Un Seigneur eut besoin aux champs d’un Cheval qu’il avait laissé à la ville, et manda à son Palefrenier qu’il eût à le lui amener au lieu où il était. Celui-ci, l’ordre reçu, partit avec le Cheval. Comme ils passaient tous deux au travers du pré de leur Maître, l’Homme s’aperçut que l’autre baissait la tête et y broutait à la dérobée quelque peu d’herbe. – Larron, lui dit-il en le frappant rudement, ne sais-tu pas bien que cette herbe appartient à notre Maître, et que d’en prendre comme tu fais, c’est lui faire du tort. – Mais toi-même, repartit le Cheval, qui ne me donnes jamais que la moitié de l’avoine qu’il m’achète, ignores-tu que cette avoine lui appartient, et que d’en dérober l’autre moitié, comme c’est ta coutume, pendant que je maigris à vue d’oeil, faute de nourriture, c’est lui faire un tort bien plus considérable que celui que tu me reproches? Cesse donc de me maltraiter. Si tu veux que je lui sois fidèle, commence par m’en donner le premier l’exemple. -