C’était à peine si Maria était consciente pendant l’enterrement. Assise au premier rang, apathique, elle tenait la main de Baldvin sans réellement prêter attention à ce qui l’entourait ni à la cérémonie. L’homélie de cette femme pasteur, les gens venus à l’inhumation et le chant du petit chœur de l’église se confondaient en de douloureuses variations. En passant les voir à leur domicile, le pasteur avait pris quelques notes, Maria connaissait donc la teneur de son discours. Il y avait surtout été question du parcours de Leonora, sa mère, du courage dont elle avait fait preuve dans son combat contre la maladie, de la foule d’amis dont elle s’était entourée au cours de sa vie, d’elle-même, sa fille unique, laquelle, dans une certaine mesure, marchait sur les traces de sa mère. Le pasteur avait noté combien la défunte excellait dans son domaine en précisant qu’elle n’avait toutefois pas négligé ses nombreuses relations ; la chose était parfaitement visible dans l’assemblée en cette triste journée d’automne. La plupart de ceux qui emplissaient l’église étaient des chercheurs. Leonora avait parfois vanté à Maria les avantages qu’il y avait à appartenir au corps universitaire. Ses propos étaient teintés d’une certaine arrogance que Maria avait choisi d’ignorer.

Elle se rappelait les couleurs d’automne dans le cimetière et les flaques gelées sur l’allée de gravier qui descendait jusqu’à la tombe, le craquement qu’on entendait lorsque la fine pellicule de glace cédait sous les pieds des porteurs. Elle se souvenait de ce froid et de ce signe de croix qu’elle avait tracé au-dessus du cercueil de sa mère. Elle s’était tant de fois imaginée dans cette situation dès qu’elle avait compris que cette maladie allait emporter sa mère et ce moment était maintenant arrivé. Les yeux fixés sur le cercueil au fond de la fosse, elle avait récité dans sa tête une brève prière avant de tracer un signe de croix de sa main tendue. Puis elle était restée immobile sur le bord de la tombe jusqu’à ce que Baldvin l’emmène.

Elle se souvenait de ces gens qui, pendant le verre d’adieu, étaient venus lui témoigner leur sympathie. Certains lui avaient proposé leur assistance. S’il y avait quoi que ce soit qu’ils puissent pour elle…

Elle ne s’était mise à penser au lac qu’une fois le calme revenu, lorsqu’elle s’était retrouvée assise, seule avec elle-même, jusque tard dans la nuit. Ce fut seulement lorsque tout fut terminé, alors qu’elle revivait dans sa tête ce jour pesant, qu’elle s’était mise à réfléchir à l’absence de la famille de son père à l’inhumation.

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