Le sixième adversaire, c'est la mort.
En personne.
Elle apparaît comme dans les mythologies, squelette recouvert d'un manteau déchiré.
Elle brandit une grande faux rouillée.
Elle sent la charogne.
Et, derrière le capuchon de son manteau, son crâne aux orbites vides te glace les sangs.
La mort te parle avec une petite voix désagréable et aiguë.
Elle te dit que vous les hommes vous ne savez plus comment la prendre, alors vous faites comme si elle n'existait pas.
Tout tend à faire croire que la nouvelle génération sera exemptée de cette petite «formalité».
Vous avez tort de la rendre taboue.
La mort dit qu'avant, quand un grand-père mourait, ses petits-enfants voyaient le long dépérissement du vieillard.
De nos jours, le grand-père part pour l'hôpital, et puis on ne le voit plus jusqu'au jour où le téléphone sonne pour signaler que «c'est fini».
C'est fini quoi? L'attente des héritiers? Le stress de savoir qu'il ne va pas bien? La charge du remboursement du prix de sa chambre à l'hôpital?
Résultat: plus personne ne sait ce qu'est la mort et, lorsqu'elle arrive, on a peur devant cette grande inconnue.
De même, le cinéma montrant sans cesse des scènes de massacre et d'atrocités, vous finissez par croire que vous êtes vaccinés contre la mort. C'est du courage en toc. On n'apprivoise pas la mort.
On peut juste essayer
d'apprendre à la connaître.
Elle concède que quelques sociétés tribales maintiennent un certain cérémonial autour d'elle.
Là-bas, les enfants sont éduqués à l'accepter et à la respecter.
Il y a encore des rites mortuaires.
Tout le village assiste au départ du défunt et le deuil garde un sens.
Mais ces rituels se font
de plus en plus rares.
La mort tend ses phalanges fines et s'apprête à te toucher.
Tu frémis.
Mais elle suspend son geste.
Elle veut t'enseigner quelque chose avant de t'emporter.
Elle accuse.
À force de cacher vos dépouilles dans des cercueils hermétiques, les asticots ne peuvent même plus vous manger.
Vos chairs mortes ne fertilisent plus le sol et ne retournent plus au cycle de la nature.
Il faut que les hommes comprennent à quell point ils ont tort de ne pas l'accepter.
La mort veut être reconnue d'«utilité publique».
Pourquoi ne pas aller dans son sens?
Prends bien conscience de ta peur de mourir.
Et sublime-la.
Analyse ce qui te gêne dans le fait de disparaître.
Tu as peut-être peur de perdre tes amis, tes amours, tes biens matériels…
Tu as peut-être peur de ne pas avoir realize ce que tu devais faire.
Tu as peut-être peur de payer pour ce que tu as fait de mal dans le passé.
Tu as peut-être peur de souffrir.
Tu as peut-être peur d'aller en enfer.
Finalement, ce qui te fait peur dans la mort, c'est que quelqu'un d'aussi important que toi n'existe plus…
La mort s'approche.
C'est le moment ou jamais de lui sortir ton arme secrète: l'humour.
Tu lui proposes une blague.
La mort, surprise, s'arrête.
On est toujours curieux d'une blague.
Tu lui racontes la meilleure histoire drôle que tu connaisses.
La mort sent un rire monter en elle.
Ce n'est pas la qualité de ton histoire qui lui donne envie de s'esclaffer,
c'est son côté incongru, en cet instant.
Pour garder sa contenance elle préfère se retirer.
Tu l'entends pouffer en s'éloignant.
L'humour est plus fort que la mort.