CHAPITRE XXII

Ils ne se hâtaient pas, et pourquoi l’auraient-ils fait, puisqu’ils étaient nombreux, certainement une dizaine en tout, et qu’ils savaient qu’il n’avait pas d’issue. Ils n’avaient pas d’armes et ne parlaient pas. Un groupe descendait le large escalier, un autre le montait, Lantier en tête, et le tapis étouffait leurs pas. Bien entendu, ils avaient pris la précaution élémentaire de neutraliser l’ascenseur.

Le piège se refermait sur lui.

Il pouvait avoir encore quelques secondes de répit.

— C’est vous qui vous êtes trahi, Katz… Vous vous êtes trahi vous-même et personne ne pouvait le faire à votre place.

Les policiers le virent poser lentement le Bulldog au milieu du tapis, en fléchissant à peine les genoux, puis retirer son blouson et le jeter derrière lui. Personne ne pensa qu’il faisait autre chose que se rendre, montrer qu’il n’avait plus de ferraille sur lui. Personne ne comprit son élan, ni le mouvement qu’il fit pour bondir sur la large rampe de bois sombre que Lantier tenait à pleine main pour s’aider à monter, à finir ce boulot dégueulasse.

Katz y resta un miraculeux instant immobile, le temps de se redresser complètement et de regarder en bas, de reprendre son équilibre avec une hallucinante précision de funambule. Il bougea les orteils, se souleva…

Et Lantier comprit.

Cessa de gravir les marches.

L’inspecteur divisionnaire Gilles Lantier, dit Katz, allait faire ce qu’il aurait déjà dû faire depuis longtemps.

Lantier vit partir l’impulsion depuis les orteils.

Les bras largement écartés, Katz exécuta un impeccable et hallucinant saut de l’ange, s’éleva et parut immobile un instant, au sommet de sa trajectoire, et sa face aux yeux grands ouverts n’exprimait aucune émotion particulière.

Seulement la tension née de la perfection du geste.

Le saut de l’ange depuis un cinquième étage…

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