Le commissaire raccrocha d’un geste sec et regarda ses inspecteurs en fronçant les sourcils. C’était un gros homme pâle et blond, au visage ingrat.
— Le fourgon cellulaire n’avait aucune escorte en quittant le pénitencier, fit-il. Il y a du louche là-dessous.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda l’inspecteur qui s’était rendu au tunnel pour l’affaire des motos abandonnées.
— Le directeur du pénitencier d’Altona téléphone à la prison de Lünburg pour savoir si le prisonnier est arrivé.
Il consulta la pendulette de marbre posée sur son bureau.
— Ce fourgon a quitté le pénitencier à six heures environ. Il devrait être arrivé.
Il prit un énorme cigare dans une boîte ouverte devant lui. Au moyen d’un petit appareil chromé, il sectionna l’extrémité la plus pointue et, avec une application de chirurgien, il vrilla une moitié d’allumette dans le cigare.
Ses subordonnés le regardaient agir avec le plus profond respect. Le commissaire était un homme exigeant dont le calme inhumain glaçait tous ceux qui l’approchaient.
Il chauffa le cigare à la flamme d’une seconde allumette — un peu comme on brûle une volaille —, l’alluma et se mit à le téter avec délice. Comme il expulsait sa première bouffée, le téléphone sonna.
Il bloqua l’énorme cigare dans le coin de sa bouche et répondit.
La conversation fut extrêmement brève. Lorsqu’il raccrocha il déclara à ses hommes attentifs :
— Le fourgon cellulaire n’est pas arrivé. Ça n’est pas encore alarmant, mais c’est déjà troublant.
Il regarda l’heure. Sa pendule marquait sept heures moins deux.
— Il y a des encombrements en fin de journée, souligna l’un des inspecteurs.
— C’est vrai, reconnut le commissaire. Mais ma conviction est établie…
Ses dents se crispèrent sur l’allumette fichée dans le cigare.
— Il s’est passé quelque chose dans cet ascenseur, affirma-t-il paisiblement. Vous allez suivre ce fourgon à la trace à partir de l’Elbtunnel. Prenez tous les hommes disponibles et mettez-vous immédiatement en chasse.
— Vous croyez qu’il s’agit d’une évasion, herr commissaire ? demanda un inspecteur.
— Oui, je le crois, répondit le commissaire. Le prisonnier transporté est un gangster français très dangereux. Il est condamné à la détention à vie pour avoir descendu un flic de Hambourg.
Il sortit son cigare de sa bouche et le secoua doucement au-dessus de son cendrier.
— S’il s’est échappé, on le retrouvera. Et alors on s’arrangera pour ne pas lui faire de cadeau. Rompez !