Chapitre XIV

Malko sauta hors de l’ambulance et courut au coin de Gravenstraat. Il regarda les phares blancs qui se rapprochaient. Il y avait bien deux véhicules. Si c’était une patrouille, l’attaque se solderait par une catastrophe. Mais s’il laissait passer le convoi de Julius Harb, c’était encore pire. Se fiant à son instinct, il jeta à Herbert Van Mook :

— On y va !

Van Mook et le barman jaillirent de l’ambulance. Van Mook se retourna vers Dutchie.

— Je me mets au coin. Dès que je lève le bras, tu démarres. Tu te mets en travers de Gravenstraat et tu t’aplatis jusqu’à ce qu’on revienne. Compris ?

— Compris, balbutia le mécano dont les mains tremblaient si fort qu’il était obligé de serrer violemment le volant.

Il y avait un abîme entre tuer une femme sans défense et se trouver pris dans une fusillade. Il vit Malko et le barman courir le long du mur de l’hôpital, puis s’immobiliser dans l’ombre au coin de Gravenstraat. Il entendait les deux véhicules se rapprocher. Il concentra son attention sur Herbert Van Mook accroupi à un coin de mur, le riot-gun au poing, avec dans son sillage Tonton Beretta et le M 16 qui paraissait aussi grand que lui. Un vrai tambour de guerre battait contre ses côtes.

Malko sentit sa gorge se nouer en identifiant le premier véhicule : transport de troupes blindé à huit roues, comme celles qui avaient permis au colonel Bouterse de gagner la Révolution !

La lueur d’un réverbère éclaira le long canon d’une mitrailleuse lourde surmontant la tourelle. Ils allaient tous se faire hacher par ses projectiles. De plus, il devait se trouver six à huit hommes à l’intérieur. Le véhicule blindé avançait rapidement. Il n’était plus qu’à cent mètres, quatre-vingt, soixante…

Malko croisa le regard de Herbert Van Mook, paralysé par la stupeur. Il ne fallait surtout pas lui laisser le temps de réfléchir.

— Allez-y ! cria-t-il comme un automate.

Herbert Van Mook leva le bras. Derrière eux, le moteur de la Mercedes 600 rugit. Cette fois, Dutchie avait écrasé l’accélérateur tant il avait peur de caler.

L’ambulance, sous la puissance de ses deux cents chevaux, bondit littéralement, traversa Gravenstraat comme une fusée et son pare-chocs s’écrasa contre la véranda en bois d’une vieille maison qui vola en éclats sous le choc. Le véhicule rebondit en arrière et s’immobilisa au milieu de la chaussée, moteur calé ! Le véhicule blindé se trouvait à vingt mètres.


* * *

Malko n’arrivait pas à détacher les yeux du transport de troupes blindé. Cristina n’avait jamais parlé de ça. Derrière, il distingua un minibus Volkswagen ! Donc, ce n’était pas une patrouille militaire, mais bien le transfert de Julius Harb. Seulement, son « commando » n’était pas équipé pour se battre contre un tel adversaire. Il tourna la tête et aperçut Herbert Van Mook qui lui adressait de grands gestes. C’était maintenant ou jamais. Ce type de transport blindé comportait une mitrailleuse de « 50 » orientable et deux armes tirant dans l’axe du véhicule. C’est la « 50 » qui était la plus dangereuse. Malko aperçut à la lueur d’un réverbère, le torse du mitrailleur casqué dépassant de la tourelle, les mains sur les poignées de tir de son arme. D’une seule rafale, il pouvait les réduire en charpie tous les quatre. Les énormes projectiles de 12,7 millimètres, à cette distance, coupaient un homme en deux.

Le pilote du véhicule blindé freina brutalement pour ne pas percuter l’ambulance qui venait de surgir de la rue transversale. L’engin stoppa à quelques mètres de Malko. Projeté en avant par le choc, le mitrailleur plongea sur son arme. Malko leva son Uzi, ajusta son tir un peu bas, à la base de la tourelle et pressa la détente en remontant. Les détonations claquèrent dans le silence avec un vacarme assourdissant. Le soldat eut quelques gestes désordonnés, puis s’effondra en avant, tandis que la mitrailleuse dressait son canon vers le ciel. Le conducteur du minibus, surpris, faillit à son tour emboutir le véhicule blindé qui le précédait.

Malko se retourna vers Herbert Van Mook et cria :

— Couvrez l’arrière de l’automitrailleuse !

Le transport de troupes blindés s’ouvrait par l’arrière. Herbert Van Mook se précipita entre les deux véhicules, suivi de Tonton Beretta.

— Venez ! cria Malko à Éric.

Il distinguait à peine le conducteur du minibus derrière le pare-brise. Logiquement, c’est dans ce véhicule que devait se trouver Julius Harb. Quelques secondes s’étaient écoulées depuis la première rafale de l’Uzi mais le temps semblait s’être arrêté. À ce moment, dans un hurlement de moteur, le minibus commença à reculer. Malko leva son Uzi, arrosant le pare-brise, imité par Éric, avec son M 16.

Le minibus s’immobilisa. Combien d’hommes y avait-il à bord ? Maintenant, la distance entre les deux véhicules était d’une vingtaine de mètres. Presque une minute s’était écoulée depuis les premiers coups de feu. Le vacarme risquait d’alerter le poste de PM de Fort Zeelandia. Malko n’avait pas repéré d’antenne radio sur le véhicule blindé. Donc, ils ne pouvaient appeler au secours.

Il se colla au flanc du minibus, saisit la poignée de la portière coulissante et la tira violemment vers lui. Au même moment, la porte opposée s’ouvrit et il distingua plusieurs silhouettes qui se glissaient à l’extérieur, traversant la chaussée pour se fondre dans l’ombre d’une vieille maison de bois. La tuile. Ils ne pouvaient vraiment pas se lancer dans un combat de rue !

Accroupis, Tonton Beretta et Herbert Van Mook attendaient devant les portes du blindé. Elles s’ouvrirent violemment, mais aucun soldat n’eut le temps de sortir. Le riot-gun de Van Mook se mit à cracher ses gerbes de plomb à une cadence infernale, neutralisant tous les occupants du véhicule. À cette distance, le riot-gun valait un lance-grenades.

À côté de lui, Tonton Beretta vidait le chargeur du M 16 d’un seul coup sur ce qui pouvait encore survivre. Avec un « plouf » sourd, l’intérieur s’illumina et le blindé prit feu.

La porte du minibus tirée par Malko s’ouvrit d’un coup. Le conducteur était affalé sur le volant et son voisin, la tête renversée en arrière sur le siège, perdait son sang par les oreilles. Malko distingua plusieurs hommes tassés à l’arrière.

Éric fit le tour en courant pour prendre sous le feu de son arme l’autre porte.

— Please, don’t shoot[19] ! cria une voix à l’intérieur du minibus.

Malko vit vaguement des mains se lever. Une rafale claqua, tirée de la maison d’en face. Éric poussa un cri, tituba, lâcha son arme, puis tomba sur la chaussée. Tonton Beretta se retourna et lâcha une rafale de M 16 au jugé. Les coups de feu cessèrent aussitôt.

— Harb, Julius Harb ! cria Malko.

Une silhouette se leva à l’arrière du minibus.

— Quick ! Quick[20] ! cria Malko.

Le sergent se faufila entre ses deux gardes du corps paralysés de terreur. Ils ne bronchèrent pas quand Malko leur arracha leurs Uzi et les jeta sur la chaussée dans un grand bruit de ferraille. Les flammes enveloppaient complètement l’engin blindé. Un pneu éclata avec un bruit sourd. Le visage amaigri de Julius Harb apparut dans la pénombre. Herbert Van Mook ramassa une des Uzi, rejoignant Malko, avec Tonton Beretta.

Malko tira Julius Harb hors du minibus.

— Vite, emmenez-le à l’ambulance, dit Malko à Tonton Beretta.

De nouveaux coups de feu claquèrent, du côté des soldats embusqués et ils s’accroupirent tous derrière le minibus, tandis que ses dernières glaces volaient en éclats.

— Où est Éric ? demanda Van Mook.

— Blessé ou mort, fit Malko. Couvrez-moi, je vais voir.

Il rampa jusqu’à l’arrière du véhicule et, tandis que le Hollandais lâchait de courtes rafales, rampa jusqu’au corps étendu. Éric reposait sur le ventre et le dos de sa chemise n’était plus qu’une énorme tache de sang. Malko essaya de le bouger, sans résultat. Plusieurs balles sifflèrent méchamment non loin de lui. Il se rejeta en arrière.

— Partons, dit-il, il est mort.

Ils coururent sous la protection des deux véhicules, faisant un crochet à cause des flammes. Il y avait ensuite un espace découvert à franchir pour rejoindre l’ambulance. Tonton Beretta s’y lança, escortant Julius Harb. Sans attendre l’ordre de Malko. Celui-ci vit un des soldats réfugiés près de la maison se lever et balayer la chaussée d’une rafale de mitraillette. Julius Harb tituba et tomba.

Malko et Van Mook tirèrent ensemble sur le soldat qui s’effondra. Il en restait deux. Malko bondit à son tour vers l’ambulance. Tonton Beretta essayait de traîner Julius Harb vers la portière. Dutchie ne se manifestait pas. L’odeur âcre du caoutchouc brûlé prenait à la gorge. Les deux hommes rejoignirent Tonton Beretta. Malko se précipita vers Harb.

— Il a été touché ?

— À… à la jambe, bégaya Tonton Beretta.

Julius Harb se tordait de douleur. Malko le prit sous l’aisselle et, avec Tonton Beretta, le traîna jusqu’à l’ambulance, couvert par Van Mook qui tirait de petites rafales en direction des soldats planqués dans la maison.

— Dutchie ! hurla Van Mook, ouvre la portière !

Pas de réponse. Dutchie continuait à être invisible.

Tonton Beretta jura comme un charretier. Herbert Van Mook se pencha vers la voiture et explosa :

— Le fumier, il s’est tiré !

— Prenez le volant ! cria Malko, et ouvrez la portière.

Julius Harb continuait à gémir dans ses bras. Ce serait le comble de le perdre au dernier moment, après avoir couru tous ces risques. Ils s’étaient totalement exposés au feu de leurs adversaires. Van Mook fit le tour en courant, se jeta à l’intérieur, et ouvrit enfin la portière arrière. Aussitôt, Malko poussa Julius Harb dans le véhicule, tandis que Tonton Beretta se jetait sur l’avant. Van Mook cria soudain :

— Attention !

Malko tourna la tête.

Dans la lueur d’un réverbère, il aperçut un soldat debout, en train d’épauler son arme.

— Tonton !

Tonton Beretta appuya sur la détente de son M 16. Il n’y eut qu’un tout petit bruit sec et insignifiant. Le chargeur était vide ! Instinctivement, Malko banda les muscles de son dos comme si cela avait été une protection suffisante pour arrêter une balle de fusil d’assaut tirée à cinquante mètres.


* * *

Mama Harb était accroupie dans l’ombre de la vieille maison de bois quand le petit convoi arriva à sa hauteur. Elle ignorait qu’il s’agissait de son fils. Elle avait vu l’ambulance se mettre en place le long de l’hôpital et des hommes circuler autour, mais n’avait pas osé révéler sa présence. Terrifiée, elle avait assisté à l’attaque du convoi. Quand les flammes avaient illuminé tout Gravenstraat, elle s’était dressée hors de sa cachette. Au même moment, deux soldats s’étaient réfugiés à quelques mètres d’elle, sans la voir.

Les rescapés du minibus.

Mama Harb n’avait jamais assisté à un combat et avait très peur. Mais, plus que tout, elle voulait voir son fils. Quand elle aperçut les trois hommes s’enfuir vers l’ambulance bloquée au milieu de la rue, son instinct de mère lui fit reconnaître son Julius, malgré la pénombre. Elle aurait tant voulu courir vers lui ! Seulement, les soldats étaient à quelques mètres et la tueraient sûrement.

Alors, elle demeura tapie dans son coin, regardant son fils qu’elle ne reverrait peut-être jamais s’éloigner vers la grosse ambulance. Quand il tomba, elle se dressa, muette d’horreur. Personne ne fit attention à elle. Il ne restait plus que deux soldats qui tiraient par intermittence. Un d’eux tomba en arrière, gémissant de douleur. Le dernier, quelques instants plus tard, se leva, visant l’ambulance. Mama Harb ne comprenait pas pourquoi les autres ne ripostaient pas. Son fils était déjà presque entré dans le véhicule, mais il pouvait encore être touché. Arrachant sa machette de son cabas, elle bondit vers le soldat. Ce dernier entendit du bruit, mais n’eut pas le temps de se retourner. Avec une force incroyable, Mama Harb venait d’abattre la machette sur sa nuque !

La lame acérée trancha les vertèbres cervicales comme si c’était du beurre, séparant presque la tête du corps. L’index crispé sur la détente déclencha une longue rafale qui se perdit dans le ciel, tandis que le soldat tombait à genoux, perdant son sang à gros bouillons. Mama Harb resta près de lui, son arme levée, ne sachant plus que faire.


* * *

Malko entendit le cri du soldat et le vit s’effondrer, sans entendre la moindre détonation. Il fallut la lueur de l’incendie pour qu’il aperçoive, près de l’homme tombé à terre, une silhouette humaine. Il était trop loin pour distinguer de qui il s’agissait, et ce n’était pas le moment de se poser de questions. À son tour, il se laissa tomber dans la voiture, à côté de Julius Harb. Ils étaient sur la corde raide. L’opération avait pris beaucoup trop de temps. La police militaire allait arriver d’un moment à l’autre.

— Vite, démarrez ! cria-t-il.

Herbert Van Mook était penché sur le volant.

— Cette saloperie ne part pas ! gronda-t-il.

Effectivement, le démarreur tournait sans que le moteur s’enclenche. C’était le comble. Avec la blessure de Julius Harb, il n’était pas question de s’enfuir à pied. Malko essaya de voir à travers les glaces teintées, mais ne vit que les flammes du blindé achevant de brûler.

Enfin, le moteur de la Mercedes démarra. Herbert Van Mook passa la marche arrière, le moteur rugit encore plus, l’ambulance trembla de toute sa carcasse, mais ne bougea pas d’un centimètre. Malko mit quelques secondes à comprendre ce qui se passait. Le coup avait bloqué le pare-chocs dans les débris de la maison !

— Avancez, puis reculez ! cria-t-il.

Van Mook passa en « low » et accéléra. La Mercedes s’enfonça de vingt bons centimètres dans les décombres. Aussitôt, le Hollandais passa la marche arrière. Cette fois, entraînant des débris de bois, la grosse voiture recula et Van Mook put enfin braquer et démarrer. Trente secondes plus tard, il tournait dans Watermolenstraat. Du coin de l’œil, Malko aperçut des silhouettes qui accouraient du côté du palais présidentiel.

L’ambulance dévala la rue étroite, tous phares éteints, faisant hurler ses pneus. Deux cents mètres plus loin, le Hollandais tourna à droite. Encore trente mètres et de nouveau à droite. Coup de frein, et il s’engouffra dans le parking repéré par Malko, longea la grosse maison de bois et s’immobilisa sous des claies, dans un espace invisible de la rue. Malko descendit aussitôt. La portière de la Colt garée à côté s’ouvrit. Greta Koopsie en jaillit et se précipita vers lui.

— Mon Dieu, tout va bien ?

— Presque, dit Malko. Il y a un blessé, occupez-vous-en.

Il revint sur ses pas et, dissimulé dans l’ombre de la maison, inspecta la rue. Personne. Le désert absolu. En principe, personne ne les avait vus entrer. Condition sine qua non de leur survie. Il demeura immobile dans la pénombre plusieurs minutes, entendant des bruits de véhicules dans le lointain, puis une longue rafale : des munitions qui explosaient probablement. Une lueur rouge illuminait le ciel dans la direction de Gravenstraat. Il fit demi-tour, se demandant qui lui avait sauvé la vie.

Mama Harb vit l’ambulance démarrer et appela de sa voix cassée :

— Julius ! Julius !

Bien entendu, il ne pouvait pas l’entendre. La longue Mercedes disparut dans Watermolenstraat et Mama Harb se mit à pleurer, sa machette sanglante au bout de son bras. Les craquements de l’incendie furent pendant quelques instants les seuls bruits à troubler le silence. Puis, les deux soldats survivants sautèrent du minibus et se précipitèrent vers le blindé.

Mama Harb savait que s’ils la prenaient, ils la tueraient sur place : ils avaient eu trop peur. Et puis, d’autres allaient venir. Profitant de ce qu’ils avaient le dos tourné, elle traversa en courant Gravenstraat pour s’engouffrer dans l’hôpital. Elle se heurta à plusieurs infirmiers qui avaient observé la fin de l’embuscade attirés par les coups de feu. Ils regardèrent avec stupéfaction cette vieille mama à l’expression hagarde, une machette pleine de sang à la main.

— D’où sors-tu ? demanda un des infirmiers.

Mama Harb était trop émue pour parler. Des cris venaient de la rue, les soldats n’allaient pas tarder à arriver. L’infirmier renifla quelque chose de bizarre.

Entraînant Mama Harb, il la fit pénétrer dans une salle de pansements, lui prit sa machette et fit couler de l’eau sur la lame. C’était bien du sang.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il doucement.

Mama Harb baissa d’abord la tête, sans répondre. Des vociférations éclatèrent à l’entrée de l’hôpital. Des militaires excités réclamaient du secours.

Mama Harb releva alors la tête et dit :

— Je suis Mama Harb. Ils ont voulu tuer mon fils, je l’ai défendu.

L’infirmier la fixa avec incrédulité. Les cris continuaient dehors. Il la prit par le bras et l’entraîna avec un sourire rassurant.

— Venez, Mama, on va vous mettre dans un bon lit.


* * *

Les mâchoires serrées pour ne pas hurler, Julius Harb, blanc comme un linge, tenait à deux mains le pansement qu’on lui avait fait avec des bandes et une écharpe. La balle avait pulvérisé la cheville et il avait perdu pas mal de sang. Certes, sa vie n’était pas en danger, mais s’il ne voulait pas demeurer infirme, il fallait le faire opérer rapidement. On l’avait allongé sur une des civières de l’ambulance. Les deux femmes se relayaient autour de lui attendant que la morphine administrée agisse. Malko, Van Mook et Tonton Beretta se tenaient à l’avant, leurs armes rechargées. Leur tension commençait à diminuer.

Par les glaces ouvertes de la voiture, ils guettaient les bruits de la nuit. Une voiture passa à toute vitesse sur le quai. La police ou les militaires. À part cela, aucune animation. L’hypothèse de Malko semblait se vérifier. Les soldats ne fouillaient pas le centre de la ville. Une rafale claqua soudain qui leur parut toute proche ! Ou c’était une fausse manœuvre, ou un soldat avait tiré sur un passant attardé.

De nouveau, la tension remonta.

Tonton Beretta émit un ricanement désabusé.

— Ça pue la m… mort !

Herbert Van Mook lui jeta un regard furibond.

— Prononce pas ce mot-là. Éric, ça te suffit pas ?

Le Français haussa les épaules.

— Moi, je suis pas superstitieux. Et je peux plus mourir jeune, hein ? C’est pas comme toi…

Le Hollandais regarda sa montre.

— Il est une heure moins le quart. On y va quand ?

— Pas avant deux heures, dit Malko, laissez-leur le temps de se calmer. C’est trop dangereux avant.

— Et s’ils nous trouvent ici ?

— Nous avons des armes et le bateau est à côté. Nous essaierons de le rejoindre, dit Malko. Pour l’instant, il n’y a rien d’autre à faire. Ils ne vont sûrement pas se mettre à fouiller la ville. Du moins pas avant le jour. Attendez, je vais aller voir ce qui se passe.

Il se glissa hors de l’ambulance et gagna la rue, abrité dans l’ombre. Tout de suite, il aperçut un pinceau lumineux qui balayait le fleuve. Cela venait sûrement du patrouilleur ! Heureusement qu’ils n’étaient pas partis tout de suite. Puis, une Jeep passa en trombe devant la banque. Il revint sur ses pas. Van Mook se dressa devant lui dans l’obscurité, Uzi au poing.

— Restez là, dit Malko, que nous ne soyons pas surpris.

Il regagna la Mercedes. Julius Harb, les yeux fermés, reposait en silence. Malko rassura Greta d’un sourire.

— Vous n’auriez pas dû venir. Si vous vous faites prendre avec nous, ce sera grave…Elle se pencha et effleura ses lèvres.

— Ça ne fait rien, je suis heureuse.

Tonton Beretta les observait, ironique.

— Cette petite salope de Dutchie est dans la na… nature, remarqua-t-il. Il sait où nous sommes. Si jamais il se fait cho… cho… choper…

Malko sentit son estomac se nouer. Il avait oublié Dutchie. Le vieux Français avait raison. Il n’y avait plus qu’à prier pour que cette déplaisante canaille de Dutchie ne se fasse pas prendre.

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