– Officier! Message pour le roi! cria le factionnaire lorsque le chevalier lui eut expliqué ce qu’il venait faire au château à cette heure où tout le monde dormait.
Car il n’était encore que cinq heures et demie, et la nuit était profonde.
Le cri fut répété par la sentinelle voisine et, de bouche en bouche, parvint jusqu’au poste des gardes.
Bientôt la porte de ce poste s’ouvrit. D’Assas vit sortir deux gardes dont l’un portait une lanterne. En avant d’eux, enveloppé dans son manteau, marchait l’officier qui commandait le poste.
Il vint s’arrêter près du chevalier.
– Vous avez un message pour le roi? demanda-t-il à travers la grille, et en cherchant à dévisager d’Assas.
– Oui, un message très pressé, répondit le chevalier en découvrant son visage.
– Qui êtes-vous? fit l’officier que ce geste ne rassurait pas, et qui, d’ailleurs, ne faisait qu’exécuter sa consigne.
– Chevalier d’Assas, cornette au régiment d’Auvergne.
– De qui le message?… Excusez-moi; mais je ne puis vous laisser entrer sans le savoir.
Le chevalier demeura sans voix.
Il n’avait pas prévu la question.
Il hésita un instant, puis:
– Je ne puis le dire, fit-il.
– En ce cas, fit l’officier, donnez votre message, il sera remis à Sa Majesté en temps et lieu. Quant à vous, vous n’entrerez que lorsque les grilles seront ouvertes, c’est-à-dire à huit heures.
– Monsieur, dit d’Assas, le message que je porte est verbal et non écrit. Je ne puis vous le remettre. Mais je vous assure que c’est très grave et très pressé. Peut-être y va-t-il de la vie du roi…
L’officier demeurait perplexe.
Les derniers mots du chevalier l’avaient fait pâlir.
Mais sa consigne était formelle.
À ce moment précis, deux hommes qui venaient de s’approcher en longeant extérieurement la grille du château apparurent près de d’Assas dans le rayon de lumière que projetait la lanterne.
– Le roi! murmura l’officier.
Ces deux hommes, c’étaient en effet Louis XV et son valet de chambre Lebel. Ils arrivaient de la maison des quinconces. Et Louis, en approchant, avait entendu ces mots de d’Assas:
– Il y va de la vie du roi!
– Silence, monsieur! dit Louis XV à l’officier qui, ayant reconnu le roi, s’apprêtait à crier un ordre pour que les honneurs fussent rendus.
Et, sans reconnaître d’Assas, il ajouta:
– J’ai voulu voir par moi-même comment le château est gardé. Votre service est parfaitement organisé, monsieur, je vous félicite.
Avec cette prudence qu’il tenait de famille Louis XV feignait d’ignorer ce qui se passait, et de n’avoir pas entendu ces mots qui, pourtant, l’avaient fait pâlir, et l’avaient poussé à se découvrir.
L’officier, tressaillant d’une joie profonde, s’inclinait jusqu’à terre.
Tout aussitôt, il repoussa le soldat qui s’apprêtait à ouvrir, et fit tomber lui-même les chaînes de la porte.
– Vous aurez soin de me faire savoir votre nom, monsieur, dit le roi en passant sans hâte; j’aime les bons serviteurs. Viens, Lebel… je suis enchanté de ma petite excursion…
– Sire, fit alors l’officier, si Votre Majesté daigne le permettre… je lui dirais…
– Parlez, monsieur.
– Eh bien, Sire, voici un gentilhomme qui vient d’arriver, porteur d’un message pressé pour le roi.
– Ah! ah! fit négligemment Louis XV en se tournant vers d’Assas, qu’il feignit d’apercevoir pour la première fois. C’est vous, monsieur, qui avez un message à me communiquer?
– Oui, Sire! dit le chevalier.
Le roi tressaillit au son de cette voix qu’il crut reconnaître.
– Qui êtes-vous, monsieur? demanda-t-il.
– Chevalier d’Assas… répondit le jeune homme en faisant deux pas.
Cette fois, le roi frémit. Un flot de sang monta à sa tête. Après la conversation qu’il venait d’avoir avec Juliette, d’Assas n’était plus qu’un rival détesté.
Une seconde, il fut sur le point de jeter un ordre d’arrestation.
La curiosité de savoir ce que le jeune homme pouvait avoir à lui dire l’emporta.
– Et vous dites, reprit-il, que vous avez un message?
– Oui, Sire: un message verbal que je dois transmettre au roi, – au roi seul.
– Suivez-moi donc, en ce cas, dit Louis XV. Monsieur, ajouta-t-il en se tournant vers l’officier, veuillez me faire escorte.
En même temps, il glissait quelques mots dans l’oreille de Lebel qui s’éloigna rapidement.
D’Assas était beaucoup trop loyal pour s’apercevoir que Louis XV en priant l’officier de l’escorter avait eu surtout pour but de s’assurer un défenseur contre une attaque imprévue.
Le roi supposait-il donc le chevalier capable de se livrer à quelque tentative insensée?…
C’est probable, car malgré la confusion de l’officier qui s’efforçait de rester à sa place à quelques pas en arrière, Louis le fit marcher près de lui.
Le roi arriva à ses appartements et pénétra dans un petit salon où Lebel l’attendait.
Le valet de chambre lui fit un signe que d’Assas, tout à ses pensées, ne vit pas.
Ce signe voulait dire que les pièces voisines étaient gardées et que le roi pouvait être sans crainte.
Louis XV renvoya l’officier et Lebel, et s’assit derrière une large table qui pouvait au besoin lui servir de rempart improvisé.
Et à haute voix, il demanda alors:
– Je vous écoute, monsieur, dit-il alors.
En même temps, il jouait avec un timbre qui se trouvait sur la table, à portée de ses mains. Au premier coup de timbre, vingt hommes armés devaient accourir.
– Sire, fit d’Assas, je me suis chargé d’avertir Votre Majesté qu’il y a un grave danger pour elle à pénétrer dans la maison qui se trouve dissimulée sous les quinconces, à droite du château.
Le roi n’eut pas un geste qui prouvât à d’Assas que ce message le surprenait, ou même qu’il l’eût entendu.
– Il s’agit, Sire, d’une jolie maison que connaît Votre Majesté et où on doit l’attirer sous le prétexte que le roi y est appelé par une… dame… que le roi connaît également.
D’Assas était fort pâle en parlant ainsi.
Quant au roi, voici exactement ce qu’il pensait:
– Voyons jusqu’où ira leur impudence. Évidemment ce damoiseau m’est envoyé par Jeanne pour me retirer toute idée d’aller là-bas pendant le temps de son absence… elle ne sait pas que je connais déjà cette absence!
Et à haute voix, il demanda alors:
– Pourriez-vous me dire, monsieur, de quel genre de danger je suis menacé?
– Je l’ignore, Sire. Mais je puis affirmer à Votre Majesté que le danger est grave.
– Ce danger… il existe… là? dans cette maison?… et non ailleurs?…
– Précisément, Sire!
– Et, sans aucun doute, il est imminent?
– Le mot est exact, Sire: imminent, c’est cela même.
– En sorte que si je m’étais rendu cette nuit même dans la maison en question, peut-être n’en fussé-je pas sorti vivant… puisque vous disiez tout à l’heure que c’était une question de vie ou de mort!
– Pardon, Sire, je répète que j’ignore si on en veut à la vie de Votre Majesté, bien que cela même soit à craindre. Je dis seulement qu’un grave danger menace le roi s’il se rend dans cette maison. Je dis que ce danger est imminent. Les gens qui en veulent au roi, et que je ne connais pas, attendent pour agir la première occasion, ils l’eussent saisie cette nuit même, si elle s’était présentée.
– C’est-à-dire, insista le roi, si je m’étais rendu cette nuit dans la maison des quinconces?
– Oui, Sire, dit d’Assas.
Le roi eut un étrange sourire.
D’Assas, cependant, souffrait cruellement.
Il avait devant lui l’homme qu’aimait Jeanne.
Il remplissait loyalement sa mission, et ne songeait même pas à s’inquiéter de cet air bizarre qu’avait le roi, de cette tranquillité qu’il affectait, de ces questions qu’il lui posait sur un ton sec et nullement avec la gratitude qui eût dû accueillir une révélation de cette importance.
Il jetait sur Louis XV des regards ardents où passait la flamme de sa jalousie.
Et ces regards, le roi les notait, les interprétait à sa façon.
– En somme, reprit Louis XV, vous êtes venu tout exprès du château à l’heure où tout le monde dort pour m’avertir de ne plus retourner à la maison des quinconces?
– C’est cela, Sire! Et si Votre Majesté eût été endormie, j’eusse supplié qu’on la réveillât pour que je pusse lui donner cet avertissement. Car j’avais juré de prévenir le roi sans le moindre retard.
Louis XV garda le silence. En dessous, il jetait parfois les yeux sur le chevalier qui, dans la plus correcte des attitudes, attendait d’être interrogé encore.
Tout autre à sa place eût pu réfléchir sur l’étrange froideur du roi et s’étonner de ne pas recevoir le moindre remerciement.
Mais d’Assas ne songeait à rien de tout cela.
D’Assas souffrait, voilà tout.
Il cherchait avidement sur le visage du roi les traces de cette beauté qui avait pu séduire Jeanne. Et naïvement, il se disait qu’en effet Louis XV était bien beau… plus beau que lui!
Ce sentiment de souffrance et de jalousie devint si vif, si intolérable, que le chevalier, voyant que le roi continuait à garder le silence, oublia toute règle d’étiquette, et, s’inclinant profondément:
– Maintenant que j’ai rempli ma mission, j’oserai supplier Votre Majesté de me donner congé et me permettre de me retirer…
– Un instant, monsieur, fit Louis XV d’une voix narquoise. Nous n’en avons pas fini. L’avertissement que vous nous apportez est vraiment trop important pour que je puisse le traiter à la légère. J’ai donc diverses questions à résoudre et je compte sur les lumières de votre dévouement si manifeste pour m’aider, pauvre roi que je suis, tout entouré d’embûches…
D’Assas tressaillit, et un peu de rouge monta à son front.
Cette fois l’ironie était si évidente qu’il n’y avait pas moyen de n’en pas être frappé.
Mais le jeune homme se contenta de dire très simplement:
– Je suis prêt à répondre aux questions de Votre Majesté autant qu’il sera en mon pouvoir de le faire.
– Voici donc la première, monsieur. Si au lieu d’être le roi j’étais un officier comme vous, monsieur, et qu’un tel secret tombât en ma possession, voici ce que je ferais… en supposant, bien entendu, que je fusse un fidèle et loyal sujet du roi: je m’en irais tout droit trouver le lieutenant de police qui se charge de protéger la personne royale. Comment se fait-il donc, monsieur, que l’idée ne vous soit pas venue de courir tout d’abord chez Berryer?
– C’est bien simple, Sire, dit d’Assas avec une glaciale froideur. C’est parce que je suis officier et non policier.
Le roi se mordit les lèvres.
Il se renversa sur le dossier de son fauteuil et considéra le chevalier avec cette impertinente curiosité qu’il eût mise à considérer un phénomène. Mais ce regard, d’Assas le soutint avec une sorte de simplicité grave.
– Un policier, monsieur! dit le roi dans la voix duquel la colère commençait à gronder. Quand il s’agit du service du roi, tout loyal sujet devient policier.
– Ce n’est qu’une affaire d’appréciation, Sire, dit froidement d’Assas. Pour les uns, le service du roi consiste à faire loyalement son devoir et au besoin à se faire tuer sur les champs de bataille…
– Jusqu’ici, ricana Louis XV, vous êtes vivant et bien vivant.
– Pour d’autres, continua d’Assas imperturbable, le service consiste à préparer des carrosses pour enlever des femmes. Cette manière est celle des policiers. La première, c’est la mienne, – et je la préfère!
À ces mots, le roi se leva, blanc de colère.
Ses lèvres remuèrent comme s’il s’apprêtait à jeter un ordre.
Mais, arrivant à dompter ce mouvement, sans doute parce qu’il ne savait pas tout ce qu’il voulait savoir, il se contenta de hausser les épaules, et laissa dédaigneusement tomber ces mots:
– Vous me paraissez, monsieur, peu au fait de la politesse des cours.
– En effet, Sire, riposta l’intraitable chevalier, je n’ai jusqu’ici vécu que dans les camps.
– Peu importe, après tout. Gardez votre manière de voir et gardez-là si bien qu’on n’en entende plus parler. Répondez donc simplement aux questions que j’ai encore à vous poser.
D’Assas s’inclina. Il sentait de la haine dans l’attitude et l’accent de ce roi qu’il venait sauver.
– Qui vous a prévenu du danger que je courais? reprit Louis XV.
Le chevalier garda le silence.
– Eh bien! monsieur… m’avez-vous entendu? le danger, l’avez-vous découvert tout seul?
– Non, Sire: je n’ai rien découvert, moi.
– Vous êtes donc envoyé par quelqu’un?…
– Oui, Sire. Par quelqu’un qui m’a supplié de courir au château sur l’heure même, pour sauver le roi… et qui m’a supplié avec des larmes dans les yeux… quelqu’un qui mourrait sans doute si un malheur vous arrivait!
Le roi tressaillit.
Ces paroles, le ton mélancolique avec lequel elles furent prononcées, la loyauté qui éclatait sur le noble front du chevalier, la tristesse dont son regard était empreint, tout cela lui donna le sentiment confus de son injustice.
Mais ce sentiment dura peu.
La jalousie furieuse qui grondait dans le cœur de Louis XV l’emporta.
– Quelle est cette personne qui s’intéresse si fort à moi? demanda-t-il.
– Pardonnez-moi, Sire. Votre Majesté m’en demande plus que je n’ai promis! Je me suis engagé à prévenir le roi qu’un danger grave, imminent, le menaçait et qu’il ne doit plus jamais retourner à la maison des quinconces. Je n’ai pas pris d’autre engagement. Je m’en tiendrai là!
Le roi fit un pas vers d’Assas.
– Et moi, dit-il, j’exige le nom de cette personne!…
– Le roi peut faire de moi ce que bon lui semblera: mais ce n’est pas moi qui prononcerai ce nom!
– C’est donc moi qui le prononcerai! fit violemment Louis XV. La personne qui vous envoie, c’est Mme d’Étioles!
La foudre tombée aux pieds de d’Assas ne lui eût pas causé une plus douloureuse stupéfaction.
Il demeura interdit, tout pâle, se demandant comment le roi pouvait savoir un pareil détail!
Non, il n’avait pas voulu dire qu’il était l’envoyé de Jeanne!
Cela était au-dessus de ses forces!
Qu’avait-il promis, en effet?
De sauver le roi, de le prévenir – rien de plus!
Prononcer le nom de Jeanne, n’était-ce pas lui dire:
– Voyez à quel point elle vous aime!… Et faut-il que je sois assez à plaindre pour que moi, moi qui l’adore, moi votre rival, je vous dise cela!…
Et le roi savait ce qu’il n’avait pas voulu dire!…
Et c’était lui qui jetait ce nom!…
La stupéfaction du chevalier devenait ici plus intense: en effet, ce n’était pas avec de l’amour et de la reconnaissance que le roi venait de prononcer le nom de Jeanne!
C’était avec de la haine!
Ou, tout au moins, il y avait une sourde menace dans son accent.
– Ah! ah! reprit le roi satisfait de l’effet qu’il avait produit et persuadé qu’il écrasait le chevalier, cela vous étonne que je sache déjà la chose?… Vous voyez que si votre manière à vous de servir le roi vous paraît la meilleure… l’autre manière, celle des policiers… a du bon également, puisqu’elle me permet de savoir ce que vous refusiez de me dire!
Et voyant que d’Assas gardait le silence:
– Voyons, monsieur, est-ce que je me trompe? Est-ce bien Mme d’Étioles qui vous envoie?
D’Assas s’inclina: il ne voulait pas mentir.
– Bien! reprit Louis XV. Il me reste à savoir à quel mobile Mme d’Étioles a obéi en vous envoyant… en me faisant parvenir ce message… singulier.
D’Assas commença à entrevoir un abîme.
Il trembla, non pour lui, mais pour Jeanne.
Dès lors, il oublia sa jalousie.
– Sire, dit-il avec étonnement, j’entends vos paroles et je ne les comprends pas!… Vous me demandez pourquoi Mme d’Étioles a voulu vous sauver?…
– Non pas, monsieur! Ne confondons pas! Je vous demande pourquoi Mme d’Étioles veut m’empêcher de retourner là où elle devait m’attendre!
– C’est la même chose, Sire!…
– C’est votre avis, non le mien! Parlez donc, monsieur! Répondez, si vous l’osez!
– Si je l’ose! gronda le chevalier en fixant sur le roi un regard flamboyant. Que soupçonne Sa Majesté?…
– Par la mordieu! cria le roi en frappant la table de son poing, voilà que vous m’interrogez maintenant au lieu de répondre! Sur la route de Versailles, monsieur, j’ai cru que vous étiez fou! Aujourd’hui je me demande si vous ne vous moquez pas de moi! Ça! parlerez-vous!… Vous vous taisez!… Eh bien, soit!… Comme je vous ai dit le nom, je vous dirai le reste!… Mais cela vous coûtera cher!
– Jeanne! Jeanne! songea le chevalier avec un héroïque sourire, tu as voulu sauver le roi, mais tu ne savais pas qu’en même temps tu me perdais!
– C’est bien simple, continua le roi avec un furieux éclat de rire. Le roi devait venir dans la maison des quinconces, on a trouvé plaisant de le jouer et de recevoir à sa place un autre amant… vous, monsieur!… Ou bien encore, la dame aura été retrouver son amant à quelque rendez-vous! Et pour que le roi ne s’aperçoive pas de son absence, on invente un danger, on tâche de persuader à ce pauvre roi qu’il ne doit pas essayer de pénétrer dans la maison!… Et qui donc a l’audace de se charger de jouer la comédie jusqu’au bout?… L’amant lui-même!… Vous, monsieur!…
D’Assas voulut protester…
La voix de Louis XV, d’abord tremblante d’une sorte d’indignation concentrée, avait de plus en plus élevé son diapason. Et elle éclata, furieuse, lorsqu’il acheva par ces mots:
– Vous et Mme d’Étioles, vous vous êtes trompés: on ne se joue pas impunément du roi de France! Et vous allez vous en apercevoir tous les deux… vous d’abord, elle ensuite!… Holà!…
À ce cri, deux portes s’ouvrirent.
D’Assas effaré, épouvanté de ce qu’il comprenait, vit des gardes à chacune d’elles.
Avant qu’il eût pu faire un geste, prononcer un mot, le roi avait tourné le dos et s’était élancé dans sa chambre.
À la place du roi, le chevalier aperçut devant lui le capitaine des gardes qui, très poliment, lui disait:
– Veuillez me remettre votre épée, monsieur…
Alors une sorte de rugissement monta aux lèvres de d’Assas. Une minute, une sorte de coup de folie envahit son cerveau. La pensée lui vint de résister, de se faire tuer sur place…
Tout serait ainsi fini!…
L’idée de se disculper, et surtout de disculper Jeanne, de la sauver de l’effrayant péril qu’il entrevoyait pour elle, le retint seule.
Il tira lentement son épée et la remit au capitaine qui la prit, en disant:
– Veuillez me suivre, chevalier.
Quelques gardes, aussitôt, entourèrent d’Assas.
La petite troupe se mit en marche le capitaine en tête.
On longea de longs couloirs on monta des escaliers; finalement, une porte s’ouvrit, d’Assas entra et vit une chambre assez grande et convenablement meublée…
Seulement, à l’unique fenêtre de cette chambre, située au troisième étage, il y avait d’épais barreaux…
Cette chambre était une prison du château…
D’Assas entendit la porte se refermer, les forts verrous extérieurs glisser sans trop de bruit, en verrous bien élevés, et surtout bien huilés…
Pour la deuxième fois, il était prisonnier!
Et cette fois, sans aucun doute, nul n’aurait aucun intérêt à le tirer de prison!
Et cette fois, plus que jamais il avait besoin de la liberté pour protéger Jeanne, la sauver au besoin!