Moisson, au nom si bucolique, apostolique et romain, est située dans une boucle de la Seine entre Mantes et Vernon. C’est une région tout ce qu’il y a de peinard, fortement boisée de pins, ce qui lui donne un petit côté Côte d’Azur et éloignée des grandes Nationales rugissantes. Quand on débarque dans ce bled, on se croirait à des années-lumière de Pantruche. C’est calme, plein d’oiseaux et truffé de mignonnes propriétés vacancières. La conquête de l’Ouest sévissant, il est évident que d’ici à dix berges ça ressemblera au Creusot ou à Golfe Juan, selon la vigilance des édiles municipaux : mais pour l’instant c’est le coin rêvé pour véquender avec une nana amoureuse de la nature et soucieuse de passer inaperçue.
Quand je débarque au volant de ma Jag, il fait un soleil comme la gare d’Austerlitz elle-même n’en a jamais eu. L’air embaume la résine et le foin coupé.
Je stoppe ma fusée à roulettes devant une auberge rustique et j’entre pour écluser un gorgeon. La boîte est rigoureusement vide car on est mardi. Une grosse fille bouffie encaustique les chaises en chantant une chanson de Mlle Hardy avec la voix de Laurel.
Elle a un sourire de bienvenue qui me sclérose l’aorte. Elle est appétissante, cette nana, peut-être parce qu’elle ressemble à du pâté de foie.
— Une bière, dis-je.
Je m’assieds près de la fenêtre. J’ai la perspective d’une ruelle de village, avec des maisons basses aux pierres grises. Un vieux bonhomme pousse une brouette. Un chien renifle les bordures du trottoir. Il fait tendre et tiède.
— Vous avez des chambres ? m’enquiers-je, lorsque la servante m’apporte une Kronenbourg grand luxe.
— Mais oui, fait-elle, étonnée. C’est pour le prochain ouiquande ?
— Non, c’est pour tout de suite.
Ça la foudroie. Un zig qui se la radine tout seulâbre en pleine semaine et hors saison, c’est plutôt rarissime.
— Vous êtes représentant ? me demande-t-elle.
— Exactement, rétorqué-je : je représente une certaine classe de la société.
— Je vais en causer à la patronne, décide-t-elle prudemment.
Elle s’éclipse et revient au bout d’un moment, flanquée d’une Madame à peine plus grosse qu’une vache sur le point de véler.
L’arrivante m’examine de la tête aux pieds avant de m’adresser la parole.
— Vous voudriez une chambre ? demande-t-elle.
— Oui, madame.
— Avec pension ?
— Avec pension, eau chaude et froide et sommier à ressorts, précisé-je.
— Vous êtes seul ? s’étonne la dame.
— Je le suis, madame.
Ça la lui coupe. Elle regarde sa servante, me regarde, renifle, fait semblant de penser, se remet le sein gauche sur le ventre et murmure :
— Vous êtes en vacances ?
— Oui et non, madame.
Je me dis que si je ne lui fournis pas une explication logique dans les quinze secondes qui suivent, elle va faire appeler le garde champêtre. Sans doute me prend-elle pour quelque malfrat soucieux de se planquer.
— Je suis écrivain, madame, dis-je. J’ai besoin de calme pour rédiger mon prochain roman, et on m’a vanté la tranquillité et la bonne tenue de votre établissement, c’est pourquoi il me serait de quelque agrément de m’y installer, à moins que vous ne jugiez la chose irréalisable, auquel cas je solliciterais de votre bienveillance l’adresse d’un établissement similaire, apte à m’héberger.
Ça la convainc.
— Je peux vous loger, approuve-t-elle en me virgulant un regard extatique, apostolique et romain.
— Je n’en attendais pas moins de votre générosité, madame.
— Alors, comme ça, vous écrivez des livres ?
— Comme ça et à la plume, oui, madame.
— Et comment c’est votre nom ?
— San-Antonio, dis-je, mais je signe mes livres François Mauriac.
— Connais pas, déplore-t-elle. Vous z’en passez jamais en feuilleton dans le Petit Echo de la Mode ?
— Si, mais sous un autre pseudonyme, ceux-là je les signe Victor Hugo.
— J’ai dû voir ça, admet la gravosse.
Elle minaude :
— Est-ce que vous me mettrez dans votre prochain roman ?
Je la considère d’un œil critique.
— Je ferai se serrer mes autres personnages afin qu’ils vous laissent une petite place, promets-je.
— Maryse ! fait-elle à la serveuse, tu donneras une autre bière à M. Hugo pour le compte de la maison.
Une petite heure plus tard, ayant achevé mon installation dans cet établissement de qualité, je me mets à musarder dans le pays à la recherche de la Sapinière.
J’y vais au pifomètre, car je ne veux pas risquer d’attirer l’attention en demandant mon chemin. D’après le blaze de la propriété, celle-ci doit se trouver côté forêt. C’est donc en bordure du bois que je me mets à déambuler. Tout en matant les demeures qui se succèdent, je songe au mystère entourant ma peu banale mission. Curieux que le Vioque n’ait pas voulu m’affranchir. J’ai le nom et l’adresse de la dame, un point c’est tout. Je dois devenir son julot sans savoir pourquoi. J’ignore même ce qu’elle fait dans l’existence ; comment, de quoi et avec qui elle vit ! Avouez que c’est pas ordinaire, hein, mes choutes ? Surtout ne venez pas me faire de scènes de jalousie, je ne le supporterais pas. C’est déjà assez d’avoir à se farcir une bergère qui a largement dépassé le demi-siècle. Vous allez me dire qu’un demi-siècle, c’est l’adolescence chez les éléphants, mais chez les frangines ça commence à faire un peu beaucoup, faut se rendre à l’évidence. C’est d’ailleurs notre lot de consolation à nous autres, les bonshommes. A partir d’un certain moment, on prend l’avantage sur les souris. Elles ont une façon de devenir pas fraîches qui n’est pas la même que la nôtre. Moi, je connais des messieurs de soixante-dix carats qui se font des petites sauteuses de dix-huit piges entre deux tilleuls-menthe et un massage. Y a pas d’équivalence chez ces dames.
Elles canent bien après nous, d’accord, mais elles ressemblent à des morilles. Nous, les matous, pour peu qu’on travaille un peu nos deltoïdes et qu’on n’oublie pas le pamplemousse du matin, on fait illusion jusqu’au bout. Chez certains, notez bien, la détresse vient de l’entresol, because y a plus de répondant.
Il leur reste toujours les enjoliveurs et çui qui sait travailler de la menteuse et qui a un chéquier mieux approvisionné que son calcif s’en tire toujours.
A force de chercher la Sapinière, je finis par la découvrir, dans le bois de pins. En fait, ils auraient dû l’appeler la Pinière, mais ça n’aurait pas fait sérieux. C’est la crèche style Maison et Jardins : blanche, avec des portes-fenêtres et un toit d’ardoises mansardé. Elle est posée au milieu d’une pelouse d’un vert comestible, tondue comme un tapis de billard et au centre de laquelle glougloute une pièce d’eau. Sur la vaste terrasse pavée d’opus incertum, j’aperçois des chaises longues provisoirement vides. Un gros chien de chasse couleur fauve avec des oreilles traînantes ventile le garden avec sa queue empanachée. Sur la porte, je lis un petit avis redoutable « Chien méchant ». Mais c’est du bluff, s’ils n’ont pas d’autre molosse que ce toutou frétillant, ils feraient bien de se faire poser une mitrailleuse jumelée sur le toit.
Je file mon coup de périscope sagace number one en passant et je continue ma route, mine de rien. Je parcours encore une quatrecentaine de mètres, puis je reviens sur mes pas. J’ai la démarche du vacancier qui se baguenaude. Je cueille une fleur que je glisse entre mes ratiches éclatantes.
La fleur à la bouche, c’est toujours du meilleur effet. Ça ressemble au petit drapeau d’un compteur de taxi lorsqu’il est relevé. Ça veut dire « libre ». La fleur au fusil, tenez : c’est du kif. Quand un zig a gagné la guerre, il met une fleur de nave dans le canon de son lebel pour signifier qu’il est disponible.
Notez bien qu’en France cette décoration florale se perd depuis qu’on a pris l’habitude de perdre les guerres ou de les gagner par personnes interposées.
Je reviens donc sur mes pas et j’aperçois une petite construction basse, derrière la propriété, en bordure de la pinède. Elle est disposée de telle manière qu’à l’aller, la demeure me la masquait. Cette construction offre une particularité : elle ne comporte aucune fenêtre. Je continue mon petit bonhomme de chemin, les mains aux vagues et le vague à l’âme. Maintenant, deux dames occupent les chaises longues. Je leur décoche mon regard de repérage des grandes occasions.
L’une des deux est jeune, blonde, bien roulée autant que l’éloignement me permette d’en juger. L’autre est vioque, rousse et fripée. Je frissonne en songeant que c’est celle-là la reine d’Espagne. La DS noire est stoppée en bordure de la propriété. Au moment où je passe, la dame d’un âge certain dit à l’autre :
— Ça ne t’ennuiera pas tout à l’heure de me conduire jusqu’à Mantes, chérie ?
Imperturbable, votre San-A. bien aimé poursuit sa route.
Me revoici dans le village. J’avise une quincaillerie et j’y entre avec la détermination que vous savez.
Un vieux monsieur à lunettes bleues et à moustache blanche nicotinisée me demande ce que je veux.
— Avez-vous du fil de fer barbelé ? m’enquiers-je.
— Naturellement, répond-il. Vous voulez du gros ou du petit ?
— Du très gros.
Il va chercher un rouleau sous un hangar et revient en le tenant éloigné de sa personne.
— Quel métrage ? demande le digne homme.
— Mettez-m’en trente centimètres ! fais-je.
Il en laisse tomber son mégot, lequel mégot grésille sur sa blouse grise.
— C’est une plaisanterie ? demande le pauvre monsieur.
— Du tout, fais-je. Il ne m’en faut que trente centimètres.
Le marchand de gonds n’en croit pas ses étagères à cigarettes.
— Mais on ne détaille pas.
— Quelle est la plus petite quantité que vous puissiez me vendre ?
— Vingt mètres !
— O.K., j’achète un rouleau de vingt mètres !
Je le lui paie, puis, avec une aimable mais démentielle obstination, je murmure :
— Pouvez-vous m’en couper trente centimètres ?
Il obéit.
Je chope mon petit morcif de barbelé comme une rose, en faisant gaffe aux épines.
— Vous offrirez le reste aux rosières de la commune afin de protéger leur vertu, dis-je en m’en allant.
Une fois encore, je redrague près de la Sapinière. Tout en marchant, j’ai roulé mon petit bout de barbelé de manière à constituer une couronne ayant une dizaine de centimètres de diamètre. La DS noire est toujours stationnée devant la grille… Avant d’atteindre la voiture, je la jette sur le sol comme un palet ; ce, sans me baisser. Mon adresse professionnelle (Maison Poulagas, Paris) est telle que la couronne d’épines de cheval de frise tombe à quelques centimètres du pneu arrière gauche. Je n’ai qu’à la glisser sous le pneu, de la pointe du soulier, en passant. Ce travail accompli, je regagne le patelin, mais sans repasser devant la Sapinière afin de ne pas attirer l’attention. Je m’installe à la terrasse de mon auberge et je dis à la petite Maryse de me servir un double whisky avec un cube de glace. J’allonge mes cannes sur la chaise voisine, je croise mes mains sur mon ventre et j’attends.
J’occupe une position clé. D’où je suis, aucune bagnole ne peut traverser l’agglomération sans que je la voie.
Au bout d’un moment, la petite serveuse profite de ce que sa patronne prend son bain de pieds de moutarde quotidien pour venir draguer à la terrasse.
Ça n’est pas miss Europe mais elle est gentillette. Sans en faire ses beaux dimanches, on peut tout au moins en faire ses vilains mardis. Je lui place mes astuces-relaxes pour pique-nique dans les bois. Elle biche. Ma physionomie et ma Jaguar lui sont allées droit au jardin d’acclimatation. Elle rêve de monter dans l’une et d’être montée par l’autre. A mon avis, les deux choses peuvent se concilier.
Nous sommes en plein flirt lorsque la DS noire qui stationnait devant la Sapinière traverse le carrefour ayant les deux dames à son bord.
— C’est pas le tout, dis-je en me levant et en caressant la poitrine de Maryse histoire de m’assurer qu’elle n’est pas en fibrociment, mais il faut que j’aille jusqu’à Mantes pour câbler à mon éditeur de Djakarta qu’il peut imprimer mes œuvres sur Japon et non sur Hollande comme autrefois.
— On peut télégraphier d’ici, hasarde la gosseline qui voudrait bien me conserver à portée de croupion. Il y a une poste auxiliaire.
Les bergères, c’est tout du même : dès que vous leur faites une risette, elles se croient obligées de vous mettre sous clé.
— Pas possible, expliqué-je, dans les bureaux auxiliaires, les câbles du télégraphe sont trop petits pour supporter les messages internationaux.
Elle comprend et hoche la tronche. Le gars Bibi remonte dans son carrosse et quitte très provisoirement Moisson.
Je sais — et j’ai toujours su — que vous avez une poignée de cheveux en guise de cerveau, pourtant je pense que vous avez pigé ma tactique, non ? Le barbelé sous le boudin de la chignole, c’est le pneu à plat garanti. Je nourris toutefois deux craintes : la première, c’est que ce pneu se soit dégonflé trop vite et que ces dames aient changé la roue avant de gerber, la deuxième, c’est qu’au contraire la fuite y aille molo et qu’elles aient le temps d’atteindre Mantes avant de stopper. Je me mets donc à pédaler avec un point d’interrogation gros comme ça à la place de lotion capillaire.
Je bombe sérieusement, sans parvenir à rattraper ces dames, et j’arrive dans Mantes absolument écœuré. Je me mets à musarder dans les artères de la ville, scientifiquement, les parcourant les unes après les autres avec une obstination de toutou recherchant son maître, mais en vain ! Qui mieux est, je n’aperçois pas la moindre DS noire. Pour un coup fourré, c’est un coup fourré, non ? Enfin, dans la vie, il faut savoir accepter les déconvenues. Après une heure d’exploration, je prends le chemin du retour. Et c’est alors que ma bonne étoile se met à briller. A deux kilomètres six cent vingt-sept mètres et quatre-vingt-douze centimètres de Rolleboise, qu’aperçois-je, au bord du chemin ? Ça y est : vous avez déjà deviné, petits futés. Noix mais astucieux, hein ? Oui, c’est la DS noire (j’ai un copain de la Poule qui a une DS thé). Elle est sur le bas-côté et mes deux donzelles regardent le pneu à plat avec une grande affliction.
La plus jeune tient un cric à la main. C’est pas un cric du cœur ! Elle a l’air désespéré d’une planche à repasser à laquelle on offrirait un soutien-gorge. C’est, de toute évidence, la première fois qu’elle se trouve devant un problème aussi épineux. Elle ne sait pas si on doit placer le cric debout, à l’envers, de profil, sous la pédale de débrayage ou dans la boîte à gants. Ça la rend perplexe, cette gentille. Et c’est fortement dommage vu qu’elle est plutôt pas mal de sa personne. Je vous ai dit qu’elle était blonde, n’est-ce pas ? Ai-je précisé qu’elle l’était comme les blés mûrs ? Non, car j’évite les clichés en général, la puissance de mon style se passant fort bien de ces accessoires. Elle a de beaux yeux veloutés, dans les vert Nil, une bouche extrêmement charnue, faite pour dire oui (et pour en supporter les conséquences) et une poitrine comme j’en souhaite une à toutes les femmes et même à quelques hommes pour peu qu’ils veuillent faire carrière chez Mme Arthur. La vioque, par contre, est plus vioque encore que je ne l’imaginais. Autour de ses yeux, les rides se marchent sur les pieds. Elle a les bajoues un peu flasques, les lèvres molles et si elle était trop jeune pour servir en qualité de cantinière pendant la guerre de 70, du moins était-elle trop vieille pour le faire à celle de 14–18.
— Des ennuis, mesdames ? fais-je en stoppant à leur niveau.
Le regard de reconnaissance que me propulse la fille au cric ferait déraper un rouleau compresseur.
J’utiliserais une ligne à haute tension comme hamac que ça ne me ferait pas le même effet.
— Nous sommes à plat, dit-elle.
— Un instant, fait le San-A., très doctoral en stoppant sa brouette un peu plus loin.
Je reviens, vif comme le papillon du matin vers les naufragées.
— Donnez-moi cela, fais-je en lui prenant le cric.
En deux coups de cuillère à pot (d’échappement), j’ai réparé le désastre. Ces dames me roucoulent des remerciements. Monica Mikaël (la plus vioque) a son rouge labial qui ressemble à une glace framboise qui s’est attardée au soleil. Quand je pense que le Vioque m’a donné l’ordre de me farcir cette relique, j’en ai des frissons dans les endosses. Je suis pas du genre chichiteux, notez bien. Et c’est pas parce qu’une dame a du carat que je la branche fatalement sur les services de la voirie municipale, oh que non ! Des mêmes, j’en ai piloté au septième ciel sans prendre l’escalier de service, croyez-le bien !
Mais celle-là est duraille à encadrer. Pour la grimper il faut drôlement se raconter des histoires. Et pas les Contes de Perrault je vous jure ! Du croustillant ! Le Kama Sutra, Gamiani, les Mémoires du garde champêtre amoureux, les Confidences d’une femme de chambre, les Souvenirs de la sœur Lanturlu, les Polissonneries de M. le comte et les Ebats d’une jeune fille volage. Toute la bibliothèque rose-ballet, quoi ! Ça aide !
— Nous ne savons pas comment vous remercier, qu’elles font en chœur, ces merveilles.
En matant la petite blonde. je sais comment elle pourrait me remercier. En considérant la vioque je sais aussi : elle, ce serait en me refilant vingt balles.
— Je vous en prie, coupé-je, trop heureux d’avoir pu vous rendre service ; seulement vous n’avez plus de roue de secours, vous allez loin ?
— A Moisson.
Je me paie un émerveillement de l’hémisphère Nord.
— Pas possible ! moi aussi, exulté-je. Voilà ce que nous allons faire : vous roulez et je vous suis. De cette manière, si par hasard vous creviez de nouveau, je pourrais toujours aller faire réparer votre roue.
Re-roucoulements.
— Ce serait bien un comble si nous crevions encore ! déclare Monica Mikaël.
M’est avis que ce serait assez dans ses emplois.
— Madame, déclamé-je, les crevaisons se produisent fréquemment en série. On reste parfois des années sans percer un pneu, et puis on crève trois fois en une heure lorsque le mauvais sort s’y met !
Voilà qui clôt l’entretien. La DS repart. Je lui file le train (arrière). Je vois ces dames qui papotent. J’ai l’impression d’être vachement concerné par leur discussion.
Nous parcourons sans encombre les derniers kilomètres et elles stoppent devant leur carrée grand standing. Le moment délicat est arrivé. Je descends de ma charrette.
— Si vous voulez me permettre, je vais porter votre roue crevée chez le garagiste du pays.
Tant d’amabilité les émeut. Elles acceptent.
— Je passerai la prendre ! m’assure la plus jeune en me tendant une main douce comme la peau d’un chèque approvisionné.
Je m’incline. Puis je prends la paluche fanée de la daronne. En la saluant je lui court-circuite tout ce que je peux comme désir refréné. Le côté « O vous que j’eusse aimée, ô vous qui le saviez ! » Elle reçoit le message et je vois son regard qui fait tilt. C’est pas tous les jours qu’un beau gosse en parfait état de marche demande la communication avec son standard. Le dernier, ça doit dater de l’année où Antonin Magne a gagné son premier Tour de France.
Je cramponne leur roue à plat et je la roule dans ma tire. Un dernier salut de la main, un dernier regard fripon à la vioque et je décarre.
Le garagiste est occupé à réparer un tracteur lorsque je m’annonce dans son gourbi. Il a un masque de beauté en cambouis de la bonne année et il est en train de traiter un écrou de noms inimprimables, sous prétexte qu’il lui a glissé des doigts.
— Ce que c’est ? demande-t-il, furieux.
Car, vous l’avez remarqué, je pense, rien ne met plus en colère un garagiste que de voir arriver un client. Certains qui ont un grand empire sur eux-mêmes arrivent à se contenir. Ils s’enferment dans un calme glacé et s’abstiennent de parler. Ceux-là sont des gars méritants auxquels je tire mon bada. Mais tous n’ont pas des nerfs d’acier. Chez la plupart, ça éclate illico. Dès que vous apparaissez, c’est la grosse crise : les gros mots, les injures. Il paraît qu’il y en a qui frappent. Je veux bien le croire. Mettons-nous à leur place, à ces malheureux : c’est pas drôle d’ouvrir un garage et de voir arriver des clients, comme ça, bêtement. Reconnaissons pourtant que dans l’ensemble, il fait un effort, le client. Il comprend la situation. Il est humble, il est patient. Il ouvre lui-même son capot et son portefeuille en bafouillant des excuses, en jurant qu’il ne voudrait pas déranger, qu’il attendra son tour… Seulement le garagiste n’est pas dupe. Il déteste la soumission, ça le met davantage en rogne, le cher homme. Mais l’apothéose, le fin des fins, c’est lorsque vous lui proposez de reprendre votre voiture en échange de la nouvelle que vous lui avez commandée.
Je vous mets au défi de ne pas sentir monter en vous une immense envie de vous suicider. Rien qu’à la façon dont il commence à faire le tour de votre tire, l’œil mort, la bouche tordue par un rictus abominable… Et quand il se met à parler, c’est la grosse panique. On se sent tout à fait incurable et honteux de l’être. « Vous appelez ça une auto, vous ? » attaque-t-il. Le reste, vous ne pouvez plus l’écouter. C’est tout juste si vous attrapez, çà et là, des mots, des bouts de phrase qui augmentent votre confusion. « Vis platinées bouffées aux mites… Joints de culasse pétés… Les chemises pleines d’accrocs… Le carburateur qui ne carbure plus… Des bruits suspects dans le pont arrière… Le parallélisme qu’est plus parallèle… » Quand il finit par vous proposer une reprise à soixante pour cent du prix de l’Argus, vous tombez à genoux en sanglotant et vous lui baisez les doigts de pied. Vous envoyez des fleurs à sa dame, des bonbons à son petit dernier. Vous êtes prêts à vous faire tuer pour cet être magnanime. Vous mettez vite fait cinq pneus neufs sur la chignole histoire de lui faire une bonne surprise. Vous lui faites cadeau du saint Christophe en or massif qui décore le tableau de bord et qui, s’il vous protège des accidents, ne vous protège pas pour autant des garagistes.
Celui d’ici écoute ma requête, en réprimant une terrible envie de me gifler.
— Laissez cette roue ici, qu’il dit, je la ferai à l’occasion.
— Quand ? osé-je insister.
Il réfléchit, tourne la tête vers un calendrier-réclame accroché à son mur et se perd dans des calculs vertigineux.
— Voyons, fait-il, nous sommes en mai… juin, juillet, août, c’est la saison… septembre, je pars en vacances… octobre, c’est la chasse… comptez dans le milieu de l’hiver.
— Je vais réfléchir, soupiré-je.
Je bombe jusqu’à Mantes. Là je trouve un garagiste stupéfiant, qui, pour une petite prime d’encouragement de dix francs, consent à abandonner un graissage pour réparer la chambre à air.
Une plombe plus tard, me voici devant la Sapinière. Je sonne. C’est Mme Monica Mikaël en personne qui vient m’ouvrir. Elle me flanque à bout portant son sourire en or massif.
— Comment ! s’exclame-t-elle, vous avez la gentillesse de…
Je lui raconte l’odyssée. Elle est couverte de confusion de la tête aux pieds. Elle me fait entrer dans sa carrée, ce dont je rêve depuis déjà quelques heures. La blonde est encore ici, qui joue avec un chat bleu. Ces dames m’offrent un whisky, me chouchoutent, me complimentent, me convoitent, m’admirent… Le livinge-rome est meublé avec un goût extrême — en Louis XIII (leurs chaussures sont des Richelieu).
Une vaste cheminée, des baies à petits carreaux, des boiseries… On est bien. L’heure des présentations est enfin arrivée. Monica Mikaël m’apprend qu’elle s’appelle Monica Mikaël, son amie se nomme Virginie Baume. Elle est docteur en médecine.
Mme Mikaël m’explique qu’elle s’est retirée à Moisson parce qu’elle a besoin de grand air et de calme vu que son gloméphore annexe a l’arbre à came qui prend l’eau. Elle adore ce charmant village, sa ravissante maison, son délicieux jardin, les merveilleux sapins, la douce Seine et le fabuleux ciel de l’Ile-de-France. Une seule ombre au tableau : elle ne peut conserver de domestiques, car ceux-ci s’ennuient ici. C’est une bonne dame du pays qui lui sert de femme de ménage. Mais elle vit si paisiblement que ça lui suffit.
Moi, naturellement, je leur raconte un tas de bobards à mon sujet. Vous me faites confiance, n’est-ce pas ? Je leur bonnis que je suis romancier. Je m’appelle Paul Kenny et j’écris des romans d’espionnage à forts tirages. Je suis venu à Moisson pour préparer le prochain, car j’ai besoin de m’isoler.
Ça les intéresse. Je leur explique que le bouquin en question nécessite une minutieuse préparation, car c’est l’histoire d’une bombe à retardement dont le mécanisme prend deux minutes trois secondes six dixièmes de retard par vingt-quatre heures. Cette bombe est destinée à un attentat. Le cortège officiel doit passer à une heure précise, mais il a vingt-quatre minutes d’avance. Etant donné que la bombe a été placée cinquante-quatre heures seize minutes huit secondes avant d’exploser et que la cérémonie doit durer trente-cinq minutes, mais que le souverain reçu est bègue et que par conséquent son discours, qui ne devrait pas excéder sept minutes, les excédera — ainsi que les spectateurs —, dans quelle condition l’attentat aura-t-il lieu, et portera-t-il ses fruits ? Suspense ! Elles sont très admiratives, les nanas. Elles ne savaient pas qu’il fallait sortir de math-élem, pour écrire des romans d’espionnage. Ça bouleverse leurs idées préconçues.
Au bout d’un moment, Virginie déclare qu’il est temps pour elle de regagner Paris. J’annonce que je vais prendre congé itou, mais Monica Mikaël m’assure que j’ai bien le temps, et elle fait la bibise à Virginie. Je me dis que si le Vioque pouvait me voir, il serait content de San-Antonio.
Un record, non ? Ça fait quatre ou cinq plombes que j’ai débarqué à Moisson et me voici déjà seul avec la dame à « traiter ».
Monica revient, un sourire équivoque sur ses lèvres craquelées. Vous reprendrez bien un autre verre ?
— Je ne sais si…
— Mais si, mais si ! insiste-t-elle de sa belle voix grave à la Marlène Dietrich.
Re-scotch, donc. On parle de la pluie et du Bottin. Depuis le départ de la jeune blonde, l’atmosphère s’est tendue comme la main d’un mendiant à la sortie de la grand-messe (ou comme celle d’un curé pendant). Nous sommes gênés comme deux petits jeunes gens qu’on a laissés seuls à la maison. Si c’était la gosse Virginie au moins qu’on m’ait donné l’ordre d’escalader ! Mais non : il faut que ça tombe sur la bisaïeule ! C’est bien ma veine. Enfin, quand on a une corvée à accomplir, le mieux n’est-il pas de s’en débarrasser au plus tôt ?
— Puisque vous êtes seule, susurré-je, pourquoi ne viendriez-vous pas dîner avec moi à l’auberge ?
— C’est proposé si gentiment ! se pâme la Mémé.
Nous voilà donc partis. Je préfère l’embarquer à l’auberge du village plutôt qu’à l’Elysée Club, croyez-moi ! La taulière ouvre des coquards façon hublot en nous voyant. Elle fait tout un tas de salamalecs à Monica qui est considérée ici comme une espèce de petite châtelaine. Tout en tortorant la blanquette à l’ancienne (tout à fait de circonstance) de la patronne, Monica me fait son œil de plâtre number one. Je sens ses nougats sous la table : frôleurs qu’ils sont. Voraces ! Envahissants ! Implacables. Je ne sais plus où me mettre ni comment me tenir. Les choses vont plus vite que je ne l’imaginais ! Et dire que le Vieux avait l’air de considérer cette mission comme un exploit ! J’ai envie de lui tuber pour lui demander de me mettre en congé de ma lady ! C’est trop, je n’en peux plus…
La frôleuse fait sa petite bouche. On dirait qu’elle va libérer un œuf. Mais non, il n’en sort que des mots. Bientôt il en sortira des maux ! Elle m’explique sa solitude, me raconte sa vie, ses rêves éculés (vous en êtes un autre). Elle était mariée à un biologiste dont les recherches étaient promises à un grand retentissement. Seulement c’est dans son laboratoire qu’il y a eu un grand retentissement puisqu’une explosion s’est produite et qu’il a été si fortement éprouvé par une éprouvette qu’il en est mort, le pauvre. Pour qui sait entendre entre les mots, le gars Mikaël c’était peut-être un grand chercheur dans son labo, mais pas au pageot. L’alambic l’accaparait trop. Tout ce qu’il distillait à sa bonne femme, c’était des formules.
Bref, elle a été négligée, Monica. Elle se dit que sa vie arrive sur la voie de garage et qu’elle n’a jamais connu le grand frisson, sauf l’hiver où il a fait si froid. N’avoir qu’une existence et la paumer, c’est navrant, non ?
Je m’enhardis à lui caresser la paluche par-dessus la table. J’ignore si elle me virgule des vannes, mais en tout cas ce léger contact lui fait de l’effet. Du regard elle en redemande. Si votre San-Antonio ne se met pas une armure et s’il prend pas la sage précaution d’en faire souder les bas-morceaux, il est bon pour passer à la casserole, mes loutes. Drôle de situation, non ? Je suis ici pour ça, et pourtant la réussite de mon boulot me donne envie de démissionner. Ah ! La nature humaine, c’est quelqu’un !
Le dîner expédié, je la raccompagne à la Sapinière. M’est avis que c’est maintenant que mon destin va s’accomplir. Je vois d’ici le programme : champagne frappé (c’est le brut qui mérite d’être le plus frappé) avec langues de chat. Et puis l’éclairage tamisé (t’as misé sur le bon numéro). Sûrement de la musique douce, pour la chose du vertige. Le rapprochement sur le canapé. La main baladeuse. Les « Vous n’êtes pas raisonnable ». Le premier baiser suivi de beaucoup d’autres, tous plus frémissants et passionnés les uns que les autres. Ce qu’il faut faire tout de même pour gagner sa vie ! Du train où ça usine, avec un entraînement pareil, je vais être bonnard pour ouvrir un clandé. Un clandé for ladies only. C’est toujours les julots qui vont se faire reluire en catiminette. Pourquoi pas les nanas après tout ? Les pauvrettes sont contraintes de commettre le péché d’adultère si elles sont maridas ou bien de se rabattre sur l’hévéa transformé pour se donner de l’extase quand elles ont, à la place d’époux. des rhumatismes déformants. C’est pas juste. Allons, les gars, un peu de tact. Qui est-ce qui s’associe avec moi pour lancer la maison aux dames ?
Quand on voit tous les minables qui se baguenaudent dans les rues, on comprend tout de suite qu’il y a une fortune à faire avec leurs dadames (et qui sait ? une bonne fortune peut-être, en supplément au pogrome, comme on dit à Tel-Aviv).
Nous entrons. Une douceur infinie règne dans le jardin aux pelouses bien tondues. La vioque va mettre la téloche. Paraît qu’il y a une émission fantastique sur les collectionneurs. A ne pas rater. Elle branche l’écran magique. On voit le sourire, la pipe et la dent en or de Pierre Sabbagh. Il est chez un monsieur à tronche de mulot déshydraté qui collectionne des pansements. Faut dire à sa décharge qu’il s’agit d’un ancien infirmier des hôpitaux de Paris. Paraît que sa collection est la plus belle d’Europe. Elle comporte des pièces uniques. Jugez-en plutôt : le bandage herniaire de Charlemagne, le suspensoir de Louis XIV, un sparadrap de Marcel Cerdan, une escalope ayant été utilisée pour Louison Bobet lors de son dernier Tour de France, un plâtre de Françoise Sagan, la bande Velpeau servant à bander la cheville de San-Antonio lorsqu’il subit la crampe de l’écrivain, de la charpie ramenée de Waterloo-Morne-Plaine (fin de section), une compresse ayant servi à Voltaire après qu’il eut reçu un coup de téléphone, le protège-dents de Joe Louis, une béquille à roulette (objet d’une extrême rareté), l’œillère en sèvres de Babylone que prenait Louis XV pour se rincer l’œil, un cataplasme de farine de lin qui guérit Victor Hugo d’un début de bronchite la fois où, à Guernesey, il avait oublié son jersey, et bien d’autres merveilles toutes aussi rarissimes. C’est très impressionnant. Et ça n’a pas de prix ! Le collectionneur explique qu’un magnat américain lui en a proposé dix dollars mais qu’il a refusé. Lui, c’est pour le Louvre qu’il travaille. Après lui, les musées nationaux hériteront de ces splendeurs. Tout ce qu’il souhaite, c’est la Légion d’honneur à titre posthume.
M. Sabbagh est terriblement ému. Ça se devine à la façon dont il se cramponne après sa pipe. Il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’il verse un pleur : une pincée de poivre moulu suffirait.
Bon, c’est pas tout. A San-A. d’enrichir sa collection, les gars ! Je pose ma dextre sur la sinistre épaule de la vioque. Elle frémit. Moi aussi. Elle c’est de plaisir, moi c’est d’horreur ! Heureusement que la pièce n’est éclairée que par la clarté blafarde et palpitante du téléviseur. Dans la pénombre l’imagination prend mieux son essor. Je pense fortement à Brigitte Bardot, Michèle Morgan, Sophia Lorren, Kim Novak (demandez Kim), Doris Day et quelques autres et, en fermant les yeux, je risque une galoche bulgare. Ça la flatte, Monica. Mais elle se dérobe.
— Grand fou, chuchote-t-elle, comme vous êtes pressé ! Vous brûlez les étapes.
Je me dis que je la brûlerais bien elle aussi par la même occasion. Ça m’intéresserait de lui faire le coup du bonze bouddhiste. Je l’arroserais volontiers d’essence et comme je ne lésine pas, je lui paierais même du super et j’allumerais avec un Dupont.
Mais le devoir avant tout. Je renouvelle ma tentative. Elle se laisse embrasser puis, fermement, d’une voix plus rauque que celle de Marlène, elle supplie :
— Maintenant va-t’en, mon grand fou ; tu me plais trop. Je serais capable de te céder !
Vous voyez ce que c’est que la bonne éducation, mes fils ? Même dans les moments de grande tendresse on conserve la maîtrise de son vocabulaire.
— Pourquoi remettre à plus tard ? je rauquifie aussi.
— Laisse-moi me préparer à cette idée ! C’est tellement mouveau, tellement soudain… Reviens demain soir. Je t’aime déjà !
Et voilà le travail ! Il lui a fallu longtemps au San-A., hein, les filles ? Tout est dans la technique !
Je fais un baise-main style Jockey-Club à Monica et je prends congé.
De retour à l’hôtel je me hâte d’appeler le Dabe pour le mettre au courant de ma victoire. Je ne suis pas fâché de l’estomaquer un chouïa, le digne homme ! Il va piger que le sex-appeal de San-Antonio ça n’est pas une légende !
— Mission accomplie, patron, tonitrué-je.
J’avance un peu sur l’horaire, mais j’ai trop besoin de lui en cloquer plein les carreaux, au Tondu !
Il reste quatre secondes sans voix. Je m’apprête à répéter, pensant qu’il a les portugaises ensablées, lorsqu’il pousse une légère exclamation.
— Pas possible !
— Cela paraît vous étonner, patron ?
Un silence. Quelque chose ne doit pas carburer. Il toussote.
— Voulez-vous dire que vous êtes devenu l’amant de la dame ? répète-t-il en articulant.
— Et comment ! fais-je, non sans une certaine suffisance. Je peux même vous assurer que les choses ont été rondement menées.
— C’est ce que je vois, murmure le Boss. Eh bien, bravo, tous mes compliments.
Je me racle le gosier.
— Vous m’aviez annoncé que l’objet de ma mission me serait communiqué à ce moment-là, patron, je vous écoute…
— Il n’y a plus de mission, soupire le Daron, vous pouvez rentrer.
Du coup, j’en ai le grand zygomatique qui s’enroule après l’aorte.
— Comment cela, patron ? balbutié-je.
— C’est ainsi, coupe-t-il sèchement. Je vous remercie, San-Antonio, et j’espère que ça n’a pas été trop… heu… pénible. Bonne nuit.
Il raccroche. Je reste en tête à tête, ou plutôt, en joue à joue, avec le combiné. Un peu siphonné sur le pourtour, qu’il est, votre San-Antonio chéri, mes belles. A quoi tout cela rime-t-il ? Un léger remords me taraude. J’ai affirmé au Vioque que j’étais devenu l’amant de Monica, mais ce disant, j’ai quelque peu anticipé. Si l’on prend les choses à la lettre au cours de cet instant de folie vécu à la Sapinière sous les yeux bienveillants de Pierre Sabbagh, et devant sa pipe riche en émulation, je n’ai pas accompli la totalité de mon travail. Rendez-vous à l’évidence, les gars : votre San-Antonio, toujours un peu crâneur, en a remis, histoire d’épater le Tondu. Je raccroche et je gagne ma chambre. Le sommeil est long à venir. Je suis stupide de faire des crises à conscience professionnelle pour des choses aussi vénielles.
J’intime donc l’ordre à mon petit lutin impertinent de la boucler, et je m’abandonne pour changer dans les bras de Morphée.