Sympathisants communistes

Lorsque je repris ma place à côté du duprass de Claire et Horlick Minton, j’avais appris de la bouche de Crosby certains détails à leur sujet.

Les Crosby ne connaissaient pas personnellement Minton, mais seulement de réputation. Ils étaient indignés de sa nomination au poste d’ambassadeur. Ils me dirent que Minton avait été à un certain moment limogé par le Département d’État pour sa mollesse envers le communisme, et qu’il avait été réintégré par les dupes – pour ne pas dire plus – des communistes.

— Il y a un petit bar très agréable à l’arrière, dis-je à Minton en m’asseyant.

— Hm ?

Sa femme et lui lisaient toujours le manuscrit posé entre eux.

— Je dis que le bar est très bien.

— Parfait. Tant mieux.

Ils reprirent leur lecture, n’ayant apparemment pas envie de me parler. Mais soudain, Minton se tourna vers moi avec un sourire aigre-doux :

— Qui était-ce, d’abord ? me demanda-t-il.

— Qui quoi ?

— L’homme avec qui vous parliez au bar. Nous sommes allés là-bas avec l’idée de prendre un verre et, juste avant d’entrer, nous vous avons entendu en conversation avec quelqu’un qui parlait très fort. Il disait que j’étais un sympathisant communiste.

— C’est un fabricant de bicyclettes du nom de H. Lowe Crosby, dis-je en me sentant rougir.

— J’ai été limogé pour pessimisme. Le communisme n’a rien à voir là-dedans.

— C’est moi qui l’ai fait limoger, dit sa femme. La seule véritable pièce à conviction produite contre lui était une lettre que j’avais écrite du Pakistan au New York Times.

— Que disait-elle, cette lettre ?

— Beaucoup de choses, parce que j’étais irritée par l’incapacité des Américains à imaginer qu’on puisse ne pas être américain, qu’on puisse être autre chose et en être fier.

— Compris.

Minton soupira.

— Mais il y avait une phrase qui est revenue sans cesse à la commission d’enquête. Les Américains, dit-il en citant la lettre écrite au Times par sa femme, cherchent toujours à se faire aimer sous des formes qui n’existent pas et en des lieux impossibles. Il doit y avoir là une survivance de l’ancien esprit de la Frontière.

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