#Les écrivains, la nuit

La nuit, je pense aux milliers et milliers d’écrivains, célèbres ou inconnus, occupés à rechercher la phrase idoine et le mot juste.

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Est-ce la nuit que les écrivains perçoivent le mieux la rumeur des substantifs, le cliquetis des verbes, le bruissement des adjectifs ?

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La nuit, il se commet plus de crimes sur le papier qu’il ne s’en produit en vrai.

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Les romanciers font-ils l’amour, le même soir, au lit et sur ordinateur ? Si oui, dans quel ordre ?

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La nuit, il s’écrit plus de mots qu’il ne s’en dit.

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La nuit, le jeune Marcel Proust, qui s’est couché de bonne heure, rêve d’une phrase qui ne finira jamais.

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La nuit, les personnages louches ou bizarres des romans de Modiano se donnent rendez-vous dans les bars du Lutetia et du Meurice.

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Une nuit de chaque semaine, Alfred Brendel vient jouer la Pathétique, de Beethoven, aux morts illustres du Panthéon.

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La nuit, Colette se glisse dans les cuisines du Grand Véfour pour y déguster ce que le chef Guy Martin lui a secrètement préparé.

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Saint-Exupéry atterrit de nuit sur l’aéroport de Lyon qui porte son nom, fait le plein et repart, seul, incognito, pour le Sud.

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Les Goncourt, chez Drouant, la nuit qui précède le scrutin. Ils font tourner la célèbre table et demandent à Jules et Edmond pour qui voter.

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Juliette, Pauline, Hortense, Natalie, etc. La nuit, Jean d’Ormesson fait l’amour avec toutes les femmes de Chateaubriand, qui est furieux.

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Des dizaines de chats de Fontenay-aux-Roses se réunissent la nuit pour évoquer leurs illustres aïeux, tous matous et chattes de M. Léautaud.

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Marguerite Duras continue de me téléphoner, au milieu de la nuit, pour me lire ses nouveaux textes.

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« Reviens souvent me prendre, la nuit, / à l’heure où les lèvres et la peau se souviennent. » Constantin Cavafy

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