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Pour son petit déjeuner, Chantal mangea du pain de la veille, car le dimanche le boulanger ambulant ne passait pas. Elle regarda par la fenêtre et vit des habitants de Bescos traverser la place, un fusil à la main. Elle se prépara à mourir, comment savoir si ce n’était pas elle qui avait été désignée ? Mais personne ne frappa à sa porte : les hommes se dirigeaient vers la sacristie, y entraient et, au bout de quelques instants, en ressortaient les mains vides.

Impatiente d’avoir des nouvelles, elle alla voir la patronne de l’hôtel, qui lui raconta ce qui s’était passé la veille au soir : le choix de la victime, la proposition du curé, les préparatifs pour le sacrifice. De ce fait, l’hostilité envers Chantal s’était dissipée et elle pouvait se rassurer.

— Je veux te dire une chose : un jour, Bescos se rendra compte de tout ce que tu as fait pour ses habitants.

— Mais est-on sûr que l’étranger remettra l’or ?

— Moi, je n’en doute pas. Il vient de sortir avec son havresac vide.

Chantal décida de ne pas aller se promener dans la forêt, ne voulant pas passer devant la maison de Berta et affronter son regard. Elle retourna dans sa chambre et évoqua le rêve étrange qu’elle avait fait la nuit précédente : un ange lui était apparu et lui avait remis les onze lingots d’or en lui demandant de les garder. Chantal avait répondu à l’ange que, à cet effet, il fallait tuer quelqu’un. L’ange lui avait garanti qu’il n’en était rien, bien au contraire : les lingots prouvaient que l’or en soi n’existait pas.

C’est pourquoi elle avait demandé à la patronne de l’hôtel de parler à l’étranger : elle avait un plan mais, comme elle avait déjà perdu toutes les batailles de sa vie, elle doutait de pouvoir l’exécuter.

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