Les visions de Maria ne lui posaient plus de problème depuis un certain temps lorsque son père était apparu dans le jardin en lui criant qu’elle ne savait pas ce qu’elle faisait. Personne d’autre ne l’avait vu. Personne d’autre ne l’avait entendu. Il avait disparu aussi vite qu’il était venu et ensuite Maria n’avait plus perçu que les hurlements du vent et les claquements de la barrière. Elle était rentrée se mettre à l’abri, avait fermé la porte de la terrasse à clef, s’était réfugiée dans sa chambre où elle s’était enfoui la tête sous l’oreiller.

Cette voix s’était déjà adressée à elle lors de sa visite chez Andersen. Elle lui avait crié exactement les mêmes paroles de mise en garde, mais leur sens continuait de lui échapper, ainsi que la raison pour laquelle ces mots avaient été prononcés. Elle s’interrogeait sur le crédit qu’elle devait leur accorder.

Elle n’était pas encore endormie lorsque Baldvin rentra, tard dans la nuit. Ils avaient à nouveau parlé de la séance chez Magdalena que Maria lui avait déjà racontée. Elle lui décrivit les choses avec plus de précision, de même que ses réactions, elle lui avait dit qu’elle croyait tout ce qui était arrivé là-bas, elle voulait le croire. Elle voulait croire en l’existence d’une vie après celle-ci. Croire que notre passage sur terre n’était pas la fin de tout.

Allongé auprès d’elle, Baldvin l’écoutait en silence.

– Je t’ai déjà parlé d’une de mes connaissances qui était en fac de médecine : un certain Tryggvi ? avait-il demandé.

– Non, avait répondu Maria.

– Il voulait essayer de découvrir s’il y avait une autre vie après la mort. Il s’est fait assister de son cousin. Ce dernier était médecin et il avait lu une histoire qui parlait d’une tentative d’approche de la mort réalisée par des Français. On était tous en médecine. Il y avait aussi une fille avec nous. On a tenté cette expérience à quatre.

Maria avait écouté avec attention le récit de Baldvin sur la manière dont ils avaient provoqué la mort de Tryggvi avant de le ramener à la vie. Ça avait plutôt bien fonctionné. Mais Tryggvi n’avait rien eu à raconter sur son voyage.

– Qu’est-il devenu ? avait demandé Maria.

– Je n’en sais rien, avait répondu Baldvin. Je ne l’ai pas revu depuis.

Un long silence avait envahi la chambre du couple, où Leonora avait livré son combat contre la mort.

– Tu crois que… ?

Maria avait hésité.

– Quoi ? avait encouragé Baldvin.

– Tu crois que tu serais capable de tenter ce genre d’expérience ?

– C’est très possible.

– Tu pourrais le faire avec moi ? Pour moi ?

– Pour toi ?

– Oui, pour moi… J’ai lu beaucoup de choses sur les états proches de la mort.

– Je sais.

– Cette expérience est dangereuse ?

– Elle peut l’être, avait répondu Baldvin. Je n’ai pas l’intention de…

– On peut la faire ici ? À la maison ? avait demandé Maria.

– Maria…

– Le risque est important ?

– Maria, je ne peux pas…

– Le risque est important ?

– Ça… ça dépend de plusieurs choses. Tu y penses sérieusement ?

– Pourquoi pas ? avait-elle répondu. Qu’est-ce qu’on a à perdre ?

– Tu en es sûre ?

– Tu as refermé la barrière ?

– Oui, je l’ai refermée en rentrant.

– Il était effrayant, avait frissonné Maria. Terrifiant.

– Qui ça ?

– Mon père. Je sais qu’il se sent très mal. Il ne peut pas aller bien. Il n’aurait jamais dû partir comme ça. Il n’aurait pas dû mourir de cette façon. Ça n’aurait jamais dû arriver.

– De quoi est-ce que tu parles ?

– Dis-m’en un peu plus sur ce Tryggvi, avait éludé Maria. Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? Comment on s’y prend ? De quoi on a besoin pour faire ce type d’expérience ?

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