Chapitre quinze

Plus que deux heures avant que le cargo ne quitte l’espace du saut. Deux heures avant d’atteindre Atalia. Une heure avant l’« aube », du moins telle que fixée par l’horloge interne au cargo. Allongé sur son étroite couchette dans ses quartiers étriqués, le colonel Rogero fixait l’entrelacs de câbles et de conduits qui en constituait le plafond.

L’impression qu’il allait se passer quelque chose ne cessait de croître ; indéfinissable sans doute, peut-être simple manifestation, encore inconnue à ce jour, de la traditionnelle nervosité induite par le saut, mais qui ne l’en avait pas moins empêché de bien dormir et l’avait pleinement réveillé longtemps avant qu’il ait besoin de se lever.

Il sentit comme une vibration secouer la carcasse du cargo avant d’en avoir vraiment conscience. Elle s’amplifia avec une stupéfiante soudaineté, pour bientôt évoquer le battement irrégulier de multiples pieds arpentant la coursive. Quels que fussent leurs propriétaires, ces pieds s’activaient aussi vivement que silencieusement.

Ceux de Rogero touchaient à peine le pont de sa cabine qu’il entendait les plantons postés devant les nouveaux quartiers d’Honore, un peu plus bas dans la même coursive, hurler des avertissements et des ordres. Il ne s’arrêta qu’une faction de seconde pour opter entre arme de poing et arme lourde, et se décida en faveur de la seconde. Il fonça vers la porte au moment où un rugissement – une sorte de cri de haine poussé par une centaine de gorges au bas mot – éclatait dans la coursive et noyait les vociférations des sentinelles.

Quand il ouvrit la porte, une déflagration retentit soudain, provenant d’un peu plus bas : celle, parfaitement reconnaissable encore que légèrement étouffée, de l’explosion d’une grenade à proximité, sans doute parce qu’elle avait éclaté à l’intérieur d’une chambre donnant sur la coursive. Et il ne pouvait s’agir que de la cabine d’Honore. L’espace d’une seconde, Rogero se demanda où cette racaille avait bien pu trouver une grenade, et il se promit d’en avoir le cœur net. Si jamais un de ses soldats avait perdu ou troqué une grenade…

Mais ça devrait attendre plus tard.

Il sortit de sa cabine sans sa cuirasse, mais son fusil, lui, se rechargeait. Toutes les coursives du cargo tendaient à être surpeuplées ces derniers jours, mais, pour l’heure, celle-là était embouteillée par la foule qui affluait vers la cabine de Bradamont.

L’horreur, avec une discipline de fer, c’est que, quand il lui arrive de s’effriter, son effondrement ne se traduit pas par de légères perturbations mais par des cataclysmes à la chaîne. Si bien que toute riposte se doit d’être immédiate et cinglante.

Même si Honore n’avait pas été la cible de cette populace, il aurait été contraint de réagir exactement de la même façon.

« Cessez ! » hurla-t-il en s’efforçant de couvrir le tumulte. Il tira une première fois, sans attendre, sur le travailleur qui se tenait juste devant lui. Le fusil à impulsion creusa carrément un trou au travers de l’homme avant d’abattre celui qu’il précédait. « Cessez ! » répéta Rogero dans la foulée avant de faire feu pour la seconde fois.

Cette fois, trois travailleurs s’effondrèrent dans la coursive bondée et Rogero enjamba leurs cadavres. « Cessez ! »

Au troisième tir, deux encore s’abattirent et les autres commencèrent à prendre conscience de ce qui se passait ; obéissant à la force de l’habitude et à la terreur qu’on leur avait inculquées, les travailleurs se tortillaient pour se plaquer à la plus proche cloison, levaient les bras en l’air ou plaçaient les mains sur leur tête en regardant droit devant eux, le souffle coupé. Rogero beugla son ordre pour la quatrième fois : « Cessez ! »

Un petit groupe s’agglutinait devant la cabine de Bradamont et tentait de s’y introduire par la porte. Celle-ci avait été arrachée à ses gonds, mais elle semblait encore tenir bon, comme si quelqu’un la repoussait fermement par-derrière. Des lambeaux de fumée provenant de l’explosion de la grenade continuaient de s’en évader par les interstices. Surpris en plein effort et réagissant donc plus lentement aux ordres et aux détonations, quelques-uns cherchaient toujours à l’enfoncer quand Rogero déchargea une troisième, une quatrième puis une cinquième fois son arme.

Le silence se fit. Seuls deux hommes blessés geignaient encore de douleur. Tous les autres se plaquaient à la cloison, les mains sur la tête en signe de soumission.

Les deux plantons s’efforçaient encore de se relever péniblement quand Rogero arriva à leur hauteur. Il perdit quelques précieuses secondes à les examiner, en quête de preuves de leur résistance ou de leur capitulation. Mais leurs uniformes étaient déchirés, eux-mêmes étaient couverts d’hématomes et d’égratignures, et l’un d’eux, le visage tiré de souffrance, soutenait même son bras, brisé au moins à un endroit, de son autre main.

« Nous avons fait front, mais nous ne pouvions pas tenir bien longtemps », déclara l’autre. C’était une femme et, au garde-à-vous, elle chevrotait comme si elle s’attendait à prendre une balle dans la peau, comme son camarade, pour la punir de son échec.

Mais Rogero baissa son arme. « Vous aurez au moins essayé. » L’explosion de la grenade et les coups de feu qu’il avait tirés avaient déclenché des alarmes à l’intérieur du cargo ; leurs ululements frénétiques bafouillaient à présent bien inutilement. « D’autres soldats devraient arriver bientôt. Allez vous faire examiner par l’automédic du cargo. »

Il se tourna vers la porte brisée et pianota soigneusement une séquence préétablie. Au bout d’un moment, elle finit par céder et s’abattre vers l’intérieur pour révéler une silhouette en cuirasse de combat, debout au milieu des décombres créés par l’explosion de la grenade dans cette petite cabine. « Vous allez bien ? » demanda-t-il.

Bradamont hocha la tête et releva la visière de son casque pour lui parler : « La grenade a légèrement endommagé ma cuirasse. Sinon, ça va. Grâce à elle, j’ai pu retenir la porte assez longtemps. »

Ç’avait été la seule solution envisageable : pendant que Bradamont déménageait ses effets de ses anciens quartiers pour les transporter jusqu’à cette cabine, que tous les yeux étaient braqués sur elle et qu’on avait provisoirement évacué la coursive pour lui permettre de le faire en toute sécurité, Rogero avait prestement rapporté sa cuirasse de sa propre cabine pour l’installer en catimini dans celle d’Honore. Si les soldats qui la gardaient résistaient assez longuement et qu’elle-même était prévenue à temps, elle pourrait l’endosser et repousser une attaque jusqu’à l’arrivée des secours. C’était en tout cas ce qu’il avait espéré.

Les alarmes cessèrent brusquement de s’égosiller. Quelqu’un avait dû les couper depuis la passerelle. Quand Rogero se retourna pour affronter les travailleurs et les superviseurs de bas échelon qui s’alignaient le long des cloisons, le silence qui s’abattit sur les coursives avait quelque chose de menaçant : tous s’efforçaient de leur mieux de rester immobiles, mais plus d’un tremblait de peur.

Ito déboula soudain au pas de course, le visage convulsé de fureur. « Qui a fait ça ? Qui est votre chef ? Répondez, misérables vermines ! »

Rogero leva la main pour l’interrompre. « Notez les noms de tous ceux qui sont présents et organisez une équipe de corvée pour empiler ces cadavres. » Il abaissa les yeux sur deux travailleurs, blessés mais toujours vivants, qui tâchaient de leur mieux de ne pas se tortiller de douleur et se mordaient les lèvres pour s’interdire de gémir.

Quelques instants plus tôt, il les aurait tués sans hésiter. Ils étaient désormais réduits à l’impuissance. Peut-être détenaient-ils des informations.

Une demi-douzaine de soldats arrivèrent à toute allure et enregistrèrent la scène, la mine sévère. Le lieutenant Foster salua, crispé. En tant que leur supérieur direct, il risquait d’être sévèrement puni de l’échec de ses hommes à protéger Bradamont.

Mais Honore était indemne. Comment aurais-je réagi si elle avait été tuée ou grièvement blessée ? Je veux croire que, même en ce cas, j’aurais compris qu’un châtiment serait vain, dans la mesure où tous auraient fait de leur mieux.

Il désigna les deux gardes meurtris d’un coup de menton. « Vos gens ont fait leur devoir. Veillez à ce qu’ils soient soignés. Tâchez de maintenir ces deux travailleurs en vie. Qu’ils puissent répondre aux questions.

— À vos ordres, mon colonel.

— Postez la moitié de votre unité devant cette porte, pour des factions de quatre heures jusqu’à ce que le capitaine Bradamont quitte ce bâtiment.

— À vos ordres, mon colonel.

— Je serais d’avis que vous gardiez votre cuirasse jusqu’à ce qu’on vous ait embarquée sur une navette pour Atalia, capitaine Bradamont.

— Oui, colonel », répondit Bradamont d’une voix soumise qui ne trahissait pourtant rien de ses sentiments. Elle fixait la coursive, le carnage opéré par la populace et le coup de torchon consécutif de Rogero, lequel se demandait à quoi elle pouvait bien penser.

Elle avait sous les yeux les méthodes du Syndicat : coller les travailleurs au mur et répondre à toute perturbation par la force, quitte à massacrer les trublions. Lui-même ne les avait jamais appréciées, même quand il fallait empêcher la situation de dégénérer. Je sais ce qu’Honore en pensera. Mais que pensera-t-elle de moi ?

Il regagna sa cabine. Son fusil à impulsion irradiait encore de la chaleur, écho de la volée de bois vert qu’essuyaient les travailleurs terrorisés alignés le long de la coursive. Derrière lui, Ito les vilipendait férocement, tandis qu’un autre cadre exécutif se pointait pour fustiger à son tour verbalement les émeutiers, en ponctuant si besoin ses phrases d’un coup de poing pour faire bon poids. Tous acceptaient docilement, conscients qu’ils devaient rester passifs.

Lui-même s’était habitué à ces réactions. Mais, à présent, il lui semblait les voir par les yeux d’Honore Bradamont, et cet affreux spectacle lui était brusquement devenu insupportable. Nous essayons de changer tout ça. Et nous y parviendrons. Ça prendra du temps, mais le jour viendra où je n’aurai plus à affronter les travailleurs insurgés avec une arme au poing.

Près de deux heures plus tard, sous le regard impassible des étoiles, les six cargos, remplis d’êtres humains qui se rendaient enfin compte qu’ils étaient libres, émergeaient dans l’espace conventionnel. Encore sous le choc de l’émeute et de sa répression, Rogero fixait ces étoiles d’un œil morose. Je ne veux plus jamais refaire une chose pareille. Mais comment procéder autrement ? Et si je ne m’y résous pas, qui prendra ma place ? Le général Drakon affirme avoir besoin de moi.

Les quatre croiseurs légers et les six avisos étaient encore là. Beaucoup plus loin, à des heures-lumière de distance, les deux croiseurs lourds attendaient près du point de saut pour Kalixa.

Une fenêtre virtuelle s’ouvrit soudain près de Rogero : le commandant du croiseur léger Harrier lui faisait face. « Bienvenue. Nous nous demandions si vous n’alliez pas la louper et nous avons même pris des paris là-dessus.

— Louper quoi ? demanda Rogero.

— La flotte de Black Jack. Elle a sauté pour Varandal il y a trois jours. Vous avez dû vous croiser dans l’espace du saut. »

Rogero recourut au matériel de trans sécurisé du petit compartiment réservé pour envoyer son rapport à Marphissa. « Kommodore, j’ai l’honneur de vous annoncer que notre mission a réussi. Nous avons à bord plus de cinq mille prisonniers libérés, dont une grande majorité appartenait à la flottille de réserve. Compte tenu de la surcharge de travail imposée aux systèmes vitaux des cargos, et à la lumière d’événements récemment survenus sur le nôtre, je préconise que nous débarquions ici, à Atalia, ceux qui ne désirent pas se rendre à Midway. »

Il joignit un résumé des événements qui s’étaient déroulés à Varandal ainsi qu’un compte rendu de la très récente émeute. « Je veillerai à la sécurité du capitaine Bradamont, mais, plus tôt elle sera transférée à bord du Manticore, mieux ça vaudra. Au nom du peuple, Rogero, terminé. »

La réponse de Marphissa lui parvint quelques heures plus tard. Elle n’avait pas l’air contente.

« J’ai appris avec le plus grand déplaisir que la vie de notre officier de liaison avait été menacée, colonel Rogero. Je conviens avec vous qu’il est urgent de la transférer sur le Manticore. Je laisse le Kraken au point de saut afin de maintenir notre blocus d’Indras, mais je vous dépêche le Manticore. Je ne tiens pas àdifférer le débarquement à Atalia de centaines de vos passagers, mais je ne vois pas d’alternative. Même s’il n’y avait pas cesproblèmes de sécurité, les relevés des systèmes vitaux de vos cargos ne sont pas bons. Il faut réduire la pression qui s’exerce sur eux. Je transmets aux vaisseaux qui vous accompagnent un nouveau vecteur les conduisant vers une installation orbitale qui prendra en charge ceux des travailleurs que nous comptons laisser sur place. Demandez à vos soldats de faire le tri à bord des cargos. Il faudra que ce soit fait avant votre arrivée à cette installation, afin de procéder le plus vite possible à leur débarquement.

» Je me félicite de vous savoir tous rentrés sains et saufs. Au nom du peuple, Marphissa, terminé. »

Voyager dans l’espace, c’est un peu comme courir sur des sables mouvants, décida Rogero. On a beau sortir tout ce qu’on dans le ventre, on a parfois l’impression de faire du surplace. Plusieurs jours après leur émergence à Atalia, inconsolable, il se tenait devant le sas d’où une navette venait à l’instant de s’envoler pour Atalia, emportant Honore Bradamont.

D’une certaine façon, Honore lui laissait une partie de sa personne. Elle avait été contrainte de porter sans arrêt la cuirasse de combat de Rogero, tant et si bien que celle-ci s’était imprégnée de son odeur corporelle jusqu’au moment où elle s’en était enfin débarrassée dans le sas. Il y avait eu des témoins et tous deux n’avaient pas pu se dire grand-chose, certes, mais elle l’avait regardé au fond des yeux et le message qu’il avait lu dans les siens était limpide. Ses sentiments à son égard n’avaient pas changé.

Un groupe important approchait, conduit par le sous-CECH Garadun, qui lui adressa un sourire contrit. « On me dit que la prochaine navette est pour nous. Vous ne nous avez jamais promis de nous conduire plus loin qu’Atalia. »

Rogero agita la main devant son visage comme pour chasser l’odeur qui, à mesure que les systèmes vitaux surchargés du cargo livraient leur bataille perdue d’avance, semblait devenue assez forte pour apparaître à l’œil nu. « J’aurais cru que vous seriez content de laisser tout cela derrière vous.

— Que non pas, Donal ! Je tiens à voir ces extraterrestres ! Je vais rester quelque temps à Darus, mais, ensuite, attendez-vous à me revoir.

— Promis. » Rogero lui broya chaleureusement la main. « Au moins n’aurez-vous pas à repasser avec nous par Kalixa. »

Garadun secoua la tête, rembruni. « C’est là une des raisons pour lesquelles nous continuons de haïr l’Alliance, voyez-vous, Donal. Avant la destruction de notre flottille, nos CECH nous avaient montré des images de ce qui s’était passé là-bas. De ce que l’Alliance avait fait à Kalixa.

— Quoi ? » Rogero le fixa avec stupeur. « On ne vous a donc jamais appris la vérité, Pers ?

— Que voulez-vous dire ? L’Alliance a bel et bien provoqué l’effondrement du portail de l’hypernet. C’est ce qui a ravagé le système de Kalixa.

— Non, pas l’Alliance. Les Énigmas. »

Garadun le dévisagea, bouche bée.

« Nous avons découvert qu’ils pouvaient transmettre un signal à une vitesse PRL, poursuivit Rogero. Un signal capable de déclencher l’effondrement d’un portail, accompagné d’une colossale décharge d’énergie. Tous ont désormais été modifiés pour empêcher que cela se reproduise, mais nous n’avons pas appris à le faire à temps pour sauver Kalixa. »

Garadun recouvra enfin la voix. « Pourquoi les Énigmas auraient-ils détruit Kalixa plutôt qu’un système plus proche de leur territoire ?

— Pour en faire endosser la responsabilité à l’Alliance, répondit Rogero en sentant la sienne se durcir. Ils voulaient que les Mondes syndiqués et l’Alliance s’anéantissent mutuellement en faisant s’effondrer leurs portails l’un après l’autre. »

Au terme d’une longue réflexion, le sous-CECH Garadun détourna les yeux avec colère. « Qu’ils se détruisent l’un l’autre. Ils cherchaient à ce que nous nous exterminions. Que l’humanité se suicide pour qu’ils héritent de sa dépouille.

— Oui.

— Et nous avons bien failli le faire. Pour un peu, nous leur aurions obéi à la lettre. La flottille de réserve avait l’ordre de provoquer l’effondrement du portail de Varandal. Le saviez-vous ? En représailles de la destruction de Kalixa. »

Au tour de Rogero de le fixer sans trouver ses mots.

« Nous avons presque réussi. » Garadun frissonna, le visage convulsé de chagrin. « Qu’ils soient tous maudits ! Si nous n’avions pas perdu cette bataille… Il faut l’annoncer aux gens. Ils croient que c’est l’Alliance qui a détruit Kalixa. En êtes-vous absolument certain, Donal ? On ne peut pas en douter ?

— Aucun doute à cet égard. L’information est même largement répandue, à cause du programme consacré à la pose des dispositifs de sauvegarde sur les portails. » Rogero s’interrompit un instant. « Vous devriez au moins savoir ce qui s’est passé à Prime. Le portail s’y est effondré aussi, à un moment où il aurait pu non seulement détruire Prime, mais encore la flotte de Black Jack. Or le dispositif de sauvegarde avait déjà été installé, si bien qu’il n’a pas entraîné de dégâts aussi monstrueux qu’à Kalixa. »

Garadun secoua la tête puis regarda autour de lui. « Voici Ito. Hé ! Et toi aussi, Jepsen. Vous avez entendu ce que vient de dire le colonel Rogero ? Vous restez tous les deux avec lui, alors veillez à ce que tout le monde sur ce cargo et les autres apprennent la vérité. Je me charge de la dire à ceux qui débarqueront avec moi. Les raisons de haïr l’Alliance pour ce qu’elle a fait pendant la guerre sont nombreuses, mais aucune n’arrive à la cheville de ce qui s’est produit à Kalixa. Notre population doit être informée de l’identité des vrais responsables.

— Les Énigmas ont cherché à se servir de notre haine de l’Alliance et de sa haine envers nous pour parvenir à leurs fins, affirma Rogero.

— Et c’est tout le problème avec la haine, n’est-ce pas ? laissa tomber Garadun. Elle se trompe facilement de cible. Oui, je sais cela. Je l’ai toujours su. Je ne pouvais sans doute rien changer à mes sentiments envers l’Alliance, mais j’aurais au moins pu prendre conscience des errements auxquels ils risquaient de me pousser. Provoquer l’effondrement du portail de Varandal aurait sûrement été le pire, et je ne m’en rends compte que maintenant. » Le sas s’ouvrit. « C’est ma navette. Merci, Donal. Je vais revivre. Pas question de gâcher cette seconde vie.

— Faites en sorte, lui conseilla Rogero tandis qu’il s’introduisait dans le sas, suivi par d’autres travailleurs et superviseurs qui avaient choisi, eux aussi, de débarquer à Atalia.

— On se reverra à Midway ! cria Ito juste avant que le sas ne se referme. Pourrions-nous parler ? demanda-t-elle ensuite à Rogero.

— Bien sûr. Aidez-moi à rapporter cette cuirasse dans mes quartiers. »

Ito fronça le nez. « Même avec cet air pollué, j’arrive à en sentir l’odeur. Mieux vaudrait d’abord la nettoyer.

— J’ai fait ça mille fois après un long combat, répondit Rogero. Avez-vous du neuf sur l’émeute ?

— C’est ce dont je voulais vous parler, déclara-t-elle en lui emboîtant le pas. Aucun travailleur n’en connaît l’instigateur. Je n’entends que les sempiternels “Quelqu’un a dit quelque chose” ou “Tout le monde le faisait”. Des moutons ! ricana-t-elle.

— Et les blessés ?

— Les blessés ? Oh, les deux travailleurs, voulez-vous dire ? L’un d’eux est mort. » Ito ne semblait pas trop s’en émouvoir. « La femme pourra sans doute reprendre bientôt son service, du moins si vous n’ordonnez pas son exécution à titre d’exemple. Ni l’un ni l’autre ne savaient rien, d’ailleurs.

— C’était commandité, lâcha Rogero. Quelqu’un a organisé et mené l’émeute, mais de loin. M’étonnerait que celui qui a rameuté cette populace se soit trouvé au premier rang. Plutôt à bonne distance, à se forger un alibi.

— Vous avez raison. Mais tous ceux qui connaissaient son identité ont dû trouver la mort quand vous avez mis fin au chambard. Je me suis servie du matériel portatif destiné aux interrogatoires que vos gens des forces terrestres avaient apporté. Ce n’est pas génial, mais c’est suffisant. Aucun de ces travailleurs n’a reçu de formation pour résister aux interrogatoires.

— Et la grenade ? s’enquit Rogero. J’ai pu déterminer qu’elle avait été dérobée dans nos réserves sans qu’un de mes soldats l’ait officiellement remise à un tiers. Ce vol exigeait une habileté et une agilité considérables : il fallait passer devant les alarmes installées dans ce secteur du cargo sans laisser aucune trace de l’intrusion. Mais il ne manquait qu’une seule grenade.

— Vous avez probablement tué celui à qui le voleur l’a cédée. Elle ou lui devait se trouver au premier rang pour la balancer par la porte une fois celle-ci entrebâillée. Ils n’en ont pris qu’une seule parce que, s’ils en avaient embarqué deux, nous aurions sans doute découvert la seconde au cours de la perquisition qui a suivi l’émeute, et nous aurions alors appris qui était derrière tout ça.

— Vraisemblablement, acquiesça Rogero. Les gens qui ont fomenté cette émeute sont des professionnels. Il faut mettre la main dessus.

— Et les tuer ?

— Probablement. Dès qu’ils auront répondu à quelques questions.

— Alors dites-moi une chose. Vous avez liquidé tous les serpents de Midway. Comment se sont comportés les travailleurs sans les serpents pour les maintenir dans le droit chemin ? Ils ont dû s’insurger, n’est-ce pas ? Avez-vous été contraints d’entreprendre une opération de répression planétaire ? »

Les images des foules pratiquement hystériques qui avaient célébré l’élimination des serpents de Midway et la destruction du QG du SSI par les soldats du général Drakon affluèrent dans sa mémoire. Rogero avait vu se développer le processus, il avait tout de suite compris que la fête prenait un tour plus frénétique et qu’elle ne tarderait pas à dégénérer pour virer à l’émeute. « Non. Je me suis très vite rendu compte que la situation allait nous échapper. Le général Drakon nous a envoyés sur le terrain, mais uniquement pour recruter des citoyens qui nous aideraient à empêcher que ça ne tourne au pillage et au vandalisme.

— Les recruter ? s’étonna Ito. En désigner un paquet pour servir d’exemple et refroidir les autres, voulez-vous dire ?

— Non. Le général Drakon s’est adressé aux citoyens. Il leur a dit qu’ils devaient interdire à quiconque d’abuser de sa liberté pour nuire aux autres. Que des serpents survivants risquaient de les inciter à l’émeute et au saccage. Il a envoyé la police dans les rues pour nous renforcer. Il s’y est lui-même montré et il a calmé tout le monde, conseillé aux gens de songer au lendemain, de réfléchir à ce qu’ils devaient faire pour protéger leur famille et eux-mêmes. »

Ito le dévisageait, éberluée. « Mais il les a aussi menacés. » C’était plus une affirmation qu’une question.

« Non, rétorqua Rogero. La présidente Iceni et lui ont invité le peuple à se conduire de manière responsable et lui ont simplement fait comprendre que les perturbateurs seraient châtiés.

— Une menace, donc, conclut Ito. Y a-t-il eu beaucoup de troubles depuis ?

— Très peu. Des manifestations, ça oui. La présidente les autorise du moment qu’il n’y a pas de débordements. Ça permet au peuple de se dire qu’il a voix au chapitre. »

Ils avaient atteint leurs quartiers et Ito abandonna le colonel à la tâche familière mais fastidieuse du nettoyage de sa cuirasse. Je t’aime énormément, Honore, mais, au bout de plusieurs jours passés dans cette cuirasse, tu pues sévèrement. Jamais je n’irais te le dire en face, bien entendu.

Je n’avais pas beaucoup réfléchi à la période qui a immédiatement suivi le massacre des serpents de Midway. Trop d’événements m’ont absorbé depuis. Mais que serait-il advenu si le général Drakon et la présidente Iceni avaient ordonné une répression en recourant aux méthodes syndics ? Nous aurions été constamment sur le pied de guerre, à nous battre pour interdire à une population insurgée de nous faire ce que nous avions fait aux serpents.

Nous nous sommes donné les chefs dont nous avions besoin, et quand nous en avions besoin. Je dois m’en féliciter, parce que de nombreux autres systèmes étaient privés de dirigeants de cette qualité, et qu’ils en payaient chèrement le prix, Honore me l’a dit. J’ai appris pour Taroa et quelques-uns des événements qui s’y sont déroulés. Était-ce une coïncidence si nous avions à la fois Drakon et Iceni ? Je ne le pense pas. Qui ou quoi devrais-je remercier de cette bonne fortune ?

Pas le peuple, en tout cas. Ça dépassait nos compétences.


Marphissa regarda Bradamont embarquer sur le Manticore et elle ne put s’empêcher de l’étreindre pour lui souhaiter la bienvenue.

Surprise, Honore éclata de rire. Elle avait des cernes sombres sous les yeux et sentait aussi mauvais que si on venait de la déterrer au bout de plusieurs jours. « Je me demandais si j’allais revenir un jour. J’ai porté une cuirasse intégrale pendant un bon moment et sans interruption.

— Pas étonnant, lâcha Marphissa.

— Quoi donc ?

— Rien ! Vous devez avoir envie de faire votre toilette et de vous reposer. Ne vous inquiétez que de ça. Nous allons débarquer ces mille trois cent vingt-six fanas du Syndicat et regagner le point de saut. Les supports vitaux des cargos se rétabliront graduellement une fois réduite leur cargaison humaine et, avec un peu de chance, nous n’aurons plus besoin de vous avant la fin de ce voyage.

— Ne me portez pas la poisse, repartit Bradamont. Tous ceux que nous allons déposer ne sont pas des fanas du Syndicat, Asima. Certains ne tenaient tout bonnement pas à se rendre à Midway.

— Grossière erreur de leur part !

— Atalia a-t-il fait beaucoup de difficultés pour les accepter ? »

Marphissa sourit. « J’ai fréquenté assez longtemps la présidente Iceni pour savoir m’y prendre. Je n’ai pas demandé à Atalia s’il les acceptait, je lui ai seulement annoncé qu’il allait les recevoir. Dans la mesure où ma puissance de feu est supérieure à la leur, il a préféré ne pas argumenter.

— Ne retenez pas que les mauvaises leçons, Asima. »

Marphissa s’arrêta un instant devant la cabine de Bradamont avant de regagner la passerelle. « Laissez-moi vous dire une chose, Honore. Vous êtes sur le Manticore. Verrouillez votre écoutille comme d’habitude, mais vous êtes désormais en lieu sûr. »

Bradamont eut un faible sourire. « Vous m’avez prévenue contre votre équipage, vous vous rappelez ?

— C’était avant. Vous êtes restée un bon moment à bord. Les gars ont appris à vous connaître. La nouvelle de l’émeute s’est propagée. À leurs yeux, l’officier de l’Alliance du Manticore, leur officier de l’Alliance, a failli être tuée par une bande de rustres de la flottille de réserve. Peut-être ne vous aiment-ils pas, mais vous êtes du Manticore. C’est ainsi qu’ils raisonnent. Vous serez en sécurité à bord, répéta-t-elle.

— Je ne comprendrai jamais les spatiaux, souffla Bradamont.

— Vous les comprenez suffisamment. Bienvenue à bord, harpie de l’Alliance.

— Contente d’être de retour, diablesse syndic. »

Patienter à Atalia n’avait pas été facile. Transiter de nouveau par Kalixa ne l’était guère non plus. Mais Marphissa avait réservé la plupart de ses inquiétudes à ce qui risquait de les attendre à Indras.

Pourquoi fallait-il que j’aie raison ?

« Maudits serpents ! » cracha le kapitan Diaz.

Il y avait désormais trois croiseurs légers et cinq avisos à Indras ; ils orbitaient à dix minutes-lumière du point de saut pour Kalixa, sur la route la plus directe menant au portail de l’hypernet.

« Essayons encore de les bluffer », grommela Marphissa. Elle portait de nouveau son complet de CECH syndic. Ne t’assieds pas trop droit. Prends un air blasé. Conduis-toi comme si tu étais la personne la plus importante de ce système stellaire et des systèmes environnants.

Elle tendit la main vers son panneau de com et imprima à sa voix un arrogant nasillement. « Ici le CECH Manetas. Notre mission à Atalia a été couronnée de succès, bien entendu. Nous regagnons Prime avec des prisonniers qui doivent être soumis à des interrogatoires et à une évaluation spécifique. Tous les vaisseaux devront dégager du chemin de ma flottille. Au nom du peuple, Manetas, terminé.

— Je prie de nouveau, déclara Diaz dès qu’elle eut fini. Mes parents m’ont appris à le faire discrètement.

— Vraiment ? Espérons que vous avez retenu la leçon. »

La réponse leur parvint plus rapidement que prévu. « Kommodore, le message vous est adressé par la flottille syndic quistationne entre le portail et nous, et il n’est destiné qu’à vous seule. »

Marphissa savait à quoi tous s’attendaient : elle allait regagner sa cabine et consulter le message – message qui contiendrait une proposition secrète, aussi juteuse que pouvait se le permettre le Syndicat – sans témoins. C’était ce que faisaient d’ordinaire les CECH syndics. « Je vais l’écouter ici, décida-t-elle. Rien de ce que le Syndicat veut me dire n’est privé.

— À vos ordres, kommodore ! répondit le technicien des trans en affichant une expression qui trahissait une agréable surprise. Sur votre écran. »

L’homme qui les fixait était visiblement un serpent. Un haut gradé. À sa seule vue, Marphissa sentit le sang se figer dans ses veines, bien qu’elle sût que lui ne la voyait pas. Ces yeux et ce regard avaient sans doute été la dernière vision de nombre de ses amis et relations, avant d’être traînés dans un camp de travail ou de disparaître sans laisser de traces.

« Je suis le sous-CECH Ki. J’ignore qui vous êtes réellement mais je le découvrirai. Vous détenez un atout dont les Mondes syndiqués ont besoin. Vous-même. Les Mondes syndiqués ont l’usage de CECH de qualité. Vous avez donné la preuve de vos compétences en réunissant une flottille assez conséquente d’unités des forces mobiles obéissant à vos ordres.

» Eussiez-vous été moins talentueuse que nous ne vous aurions pas fait cette offre, que le gouvernement de Prime appuie et dont il se porte garant. Si vous consentez à vous soumettre de nouveau à l’autorité du Syndicat et si vous ramenez votre flottille sous l’égide de Prime, vous serez immédiatement promue au rang de CECH, en même temps que vous jouirez d’une pleine immunité quant aux éventuelles infractions aux lois, règlements et procédures syndics que vous auriez pu commettre. L’impunité totale pour toute infraction envisageable, ainsi qu’une promotion aux échelons les plus élevés de la hiérarchie des Mondes syndiqués.

» J’espère que vous saurez reconnaître à sa juste valeur l’intérêt de cette offre des plus généreuses, poursuivit le sous-CECH Ki, dont les yeux et le sourire étaient unanimement glacés. Vous y gagnez un bel avancement et une sécurité absolue, tandis que les Mondes syndiqués, de leur côté, s’attribuent une CECH de grande valeur ainsi qu’une petite mais estimable flottille d’unités des forces mobiles. Vous n’avez pas à redouter l’opposition de vos travailleurs et de vos subordonnés. Nous vous fournirons un plan, destiné à réunir à bord de chaque unité des troupes suffisantes pour maîtriser toute résistance. »

Le sourire de Ki s’altéra, brusquement lourd d’une terrible promesse. « Ou vous pouvez décliner cette proposition. Ce serait un épouvantable gaspillage. Nous détruirions chacun de vos cargos avant que vous n’ayez atteint le portail, de sorte que vous retourneriez chez vous, où que ce soit, en ratée accomplie. Et vous savez ce qu’il advient de ceux qui ont échoué dans leur mission. Nous découvrirons en outre qui vous êtes et où se trouve votre famille, et nous lui ferons porter le fardeau des crimes que vous avez probablement commis contre les Mondes syndiqués et dont elle s’est certainement rendue complice.

» Mieux vaut donc, et de loin, opter pour la ligne d’action la plus avantageuse. J’attends votre réponse sur ce même canal. Au nom du peuple, Ki, terminé. »

Le silence qui régna sur la passerelle dès la fin du message était presque absolu, uniquement rompu par les chuchotis des systèmes automatisés du vaisseau et le souffle des gens qui entouraient Marphissa.

Celle-ci éclata d’un rire chargé de tout le mépris dont elle était capable. « Me prend-il pour un de ses pareils ? Me croit-il réellement une CECH syndic ? Est-il stupide au point de s’imaginer que je trahirais ceux qui me suivent, qui ont juré fidélité à la présidente Iceni et se battent pour notre liberté et celle de nos familles ?

— Je crains fort que la réponse à toutes ces questions ne soit oui », laissa tomber le kapitan Diaz.

Bradamont avait écouté tout cela en affichant un masque incrédule. « Il vous a effectivement fait cette proposition en croyant que vous alliez l’accepter ?

— C’est probablement par cette méthode qu’il est devenu CECH lui-même. En donnant son consentement à des offres similaires et en vendant à l’encan ceux qui comptaient sur lui. Et c’est un serpent. Il ne parle pas sérieusement. Chacune de ses paroles est un mensonge. Je mourrais sans avoir pris du galon tandis que les travailleurs seraient envoyés aux travaux forcés. Il s’imagine que ma cupidité prendra le dessus sur mon bon sens et qu’elle me fera oublier tous ceux qui se sont retrouvés avec un poignard planté dans le dos chaque fois qu’ils ont eu la bêtise de croire aux paroles doucereuses d’un serpent.

— Comptez-vous le lui dire ? » demanda Diaz en souriant.

Marphissa faillit répondre par l’affirmative puis secoua la tête. « Non. Je tiens à nous gagner un peu de temps en lui laissant croire que je réfléchis à son offre. Plus nous nous serons approchés du portail avant le début de l’attaque des forces mobiles syndics, plus nos cargos auront de chances d’y survivre. »

Elle regarda autour d’elle et vit les visages lugubres qu’avaient suscités ses dernières paroles. « Il faut l’accepter. Nous sommes plus nombreux qu’eux, mais nous aurons le plus grand mal à les empêcher d’atteindre les cargos. Nous ferons au mieux.

— Ces cargos sont bourrés de travailleurs, fit remarquer Diaz. Chaque frappe en tuera beaucoup.

— Nous ferons au mieux ! Laissez-moi envoyer ma réponse au sous-CECH Ki. Technicien des trans, pouvez-vous me fournir un fond virtuel suggérant le décor de ma propre cabine ?

— C’est chose faite, kommodore. Prêt à transmettre. »

Marphissa afficha une expression cauteleuse avant d’appuyer sur la touche RÉPONDRE. « Sous-CECH Ki, votre proposition m’intrigue. J’y réfléchis pourtant avec la plus grande prudence. Comprenez que je dois marcher sur des œufs, faute de quoi mes subordonnés pourraient se douter qu’ils risquent d’être supplantés. Je vous donnerai bientôt ma réponse. Terminé. »

Elle regarda autour d’elle. La flottille syndic se trouvait à dix minutes-lumière, de sorte qu’aucun contact matériel ne serait possible avant un peu plus d’une heure et demie. « Je vais ôter cette tenue de CECH, annonça-t-elle. Si je dois combattre, ce sera dans l’uniforme de Midway. »

Quelques minutes plus tard, elle était de retour sur la passerelle, juste à temps pour entendre le technicien des opérations émettre une mise en garde : « La flottille syndic manœuvre. »

Marphissa regarda longuement s’altérer les vecteurs des forces mobiles ennemies. « Elle accélère pour nous intercepter. Le sous-CECH Ki n’a pas apprécié ma réponse, j’imagine.

— Quarante minutes avant le contact si elle conserve ce vecteur, précisa Diaz. Il a affirmé qu’il s’en prendrait aux cargos et, bien que les serpents soient des menteurs invétérés, je crois qu’il nous a dit la vérité cette fois. »

Les cargos faisaient des cibles faciles et le resteraient durant le long transit du point du saut au portail de l’hypernet. Les croiseurs légers et avisos des serpents ne pouvaient espérer triompher des vaisseaux de guerre de Marphissa, mais, en revanche, ils pouvaient cibler ces bâtiments lourds et patauds et les détruire l’un après l’autre.

Je n’ai jamais fait cela. Comment sauver ces cargos ? Est-ce seulement possible ?

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