours du canapé. La tête du Cheetah se trouvait juste au-dessus de lui et il pouvait sentir son souffle chaud.

Au jugé, il étendit le bras et tira, le pistolet touchant presque la fourrure.

Le Cheetah poussa un grondement déchirant et bondit en arrière. Malko ignorait s’il l’avait touché gravement ou non. Il resta accroupi derrière le canapé. Sun feulait doucement.

Tapi entre lui et la porte, le fauve lui interdisait toute sortie.

Malko décida de tenter le tout pour le tout. Se guidant au bruit, il étendit le bras et tira, très vite, trois fois.

Les détonations l’assourdirent complètement. Ensuite il tendit l’oreille. Le fauve ne faisait plus aucun bruit. Ou il était mort, ou il attendait, dans le noir, pour bondir sur Malko dès que celui-ci bougerait.

Mais il ne pouvait attendre indéfiniment. Il attrapa un des coussins. C’était une médiocre protection, mais cela valait mieux que rien.

Il se releva et, contournant le canapé, avança lentement vers la porte.

Les secondes les plus longues de son existence.

Il atteignit le bouton de la porte sans aucune réaction du Cheetah. Jamais, il n’avait ouvert aussi vite une porte. Ce n’est que le battant refermé qu’il réalisa que son cœur faisait des bonds dans sa poitrine.

Bien entendu la Cadillac blanche avait disparu. Malko monta dans sa Mustang et fonça au Beverly Hills. Il fallait retrouver Jill avant celui ou celle qui avait tué Daphné. Albert Mann et le FBI allaient enfin pouvoir intervenir.


* * *

« Darling » Jill n’arrêtait pas de trembler. Elle s’était arrêtée dans un « liquor store » pour acheter une bouteille de White Label. Elle était déjà à moitié vide. Jill roulait sur le San Diego Freeway, vers le sud. Sa première idée était de se réfugier au Mexique.

Puis, elle pensa soudain que la police surveillerait la frontière. Elle revit l’homme blond et Sun, face à face, étouffa un sanglot. Sun était peut-être mort maintenant. Elle se sentit seule et désemparée, sortit du Freeway, s’arrêta à une station Standard et courut à la cabine téléphonique. Elle composa le numéro de Gene chez lui, raccrocha avant que l’answering service lui demande son nom.

Ses jambes tremblaient. Elle crut qu’elle allait s’évanouir. Un petit motel se trouvait de l’autre côté du boulevard. Jill laissa sa voiture à la station, traversa, paya douze dollars et s’étendit toute habillée sur un lit, après avoir donné un faux nom.

Épuisée, elle s’endormit immédiatement.

« Darling » Jill se réveilla en sursaut, et regarda sa montre. Une heure dix. La bouche pâteuse, elle contempla d’abord les murs peints en vert, se demandant où elle était.

Tout lui revint d’un coup. Elle éprouva une violente nausée et se précipita vers le lavabo ; après avoir vomi, elle sortit et l’air frais lui fit du bien. Titubant, elle s’affala dans la Cadillac, mit en marche et regagna le Freeway, direction nord ; elle venait d’avoir une idée pour se cacher : la garçonnière de Seymour ; ce dernier était à New York pour quelques jours et la seule personne qui pourrait la déranger serait Gene Shirak.

Celui qu’elle voulait voir. « Darling » n’arrivait pas à croire que Daphné ait été assassinée. Ce n’était ni Seymour, ni Patricia, ni elle. Donc, ce ne pouvait être que Gene.

— Impossible !

Mais il fallait qu’il la rassure et surtout qu’il la sorte du pétrin…

Le Freeway était désert et une heure plus tard, elle stoppa devant la villa de Seymour. Après avoir garé la Cadillac dans le garage, elle fit le tour et pénétra dans la maison en utilisant la clef qui se trouvait au-dessus de la porte de la cuisine.

Tout était silencieux et elle frissonna. Après avoir exploré toutes les pièces de la maison, elle s’assit près du téléphone et commença ses recherches, la bouteille de White Label près d’elle.

Gene n’était toujours pas chez lui ; lorsqu’elle reconnut la voix de Joyce, Jill raccrocha précipitamment.

Ensuite, elle essaya sans succès toutes les boîtes de Beverly Hills : le Daisy, la Factory, le Candy store. Personne n’avait vu Gene Shirak ; partout, elle fit dire au producteur d’appeler d’urgence chez Glen : le nom d’emprunt de Seymour, sans donner le numéro.

Puis, après avoir lampe une bonne gorgée de whisky, au goulot, elle s’installa dans un fauteuil et regarda le Late Late Show sur le canal 7.

Pour ne pas penser.


* * *

L’agent du FBI qui surveillait la villa de Gene Shirak, dissimulé dans une camionnette arrêtée sur Sunset, sursauta lorsqu’on ouvrit la portière : il somnolait.

Albert Mann le regarda sévèrement, ravala un reproche et demanda :

— Rien de spécial ?

— Rien. Il n’est pas rentré et personne n’est venu. Je reste ?

— Bien sûr…

Ce n’était pas une sinécure, une planque à Beverly Hills. Tout stationnement étant interdit dans ce quartier résidentiel, il fallait simuler un véhicule en panne. Bien entendu, le téléphone de Gene Shirak était surveillé et le FBI avait réussi à cacher dans le jardin deux micros directionnels. Mais ce n’était pas suffisant.

Albert Mann regagna la Dodge où Malko l’attendait.

— Rien de ce côté-ci, annonça-t-il.

Depuis neuf heures du soir, ils cherchaient « Darling » Jill. Une demi-heure après la fuite de la jeune femme, Malko était retourné à la villa avec Albert Mann et quatre hommes de la Bel Air Patrol, dont l’un était armé d’une carabine 30/30. Mais sa présence avait été inutile : Sun gisait mort sur le côté, au milieu du living. Une des balles de Malko lui avait fait éclater le cerveau.

Les six hommes étaient repartis après avoir chargé le cadavre du fauve dans une camionnette du shérif.

— Je ne peux même pas lancer un avis de recherches, avait expliqué Albert Mann à Malko. Il n’y a aucun délit caractérisé. Il faut la retrouver par nos propres moyens…

— Dans ce pays, quand un homme en tue un autre à bout portant devant cinquante témoins, c’est déjà toute une comédie pour obtenir une inculpation de meurtre. Alors votre histoire… Pour peu qu’elle prétende que vous avez voulu la violer, c’est vous qui vous retrouverez en prison…

C’est beau la démocratie…

Depuis, ils cherchaient. Gene Shirak, lui aussi, était invisible ; impossible de joindre Patricia ni Seymour. Chaque heure qui passait diminuait les chances de retrouver Jill vivante.

Malko rongeait son frein dans la Dodge.

— Allons nous coucher, s’il y a du nouveau, on nous préviendra, proposa Albert Mann.

— Je ne vais pas me coucher, dit Malko, pas tant que je n’aurai pas trouvé Gene Shirak. Je vais faire le tour des boîtes. Il est bien quelque part…


* * *

Le téléphone fit sursauter Jill, qui s’était endormie. Elle mit plusieurs secondes à décrocher. La voix de Gene Shirak la réveilla complètement.

— Qu’est-ce que tu fous là ?

Gene essayait vainement d’entrer au « Candy store » bourré comme toujours, lorsque le gorille de l’entrée lui avait transmis le message. Il venait de passer quatre heures agréables avec une jeune starlette très désireuse de tourner et avait presque réussi à oublier ses ennuis. La voix de Jill le replongea en plein cauchemar. Heureusement qu’il téléphonait d’une cabine publique.

— J’ai besoin de toi, fit Jill. Tu m’as mise dans la merde, tu vas m’en sortir.

Elle lui raconta succinctement la visite de Malko. Le producteur crut qu’il allait exploser comme un ballon trop gonflé.

Il jurait à voix basse. C’était le bouquet. Soudain « Darling » Jill éclata en sanglots.

— Sauve-moi, Gene, sauve-moi ! Dis, tu n’as pas tué Daphné ?

Dans la vie pratique, Jill avait l’âme d’une enfant de douze ans. Gene Shirak se sentit soudain horriblement fatigué.

— Mais non, je n’ai pas tué Daphné, affirma-t-il, rassurant. Reste chez Seymour. Je viendrai plus tard. Là-bas, personne ne viendra te chercher.

— Tu crois ? demanda anxieusement Jill.

— Je te promets. À tout à l’heure.

Il raccrocha et sortit de la cabine. Rêvant à ses futurs contrats, la petite starlette brune attendait sagement dans la Continental. Gene secoua la tête. Il était assis sur un baril de dynamite.

Se ravisant, il rentra dans la cabine, composa le numéro de l’answering service d’Erain. Celui qu’il ne devait utiliser qu’en cas d’extrême urgence.

S’il n’y avait pas urgence, il était le pape.

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