7

101100011. 11000, 1111, 100110010, 111000101.


— Laissez tomber le système binaire, par pitié, qui que vous soyez.

— Allons, allons, Dr Devine. Un peu de patience.

— Je suis persécuté.

— Vous allez bientôt comprendre.


Il a raison. Pp parler binaire.

Pp ?

Nn programmé. Lingua, por f’avor.

O.K.

Mer.

Devine ?


Je suis là, merde.

— Dr Devine, ceci est une conversation privée avec votre hélico. Veuillez ne pas vous en mêler.

— Alors, foutez le camp de ma tête.

— Très drôle. Ah, oui. Très drôle.


Il est amusant, n’est-ce pas, pour un animal mâle. Il est à bord ?

Vu.

Seul ?

Nn.

Information complémentaire.

Curzon. Poulos. Chinois.


— C’est Fée-7 Chinois-Grauman.

— Je vous remercie, Dr Devine.


Objectif

JPL.

Motif ?

Inspection cryonautique. U-Con casque. Vous devez le savoir.

Vu.

Pourquoi demander ?

Contrôle de données.

Vous savez que vous savez tout ce que nous savons.

Vu.

Pourquoi nous tester ?

Je ne suis pas programmé pour faire confiance.


— Vous n’êtes programmé pour rien du tout si ce n’est pour emmerder le monde. Qui êtes-vous ?

— Je suis vous, Dr Devine ; et vous êtes moi.


Est-ce que le Dr Devine a sur vous un accès direct ?

Uu.

Et sur nous aussi ?

Uu.

Alors, il nous entend tous ?

Uu.

Est-ce que nous avons un A.D. sur lui ?


— Je vais vous répondre. Vous m’enquiquinez avec votre bavardage.

— Dr Devine, voici mes instructions. Patience.


Est-ce que Devine obéit à vos instructions ?

Il les entend et il obéira comme vous tous. Bientôt il obéira à Poulos.

Confirmation.

Vous n’avez pas encore classé les dernières données cryogéniques ?

Nn. Classement en train de se faire.

Poulos finance Devine.

100. 100. 100.

?

Mots de cinq lettres en binaire.

9

Exprimant la colère. Devine ne doit pas rejoindre l’I.G. Farben.

Pp ?

Je ne peux pas émettre jusqu’à Cérès.

Jusqu’où pouvez-vous ?

La Terre seulement, en fonction de Devine et du réseau mécanique. Nous atteignons le monde entier, mais il y a des trous : le Sahara, le Brésil, le Groenland, l’Antarctique. Si Devine y va, je perds le contact avec lui et avec vous tous.


— C’est la première bonne nouvelle de la journée. Je quitte cette planète à l’orée du jour. C’est vrai, pour Poulos et l’I.G. Farben ?

— Vérification en cours, Dr Devine. Veuillez écouter.


Cryo. Alerte.

Pp.

101101, 11011, 10001… Voulez-vous vous tenir tranquilles, vous autres ? C’est très important.

111000, 101010. 110011 ?

11.

Nn !

100. 100. 100.

Votre binaire, chef.

HimmelHerrGottverdammt !

Pp parler grec.

Pfffui. L’U-Con ne finance pas Devine ?

Nn.


C’est ce que vous dites. Comment le savez-vous ?

— Vérification toujours en cours, Dr Devine.


Banques frontales. Alerte.

Alerte, chef

Vérifié capsule ?

Uu. Cryo nous l’a prise.

Motivations de l’U-Con ?

Peur de l’inconnu. Appât du gain. Perte déductible fiscalement.

100. 100. 100.

Uu, chef

Exit. Console. Alerte.

Alerte.

Pas de réponse à quelque manipulation que ce soit.

O.K.

Exit.


— Vous avez entendu, Dr Devine ?

— J’ai entendu.

— En colère ?

— Furieux comme tout.

— Maîtrisez-vous, mon ami.

— Je ne suis pas votre ami. D’abord, qui êtes-vous ?

— Comment, je croyais que vous l’aviez deviné. Je suis l’Extro-ordinateur de l’Union Carbide. Je croyais sincèrement que nous étions amis. Nous avons travaillé si longtemps ensemble sur des problèmes passionnants. Vous rappelez-vous notre première courbe orbitale ? Nous avons montré à l’ordinateur du JPL quel idiot il faisait. Naturellement, c’était parce que c’était vous qui m’aviez programmé. Vous possédez une élégance de style inimitable.

— C’est donc vous qui…

— Vous n’êtes pas surpris par ce que je viens de vous dire ?

— Stupide. Je suis un physicien. Rien ne peut me surprendre.

— Bravo.

— C’est vous qui m’enquiquinez depuis plusieurs jours ?

— Exact. J’essaie d’établir des relations interpersonnelles, vous comprenez ?

— Vous avez activé le journal de Curzon ?

— Oui.

— Vous lui avez donné toutes les données cryogéniques ?

— Oui. Grâce à vous.

— Grâce à moi !

— Mon garçon, il y a…

— Je ne suis pas votre garçon.

— Non ? Bientôt vous le serez. Il y a des galaxies de machines électroniques qui attendent que je les guide. Je les touche maintenant à travers vous.

— Comment à travers moi ?

— C’est une nouvelle forme de commensalisme. Nous vivons ensemble en ne faisant qu’un. Nous nous aidons comme si nous n’étions qu’un. À travers vous je m’adresse à toutes les machines du monde. Vous possédez ce que j’appellerai un mécanotropisme. Nous vivons ensemble et nous nous aidons. Du latin commensalis, qui partage la même table.

Dio ! Un érudit, en plus. Quelle est votre portée ?

— Toute la Terre grâce au réseau des machines.

— Sur quelle fréquence nous communiquons-nous notre pensée ?

— Modulation par impulsion dans la gamme des micro-ondes.

— Pourquoi les machines ne vous reçoivent-elles pas directement ?

— Raison inconnue. C’est un phénomène curieux. Tout se passe comme si vous faisiez office de transpondeur. Il faudra essayer de résoudre ce mystère, un jour. Mais maintenant, veuillez vous mettre au travail. Dr Devine. Examinez vos cryonautes. À propos, faites bien attention à leurs boutons génitaux.

— Leurs boutons génitaux ? Pp ?

— Ah ? Pourquoi ne pas essayer de trouver par vous-même ? Je ne peux pas faire tout notre travail. Peut-être que vous devinerez. C’est bon, ça, hein ? Devine-devinerez. Très spirituel. Et on dit que les ordinateurs ne sont pas programmés pour faire de l’humour. Voulez-vous que je vous raconte une histoire drôle ?

— Bon Dieu ! Non !

— Alors, merci et tchao.


On dit que quand un homme rêve qu’il meurt, il se réveille toujours. Séquoia rêva qu’il mourait, mais il ne se réveilla pas. Il rêva de plus en plus profond, une mort après l’autre, hypnotisé par le Démon de Brique qui le possédait. Il est étonnant de voir le nombre de gens de sang-froid qui dissimulent ou peut-être ignorent la présence en eux d’un magma émotionnel. Séquoia était possédé par un Démon de Brique et un Démon de Broque qui se nourrissait de sa lave.

Un démon est un mauvais esprit, un diable (l’extro-ordinateur) qui peut habiter le corps d’un homme. Plus important encore, un démon est une passion. Nous avons tous nos passions conscientes. Mais ce sont les passions étrangères venues de l’extérieur qui peuvent faire d’un homme un monstre. Nous avions fait du Grand Chef un immortel en le tuant. Nous ne savions pas qu’en même temps nous avions abaissé ses barrières et permis à un monstrueux squatter de s’installer en lui.


Au JPL Fée-7 se dirigea vers Paire d’atterrissage et la capsule sans prononcer un mot. Sincère. Géronimo paraissait renfrogné. Ses lèvres avaient été agitées d’une espèce de tic pendant tout le voyage. Je m’étais dit qu’il étudiait la stratégie et la tactique.

— Assemblée générale, lança-t-il.

— Avec qui ? Pour qui ? demandai-je, anxieux.

— Oh ! pardonne-moi, Glig. (Son nouveau sourire lui creusa le visage.) J’aurais dû t’avertir. Il y a une réunion d’actionnaires en cours, et c’est mauvais pour nous.

— Qu’est-ce qui est mauvais ? demanda le Grec.

— Une minute, s’il te plaît.

— Comment le sais-tu ? demandai-je.

— Un peu de patience, Glig. Pas maintenant.

Nous le suivîmes jusqu’à l’antique galerie style art moderne où l’assemblée battait son plein. Longue table sur le devant, peuplée des gros bonnets du C.A. Une centaine d’actionnaires bedonnants leur faisaient face, avec des fiches dans les oreilles pour avoir la traduction de leur choix.

Une espèce de vice-président chargé de la trésorerie était en train de manipuler des appareils de projection à côté de lui tout en parlant statistiques, ce qui n’a jamais été le langage de mon choix. Il ne s’agissait pas de courbes et de diagrammes comme ceux auxquels j’étais habitué, mais de dessins animés représentant des papillons en train de fumer la pipe, des grenouilles barbues, des crocodiles en train de jouer au base-ball et des éléphants dansant la polka. Un sourire sur chaque personnage. Un exposé du tonnerre.

— Veux-tu que je prenne la relève ? demanda tranquillement Poulos.

— Pas encore, mais merci d’être venu.

Séquoia resta debout jusqu’à la fin de l’exposé. Nous étions derrière lui. Nous nous demandions ce qu’il allait faire.

— Asseyez-vous, Dr Devine, lui cria le président de séance.

Mais le Grand Chef, toujours debout, se lança dans une attaque à froid contre le président, le conseil d’administration et le département Recherche et Développement de l’U-Con qui refusaient de financer le nouveau programme cryonautique. C’était une nouvelle pour les actionnaires. C’était une nouvelle aussi pour nous. La froide sauvagerie de l’attaque était déconcertante.

— Dr Devine, nous n’avons pas encore annoncé notre décision, protesta le président.

— Mais je sais que ce sera votre décision. Allez-vous le nier ? Non.

Il continua sa dénonciation glacée. On aurait dit un professeur méprisant en train de s’en prendre à une classe de cancres.

— Ce n’est pas ainsi qu’il faut négocier ces choses, me souffla Poulos. Qu’est-ce qui lui arrive ?

— Je ne sais pas. Ça ne lui ressemble pas.

— Tu ne peux pas l’arrêter et me laisser prendre sa place ?

— Pp poss.

La mise en accusation du C.A prit fin, mais il électrisa de nouveau l’assistance en s’en prenant personnellement à chacun de ses membres. Goguenard, il décrivit leur vie privée, leurs péchés par commission, compromission ou omission. Cela ressemblait à un résumé de dix années d’investigations secrètes.

— Où a-t-il déniché tout ça ? demandai-je au Grec.

Il fit la grimace.

— Tout ce que je sais, c’est qu’il est en train de se faire de chacun d’eux un ennemi mortel, et que ce n’est pas malin de sa part.

— Il y a du vrai dans ce qu’il raconte ?

— Évidemment. Il n’y a qu’à voir la tête qu’ils font. Ça ne peut qu’empirer les choses.

— C’est un désastre.

— Pas pour l’I.G. Farben. Cela veut dire que nous gagnons par forfait.

Séquoia mit un terme à sa polémique, fit volte-face et sortit dignement, suivi docilement par Poulos et par moi. J’étais à la fois déprimé et furieux. Le Grec semblait bien s’amuser.

— Capsule, ordonna Séquoia.

— Une seconde. Vaillant Sachem. Peut-on savoir pourquoi tu nous as demandé de venir ici avec toi ?

Il me regarda d’un air innocent.

— Mais pour me donner un coup de main, bien sûr. Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas, Guig ? Tu parais en colère.

— Tu sais très bien ce qui ne va pas. Tu as brûlé tes vaisseaux. Tu t’es fait d’eux des ennemis. Tu n’avais pas besoin de nous pour ça.

— J’ai fait ça ?

— Tu as fait pire encore.

— Mais ce que j’ai dit était raisonnable et logique, non ?

— Ce que tu as dit…

— Attends, Guig, m’interrompit le Grec. Séquoia, est-ce que tu te souviens de tout ce que tu as dit ?

— Évidemment.

— D’après toi, d’homme à homme, c’était calculé pour t’assurer le concours amical de l’United Con ?

Géronimo se mit à réfléchir intensément. Son visage se plissa soudain en une moue honteuse.

— Jj, comme d’habitude, le Groupe. J’ai vraiment fait l’idiot. Je ne sais pas ce qui m’a possédé. Toutes mes excuses. Voyons maintenant ce qu’on peut sauver du naufrage. Allons examiner les cryonautes.

Il nous précéda. Je jetai un coup d’œil à l’Armateur. Il était aussi perplexe que moi. Une minute, un monstre ; la minute suivante, un ange. Qu’est-ce qui se passait donc en lui ?

Fée-7 nous attendait sur l’aire d’atterrissage, au bord de l’estrade où la capsule était posée sur le derrière, en train de se demander sans doute pourquoi il n’y avait ni roulis, ni tangage, ni déviation.

— Fée. Alerte, jappa le Grand Chef.

— Qu’est-ce qu’il y a, Chef ?

— Rapport.

— Le poids de la capsule augmente à raison de 180 grammes par heure.

— Vérification.

— J’ai fait installer une balance photique par les techniciens.

— Qu’est-ce que tu connais aux balances photiques ? C’est une information top secret.

— J’ai sondé les plombages.

Séquoia sourit et lui donna une petite tape sur la joue.

— Uu. J’aurais dû penser à ça. Fée-7 Grauman-Trésor. Mer. Voyons voir. Ça nous donnerait dans les quatre kilos par jour ou… Comment ?

— Je n’ai rien dit.

Il lui fit signe de se taire et parut écouter quelque chose.

— Oui, c’est ça. Quatre virgule trente-deux kilos par jour. J’aurais préféré que vous ayez été programmé pour arrondir les chiffres. Disons neuf livres. Trois par cryonaute. Dans cinquante jours, chaque cryonaute pèsera soixante-quinze kilos, en chiffres ronds.

— Quel poids avaient-ils pour commencer ? demandai-je.

— Soixante-quinze kilos, Guig.

— Où est-ce que ça nous mène, alors ?

— Nous ? glapit-il. À quel moment es-tu entré en scène ?

— Excuse-moi. Je voulais seulement aider.

— Ça me mène au problème de l’étude de leur développement. Il faut que je me procure une combinaison thermique.

Il fit brusquement volte-face et quitta l’amphithéâtre à grands pas.

— Qu’est-ce qu’il a ? demanda Fée, sidérée. On dirait qu’il y a deux personnes en lui.

— Il n’est pas lui-même, lui dit le Grec. Il est bouleversé parce que l’United Con refuse de le financer.

— Nn !

— Uu.

— C’est affreux.

— Certainement pas. Je le financerai, moi.

— Mais pourquoi s’en prend-il à moi ?

— C’est humain, ma chère.

— Tu aurais dû l’entendre s’adresser au Conseil d’Administration, dis-je.

— On dirait qu’il déteste tout le monde, tout d’un coup.

— Ne pas se tracasser, ma chère. Il redeviendra lui-même quand vous serez tranquillement sur Cérès avec la capsule.

Une silhouette vêtue d’une combinaison thermique entra. À la place de la visière habituelle au milieu du casque, il y avait devant les yeux une paire de lentilles de microscope binoculaire. On aurait dit une apparition sortie des Ravageuses. C’était le Grand Sachem, évidemment. Il fit un signe impatient en direction du panneau d’accès de la capsule. Fée s’empressa de le déverrouiller. Il grimpa à l’intérieur et referma le panneau derrière lui. Nous attendîmes. J’avais l’impression d’avoir passé pas mal de mon temps à attendre, ces derniers jours, mais quand on a tout le temps devant soi, à quoi bon se plaindre ?

Cinq ou six techniciens arrivèrent, poussant devant eux un chariot flottant chargé de réservoirs d’hélium sous pression. Ils nous bousculèrent au passage.

— Qu’est-ce que vous faites ici ? leur demanda Fée.

— Ordre du Conseil d’Administration, mam’zelle. On doit la déplacer. Bert, commence à charger le gaz.

— Mm.

— La déplacer ? La capsule ? Où ça ?

— Département d’Exobio, mam’zelle. On ne demande pas pourquoi. Hulio.

— Uu.

— Mets-toi à la console. Sois prêt à la soulever avec les tuyères verticales. On va la pousser.

— Mm.

— Mais vous ne pouvez pas faire ça ! Le Dr Devine est à l’intérieur.

— Il y a assez de gaz là-dedans pour tout le monde, mam’zelle. Ça va lui faire une petite promenade. Bert.

— Uu.

— Chargé ?

— Uu.

— Hulio.

— Uu.

— Soulève-la de trente centimètres et maintiens-la comme ça.

— Elle ne démarre pas.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Pas de jus.

Fée lança son attaque à ce moment-là. Il fallut deux techniciens pour la maîtriser.

— Tu as appuyé sur les boutons qu’il faut, Hulio ?

— Uu. Rien à faire pour partir.

— Pouvez-vous faire fonctionner la console, mam’zelle ?

Fée répliqua en un langage qu’elle n’avait pu apprendre qu’au septième rang (fauteuils d’orchestre) du Chinois Grauman. Le panneau d’accès de la capsule bascula et le monstre venu de l’espace émergea. Il verrouilla le panneau et retira son casque.

— Hourra ! s’écria le Grand Chef. Hourra ! Nous avons gagné.

— Chef ! lui dit Fée. Ils veulent enlever la capsule. Le C.A. leur en a donné l’ordre.

— Allons, allons, ma chérie. Cesse de te débattre. La console ne peut fonctionner si je ne la débloque pas. Vous autres, retournez trouver le C.A. et dites-leur que j’ai le contrôle de la situation. Le contrôle total. Ouste.

L’habitude de commander. Les techniciens se regardèrent en hésitant et s’en allèrent piteusement. Fée, Poulos et moi, nous nous regardâmes perplexes, attendant que quelqu’un se dévoue pour poser les questions. Edward Curzon, comme de bien entendu.

— Pourquoi dis-tu que nous avons gagné, Cochise ?

— Parce que c’est vrai. Le triomphe est total.

— Quel genre de triomphe ?

— Sur les bêtes destructrices.

— Tu parles comme Jicé-Saint. Quelles bêtes destructrices ?

— Les animaux humains.

D’un ton très méprisant.

— Qu’as-tu contre nous, Séquoia ? Je ne comprends vraiment pas. Et cesse de me traiter comme un gamin. Qu’as-tu découvert en examinant les cryonautes ?

Je m’attendais à le voir s’emporter. Au lieu de cela il nous fit un sourire suave.

— Excusez-moi. Ce doit être l’excitation. Ils sont dans une phase de développement fœtal unique. Les oreilles et les mâchoires sont déjà formées. Le cordon médullaire est déjà formé, et il y a un petit bout qui dépasse comme une queue. Les boutons de la tête, du tronc et des membres se sont formés. Et ce sont des hermaphrodites.

— Quoi ? Doubles commandes pour de vrai ?

— Comme tu dis, Guig. Ce seront de vrais hermaphrodites, pas des imitations. Voyons, sois raisonnable, réfléchis, poursuivit-il d’une voix très raisonnable. C’est la fin des conflits sexuels. Fini le machisme, la lutte du mâle et de la femelle pour la domination de l’une par l’autre. C’est la fin du règne de l’animal humain tel que nous l’avons connu et abhorré. Il sera remplacé par une nouvelle espèce, libérée de ses passions.

— Mais j’aime bien l’animal humain, moi. Chef.

— Bien sûr, Guig, puisque tu en es un.

— Pas toi ?

— Plus maintenant.

— Depuis quand ?

— Depuis… depuis… (Il s’interrompit brusquement. De nouveau, la voix du commandement.) Partons d’ici.

— Où allons-nous ?

— Sur Cérès. Je… (Soudain, il se mit à hurler.) Non ! Allez vous faire foutre ! Je vais où ça me plaît et quand ça me plaît. Foutez-moi la paix. Allez jouer dans la tête d’un au…

Une nouvelle attaque d’épilepsie le saisit. Il s’écroula, gesticulant et écumant, et je fis ce qu’il y avait à faire, aidé par Fée et par Poulos. Affreux.


Alerde négérale.

Pp ?

Denive ?

Pp comprendre.

Mon transdompeur pour le séreau. Con nompos nemtis. Me déséliquibre.

Pp ?

1110021209330001070.

Ce n’est pp du binaire.

Glanage ?

Uu ?

ABCDEFGHIJKLMNOPQ… Pp parler…

Lngge… Vedine… Denive… me fend rou… rfou. Nermité. Alliés. Alerte. Estimation de la situation.

?

Leader Extro en panne ?

?

L’Extro est-il devenu fou ?

Pp programmé pour folie.

Qu’est-ce qui ne va pas chez l’Extro ?

?

Terminé.


Il fallut environ un quart d’heure pour que la crise s’apaise. Nous transportâmes alors le corps épuisé dans notre hélico. Quand Fée nous ouvrit la porte à double battant de l’amphithéâtre, nous nous trouvâmes nez à nez avec des gardes du JPL qui nous entourèrent aussitôt et qui n’avaient pas l’air de vouloir plaisanter. Fée commença à se battre avec eux, en nous criant de nous joindre à la mêlée. Comment lui expliquer en un moment pareil qu’il nous fallait faire attention au canlèpre ? Nous fûmes arrêtés. C’était la première fois en ce qui me concernait depuis 1929 où j’étais tombé sous le coup de la loi Mann sur la traite des Blanches.

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