Chapitre III

Alexandra, installée à une des tables à la terrasse du vieil hôtel viennois, apercevant la Bentley noire, termina son Cointreau on ice d’un trait et se leva, visiblement bouillonnant de fureur. Un tailleur ultra-court en soie de Gianni Versace moulait son corps admirable et ses cheveux blonds cascadaient sur ses épaules. Splendide créature ! Elle ramassa à la volée la douzaine de sacs épars autour d’elle et se dirigea à grands pas vers la voiture.

— La demoiselle a l’air en colère, commenta placidement Andrez Pecs.

Alexandra ouvrit la portière de la Bentley d’un geste rageur, lançant à Malko un regard furibond.

— Qu’est-ce que tu faisais ! gronda-t-elle. Je me suis fait draguer par tous les hommes depuis une demi-heure.

Évidemment, par l’entrebâillement de son tailleur, on apercevait les trois quarts de ses seins et ses bas à couture gris foncé donnaient vraiment envie de fourrager sous sa jupe moulante en soie.

— Je te présente Andrez Pecs, dit suavement Malko. Nous venons de finir de déjeuner. Un déjeuner important, ajouta-t-il.

— Ce n’était pas une raison pour me faire attendre, cingla Alexandra. Où est Elko ?

— Il a été faire la vidange de la Rolls, dit Malko.

Elle jeta ses paquets sur le plancher de la Bentley et y monta, découvrant une cuisse jusqu’à la lisière du bas. Le marchand d’armes hongrois qui pourtant avait depuis longtemps trouvé la paix des sens sentit un frémissement le parcourir. Sa femme à lui n’aurait guère inspiré qu’un prisonnier sortant de purger une peine de très, très longue durée…

— J’ai laissé deux tailleurs chez Saint-Laurent, annonça Alexandra avec simplicité, il faut passer les prendre.

— Je dois d’abord aller à l’ambassade américaine, objecta Malko.

Émoustillé, Andrez Pecs retira son cigare de sa bouche et proposa aimablement :

Gràdige Fraulein, puisque je suis responsable de ce retard, permettez-moi de vous les offrir…

Son sourire béat ne s’était pas encore effacé qu’il se recroquevilla sous le regard furibond d’Alexandra.

— Je n’accepte de cadeaux que des hommes qui me baisent, lança-t-elle. Même une fois. Ce n’est pas votre cas, nicht war ?

— Calme-toi, dit Malko.

— Non ! J’ai horreur d’attendre. Et je ne vais pas poireauter pendant que tu discutes avec tes « spooks ».

Le chauffeur n’eut pas le temps de démarrer ! Elle sautait déjà de la Bentley, emportant toutes ses emplettes… Placide, Andrez Pecs se retourna vers Malko.

— Je vais vous déposer à l’ambassade. Je suis certain que vous la retrouverez ensuite chez Saint-Laurent.

Malko était furieux. Encore une fois, la CIA jetait le trouble dans sa vie privée. Jack Ferguson, le chef de station, l’avait appelé le matin même pour lui demander un petit service. Quelque chose qui ne durerait que deux heures.

Évidemment, Alexandra, qui se faisait une joie de déjeuner avec Malko en tête à tête pour retourner ensuite faire l’amour au Sacher dans une de ses nouvelles robes, avait explosé. Comme toutes les Autrichiennes, elle adorait se livrer aux joies de la chair après celles de la table, particulièrement l’après-midi.

Mélancolique, Malko regarda défiler les platanes du Ring. Bien sûr, il allait la récupérer, mais ces disputes finissaient par aigrir leurs relations. Cette fois, ce n’était pas de la faute de sa tumultueuse fiancée. Ils revenaient d’une escapade amoureuse à Paris où Alexandra avait dévalisé les couturiers. Ce n’est qu’en arrivant au terminal D de Roissy II pour attraper le vol Air France de Vienne qu’elle avait arrêté ses achats. Énorme progrès : des téléviseurs informaient désormais les passagers en temps réel des retards possibles et de leur cause ; ils n’étaient plus traités comme du bétail.

Ce qui n’était pas un luxe : en Europe, 30 % de tous les vols étaient en retard, par la faute du contrôle aérien, sans que les compagnies y soient pour quelque chose.

À l’embarquement, ils avaient encore eu une bonne surprise : étant sans bagages de soute, en dépit des multiples emplettes d’Alexandra, ils avaient pu s’enregistrer automatiquement, grâce aux nouveaux billets à piste magnétique. Fini la queue…

Lorsqu’on leur avait servi le déjeuner, Alexandra avait poussé un rugissement de joie : depuis peu, Air France offrait en Club des plats allégés. Elle s’était jetée sur un pintadeau au vinaigre de poire garanti pour 400 calories, mais comme elle avait également mangé le tournedos au romarin de Malko, le résultat n’était pas garanti, lui.

Toujours est-il qu’elle avait débarqué à Schwechat d’une humeur de rêve. L’affaire yougoslave risquait fort de troubler cette lune de miel.


* * *

Jack Ferguson, le chef de station de la Central Intelligence Agency à Vienne, toujours aussi oxfordien dans son costume croisé rayé, se pencha avec un sourire vers l’attaché-case ouvert posé sur son bureau.

— Dommage qu’on ne puisse pas se partager ce bel argent. Vous en auriez sûrement l’usage, n’est-ce pas ?

Malko s’abstint de répondre devant une provocation aussi évidente. Son château de Liezen lui coûtait chaque année plus cher. On aurait dit que des structures qui avaient résisté plusieurs siècles prenaient un malin plaisir à céder pendant la courte vie du propriétaire actuel, Son Altesse Sérénissime, le prince Malko Linge qui alignait après son nom plus de titres que de millions de dollars… Sans la CIA, Liezen n’aurait plus été depuis longtemps qu’une ruine historique. En plus, les pierres du mur d’enceinte étaient depuis peu atteintes d’une maladie mystérieuse qui ne se soignait qu’à coups de substances coûtant pratiquement le prix du caviar…

— Ne me tentez pas ! dit Malko. Expliquez-moi plutôt pourquoi vous m’avez transformé en marchand d’armes. Ce Miroslav Benkovac a pourtant l’air d’un gentil garçon…

Yeah, gentil, ricana l’Américain d’un air absent. On peut dire cela si on veut.

Il avait tiré un billet de cent dollars froissé de sa poche et le comparait à ceux des liasses neuves contenues dans l’attaché-case. Malko respecta son examen. Quelques instants plus tard, le chef de station poussa une exclamation satisfaite et arracha un des billets d’une liasse. Il étala ensuite les deux billets sur son bureau.

— Regardez, dit-il à Malko, vous ne remarquez rien ?

Malko se pencha à son tour, examinant avec soin les deux billets sans voir de différence appréciable.

— Je vois deux cents dollars, conclut-il. Qu’y-a-t-il ? Ils sont faux ?

— Pas du tout, corrigea l’Américain. Mais regardez les numéros…

Malko suivit son conseil et comprit : les deux billets appartenaient à la même série.

— Et alors ? demanda-t-il.

Jack Ferguson referma Fattaché-case et alla le ranger dans le coffre de son bureau avant de revenir s’asseoir à côté de Malko devant la table basse où était posée une cafetière.

— Ce billet a une histoire, expliqua-t-il. Il y a une semaine, un homme a été assassiné à Miami Beach. Un Yougoslave croate, un certain Boris Miletic. Sauvagement égorgé, lardé de coups de couteau. Et, en plus, on lui a arraché les yeux. Regardez.

Il tira d’un dossier quelques photos d’un visage mutilé, tellement horribles que Malko préféra ne pas s’y attarder.

— Il était en possession de ce billet ? demanda-t-il.

— Non. Ce meurtre aurait probablement été mis au compte des querelles sanglantes entre « narcos », fréquentes à Miami, s’il n’y avait pas eu un témoin. Ce Boris Miletic venait d’arriver à Miami et occupait pour quelques semaines l’appartement d’un de ses vagues cousins, un commerçant croate établi à New York. Quelques heures avant son assassinat, il avait dragué sur la plage une jeune femme, yougoslave elle aussi, qui l’avait suivi chez lui. C’est à elle qu’il a donné ce billet de cent dollars extrait d’une liasse. Celle-ci…

— Vous savez qui l’a assassiné puisqu’il y a un témoin…

— Nous ignorons encore le nom du meurtrier, mais grâce au témoignage de cette jeune femme, nous savons qu’il s’agit d’un Yougoslave assez âgé. Cachée dans la salle de bains, elle a entendu une partie de leur conversation. Le meurtrier réclamait de l’argent et les deux hommes ont évoqué un achat d’armes… Le « Homicide Squad » de Miami nous a transmis ce dossier et Langley a donné les informations à notre station de Zagreb. David Bruce, le COS, a pris contact avec les autorités locales. Boris Miletic était connu. Un peu voyou, un peu mac, il s’était récemment fait remarquer en gravitant autour du parti d’extrême-droite HSP… Ces gens-là se réclament d’Ante Pavelic, l’homme-lige des nazis. Ils militent pour une « Grande Croatie » qui engloberait pratiquement tout le territoire de la Yougoslavie actuelle. De dangereux illuminés… Autour du parti HSP, il y a des groupuscules clandestins prêts à reprendre les actions violentes des Oustachis.

« Or, Boris Miletic a disparu de Zagreb, il y a quelque temps. Aucune trace de lui jusqu’à Miami. On ne savait pas trop comment exploiter l’affaire lorsque notre ami Andrez Pecs nous a avertis qu’il avait été contacté pour un achat d’armes par un Croate, Miroslav Benkovac, qui n’agissait pas pour le compte du gouvernement croate de Zagreb. J’ai transmis au COS de Zagreb et là, bingo !

— C’est-à-dire ?

— D’après la police croate, Miletic et Benkovac appartiennent au même groupe clandestin !

— Qui est ce Benkovac ?

— Un Croate de trente ans. Il y a dix ans, il a été arrêté par la police secrète communiste yougoslave, l’UDBA, parce qu’il cherchait à créer un mouvement des Droits de l’Homme. Il a fait quatre ans de prison et lorsqu’il est sorti, il s’est enfui en Allemagne où il a survécu tant bien que mal, se joignant à un cercle d’anciens Oustachis. C’est là qu’il a lié des relations avec le HRB, groupe clandestin croate en exil, d’inspiration fasciste. Dès que la Croatie a proclamé son désir d’indépendance et commencé à s’affranchir de la tutelle de Belgrade, il a accouru à Zagreb. Son groupe clandestin d’extrême-droite prône la lutte armée contre les Serbes.

— C’est pour cela que vous allez leur donner des armes ?

Jack Ferguson eut un sourire contraint.

— La situation est compliquée. Certes, nous souhaitons que la Fédération yougoslave n’éclate pas, mais il ne faut pas que les Serbes étouffent les velléités démocratiques du reste du pays. Or, en Serbie, le Parti communiste est encore tout-puissant. La première chose qu’ils ont faite, il y a un an, c’est de confisquer les armes de la « garde territoriale » de la province croate, laissant la Croatie à la merci d’une intervention militaire serbe. Aussi, nous sommes intervenus…

— Comment ?

— Nous avons accepté de livrer des armes légères à l’État croate. De quoi équiper leur Garde nationale. Un embryon d’armée. La Présidence a donné son feu vert. À condition que notre intervention demeure discrète. C’est là que nous avons demandé la collaboration d’Andrez Pecs. Il nous a déjà souvent servi d’écran dans des opérations similaires… Comme les Croates n’ont pas un rond, la Company a financé un achat d’armes hongroises – surtout des Kalach – et on a puisé dans les réserves de l’US Army. Ces armes ont transité par la Hongrie, comme si elles venaient de Beyrouth et tout le monde a été content. Notre ambassadeur à Belgrade a pu jurer que nous n’avions fourni aucune aide aux Croates.

— Cet Andrez Pecs est sûr ?…

— On peut lui fermer pas mal de marchés… En plus, nos amis autrichiens sont ravis, ils aiment bien les Croates…

— À cause de l’empire austro-hongrois ?

— Exact. Là-bas, ils se sentent un peu chez eux. Je crois que si ce Miroslav Benkovac s’était adressé à nos homologues autrichiens, ils auraient tout fait pour l’aider…

Malko commençait à comprendre le fond de l’histoire.

— Puisque vous avez déjà livré des armes gratuitement aux Croates, pourquoi veulent-ils en payer ?

— C’est là que cela devient intéressant, avoua le chef de station. Ces armes-là ne sont pas destinées au gouvernement croate, mais aux clandestins… C’est leur seconde tentative pour s’en procurer.

— La première, c’était par Boris Miletic ?

— Oui. Autant qu’on puisse reconstituer l’histoire, il a doublé ses copains et a filé avec l’argent destiné à l’achat des armes. Un grand classique. Le problème, c’est qu’ils ont retrouvé sa trace. Il n’a pas profité longtemps de ses dollars. Grâce à cette Yougoslave qui a assisté au meurtre, nous avons pu recoller ensemble les morceaux du puzzle. La rapidité avec laquelle Miletic a été retrouvé montre que l’organisation HRB est bien ramifiée en Yougoslavie et à l’étranger. Et a de l’argent.

— D’où vient-il ?

— Des Croates qui ont fait fortune à l’étranger. En Australie, entre autres.

Malko ne voyait pas l’intérêt de se mêler de cette histoire croato-croate.

— Pourquoi ne pas prévenir la police croate ? s’étonna-t-il. Qu’ils arrêtent ce Miroslav Benkovac.

— C’était ma première idée lorsqu’Andrez Pecs m’a appris qu’il était approché par ses acheteurs. Il m’a demandé si je donnais mon feu vert à la transaction. Si je refusais, ils auraient cherché ailleurs et trouvé. J’ai obtenu alors des instructions de Langley m’ordonnant de pénétrer l’opération, via cet achat d’armes.

« La situation est très délicate en Yougoslavie. Nous avons tous les éléments d’un nouveau Liban : deux communautés qui se haïssent, les Serbes et les Croates, l’une pauvre, l’autre, riche, des armes partout et une armée qui éclatera au premier choc : soixante-dix pour cent de l’encadrement est serbe, mais les soldats appartiennent à toutes les ethnies. Ils rejoindraient leurs camps naturels en cas de clash. Avec en plus des officiers supérieurs restés très communistes, ennemis de toute démocratisation.

— Que disent les Serbes ?

— Ils interdisent la partition. Pour eux, ce serait une catastrophe. Presque toutes les ressources se trouvent en Croatie ou en Slovénie. Il ne leur reste que quelques complexes d’industrie lourde qui valent leur poids de ferraille. Pas d’agriculture, pas de tourisme. En plus, pendant la guerre, à cause d’Ante Pavelic, les Croates se sont rangés dans le camp nazi, tandis que les Serbes fournissaient ses partisans à Tito… croate pourtant, lui aussi. Cela a donné lieu à quelques beaux massacres entre 1941 et 1945…

« Ensuite, le gouvernement communiste de Belgrade, dominé par les Serbes, a tout fait pour punir les Croates de leur erreur historique…

— Et maintenant ?

— Il n’y a encore eu que quelques tout petits massacres. Mais il suffirait d’une étincelle pour que se déclenche une vraie guerre civile qui ferait des milliers de morts et ne serait pas prête de s’arrêter…

— Vous pensez que le groupe de Miroslav Benkovac pourrait déclencher cela ?

L’Américain eut un geste évasif.

— Visiblement, nous avons affaire à des fanatiques. Nous ignorons encore tout d’eux : leur nombre, leur implantation, leurs chefs, leurs relations. Et surtout, ce qu’ils veulent vraiment faire avec ces armes, leurs projets à court terme, si vous préférez…

— Ils ne se sont pas confiés à Andrez Pecs ?

— Non. Ils ont prétendu vouloir armer des milices d’auto-défense dans des villages croates isolés en zone serbe.

— On dirait plutôt l’armement destiné à de petits commandos, remarqua Malko. Pour des coups de main…

— Exactement, approuva l’Américain. Et encore, vous ne savez pas tout : ils avaient demandé à Pecs des lance-flammes !

Évidemment, le lance-flammes n’était pas l’arme idéale pour l’auto-défense… Même en Yougoslavie. Malko revit le doux visage du barbu : à qui se fier ! On aurait dit un intellectuel signataire de pétitions pour la paix dans le monde… Depuis qu’il avait vu au Liban des prêtres maronites s’éclater à la mitrailleuse lourde, Malko avait beaucoup évolué sur le pacifisme des gens supposés paisibles…

— Pourquoi ne passez-vous pas l’affaire au nouveau gouvernement croate ? demanda-t-il.

— Il n’a pas les moyens de mener une telle enquête, affirma l’Américain, n’étant formé que depuis quelques mois. Jusque-là, les Services de Renseignements croates n’existaient pas. Il y avait seulement en Croatie une branche locale de la SDB, l’équivalent yougoslave du KGB. Depuis que Zagreb, capitale de la Croatie, a rompu avec Belgrade, les Croates ont été obligés de tout créer à partir de zéro.

« Comme ils manquent d’hommes, ils doivent utiliser dans leurs nouvelles structures d’anciens agents de la SDB, des Croates ralliés. Seulement, on n’est pas sûr à 100 % de leur fidélité. Si certains allaient mettre Belgrade au courant de cette affaire, les Serbes couineraient partout que les Oustachis sont revenus pour massacrer tous les Serbes innocents de Croatie. Cela a été leur thème de propagande pendant quarante ans… Alors que le gouvernement de Franjo Tudman est très modéré, ne répond pas aux provocations et ne veut rien avoir à faire avec les nostalgiques des Oustachis.

« Donc il faut faire les choses nous-mêmes.

— C’est à dire ?

— Remonter cette filière, identifier les membres de ce groupuscule clandestin, leurs planques et leurs sponsors. Ensuite, on pourra donner le tout aux Croates ou bien faire le ménage nous-mêmes. Le gouvernement croate se sait sur la corde raide. Leurs extrémistes leur font encore plus peur que les Serbes ! Il suffirait de quelques massacres pour que Belgrade annonce au monde que les Croates sont devenus fous, qu’il faut les mettre en tutelle, mater la Croatie grâce à l’armée fédérale.

Malko but une gorgée de café.

— Mais ce Miroslav Benkovac ne réalise pas cela ?

— Il ne se rend pas compte, plaida l’Américain. Les extrémistes s’imaginent qu’il suffit de tuer tous les Serbes – comme en 1941 – pour résoudre tous les problèmes. Leur histoire de Grande Croatie est une utopie dangereuse. Finalement, cette affaire d’armes est une bonne chose.

— Pourquoi ?

L’Américain lui adressa un large sourire.

— Vous allez accompagner ces armes puisqu’elles vous appartiennent. Fatalement, vous entrerez en contact avec des membres de ce groupuscule. À partir de là, je compte sur votre expérience, et votre talent d’improvisation.

— Mais je ne parle pas serbo-croate, protesta Malko. Et ils n’auront aucune sympathie particulière à mon égard.

Bien que se haïssant cordialement, Serbes et Croates parlent la même langue, avec des accents différents, comme les Bosniens, les Herzégoviens ou les Monténégrins, d’ailleurs.

— Si. Parce qu’en plus de la livraison payée, nous allons ajouter quelques petits cadeaux que vous leur « offrirez ». En tant que sympathisant de la cause croate. Vous avez vu ce Miroslav Benkovac. C’est un naïf, m’a dit Andrez Pecs. Avec un geste comme ça, il va vous manger dans la main.

Toujours l’optimisme impénitent des bureaucrates qui n’allaient pas sur, le terrain. Les Yougoslaves n’avaient pas la réputation d’être des gens faciles et ouverts. Malko revit la photo de Boris Miletic, massacré par un de ses compatriotes. Ce n’était pas encore une mission de tout repos. Sentant sa réticence, Jack Ferguson lui lança d’une voix pleine d’optimisme :

— En plus, je vais vous donner une arme secrète !

Avant que Malko lui demande de quoi il s’agissait, il se dirigea vers la porte de son bureau et l’ouvrit.

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