Jeanne Martin

Paroles et Musique: Georges Brassens 1985

La petite presqu'île

Où jadis, bien tranquille,

Moi je suis né natif,

Soit dit sans couillonnade

Avait le nom d'un ad-

jectif démonstratif.

Moi, personnellement

Que je meur' si je mens

Ça m'était bien égal;

J'étais pas chatouillé,

J'étais pas humilié

Dans mon honneur local.

Mais voyant d' l'infamie

Dans cette homonymie,

Des bougres s'en sont plaints

Tellement que bientôt

On a changé l'ortho-

graph' du nom du pat'lin.

Et j'eus ma première tristesse d'Olympio,

Déférence gardée envers le père Hugo.

Si faire se peut

Attendez un peu,

Messieurs les édiles,

Que l'on soit passé

Pour débaptiser

Nos petites villes.

La chère vieille rue

Où mon père avait cru

On ne peut plus propice

D'aller construire sa

Petite maison s'a-

ppelait rue de l'Hospice.

Se mettre en quête d'un

Nom d' rue plus opportun

Ne se concevait pas.

On n' pouvait trouver mieux

Vu qu'un asile de vieux

Florissait dans le bas.

Les anciens combattants,

Tous comme un seul, sortant

De leurs vieux trous d'obus,

Firent tant qu'à la fin

La rue d' l'Hospic' devint

La rue Henri Barbusse.

Et j'eus ma deuxième tristesse d'Olympio,

Déférence gardée envers le père Hugo.

Si faire se peut

Attendez un peu,

Héros incongrus,

Que l'on soit passé

Pour débaptiser

Nos petites rues.

Moi, la première à qui

Mon cœur fut tout acquis

S'app'lait Jeanne Martin,

Patronyme qui fait

Pas tellement d'effet

Dans le bottin mondain.

Mais moi j'aimais comme un

Fou ce nom si commun,

N'en déplaise aux minus.

D'ailleurs, de parti pris,

Celle que je chéris,

S'appell' toujours Vénus.

Hélas un béotien

A la place du sien

Lui proposa son blase

Fameux dans l'épicerie

Et cette renchérie

Refusa pas, hélas!

Et j'eus ma troisième tristesse d'Olympio,

Déférence gardée envers le père Hugo.

Si faire se peut

Attendez un peu

Cinq minutes, non?

Gentes fiancées,

Que l'on soit passé

Pour changer de nom.

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