Gérard de Villiers Manip à Zagreb

Chapitre premier

La pluie se mit à tomber d’un coup, comme si un gigantesque seau se déversait depuis les cumulus gris qui accouraient de l’Atlantique vers la longue bande de terre où s’alignaient les condominiums de Miami Beach. Les rares baigneurs continuèrent à jouer dans les vagues et ceux qui farnientaient sous le soleil encore brûlant quelques instants plus tôt se ruèrent vers les abris les plus proches, désertant la langue de sable qui s’étirait sur plusieurs kilomètres.

Boris Miletic s’écarta à regret de la jeune brune avec qui il flirtait sur un drap de bain. À part son nom, Swesda Damicilovic[1] et le fait que, yougoslave comme lui, elle soit hôtesse d’accueil au Fontainebleau, l’énorme palace rococo planté en bordure de la plage, à quelques centaines de mètres de là, il ignorait tout d’elle. Il l’avait draguée trois heures plus tôt, prétextant du fait qu’elle était en train de lire un quotidien de leur pays commun. Au début, il l’avait fait machinalement, ne la trouvant pas terrible avec ses cheveux raides, couleur aile de corbeau, et son drôle de regard qui semblait ne pas vous voir.

Elle lui avait fait penser à une Arabe. Puis, au détour d’une plaisanterie, la bouche trop rouge s’était écartée sur des dents éblouissantes, le regard de Boris avait glissé sur ses gros seins comprimés dans un maillot trop exigu, remontant aux lèvres retroussées en un sourire carnassier. Le regard de Swesda s’était éclairé d’un coup, balayant avec gourmandise le corps athlétique de Boris, s’attardant quelques fractions de seconde de trop sur le maillot de lainage bleu qui moulait un appareil génital impressionnant. Avec ses cheveux noirs coupés courts et sa musculature bien entretenue, ses traits découpés, Boris ressemblait à un des maîtres-nageurs siégeant dans les miradors de l’immense plage. Au bronzage près, sa peau étant encore désespérément blanche. Lui ne se trouvait en Floride que depuis quelques jours.

Après quelques ébats dans les vagues et un arrêt à un des bars de la plage, où Boris avait pris un Johnny Walker et sa conquête un Cointreau on ice, Swesda s’était un peu dégelée, adoptant plusieurs fois des attitudes carrément provocantes. De temps à autre, elle passait une langue aiguë sur ses lèvres trop rouges. Boris avait craqué brutalement, sous un regard un peu plus insistant. Enhardi, il s’était penché à l’oreille de Swesda allongée à côté de lui, et avait murmuré :

— Tu me fais bander…

Aussitôt, Swesda s’était refermée comme une huître. Son regard avait balayé Boris, glacial et elle avait laissé tomber :

— J’aime pas les mecs…

Pourtant, tout dans son attitude disait le contraire. Boris s’était dit que les Serbes étaient souvent comme ça, ombrageux, fous d’orgueil.

Swesda devait aimer choisir.

Il n’avait pas insisté, changeant de sujet, lui montrant les gros nuages noirs qui accouraient des Bahamas.

Peu à peu, Swesda s’était déridée. À nouveau, Boris l’avait entraînée dans l’eau et, comme elle savait à peine nager, en avait profité pour la prendre dans ses bras, écrasant ses gros seins ronds contre son torse. Sous prétexte de la maintenir droite, il avait glissé une jambe entre les siennes, forçant leurs cuisses à demeurer en contact. Quand ils étaient sortis de l’eau, Swesda avait perdu son attitude hautaine. Allongés côte à côte sur le sable ils avaient commencé une conversation à bâtons rompus, entrecoupée de longues pauses. Comme la plupart des couples de la plage, ils flirtaient et échangeaient quelques baisers en riant.

Swesda Damicilovic s’était un peu plus livrée. Elle était serbe, du Kosovo, venue aux USA pour fuir le chômage avec l’argent gagné dans un concours de beauté.

— C’est vrai que tu es superbe, avait remarqué Boris.

— Et toi, tu es musclé, avait enchaîné Swesda, louchant sur ses pectoraux. Tu fais beaucoup de sport ?

Boris Miletic l’avait prise par la taille, la serrant contre lui. Le contact de la jeune femme l’avait embrasé instantanément, ce qui n’avait pu échapper à Swesda Damicilovic… Mais, apparemment, les gestes la choquaient moins que les paroles car elle n’avait pas cherché à se dégager.

Boris, le bassin en avant, se demandait s’il n’allait pas exploser prématurément.

Brusquement, Swesda l’avait embrassé, il avait senti sa langue glisser sous la sienne. Les pointes de ses seins, à peine protégées par le maillot de nylon, ressemblaient à deux électrodes posées sur sa poitrine pour un exquis électrochoc. Avec un grognement presque douloureux, il avait glissé une main entre les cuisses de sa partenaire. Juste comme les premières gouttes de pluie se mettaient à tomber…

En quelques secondes, ce fut un déluge… Swesda Damicilovic se leva d’un bond, enfilant son jeans d’un seul trait, raflant son chemisier au passage.

— Où on va ? demanda-t-elle.

Le rideau gris venant de l’Atlantique avançait vers eux à toute vitesse, grossissant la mer.

— J’habite un des appartements là-bas, annonça Boris Miletic. Viens.

Il désignait un des innombrables condominiums bon marché s’alignant entre Océan Boulevard et la plage, la plupart encore inoccupés, appartenant à des gens de la Côte Est qui les utilisaient surtout l’hiver. Boris, qui n’avait qu’une serviette et des sandales, entraîna Swesda qui courait maladroitement sur le sable. Le temps d’arriver au building, ils étaient trempés. Swesda, transformée en Ophélie, les cheveux ruisselants, Boris ayant l’air de sortir de sa douche.

Essoufflés, ils atteignirent enfin le couvert, et Boris tira la jeune femme dans l’escalier desservant une galerie extérieure. Il avait la clef de l’appartement dans son maillot. Il ouvrit et poussa Swesda à l’intérieur, avant qu’elle ait eu le temps de réfléchir.

Ils débouchèrent dans un grand living mal meublé. Swesda regarda en soupirant son reflet dans une glace.

— Je suis trempée !

Son maillot lui collait à la peau, découpant les pointes de ses seins longues et grosses comme des crayons.

— Débarrasse-toi de ce truc, suggéra Boris Miletic faussement indifférent.

Swesda lui tourna le dos et ôta le haut de son maillot, sans se rendre compte que la glace renvoyait l’image de ses seins. Quand elle enfila son chemisier, elle poussa un cri ; encore plus trempé que le maillot, il en était devenu transparent, dessinant avec précision les gros seins ronds aux pointes sombres.

Swesda hésita quelques instants ; si elle le retirait, elle était nue ! Boris Miletic s’approcha d’elle, le regard luisant. Il avait échafaudé tout un plan de séduction, mais il ne pouvait plus s’y tenir. Il attira Swesda vers lui, l’appuya à un canapé et se mit à lécher ses grosses lèvres, se laissant imprégner de toute son humidité tiède. Normalement, il avait horreur du mouillé, mais pourtant son érection retrouva toute sa vigueur. Swesda lui rendit son baiser. Elle ne le repoussa pas lorsqu’il écarta le pan du chemisier pour s’emparer d’un sein. Elle respirait seulement un peu plus fort. Enhardi, Boris Miletic posa une de ses grandes mains dans son dos, puis la glissa entre le jeans et la peau, atteignant la croupe humide, encore huilée d’huile à bronzer.

Son majeur tenta de se faufiler entre les globes fermes et charnus. En même temps, par-devant il appuyait de toutes ses forces son sexe raidi contre le tissu épais du jeans. À deux doigts de se faire plaisir…

— Arrête, je t’ai dit que j’aime pas les mecs !

Brutalement, Swesda lui avait donné un coup d’épaule, arrachant sa main de ses fesses. Boris Miletic s’immobilisa, désarçonné. Elle le regardait fixement avec un mélange de haine et de quelque chose de trouble. Il était trop excité pour se calmer à la première injonction. Écartant le chemisier, il lui empoigna les seins sans pouvoir se retenir, par en dessous, pour les grossir encore davantage. Ils étaient fermes et chauds, les pointes dures comme des rivets. Boris se mit à les tirer et soudain, Swesda, le regard chaviré, perdit toute son agressivité et gémit :

— Arrête, arrête ! Tu vas me rendre folle !

Plus question de ne pas aimer les mecs ! Boris Miletic, déchaîné, le slip déformé par son érection, se mit à les frotter l’un contre l’autre, à les pétrir, le regard fixe, le souffle court. Swesda avait fermé les yeux et gémissait à petits soupirs brefs. Presque des miaulements. Mais elle avait gardé les bras le long du corps, comme si elle ne voulait pas participer. La pluie cinglait les vitres violemment et il faisait presque nuit tant le ciel était noir.

Boris Miletic se dit que s’il ne la baisait pas tout de suite, il allait devenir fou. Cette fille qu’il ne connaissait pas trois heures plus tôt, il en avait envie comme il n’avait jamais désiré une femme. Peut-être la réaction à ce qu’il venait de vivre. C’était le premier jour où il se relaxait depuis son départ d’Europe.

Abandonnant un des seins, il plongea de nouveau la main à l’intérieur du jeans, mais cette fois devant, passant même sous le maillot. Ses doigts eurent le temps d’effleurer une fourrure douce, avant que Swesda les arrache, prise d’une crise de nerfs brutale et imprévue.

— Arrête, espèce de salaud ! hurla-t-elle. Je ne veux pas que tu me baises !

Médusé, Boris la contempla quelques secondes, sans réagir. Dépassé. Puis, une immense fureur le balaya. S’il n’avait pas eu autant envie d’elle, il l’aurait rouée de coups et jetée dehors. Il n’avait jamais supporté les allumeuses. De la main gauche, il la saisit à la gorge :

— C’est du pognon que tu veux, salope ! lança-t-il sur le même ton qu’elle. Combien ?

— Espèce de porc ! répliqua la Yougoslave.

Pourtant, son expression avait changé. Boris eut l’impression qu’il l’avait ébranlée. La tenant toujours à la gorge, il l’entraîna vers une table basse où était posé un attaché-case. Il l’ouvrit. Les yeux de Swesda s’agrandirent devant les liasses de billets de cent dollars tout neufs bien alignées sur lesquelles était posé un gros pistolet automatique noir.

La fureur de Swesda était tombée d’un coup. Son regard croisa celui de Boris Miletic, interrogateur et intéressé.

— Tu travailles avec les narcos! demanda-t-elle.

— Non, répliqua le Yougoslave, amusé. J’ai du blé, c’est tout. Beaucoup de blé. Même si je te paie bien et que je te baise tous les jours, on n’est pas près d’en voir le bout.

Swesda ne quittait pas des yeux le massif pistolet noir. Elle allongea le bras, l’effleura.

— Pourquoi tu as un flingue ?

De toute évidence ; ça l’excitait. Boris Miletic ne répondit pas, mais arracha un billet de cent dollars d’une des liasses et le fourra dans la main de la jeune femme.

— Cent dollars, ça te va ?

Swesda referma ses doigts sur le billet.

— Comme tu veux, dit-elle d’une voix neutre.

De nouveau indifférente.

Sans attendre, Boris fit glisser son maillot sur ses cuisses, libérant une virilité déjà raide et se laissa tomber sur le canapé. Il tira Swesda pour qu’elle s’installe à côté de lui et, la prenant par la nuque, il poussa sa tête vers son ventre. Elle écarta docilement les mâchoires et il s’enfonça dans sa bouche, une grotte chaude habitée par une langue agile. Pesant sur sa nuque, il appuya jusqu’à heurter le fond de sa gorge. Il était si excité qu’il sentit ses cheveux se dresser sur la tête. La pluie tapait toujours sur les vitres, les isolant du monde extérieur. Depuis longtemps, il ne s’était pas senti aussi bien. Swesda avait glissé à même le sol, continuant sa prestation. Apparemment décidée à en venir à bout. Mais Boris voulait quelque chose de plus complet.

D’un effort héroïque, il s’arracha de sa bouche. Swesda le regarda comme un animal qu’on prive de son festin. Ses pupilles étaient dilatées, éclairées d’une lueur trouble, ses lèvres, brillantes de salive. Visiblement, elle se complaisait dans les rôles d’esclave, en dehors de ses brefs sursauts de rebellion.

Elle murmura d’une petite voix rauque :

— Tu ne sais pas ce que tu veux !

Boris lui offrit un large sourire, s’attaquant à la ceinture de son jeans.

— Oh si ! Te baiser.

— Je suis sale ! protesta-t-elle. Pleine de sable. Je veux prendre un bain d’abord.

Elle avait l’air tellement buté qu’il ne discuta pas, la poussant vers la salle de bains. Elle commença à faire couler l’eau, penchée au-dessus de la baignoire, la croupe tendue. Puis, sans se retourner, elle défit son jeans et entreprit de le faire glisser le long de ses hanches, se tortillant pour s’arracher du tissu trop serré. Son maillot, lui, resta collé à ses fesses par l’humidité, tandis que le jeans tombait gracieusement à ses pieds. Boris ne pouvait détacher les yeux du renflement du sexe moulé par le maillot.

Sa patience brutalement envolée.

Il s’approcha et posa les mains sur les hanches de Swesda, collant son membre brûlant et raide au coton humide.

— Ne bouge pas ! ordonna-t-il.

Ils avaient le temps, la baignoire se remplissait lentement. Lui ne pouvait plus attendre.

Swesda se retourna, une lueur complice dans les yeux, tandis que Boris se frottait lentement contre le maillot, prenant bien soin de ne pas aller jusqu’au bout.

— Tu es un sacré vicieux ! dit-elle de sa petite voix rauque de pute soumise.


* * *

Said Mustala avait mis ses essuie-glaces afin de pouvoir observer le building au crépi rose passé. Vingt minutes déjà qu’il était garé au bord du trottoir d’Ocean Boulevard, en face de l’entrée du condominium, comparant tous ceux qui entraient à une photo posée à côté de lui. Celle de Boris Miletic. Il n’aimait pas la pluie. Cela lui rappelait le dégel en Russie, le terrible printemps 1945 où il reculait devant la percée des T. 34 soviétiques, parmi les débris de la division SS Croatie. Une retraite qui l’avait amené jusqu’en Argentine.

Au départ, tout avait bien commencé, pourtant. Said Mustala, citoyen musulman de Bosnie-Herzegovine, une des provinces de la Yougoslavie, s’était inscrit en 1942 au parti des Oustachis d’Ante Pavelic, chef nationaliste croate, soutenu par les nazis. Pavelic avait créé le parti Oustachi en réponse à la dictature de 1929 établie par le roi Alexandre de Yougoslavie. Ce dernier avait écarté du pouvoir, ou fait assassiner, toute l’intelligentsia croate, rayant d’un trait de plume la Croatie. Quittant sans regret son travail d’apprenti boucher à Sarajevo où il travaillait seize heures par jour pour quelques dinars, séduit par les promesses de Pavelic qui avait décidé de construire une mosquée en plein cœur de Zagreb pour les musulmans croates, Said Mustala avait rejoint les Oustachis. Avec l’appui d’un de ses cousins appartenant à la garde rapprochée du chef croate, il avait vite grimpé les échelons de l’organisation pour devenir chef d’une des bandes qu’Ante Pavelic, lançait sur ses ennemis, Serbes, Juifs ou communistes. En toute impunité. En 1941, soutenue par les nazis, la Croatie était devenue indépendante, et Ante Pavelic, rallié à Hitler, y régnait sans partage, s’acharnant à supprimer les enclaves serbes de Croatie de la façon la plus féroce, à faire fuir les survivants. Le but étant d’avoir une Croatie ethniquement pure.

La première expédition punitive à laquelle avait participé Said Mustala avait été semblable aux récits de ses compagnons. Ils étaient arrivés à l’aube dans un village serbe de la région de Knin, l’avaient encerclé et le massacre avait commencé.

Leur méthode était d’une simplicité biblique, celle des pogroms. Arrivés dans trois camions, les Oustachis s’étaient répartis par petits groupes de cinq. Ils s’attaquaient à une maison, tuant d’abord à l’arme à feu ceux qui tentaient de’ résister. Ensuite, ils s’en donnaient à cœur joie avec leurs longs couteaux effilés. Avant chaque expédition, le chef vérifiait que les poignards de ses hommes pouvaient trancher une feuille de papier… Après une bonne lampée de slibovizc[2], c’était aussi facile de trancher la gorge d’un homme d’une oreille à l’autre que de tailler un crayon. À ceux qui se rendaient on enlevait des morceaux de chair, délicatement, comme on découpe une carcasse de bœuf. Said, grâce à son ancien métier, était passé maître dans cette technique.

Les femmes avaient droit à un traitement spécial. Les jeunes étaient violées, ensuite éventrées lentement. Lorsqu’elles étaient enceintes, les plus primesautiers des Oustachis arrachaient le fœtus, le découpaient en petits morceaux et recousaient ensuite le ventre en y mettant un lapin vivant.

Aux vieilles, on coupait parfois les seins, comme ça, pour faire quelque chose. Les bébés avaient droit à un jeu abominable : un Oustachi les jetait en l’air, les rattrapant à la pointe de son long couteau. Cela devant la mère, bien entendu… La première fois que Said Mustala avait essayé, il avait laissé tomber le nouveau-né sur le sol où il s’était mis à hurler. Vexé, devant les sarcasmes de ses camarades, il l’avait relancé encore plus haut et, cette fois, embroché bien au milieu du corps. Surpris par la facilité avec laquelle sa lame l’avait traversé comme une motte de beurre… Ensuite, il avait mis fin à la vie et aux hurlements de la mère, une paysanne rougeaude, en lui ouvrant la gorge d’un seul revers…

Pas d’états d’âme pour ces expéditions : pas d’interrogatoires, pas de survivants et pratiquement aucun risque. Il fallait tuer tout ce qui était serbe ou juif, selon les villages. En plus, tous ces paysans avaient quelques trésors cachés qu’ils offraient dans l’espoir naïf d’avoir la vie sauve. De quoi mener ensuite la belle vie à Zagreb.

Une seule contrainte. À chaque cadavre, on arrachait les yeux. Tous étaient regroupés dans des sacs d’osier et ramenés en offrande au bon Ante Pavelic qui savait ainsi que ses fidèles Oustachis avaient bien rempli leur devoir. Au bout de quelques mois, Said Mustala ne savait plus combien de gens il avait tué. Ça lui était égal d’ailleurs, sa croisade étant juste. Mais les expéditions commençaient à devenir dangereuses. Plusieurs groupes avaient été piégés dans des embuscades montées par les partisans communistes du général Tito. Ceux-ci, lorsqu’ils s’emparaient d’un Oustachi, le découpaient vivant et lui faisaient manger sa propre chair avant de l’achever…

En 1944, Ante Pavelic avait décidé de créer une brigade SS avec ses meilleurs éléments, afin d’aider l’armée du Troisième Reich en pleine déconfiture. Said Mustala, qui venait d’avoir vingt ans, s’était porté volontaire parmi les premiers. L’idée de porter le bel uniforme noir à parements argent de la SS le séduisait.

Évidemment, la suite avait été moins drôle. Dès leur premier engagement, les SS croates, mal armés, mal entraînés et mal encadrés, s’étaient fait tailler en pièces. Et là, il ne s’agissait plus de massacrer des villageois sans défense, mais de s’opposer au blindage des T. 34 et aux mitrailleuses des cosaques. Quelques mois plus tard, Said avait pleuré en apprenant qu’Ante Pavelic s’était enfui, que la Croatie indépendante n’existait plus, balayée par les partisans de Tito, et qu’il n’était pas près de revoir son pays… Dépouillé de son uniforme, il avait emprunté la filière Odessa jusqu’à Buenos Aires. Là-bas on l’avait aidé à trouver du travail.

Comme boucher.

Said Mustala avait prospéré et possédait maintenant trois boutiques. Mais il n’avait jamais rompu avec son idéal, conservant des liens étroits avec les anciens Oustachis répandus à travers le monde, en Allemagne, en Australie, en Espagne et en Amérique latine, sans parler du Canada et des États-Unis. La mort d’Ante Pavelic, dans un couvent de Madrid en 1959, n’avait pas découragé son fanatisme.

Des commanditaires se réclamant de l’idéal croate avaient à plusieurs reprises recruté des jeunes gens, les fils de la vieille génération, afin de commettre des attentats en Serbie, à Belgrade en particulier. Hélas, les résultats avaient été minces. L’UDBA, la police politique du régime titiste, veillait férocement : ces commandos de la guerre froide étaient presque toujours interceptés et leurs membres fusillés en grande pompe. Ce qui permettait au régime communiste d’agiter l’épouvantail du danger oustachi… Said Mustala savait bien qu’ils n’étaient plus qu’une poignée de vieux fidèles comme lui, encore prêts à mourir pour leur cause comme ils l’avaient juré en 1941 à leur « Poglovnik »[3] Ante Pavelic. Ou à punir de mort tous les traîtres.

Certes, il y avait la relève, comme le fils de Said, élevé dans les principes oustachis. Lui et d’autres se réunissaient régulièrement, un peu partout dans le monde, chantaient les anciens airs croates et priaient devant une vieille photo de leur Poglovnik. Regroupés dans une organisation secrète, la HRB[4].

En 1989, lorsque la Yougoslavie avait commencé à éclater et que la Croatie avait proclamé son intention de se séparer de la Serbie, un frémissement avait parcouru l’univers des Oustachis. Des messagers avaient parcouru le monde, contactant les anciennes filières, ranimant les réseaux exsangues, galvanisant les jeunes qui n’avaient jamais connu leur pays.

Un de ces messagers avait contacté Said Mustala qui avait répondu présent sans hésiter, en dépit de ses soixante-cinq ans. Lui expliquant qu’une structure clandestine nationaliste croate issue du HRB s’était mise en place afin d’accomplir discrètement certaines actions que le gouvernement officiel de la Croatie, qui venait de proclamer son désir d’indépendance, ne pouvait endosser… Said Mustala avait été ému aux larmes, en apprenant que le blason croate à damiers blancs et rouges flottait de nouveau sur les édifices publics de Zagreb…

Zagreb où pendant quarante-cinq ans, il avait été interdit de séjour par les communistes.

Le vieil Oustachi avait attendu, l’arme au pied, ignorant ce qu’on allait lui demander. Quelques semaines plus tôt, il avait reçu un mystérieux coup de fil lui enjoignant de se rendre à Miami, en Floride, pour une mission importante qui lui serait précisée sur place ; l’inconnu avait utilisé les signaux de reconnaissance en vigueur dans le mouvement oustachi HRB, aussi Said Mustala avait-il donné son accord. Un peu déçu de ne pas se rendre de nouveau dans son pays. Bien sûr, comme tous les Oustachis, il avait été condamné à mort par contumace, mais dans la nouvelle Croatie indépendante, il serait en sécurité.

— Zagreb, ce sera pour plus tard, avait affirmé son interlocuteur.

Said Mustala avait dû se résigner. Grâce à son passeport argentin, il pouvait voyager partout. Arrivé trois jours plus tôt en Floride, il avait emménagé dans l’hôtel qu’on lui avait indiqué, à North Miami, et loué une voiture.

Le matin même, il avait reçu par téléphone ses instructions complémentaires, et trouvé à la réception, dans une enveloppe à son nom, une photo. Sans discuter, il s’était préparé à accomplir ce qu’on lui demandait.

Comme au bon vieux temps.

La pluie redoublait. Las d’attendre, il décida de procéder à une vérification et courut jusqu’à une cabine téléphonique. Avec sa chemise à fleurs, ses traits marqués et son teint mat, il se fondait parfaitement dans le flot des « latinos » composant la majorité des habitants de Miami. Il glissa son « quarter »[5] dans le taxi-phone et composa un numéro. Laissant sonner une dizaine de fois.

Après avoir raccroché, il regagna sa voiture et réfléchit. Il possédait tout ce qu’il fallait pour ouvrir une serrure. S’il avait l’avantage de la surprise, ce ne serait pas plus mal. Fermant sa voiture à clef, il se dirigea vers l’immeuble au crépi rose et poussa la porte du hall.


* * *

Toujours penchée au-dessus de la baignoire, Swesda se retourna, posant un regard trouble sur l’érection de Boris. Elle l’effleura de toute sa longueur du bout des doigts.

— Caresse-toi, ordonna-t-elle, de sa voix rauque. Ça m’excite !

Il obéit, écartant les doigts de la jeune femme, congestionné, noué, se demandant jusqu’à quand cette petite salope allait le manipuler… Puis ses mains revinrent aux reins cambrés, les pétrissant, il murmura des obscénités devant cette croupe somptueuse, élastique, bien ouverte. Millimètre par millimètre, il continua à faire glisser le maillot, révélant le petit oursin noir planqué entre les cuisses pleines.

Quand le téléphone se déclencha, ils sursautèrent tous les deux. Un flot d’adrénaline se rua dans les artères de Boris Miletic. Il n’attendait aucun appel… Ce devait être une erreur ou un appel pour celui qui lui avait prêté cet appartement… La sonnerie s’arrêta enfin, et Swesda remarqua, un sourire ironique aux lèvres :

— Tiens, tu ne bandes plus…

Automatiquement, il recommença à se caresser. Pensant de toutes ses forces à ce qu’il allait lui faire. Swesda le regardait, avec, à nouveau, son expression trouble.

— J’aime bien regarder un type qui se branle, dit-elle. Ça m’excite vachement. C’est bestial.

Cette fois, c’en était trop. D’un coup sec, Boris acheva de faire glisser le maillot sur les cuisses épanouies. La baignoire était pleine et Swesda se pencha en avant pour fermer le robinet.

— Ça va déborder !

Du coup, elle dut se cambrer encore plus et son sexe remonta un peu en s’ouvrant.

Boris Miletic s’y engouffra d’un unique et féroce coup de reins, raide comme un manche de pioche. De se rendre compte que Swesda, qui avait refermé le robinet, lui tendait ses fesses, le rendit quasiment fou. Il sentit un écrin doux et serré palpiter autour de lui, et tenta encore de gagner quelques millimètres jusqu’au fond de ce ventre grand ouvert. Swesda, appuyée des deux mains au rebord de la baignoire, se mit à hurler.

— Salaud, tu me défonces ! Arrête.

Boris se retira presque entièrement et revint, propulsant en avant ses quatre-vingts kilos, rentrant son ventre déjà plat pour ne pas perdre un millimètre de pénétration. Swesda cria encore, puis se retourna, le regard noyé, fou.

— Vas-y, vas-y, puisque tu aimes ! Tu me défonces. Ah, ce que tu me défonces !

L’esclave, de nouveau. Elle oscillait sans cesse entre une agressivité grondeuse et cette soumission masochiste. Une vraie allumée, pensa Boris Miletic.

Le plaisir décuplé par cette docilité, il avait l’impression de s’enfoncer à chaque coup de reins un peu plus loin. Il ahanait, comme un bûcheron en train de porter les derniers coups qui vont abattre un arbre et Swesda se contentait de couiner maintenant. Le membre de Boris allait et venait dans son ventre inondé avec une facilité déconcertante.

Trop facilement…

Boris qui commençait à avoir des crampes se retira complètement, contempla la longue fissure sombre, se dressa sur la pointe des pieds, et, avec la même brutalité, appuya son sexe sur l’ouverture des reins, poussant comme un malade.

Une fraction de seconde, il crut que le sphincter serré allait le rejeter. Puis, la pression fut trop forte pour le muscle anal, et son gros membre s’engloutit d’un coup au fond des reins de Swesda. Celle-ci émit un hurlement démentiel, se redressant en arc-de-cercle, des larmes plein les yeux, hurlant des injures, essayant de se dégager. Boris Miletic ne bougeait plus, se demandant s’il n’allait pas mourir de plaisir. Il ressortit presque et, cette fois, se fraya un passage facilement.

Nouveau hurlement, puis la voix, déchirée comme la croupe qu’il martyrisait.

— Oui ! Oui ! Plus fort !

Les mots se faufilèrent jusqu’à son cerveau, y déclenchant une sorte d’éclair de chaleur qui plongea jusqu’à son ventre, le faisant partir d’un coup sans qu’il puisse se retenir. Les doigts crispés dans la chair élastique des hanches de la jeune femme, il se vida longuement, en voyant plein d’étoiles. Il mit ensuite plusieurs secondes à réaliser qu’on sonnait à la porte… C’était probablement la femme de ménage.

Cassée en deux contre la baignoire, Swesda reprenait son souffle, les cheveux dans l’eau.

— Salaud, fit-elle, tu m’as massacrée ! Je saigne.

Boris venait de se retirer d’elle, encore raide et fou de désir.

— Reste ici ! lança-t-il, je reviens prendre un bain avec toi. Je vais voir la femme de ménage.

Il s’enroula hâtivement dans une serviette et sortit de la salle de bains.

Pieds nus, il alla ouvrir et resta figé sur le pas de la porte.


* * *

L’homme qui se trouvait en face de lui était tout aussi surpris. Said Mustala avait sonné par acquit de conscience avant d’utiliser son « passe », afin de s’assurer que l’appartement était bien vide. En une fraction de seconde, il réalisa que l’homme presque nu qui se tenait devant lui était celui qu’il cherchait.

Ce qui dérangeait ses plans.

Who are y ou ? demanda Boris, l’air méfiant.

Pourtant cet homme plus petit et beaucoup plus âgé que lui ne l’impressionnait pas. Confiant dans sa force physique, il le toisait, s’assurant de ne pas commettre une erreur. Dans sa situation, cela ne pardonnait pas.

— Tu es Boris Miletic ? demanda Said Mustala en serbo-croate.

À son accent, Boris identifia immédiatement un Bosnien. Son estomac s’était contracté. Qu’on l’ait retrouvé ici ne sentait pas bon. À moins que l’inconnu ne lui soit envoyé par un ami new-yorkais. Il s’accrocha à cette explication et demanda sèchement :

Who do you want to speak to ?[6]

Le visage ridé de Said Mustala ne changea pas d’expression. D’un mouvement coulé, sa main disparut sous sa veste et ressortit tenant un couteau à la lame longue d’une trentaine de centimètres et large de trois ou quatre, légèrement recourbée. Avant que Boris puisse faire un geste, la pointe s’appuyait sur sa gorge.

— A toi ! fît le vieil homme.

Boris Miletic sentit son cœur dégringoler dans ses talons. Ce qui le hantait depuis des semaines se produisait. C’était le célèbre poignard des Oustachis qui s’appuyait sur sa gorge et l’homme qui le tenait n’en était sûrement pas à son coup d’essai… Le nouveau venu le repoussa à l’intérieur de l’appartement sans qu’il puisse esquisser un geste de défense. Nu, à l’exception de la serviette, il se sentait encore plus vulnérable… Said Mustala, d’un coup de pied, referma la porte qui claqua. Machinalement, Boris tourna la tête vers la porte de la salle de bains. Pourvu que Swesda ne surgisse pas !

— Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-il dans sa langue. Qui es-tu ? Pourquoi me menaces-tu ?

Le vieil Oustachi ne répondit qu’à la première question.

— L’argent que tu as volé, dit-il simplement.

— Quel argent ?

— Celui des armes, salaud !

L’Oustachi avait élevé la voix. Une flamme folle dansait dans ses petits yeux noirs. De son temps, on n’aurait jamais imaginé cela ! Il en tremblait de rage intérieurement. Même sans ordre, il aurait découpé un salaud de cette espèce en lamelles. Voler l’argent de l’Organisation, des dons offerts par des centaines de Croates pour aider à libérer leur pays ! C’était ignoble.

Said Mustala était si concentré qu’il ne vit pas la porte de la salle de bains s’entrouvrir. Boris Miletic retint son souffle, mais personne ne surgit. Il essaya de prendre un air dégagé, seulement c’était difficile avec cette pointe mortelle collée à sa gorge. La pluie s’était enfin arrêtée de tomber et un bout de ciel bleu apparaissait à travers la baie vitrée. Cela lui parut un heureux présage…

— Pourquoi veux-tu cet argent, protesta-t-il, je ne peux pas te le donner ; je suis venu ici, à Miami, pour prendre livraison du matériel. Qui t’envoie ? Miroslav ?

Said Mustala ne répondit même pas. Il avait déjà vu des menteurs et savait lire dans le regard des gens.

— L’argent ! répéta-t-il. Où est-il ?

Boris sentit que s’il lui racontait n’importe quoi, l’autre lui trancherait la gorge, sans se poser plus de questions. Subitement, il entrevit une solution et parvint à esquisser un sourire crispé.

— Comment t’appelles-tu ? Je suis sûr que nous luttons pour la même cause.

De dégoût, Said Mustala faillit lui trancher la gorge sur-le-champ. Il se contenta de répéter, comme un automate bien réglé :

— L’argent ? Où est-il ?

— Écoute, plaida Boris, je ne peux pas te le donner, il ne t’appartient pas. Il est à l’Organisation. Mais je vais te le montrer. D’accord ?

— Où est-il ? répéta Said sans se troubler.

Brutalement, Boris Miletic réalisa qu’il était trempé de sueur et pourtant la climatisation marchait.

— Ici, sur la table, dit-il. Viens.

Il fit un pas en arrière et, tournant le dos à son terrifiant visiteur, il s’approcha de la table basse. Said l’avait suivi, son long poignard à l’horizontale, le visage fermé. Boris Miletic contourna la table, s’accroupit devant et attira à lui l’attaché-case. Il commença à faire tourner les mollettes, comme si elles étaient verrouillées, puis leva un regard qu’il voulait innocent sur Said Mustala.

— Tu vas voir ! Il y en a un paquet !

Les serrures claquèrent et il releva le couvercle de l’attaché-case, y plongeant la main gauche. Il la ressortit brandissant une liasse de billets de cent dollars devant Said Mustala.

— Tu te rends compte, lança-t-il, il y en a pour dix mille dollars rien que là !

D’un geste aussi naturel que possible, il reposa la liasse et ses doigts effleurèrent la crosse du pistolet automatique, un SZ 9 mm avec une balle dans le canon. Boris essayait de continuer à sourire, pensant de toutes ses forces à la fille qu’il venait de prendre avec tant de plaisir. Afin de détendre ses traits. Ses doigts s’étaient glissés autour de la crosse. C’est peut-être l’expression de triomphe involontaire qui traversa son regard qui alerta Said Mustala.

Le vieil Oustachi se fendit comme un escrimeur. La pointe acérée du poignard traversa le cuir de l’attaché-case comme du beurre et s’enfonça dans la main de Boris Miletic.

Boris Miletic poussa un hurlement d’agonie et voulut se redresser. Ce faisant, il entraîna l’attaché-case et renversa les liasses de billets sur la moquette grise. Seulement le SZ tomba en même temps… Boris n’eut même pas le temps d’avoir peur. Son adversaire retira sa lame d’un coup sec. Au moment Boris Miletic se relevait, le visage crispé de douleur et de terreur, il lança son bras en avant et les vingt premiers centimètres de la lame s’enfoncèrent à l’horizontale un peu au-dessus du nombril de Boris Miletic. D’abord, ce dernier ne réalisa pas : sa main lui faisait trop mal. Puis la douleur l’envahit d’un coup, comme un bloc brûlant.

Il hurla, essaya de retirer la lame, se coupa profondément la main sur les deux tranchants.

Said Mustala recula, retirant sa lame rougie. Les vieux réflexes revenaient.

D’un revers fulgurant et soigneusement calculé, le poignard partit à l’horizontale, sectionnant d’un coup le larynx et les deux carotides de Boris Miletic. Le cri de ce dernier se termina en gargouillement. Le regard déjà vitreux, il tituba et s’effondra sur la moquette, secoué par les soubresauts de l’agonie.

Said Mustala attendit quelques instants que les jets de sang jaillissant de la carotide aient faibli, puis se pencha vers le corps allongé sur le côté. De haut en bas, il piqua le corps inanimé, plantant plusieurs fois son long poignard jusqu’à la garde, faisant jaillir à peine quelques gouttes de sang. Il éprouvait un plaisir sensuel qu’il n’avait pas connu depuis longtemps à enfoncer ce long et mince poignard effilé comme un rasoir dans les chairs d’un être humain. La lame était assez souple pour contourner les os et ne bloquait jamais.

Il jeta un bref coup d’œil à Boris Miletic. Ses traits étaient calmes. Comme ceux de tous les morts, même ayant succombé dans les pires tortures.

Tranquillement, il essuya son poignard aux rideaux et le remit dans le fourreau dissimulé sous son pantalon. Il restait une formalité avant de partir. Il s’accroupit, sortit de sa poche un petit couteau extrêmement aiguisé et l’ouvrit. D’un geste précis, il en enfonça la lame dans le coin de l’œil droit de Boris Miletic, puis tourna, sectionnant le nerf optique. Il ne restait plus qu’à peser sur le manche pour faire jaillir l’œil de l’orbite comme une huître de sa coquille.

Il le déposa dans une boîte à pilules amenée à cet effet et procéda de la même façon pour l’œil gauche. Se relevant ensuite sans un regard pour le mort aux orbites vides.

Said Mustala mit la boîte dans sa poche, ramassa les billets et referma l’attaché case, laissant le pistolet sur la moquette. À quoi bon se charger d’une arme inutile ? Sa mission était terminée : il n’avait plus qu’à rendre compte et rapporter l’argent.

Le soleil brillait à nouveau et cela lui réchauffa le cœur. Il était sorti depuis une dizaine de minutes, lorsque Swesda osa enfin se risquer hors de la salle de bains. Les cris de Boris Miletic l’avaient glacée de terreur et elle avait cru devenir folle. Elle s’aventura dans le living, prudente comme un chat, le cœur battant la chamade.

La première chose qu’elle vit, ce furent les pieds nus de son éphémère amant qui dépassaient du canapé.

Elle eut le courage de s’approcher du cadavre. Mais lorsqu’elle aperçut le visage mutilé, son cœur bascula. Terrassée par une nausée violente, elle se mit à vomir, puis se précipita vers la porte en hurlant comme une sirène.

Elle hurlait toujours lorsque la voiture du « Homicide Squad » s’arrêta devant l’immeuble.

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