A mon frère revenant d'Italie

Paroles: Alfred de Musset. Musique: Georges Brassens

Ainsi, mon cher, tu t'en reviens

Du pays dont je me souviens

Comme d'un rêve

De ces beaux lieux où l'oranger

Naquit pour nous dédommager

Du péché d'Eve.

Tu l'as vu, ce fantôme altier

Qui jadis eut le monde entier

Sous son empire.

César dans sa pourpre est tombé

Dans un petit manteau d'abbé

Sa veuve expire.

Tu t'es bercé sur ce flot pur

Où Naples enchâsse dans l'azur

Sa mosaïque,

Oreiller des lazzaroni

Où sont nés le macaroni

Et la musique.

Qu'il soit rusé, simple ou moqueur

N'est-ce pas qu'il nous laisse au cœur

Un charme étrange,

Ce peuple ami de la gaieté

Qui donnerait gloire et beauté

Pour une orange?

Ischia! c'est là qu'on a des yeux

C'est là qu'un corsage amoureux

Serre la hanche.

Sur un bas rouge bien tiré

Brille, sous le jupon doré

La mule blanche.

Pauvre Ischia! Bien des gens n'ont vu

Tes jeunes filles que pieds nus

Dans la poussière.

On les endimanche à prix d'or

Mais ton pur soleil brille encor

Sur leur misère.

Quoi qu'il en soit, il est certain

Que l'on ne parle pas latin

Dans les Abruzzes

Et que jamais un postillon

N'y sera l'enfant d'Apollon

Ni des neuf Muses.

Toits superbes! froids monuments!

Linceul d'or sur des ossements!

Ci-gît Venise.

Là mon pauvre cœur est resté.

S'il doit m'en être rapporté

Dieu le conduise!

Mais de quoi vais-je ici parler?

Que ferait l'homme désolé

Quand toi, cher frère

Ces lieux où j'ai failli mourir

Tu t'en viens de les parcourir

Pour te distraire?

Frère, ne t'en va plus si loin.

D'un peu d'aide j'ai grand besoin

Quoi qu'il m'advienne.

Je ne sais où va mon chemin

Mais je marche mieux quand ta main

Serre la mienne.

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