Tu reprends ton apparence d'oiseau transparent.
Vas-y, bats des ailes, plane, glisse vers les nuages.
Suis-moi.
Je t'emmène vers le rayon de lumière qui part de ton nombril.
Allons, on a assez traîné, le livre en bas arrive à sa fin, il faut que tu sois revenu dans ton corps au moment où tes doigts tourneront la dernière page, et trouveront le mot «au revoir».
Comment ça tu veux encore planer?
Allez viens, tu sais bien que tu pourras relire «Le Livre du Voyage» quand tu le voudras, et même autant de fois que tu le souhaiteras.
Je t'appartiens.
Mais c'est pour toi qu'il faut rentrer.
Pour la nostalgie.
Tu sais, vivre des aventures originales, c'est bien.
Mais se rappeler qu'on a vécu une aventure, ce n'est pas mal non plus.
C'est un peu comme les lasagnes réchauffées le lendemain.
C'est encore meilleur.
Regarde en bas.
Tu reconnais l'endroit?
Tu repasses devant ton territoire et tu revois ton refuge.
Tu survoles les continents, les montagnes et les océans.
Tu descends un peu.
Des foules de gens courent dans tous les sens, telles des fourmis, et tu sais que c'est ton espèce.
L'espèce humaine qui essaie de faire mieux que ses ancêtres.
Un instant, tu visualises ton espèce comme une horde immense.
Une horde à la recherche de la lumière.
Peut-être par nostalgie du Big-Bang dont subsistent encore d'infimes traces en elle.
Une horde qui veut quitter son animalité pour atteindre quelque chose d'inconnu et de plus spirituel que tu as approché lors de ton voyage dans les quatre éléments.
Tu descends lentement.
Te voici au-dessus de ta maison.
Un rayon de lumière part du toit.
C'est ton rayon.
Tu t'y accroches et tu te laisses descendre comme s'il s'agissait d'une liane.
Tu franchis les étages, les voisins, les planchers et tu débouches dans le lieu où tu me lis.
Le «type que ton esprit habite» tourne les pages.
C'est amusant comme sensation, hein?
Viens, esprit de lecteur,
retournons tous deux dans nos coquilles habituelles.
Tu connais la procédure?
Voilà ton corps.
Voilà ton esprit.
Il suffit de les réunir.
Tu observes une dernière fois ton corps de l'extérieur.
Ton corps est comparable à une nation remplie de pouvoirs qui ne se gênent pas les uns les autres.
Il n'y a pas de rivalité entre ta main droite et ta main gauche.
Tu es toi-même un exemple de politique d'entente et de solidarité entre des cellules différentes et pourtant complémentaires.
Et, après ce voyage, ton corps est parfaitement en équilibre interne et externe.
Tu te sens bien.
Détendu. Plus énergique.
Plus calme. Plus serein.
C'est pour cela que tu peux revenir sans crainte dans ton corps désormais apaisé.
Ton esprit revient dans ta chair comme un voleur s'introduit par la cheminée dans une maison.
Il reprend le contrôle de l'être humain que tu étais avant le Voyage.
Bats des paupières.
Déglutis.
Voilà, tu es en train de me lire.
Ta respiration devient un peu plus ample.
Souviens-toi précisément de chaque étape de ce voyage imaginaire.
Ta visite du monde de l'Air.
Celle du monde de la Terre.
Du monde du Feu.
Du monde de l'Eau.
Tu te souviens de la phrase qui t'était destinée dans ton livre.
Tu te souviens de ta réponse.
Ta respiration devient un peu plus profonde.
Tu te sens comme lorsque tu te réveilles après une nuit où tu as fait de beaux rêves.
Mais ce n'était pas un rêve.
C'était une escapade de ton esprit.
Tu te souviens de ton symbole.
Ta respiration devient plus ample.
Ton cœur s'accélère.
Tu déglutis encore.
Tu reprends conscience de la pièce où tu te trouves
et de ce que tu es en train de faire.
Tu lis.
Si tu ne te rappelles plus bien dans quel corps ton esprit habite, prends une glace et va redécouvrir ton visage.
Puis reviens.
Tu me regardes avec mes pages blanches rectangulaires couvertes de petits caractères.
Arrête de me fixer comme ça, ça m'intimide.
Tu te demandes ce qu'il s'est passé au juste?
Il s'est passé que je suis un livre qui a le pouvoir de te faire faire des choses extraordinaires.
Mais ces choses extraordinaires c'est toi, et toi seul, qui les as accomplies.
Au revoir.
En écrivant Le Livre du Voyage, les musiques suivantes m'ont accompagné:
- Wish You Were Hère, Pink Floyd.
– Concerto en do pour flûte piccolo et orchestre, Antonio Vivaldi.
– Mike Oldfield Incantation, Mike Oldfield.
– Fugazi, Marilion.
– Symphonie des planètes, Gustave Holst.
– Book of the Rose, Andréas Vollenweider.
– Close to the Edge, Yes.
– Super's Ready, Genesis.
– Et le disque que Loïc Etienne a composé exprès pour ce livre: «Musique du Livre du Voyage», Editions Concord.