CHAPITRE XVII

Malko remit le micro en place, de l’eau dans le seau et la bouteille dedans. Puis il sonna.

Le garçon chinois frappa à la porte quelques minutes plus tard.

— Vous pouvez ôter le champagne, fit Malko.

Ostensiblement, il tenait sa clé à la main et sortit tout de suite après le garçon pour s’arrêter devant les ascenseurs. Dès que ce dernier fut passé, il courut jusqu’à sa chambre, rouvrit sa porte et alla se dissimuler dans la grande penderie.

Au bout d’une dizaine de minutes, on frappa à la porte. Puis, presque aussitôt, Malko l’entendit s’ouvrir et se refermer. Quelqu’un était entré. Il retint son souffle. À travers la porte de la penderie entrouverte il entendit des frôlements légers, des heurts, le bruit de ses pas étant étouffé par l’épaisse moquette, il sortit tout doucement.

Le garçon d’étage était à quatre pattes devant le divan, tournant le dos à Malko. Celui-ci s’approcha et envoya un robuste coup de pied dans les reins offerts.

L’autre s’aplatit avec un cri de douleur. Déjà Malko le relevait par le col de sa veste. Sans lui laisser le temps de respirer, il lui asséna deux manchettes sur les carotides.

Le Chinois eut un hoquet et s’affala dans le fauteuil. Pour éviter une feinte, Malko lui envoya encore un coup dans le plexus solaire. Il avait appris le close-combat à l’école très spéciale de San Antonio, au Texas, mais s’en servait rarement, abhorrant la violence.

Une minute plus tard, le Chinois entrouvrit les yeux et voulut se lever. Malko lui mit le micro sous le nez :

— C’est ça que vous cherchiez ? Le Chinois bredouilla :

— Je ne comprends pas, sir. Pourquoi m’avez-vous frappé ? Je me plaindrai à la direction…

Sa voix n’était pas très assurée. Malko le gifla deux fois. Il voulut se lever mais Malko, déchaîné, le prit à la gorge :

— Qui vous a dit de mettre ce micro ?

Il se recroquevilla, mais ne répondit pas.

La tête baissée, les yeux à demi fermés, le Chinois se transformait en minéral. Malko lâcha son cou et lui asséna deux nouvelles manchettes.

— Qui vous a donné ce micro ? Le Chinois secoua la tête :

— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, Sir. Je me plaindrai. Laissez-moi partir.

Il mentait si visiblement que Malko vit rouge. Par lui, il y avait une chance de remonter jusqu’à ceux qui avaient accompli tous les derniers meurtres et menaçaient Po-yick.

— On va voir si vous allez continuer à mentir, fit Malko.

Bloquant le bras droit du Chinois par un arm-lock, il le fit traverser la chambre. D’une manchette à la nuque, il l’étourdit quelques instants, le temps d’ouvrir la fenêtre. Un air frais balaya la chambre. En face se dressait la masse imposante et grise, hérissée de barbelés, de la Bank of China.

Vingt-deux étages plus bas, les voitures sur Connaught Road semblaient minuscules. La paroi lisse du building donnait le vertige.

Saisissant le Chinois par les cheveux, Malko le releva, et, le traînant à la fenêtre, fit basculer son corps dans le vide jusqu’à la taille, une main accrochée à la ceinture de son pantalon pour le retenir. Le garçon reprit instantanément conscience et hurla devant le vide. La tête en bas, il tentait désespérément de se rattraper à la paroi lisse du building.

Malko appuya sur la nuque du Chinois.

— Qui vous donne les ordres ? cria-t-il. Pas de réponse.

Sa main lâcha la nuque et le garçon plongea de quelques centimètres dans le vide. Sa vie était suspendue à la ceinture de son pantalon.

Cette fois son hurlement retentit jusqu’au terrain de cricket, quatre-vingts mètres plus bas, et quelques joueurs levèrent la tête. Mais il en fallait plus pour déranger une partie de cricket.

I talk, I talk, glapit le Chinois.

Malko le remonta un peu, pas assez cependant pour qu’il puisse s’appuyer au rebord de la fenêtre. Le visage congestionné, il reprit son souffle, et bredouilla :

— Je ne sais rien, la police, call the police…

— La police c’est moi, fit Malko. Quand elle viendra vous serez déjà mort en bas.

Lentement, il le laissa glisser à l’extérieur. Le Chinois poussait des cris insupportablement aigus, mais ne se débattait presque pas, sentant que la ceinture de son pantalon pourrait lâcher.

Malko était à la limite de ses forces, se retenant d’une main à la fenêtre. La sueur dégoulinait dans ses yeux, il n’allait plus pouvoir le retenir longtemps. Au même moment, le pantalon craqua.

Le Chinois poussa un cri insoutenable. C’était maintenant une question de millimètres.

I talk, I talk, hurla le garçon.

L’intonation de sa voix était bien différente. Mais Malko se méfiait.

— Parlez d’abord.

— Remontez-moi, supplia le garçon.

Malko abandonna un millimètre et il y eut un nouveau craquement. Le Chinois hurla :

— C’est Wong-lu, de la réception.

— Qu’est-ce qu’il a fait ?

— Il m’a dit de mettre le champagne tous les jours avec l’objet noir.

Soudain, Malko eut une inspiration.

— Et la fille, celle qui est venue tout à l’heure ?

— La fille, répéta Malko.

— Ils m’ont forcé ! hurla le Chinois. Remontez-moi, je vous en supplie, remontez-moi.

Malko avait une crampe dans le bras gauche et ne savait même pas s’il allait pouvoir remonter le Chinois. Ce dernier dut le sentir, car il glapit :

— Vite, vite, je vais tomber. Vite…

Malko ne l’entendait plus. Brusquement il se sentait affreusement vide et froid. Ainsi Po-yick… Son pressentiment était justifié.

Le Chinois se débattait comme un chat électrocuté, sans souci de sa vie, griffant le mur, se cognant le visage. En bas, un groupe de gens s’était rassemblé et montrait la fenêtre du doigt. L’homme suspendu dans le vide hurlait comme une sirène, fou de peur.

Malko avait une furieuse envie de le voir mourir. Il suffisait d’ouvrir la main, mais l’atavisme fut le plus fort. Centimètre par centimètre, il commença à remonter le corps. Il n’en pouvait plus, s’il s’arrêtait, même une seconde, il lâcherait. Enfin, le Chinois bascula à l’intérieur et tomba sur le sol. Étendu sur le dos, il respirait faiblement. Il avait trois ongles arrachés à la main droite, transformée en moignon sanglant, à force de s’accrocher au ciment du mur. L’arête de son nez était râpée jusqu’à l’os et saignait abondamment. Son corps était agité d’un tremblement convulsif.

On frappa des coups violents à la porte de l’appartement. Encore titubant Malko alla ouvrir.

C’était le colonel Whitcomb, entouré de plusieurs hommes, Blancs et Chinois. Jamais Malko n’aurait pensé qu’il réagirait si vite. Il avait dû traverser le bras de mer en hélicoptère.

L’Anglais avait le visage grave et Malko comprit aussitôt.

— Vous avez retrouvé Po-yick ? dit-il. L’Anglais inclina la tête.

— Oui.

— Elle est morte, n’est-ce pas ?

Devant la surprise de l’Anglais, Malko ajouta en s’effaçant pour le laisser entrer :

— Son assassin est ici, vous pouvez l’arrêter.

Le Chinois n’avait pas bougé. Il se laissa passer les menottes sans résister. Whitcomb toussa et dit :

— Je voudrais vous montrer le corps. Comment avez-vous soupçonné cet homme ?

Malko commença son récit comme ils sortaient de l’appartement.

Ils prirent l’ascenseur jusqu’au quatrième. Un peu avant l’entrée de la terrasse, se trouvait une salle de conférence, dont la porte était ouverte. Plusieurs personnes y étaient réunies, déjà bavardant à voix basse, dont des policiers en uniforme. Le colonel Whitcomb désigna à Malko une forme allongée par terre, recouverte d’une couverture.

— Voici la jeune fille en question.

Il se pencha et souleva la couverture. Le visage de la jeune Chinoise apparut, violet, les yeux presque sortis des orbites, écarlate, avec une langue énorme sortant de la bouche. Le cou était bleu, lui aussi. Une ceinture était encore enroulée autour, cachée par un bourrelet de chair.

Le colonel Whitcomb rabattit la couverture sur le visage torturé et se tourna vers Malko sur qui tous les regards convergeaient :

— Elle a été étranglée et violée, dit-il, sans émotion apparente. Elle a encore des lambeaux de peau sous les ongles. Après votre appel, j’ai découvert rapidement qu’elle n’était pas sortie de l’hôtel. Nous avons donc commencé les fouilles immédiatement, trouvé le corps sous cette table de conférence, caché par le tapis.

Malko ne répondit pas. Il était partagé entre l’horreur et une rage indicible. Ce n’était plus une combinaison abstraite entre professionnels. Il avait encore dans les oreilles la voix fraîche de Po-yick lui disant : « I love you. » Bien sûr, elle posait des bombes en papier, mais c’était quand même une petite fille innocente. Il regrettait de tout cœur en ce moment de ne pas avoir lâché le Chinois.

— J’espère que vous collaborerez avec nous, cette fois, dit amèrement Whitcomb.

Les yeux jaunes de Malko avaient viré au vert.

— Je vous donne ma parole que pour l’instant je n’en sais pas plus que vous.

L’Anglais ne cilla pas.

— Je vous donne néanmoins rendez-vous à mon bureau, tout à l’heure, afin d’enregistrer votre déclaration.

Malko quitta la pièce après un dernier regard à la forme sous la couverture.

Le colonel Whitcomb tirait sur sa pipe, enfoncé dans un fauteuil de rotin. Comme au bon vieux temps, un grand ventilateur tournait en grinçant au plafond. Le colonel avait férocement refusé jusqu’à ce jour l’air conditionné, allant jusqu’à saboter les appareils qu’on lui avait installés, chose absolument inimaginable de la part d’un tel homme.

Les mains attachées derrière le dos avec des menottes, les chevilles liées aux pieds d’une lourde chaise, le Chinois assassin de Po-yick était assis en face du bureau du colonel. Deux policiers en chemise se tenaient debout, de part et d’autre de la chaise, armés chacun d’une courte matraque en caoutchouc. Chaque fois que le suspect tardait à répondre il recevait un coup sur l’oreille. Le bureau se trouvait au huitième étage d’un building, tout près du Hilton. Le seul objet non fonctionnel en était un portrait légèrement jauni de la reine Elisabeth.

Assis sur une chaise un peu plus confortable, Malko assistait à l’interrogatoire. Le colonel Whitcomb prit une page, dactylographiée par une secrétaire qui sortait d’un roman d’Agatha Christie, vieille fille marinée dans trente ans d’Extrême-Orient, et relut à voix haute :

— … Vous déclarez donc que, surpris dans votre chambre, le dénommé Yuen Long a avoué le meurtre de la jeune Po-yick, non encore identifiée. Qu’ensuite, accablé par le remords, cet individu a tenté de se suicider en se jetant par la fenêtre et que seule votre intervention a empêché qu’il mette son funeste projet à exécution…

« Il ne reste plus qu’à signer.

Malko signa sans mot dire et le colonel classa le procès-verbal dans le dossier. Puis il reprit l’interrogatoire du prisonnier, ou plutôt son monologue avec lui. En chinois. Mais en dépit des coups de matraque qui pleuvaient sur sa tête et sur son visage qui n’était plus qu’une croûte de sang séché, Yuen Long se contentait d’émettre de temps en temps une protestation aiguë. Au bout d’un quart d’heure, le colonel Whitcomb se leva et donna un ordre en chinois. Aussitôt on détacha les chevilles du prisonnier. Solidement encadré par les deux gardes, il sortit de la pièce. Le colonel et Malko suivirent. L’Anglais, pensif, dit à Malko :

— Il n’y a rien à en sortir par les méthodes normales. Il prétend avoir tué la fille dans une crise de folie pour la violer. Maintenant, il n’en démordra pas. Nous avons interrogé le Chinois qu’il a mis en cause, il nie farouchement. Depuis, celui-ci s’est rétracté. Il dit qu’il ne sait pas ce que c’est que le micro. Il a trop peur.

Whitcomb sourit dans sa pipe.

— Nous allons tenter une dernière expérience, expliqua-t-il.

L’ascenseur s’arrêta au sous-sol. Ils suivirent un couloir mal éclairé et crasseux et entrèrent dans une pièce qui sentait le formol, dont le mur du fond était découpé en casiers.

— Voici notre morgue, annonça l’Anglais. Mais nous sommes encore très mal installés.

Il faisait une température sibérienne et Malko frissonna. Le visage indifférent, le Chinois fixait le mur en ciment. L’un des gardes lui donna un grand coup de pied dans les reins et il heurta son visage meurtri au ciment. Le colonel ignora l’intervention.

Un énorme cercueil de bois blanc était posé par terre, au milieu de la pièce, le couvercle ôté. Malko nota un détail étonnant : quatre trous de la grosseur d’un doigt avaient été percés dans le couvercle. La perceuse était encore à côté.

Deux Chinois en blouse blanche, sur l’ordre de Whitcomb, ouvrirent un des casiers et en sortirent une forme enveloppée dans un plastique transparent. Habilement, ils déroulèrent le linceul et le cadavre de Po-yick apparut. La rigidité cadavérique avait fait son œuvre, ses bras étaient étendus le long du corps, mais le visage arracha une exclamation à Malko. On aurait dit qu’il avait été martelé de coups : tout noir, enflé par facettes, la tête avait pris deux fois sa grosseur normale. La chair du cou, jaune et violette, était entaillée d’une large estafilade.

— Autopsie, expliqua Whitcomb.

Seul signe d’émotion, il tirait plus rapidement sur sa pipe. Malko se rapprocha pour humer le tabac de Virginie, afin d’éviter la nausée qu’il sentait monter.

Soudain, il sursauta : les longs cheveux de Po-yick avaient été coupés au ras du crâne. L’effet était abominable.

— C’est aussi l’autopsie ? demanda Malko. Whitcomb secoua la tête :

— Non, ce sont les petits bénéfices de nos employés municipaux que nous payons très mal, hélas. Les marchands de perruques donnent vingt dollars pour des cheveux longs et dix pour des courts.

Entre-temps, les deux croque-morts avaient étendu Po-yick dans le cercueil, sur le côté. Il était beaucoup trop grand pour elle. Paisible, Whitcomb s’approcha du Chinois et commença à lui parler sur un ton calme, presque badin. Malko commençait à trouver très étrange cette mise en bière. Tout à coup, le Chinois poussa un cri affreux et se débattit.

Aussitôt, les deux gardes tombèrent sur lui à bras raccourcis et à coups de matraque, le poussèrent vers le cercueil, puis le firent basculer dedans. Une seconde, les mains avec les menottes restèrent accrochées au bord du cercueil, jusqu’au moment où un coup de matraque brisa l’index. Yuen Long criait d’une voix aiguë, avec d’horribles soubresauts. Sa tête grimaçante apparut au-dessus du bois, les yeux fous. Vigoureusement, un des croque-morts le rabattit, poussant le visage du Chinois contre l’horrible masque de la morte.

Malko, incapable d’en voir plus, détourna la tête. Il en avait la chair de poule.

Le colonel Whitcomb se gratta la gorge discrètement. Déjà, les deux hommes en blouse blanche vissaient le couvercle du cercueil sans se préoccuper des cris de l’enterré vivant qui faisait trembler le bois de sa prison improvisée.

— Vous allez l’enterrer vivant ? demanda Malko, la voix blanche.

Whitcomb eut un bon sourire :

— Absolument pas. Je le lui ai seulement fait croire. Ces gens sont très primitifs, vous savez, et très superstitieux en ce qui concerne la mort. Cet homme est persuadé que son âme ne trouvera jamais le repos s’il reste ainsi. C’est notre seule chance de le faire parler…

Ses yeux bleus eurent un éclair narquois :

— Vous autres Américains, avez le troisième degré. Ici, nous ne frappons pas beaucoup les prisonniers, d’ailleurs les Jaunes résistent très bien aux souffrances physiques. Si vous saviez l’état des gens que nous récupérons parfois. À Canton, ils les scient en deux, sans rien en sortir.

« Mais cette méthode du cercueil n’est pas facile à appliquer. Si on les laisse trop longtemps, ils deviennent fous ; l’un a même perdu la raison en une heure… une fois. Fâcheux, n’est-ce pas ? Mais si on ne les laisse pas assez longtemps, cela ne fait rien.

Le colonel Whitcomb devait lire Sade en dehors de ses heures de service… Sans commentaire, Malko le suivit hors de la morgue. Des coups sourds sortaient encore du cercueil planté au milieu de la pièce.

— Combien de temps comptez-vous le laisser ? interrogea Malko avant de monter dans l’ascenseur.

— Une dizaine d’heures.

Le téléphone sonna avec insistance dans la chambre de Malko. Celui-ci regarda sa montre : il était trois heures du matin. Le colonel Whitcomb était à l’appareil.

— Le Chinois a parlé, annonça-t-il sans commentaire. Il prétend que ce sont des Chinois travaillant à la Bank of China qui lui ont donné l’ordre de vous surveiller. Il a fouillé votre chambre à plusieurs reprises, avant de mettre le micro-émetteur.

— Mais qui recueillait les émissions ? Le colonel Whitcomb soupira :

— Quelque part, dans l’immeuble de la banque, ils ont une salle d’écoute ultramoderne, l’équivalent de votre consulat. C’est certainement là.

Malko bouillonnait de rage :

— Mais, colonel, coupa-t-il, pourquoi ne faites-vous pas une perquisition dans cette sacrée banque ? C’est là que se trouve le nœud du problème… Vous possédez le témoignage du meurtrier pour les incriminer.

L’Anglais dit du ton avec lequel on morigène un enfant :

— Cher monsieur, si je décidais une telle mesure, dans les dix minutes suivantes quelqu’un de mon service les avertirait. Vous avez vu leurs portes ? Une fois fermées, il faut des canons de char pour en venir à bout. Je ne peux même pas faire poser les hélicoptères sur le toit : ils ont mis des réseaux de barbelés. Je ne parle même pas des complications diplomatiques. C’est le sort de la colonie qui est enjeu… Je ne peux pas toucher à la Bank of China, même s’ils tiraient au bazooka sur le Hilton. C’est tout.

— Sait-on pourquoi il a tué la petite fille ?

— Non. Il en a reçu l’ordre ainsi que cinq mille dollars Hong-Kong, que nous avons retrouvés cachés dans l’office. C’est également eux qui lui ont ordonné de simuler un crime de sadique…

Malko avait envie de raccrocher :

— Autrement dit, laissa-t-il tomber, les gens qui ont fait tuer cette petite fille ne seront jamais inquiétés, et quant au Coral-Sea, il ne reste plus qu’à brûler des cierges en espérant qu’il ne se passera rien…

Le colonel Whitcomb sentit l’amertume de Malko.

— Les choses ne sont pas simples dans ce pays, fit-il. C’est vrai, je suis impuissant. D’ailleurs mes hommes s’épuisent à traquer les poseurs de bombes et n’ont plus le temps de s’occuper des affaires sérieuses.

Malko raccrocha, tout à fait réveillé, puis se leva pour s’accouder à la fenêtre : en face de lui la massive et sombre silhouette de la Bank of China semblait le narguer. Quelque part dans l’énorme bâtisse était le cerveau qui le tenait en échec, aussi inaccessible que s’il s’était trouvé à Pékin.

On avait froidement éliminé tous ceux qui pouvaient entraver leur plan. Il ne comprenait pas pourquoi ils n’avaient pas effectué de nouvelle tentative contre lui. C’eût été facile. Là, était le mystère.

Il se recoucha. Demain serait un autre jour. Si Holy Tong était revenu, il irait se faire acupuncter et tenter de lui tirer les vers du nez. Il était la dernière personne vivante à avoir été mêlée à l’histoire.

Si seulement, il avait su où était le rendez-vous de Po-yick ? De toute façon, l’équipage du Coral-Sea était prévenu qu’il risquait de se produire quelque chose en fin de journée, les hommes étaient consignés à bord.

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