14. Sire Adelrune de Faudace

Comme la première fois, le voyage lui prit trois jours. Il aurait pu essayer de se hâter, mais la traversée de la Forêt était régie par des lois qui jouaient sur le temps plutôt que sur la distance. Une fois qu’ils eurent pénétré sous les arbres, Adelrune laissa Griffin choisir un pas tranquille et s’absorba dans le paysage environnant.

Nul son ne se faisait entendre, et il ne vit rien que les arbres tout autour de lui : la Reine tenait sa promesse. Et pourtant il savait que des yeux le regardaient ; la haine et la rage de la souveraine de la Forêt étaient presque palpables. Les nuits étaient douces ; il n’eut pas besoin de faire du feu. Il avait une vague crainte qu’Œil-de-Braise ne revienne, mais son repos ne fut pas troublé.

Une fois, il sortit le Prince de Coupes de son sac. En pressant ses doigts contre la carte, il sentit un battement de cœur fantomatique, et une grosse goutte écarlate suinta de la déchirure. De peur de rompre sa propre promesse, il remit la carte à sa place et n’y toucha plus.

Le troisième jour, il atteignit les collines. Il mit pied à terre pour réduire le fardeau de sa monture. Tous deux gravirent les côtes en zigzaguant, choisissant toujours le chemin le plus facile. Adelrune avait laissé son esprit se vider presque complètement, comme la première fois qu’il était venu ici. Maintenant, comme naguère, il fuyait le souvenir d’une chose terrifiante. Mais cette fois-ci, ce qui le terrifiait était en lui-même ; quoi qu’il fasse, il ne pouvait y échapper indéfiniment.

Au coucher du soleil, il arriva enfin en vue de la maison de Riander. Il mena Griffin jusqu’au fond de la petite combe, jusqu’à la porte de la maison de briques roses. La moitié du bâtiment était plongée dans l’ombre, l’autre moitié était teintée de couleur pêche par le soleil couchant. Adelrune alla frapper, mais la porte le reconnut et s’ouvrit de son propre chef.

Il entra. La maison était restée la même, remous immuable dans le flot du temps. Les pièces s’étendaient à l’infini. Riander restait introuvable. Adelrune marcha le long du salon, finit par atteindre la galerie de portraits et il y trouva enfin son tuteur, occupé à terminer un tableau. Il s’approcha en silence, non pas parce qu’il ne voulait pas être entendu, mais parce qu’il n’osait faire le moindre bruit.

Et alors il vit que c’était lui que Riander peignait. Il ne put réprimer une exclamation de surprise ; Riander sursauta, le vit, laissa tomber ses pinceaux, poussa un cri de joie et le serra dans ses bras. Adelrune frissonna violemment dans l’étreinte de son tuteur, se débattit. « Laissez-moi ! » supplia-t-il, et Riander le libéra.

Adelrune s’assit sur le sol, recroquevillé et tremblant. Au bout d’un moment, il leva la tête et examina le portrait. Riander s’était accroupi à ses côtés ; son visage exprimait le souci.

Sur le mur, Adelrune était représenté devant un arrière-plan, en teintes sombres, d’arbres entrelacés ; il portait l’armure de l’Owla, le bouclier de Sawyd et la lance de Kadul. La gemme bleue du pommeau de sa dague brillait à sa ceinture.

— Vous saviez, dit-il en se tournant vers Riander. Vous saviez ce qui allait se passer…

— Non. Pas dans le sens où tu l’entends. Je ne pouvais pas savoir à l’avance ce qui t’arriverait. J’étais sincèrement convaincu que tu reviendrais après une semaine, deux au plus. Je n’aurais jamais pu prédire ce qui s’est passé. J’ai pu peindre ce tableau parce que tes voyages me parvenaient en rêve ; ce que je t’ai pris nous garde liés jusqu’à un certain point.

Riander secoua la tête, l’air affligé.

— Je me suis beaucoup inquiété. Aucun autre de mes élèves n’a jamais été mis aussi durement à l’épreuve.

— Une épreuve à laquelle j’ai échoué. Riander, vous devez effacer ce portrait immédiatement. Je ne suis pas un chevalier. J’ai honte qu’il m’ait fallu tant de temps pour le comprendre.

Riander se leva, son visage affichant de l’incrédulité mêlée à une autre émotion. Adelrune se sentit trop gêné de rester assis sur le sol ; il se releva péniblement, refusant la main tendue de Riander.

— Comment peux-tu donc ne pas être un chevalier ? demanda Riander quand son élève fut debout. Le roi à bord du Vaisseau de Yeldred t’a adoubé dans les règles.

— Joyell était dément ! Que peut vouloir dire pour moi d’être adoubé par un tel homme, un homme que je me suis empressé de trahir en détruisant tous ses rêves ? Et de toute façon… de toute façon, la formation de ses chevaliers était insuffisante, leur titre n’était qu’honorifique. La chevalerie de Yeldred n’est pas la vraie chevalerie.

— Tu juges donc que Sa Majesté Joyell n’était pas digne de te prononcer chevalier. Mais y a-t-il donc quelqu’un d’autre qui le soit ?

— …Vous, bien sûr. Mais…

— Et si je te disais, moi, que tu es un chevalier ?

— Ha ! Mon tuteur ne serait pas aussi sot !

— Pourquoi est-ce une sottise ?

Adelrune ne répondit pas. Il examinait le tableau, et voyait maintenant que les arbres noueux et le feuillage cachaient des formes. Il pouvait distinguer des visages familiers : il reconnut Joyell, Madra et Kodo…

Riander reprit la parole. Il demanda doucement :

— Dis-moi, Adelrune, pourquoi ce serait une sottise de ma part de juger que tu es un chevalier.

— Vous n’avez donc pas vu ce qui s’est passé ?

— Si ; tout. Y compris ce qui t’est arrivé à Faudace.

— Et vous posez encore la question ?

Riander hocha la tête.

— Alors, commencerons-nous par les raisons mineures ? demanda Adelrune d’une voix tremblante. Si vraiment vous voulez tout entendre, fort bien. Je ne suis pas un chevalier, je n’ai jamais été et je ne serai jamais digne d’être un chevalier parce que j’ai mené Kodo droit dans les griffes du magicien gris et que nous n’avons pu nous échapper que par le plus grand des hasards. Parce que j’ai choisi de ne pas défier Berthold Weer qui exploitait la vertu de ses servantes. Parce que j’ai trahi le roi Joyell de Yeldred. Parce que j’ai détruit l’œuvre de Gliovold en libérant la Reine. Parce que Jarellène est morte par ma faute !

— Tu es Adelrune de Faudace, qui a libéré les Rejetons de Kuzar gardés captifs par le magicien gris. Qui s’est fait des amies des sorcières de la Vlae Dhras et a échappé à la Manticore. Qui a évité le massacre d’Ossué et contrecarré la puissance de la Reine de la Forêt. De tous mes élèves, aucun n’a jamais eu un tel effet immédiat sur le monde. Ne peux-tu donc pas comprendre ? Tu transformes tout ce que tu touches. Un jour, on composera des lais sur le héros Adelrune. Ta vie commence à peine, et déjà tes exploits satisferaient plus d’un chevalier aguerri.

— D’accord, dit Adelrune d’un ton amer. D’accord, je suis un héros digne d’être immortalisé par une ballade. Que suggérez-vous pour le dernier couplet, celui où je tue mon propre père ? « Sire Adelrune entra dans l’échoppe ; la fin de sa quête approchait. D’un coup de dague, il tua le marchand ; le sang, de sa gorge, coulait… »

La voix du jeune homme s’était élevée presque jusqu’au cri. Riander lui saisit les poignets et les serra violemment.

— Assez, Adelrune. Tais-toi !

La bouche d’Adelrune se referma sans qu’il l’ait consciemment décidé.

— On pourrait dire, continua Riander, que tu as vengé la mort de ta mère. Que tu as réparé l’injustice qui accompagna ta naissance.

— Le dirait-on qu’on aurait tort, répliqua Adelrune d’un ton maintenant calme. Je me suis répété la même chose une douzaine de fois durant mon voyage, mais cela ne tient pas.

« Je n’ai pas vaincu un puissant ennemi. Je n’ai pas occis un mage qui menaçait ma vie. J’ai tué un homme sans armes, un homme terrifié qui n’avait invoqué ses sortilèges pervers que pour combler le vide de son existence. Et même là, l’eussé-je tué dans un mouvement de rage, au nom de ma mère, je pourrais encore croire que j’avais agi à juste titre. Mais savez-vous pourquoi je l’ai tué ?

— Dis-moi.

— Je l’ai tué parce que je ne pouvais pas lui pardonner de m’avoir déçu. J’avais devant moi l’homme qui avait détruit ma vie et celle de ma mère, et il l’avait fait par simple égoïsme. Il ne me haïssait même pas. Il était mesquin et lâche, c’est tout. Je crois que… je crois que je l’aurais épargné à la fin, s’il avait demandé grâce. Mais il a cité la Règle, et je ne pouvais plus supporter la moindre allusion aux Préceptes et aux Commentaires… Je voulais qu’il se taise. À la toute fin, c’est pour le réduire au silence que je l’ai tué.

Adelrune poussa un sanglot, essuya la sueur qui perlait à son front.

— Je suis d’accord avec toi, dit Riander. C’était en effet un meurtre ignoble. Indigne d’un chevalier.

Adelrune le dévisagea, interloqué. Il s’était attendu à ce que Riander rejette patiemment les accusations qu’il dirigeait contre lui-même. Cela était-il un stratagème visant à le sortir de son abattement ? Mais il voyait bien que Riander était parfaitement sérieux. Son tuteur reprit la parole.

— Sans vouloir t’insulter, Adelrune, je dois te dire que tu es resté un enfant de la Règle. Tu as conservé tout au long de ton apprentissage la croyance absurde qu’un chevalier doit être sans reproche pour mériter son titre. Je ne vois pas d’où t’est venue cette idée, car je n’ai certainement jamais rien dit de tel. Tu persistes à oublier Sire Ancelin, qui tua une douzaine de ses plus chers compagnons, Sire Actavaron, qui séduisit l’épouse de son meilleur ami, Sire Cobalt, qui mena une vie de vols et de mensonges dans les rues d’Avyona pendant une année entière, et tant d’autres que je ne peux pas les compter.

— Mais…

— On peut être imparfait et quand même bon. On peut avoir commis une faute et quand même être jugé digne. Que croyais-tu ? Que la formation que je t’ai donnée te permettrait de te comporter comme un saint homme en toutes circonstances ? La Règle peut afficher une telle prétention au nom de ses époptes, mais tu sais mieux que personne que ce n’est là qu’un mensonge. Écoute-moi bien : tout le reste de ta vie, tu seras hanté par les décisions que tu auras prises et par celles que tu souhaiteras avoir prises. Sire Lominarch épargna la vie d’Ysalva, qui plus tard détruisit le seul exemplaire restant des Principes Écarlates, par lequel l’Ordre de la Wyverne aurait encore pu être sauvé. Mais s’il l’avait tuée, il aurait été un assassin.

— Ce n’est pas là une juste comparaison, rétorqua Adelrune. Keokle n’aurait jamais pu influencer le cours de l’histoire de cette façon. Et quoi qu’il en soit, Lominarch agit honorablement : il épargna Ysalva plutôt que de la tuer.

— Mais pourquoi l’a-t-il laissée vivre ? Tu ne te souviens pas ? Je t’ai raconté l’histoire : il l’a épargnée parce qu’elle était jeune et jolie, et qu’il bouillait d’envie de coucher avec elle. Sa miséricorde ne venait ni de sa tête ni de son cœur, mais bien de son sexe. D’où est venu ton jugement du fabriquant de jouets, Adelrune ? Du plus profond de toi-même. Tu n’as pas réfléchi ; tu n’as ressenti nulle pitié, mais seulement de la colère. Tu as eu tort de le tuer, mais je ne peux croire que les choses auraient pu se passer autrement. Si j’avais été à ta place, je l’aurais castré avant de l’exécuter. J’aurais été encore davantage dans mon tort ; mais je ne suis pas plus irréprochable que toi.

Adelrune détourna le visage.

— Cela ne suffit pas, dit-il. Dites-moi ce que je suis tant que vous voudrez ; moi, je sais ce que je ne suis pas.

— Un jour, il y a bien longtemps, Sire Aldyve entra dans une auberge de l’autre côté du monde, et on lui demanda, comme à tous les nouveaux venus, d’expliquer qui il était. Après une heure entière, il n’avait pas encore fini de décrire tous les aspects de son être, aussi le réduisit-on au silence en lui enfournant une saucisse dans la bouche. Il paraît qu’on l’entendit remarquer par la suite : « Que m’auraient-ils donc fait s’ils m’avaient demandé de leur dire ce que je n’étais pas ! »

Adelrune sourit, amusé malgré lui.

— Je vous soupçonne, dit-il, d’avoir inventé cette histoire à l’instant même.

— Aldyve se comprenait lui-même mieux que tu ne te comprends. Moi, je te comprends, Adelrune ; oserais-tu le nier ? Je sais tout ce que tu es. Le talent de mon vieil ami survit en moi ; quand tu t’es présenté à ma porte, en ce jour du début du printemps, j’ai pu voir jusqu’au tréfonds de ton âme. Je savais ce que tu promettais de devenir. Et tu as rempli tes promesses, toutes tes promesses, les noires comme les blanches.

Adelrune mit une main devant ses yeux ; une larme s’échappa d’entre ses doigts.

— Je souhaiterais ne pas l’avoir tué, dit-il. Il méritait d’être puni, mais le châtiment que je lui ai infligé était excessif.

— C’est vrai. Mais tout comme j’ai volontiers pardonné sa faiblesse à Lominarch, je te pardonne la tienne. Sois sûr d’une chose : que tu croies ou non au destin, de par ta vocation même, il est certain que plus d’une occasion de te racheter se présentera à toi dans l’avenir. Mais même si tu libères mille prisonniers, même si tu répares mille injustices, tu ne pourras jamais défaire ce que tu as fait. Et tu ne seras jamais vraiment pardonné si tu ne te pardonnes pas à toi-même.

Adelrune retira sa main de devant ses yeux, hocha la tête.

— Vous avez raison, admit-il. Mais je persiste à croire que tout aurait été mieux si j’étais resté à Faudace. Si je n’avais jamais lu le Livre des Chevaliers. De cette manière, je n’aurais pu faire le mal.

— Il est trop tard pour de tels regrets. Adelrune de Faudace, moi, Riander, ton précepteur, je te le dis solennellement : tu es un chevalier, à partir de cet instant. Agenouillez-vous, Sire Adelrune, que vous puissiez être adoubé selon les convenances.

Adelrune, vaincu, s’agenouilla. Riander le frappa sur les deux épaules avec une force terrible. Momentanément aveuglé par la douleur, il entendit Riander lui ordonner de se relever.

— Sire Adelrune, au cours de vos épreuves, vous avez obtenu votre armure, votre bouclier, votre arme et votre monture. Votre formation est de ce fait terminée. À partir de maintenant, vous êtes le Chevalier Adelrune de Faudace.

Adelrune inclina la tête pendant un long moment. Riander reprit la parole, d’un ton de voix normal.

— Je n’ai jamais été aussi fier d’un de mes élèves. Ne peux-tu pas te permettre de ressentir un peu de cette fierté ?

Adelrune leva la tête.

— Je pensais à l’histoire de Sire Aldyve. Elle est pleine d’enseignements. Comme toujours, vous êtes encore plus sage qu’on ne pourrait l’espérer.

Après une pause, il continua :

— Oui. Oui, je ressens un peu de votre fierté. J’ai souhaité toute ma vie être chevalier. Peut-être qu’au fond, après cette longue attente, j’avais peur que cela ne m’arrive. Ce n’est pas exactement ce que je m’étais imaginé ; sans doute en est-il toujours ainsi. Mais dites-moi une dernière chose : que vais-je faire maintenant ?

Riander eut un sourire tandis qu’il prenait Adelrune par le bras et l’emmenait vers l’extrémité de la pièce.

— Le monde est immense. Il est plein de gens, plein d’actions d’éclat, de batailles et de magie. Où que tu ailles, le monde t’attendra. Il y a un millier d’injustices à réparer, un millier de batailles auxquelles se joindre – ou à prévenir ; un millier d’histoires à écrire. Tu n’es plus lié par aucune Règle, mais seulement par le mystère du monde lui-même.

Ils avaient atteint l’avant du salon sans fin. Le soleil s’était couché et la combe tout entière était noyée dans l’ombre. À ce moment, on frappa à la porte. Riander alla ouvrir et vit un garçon de peut-être seize ans, vêtu d’un surcot de mailles en loques trop grand pour lui, qui devait dater d’au moins un siècle. Le garçon étreignait un rouleau de parchemin.

— Vous… vous êtes bien Riander, messire ? Je me nomme Thybalt. Je veux devenir chevalier. Le Livre disait que vous exigez une liste d’actes d’éclat. La voici. Si vous voulez bien la lire…

Riander prit le parchemin, le lut attentivement, du début à la fin, par trois fois. Puis il regarda le garçon qui tremblait sur le seuil de sa porte.

— Et quel est le but, Thybalt, qui exige que tu deviennes chevalier ?

— À chaque printemps, les hommes de main du Duc Rouge descendent des collines, ils viennent voler et piller et ceux qui leur résistent sont tués. J’ai fait vœu de défendre mon village. La prochaine fois qu’ils viendront, je les renverrai hurlants chez leur maître.

Riander hocha gravement la tête.

— Soit, Thybalt. Je t’accepte comme mon apprenti.

Il mena Thybalt dans le salon. Le garçon vit Adelrune, fit halte, hésitant. « Bonsoir, messire » dit-il timidement.

— Bien le bonsoir, dit Adelrune.

Il croisa le regard de Riander et dit doucement :

— Il est temps que je parte.

— Tu pourrais rester encore un peu. Nous n’en serions pas gênés.

— Non, il me faut partir. Thybalt le mérite.

— Comment cela, messire ? demanda Thybalt, tellement stupéfait qu’il en oubliait sa réserve.

— Je te souhaite bonne chance, Thybalt, dit Adelrune. Je crois bien que nul ne surpasse Riander comme maître pour un aspirant chevalier. Peut-être toi et moi nous reverrons-nous un jour.

Il sortit de la maison de Riander, enfourcha Griffin et quitta la combe. Riander et Thybalt, debout sur le seuil, le regardèrent partir.

— Qui était-ce ? demanda Thybalt.

— C’était Sire Adelrune de Faudace.

— Sire Adelrune ! Le Livre… Le Livre parlait de lui !

— Je n’en suis pas du tout surpris.

— Et où allait-il ?

— Lui-même ne le sait pas.

Ils regardèrent en silence la silhouette d’Adelrune émerger de la vallée et disparaître dans la nuit, se fondre dans le vaste monde.

FIN
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