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Temple de Salomon

Le temple de Salomon à Jérusalem était un modèle de formes géométriques parfaites. Il était composé de quatre plates-formes ceintes chacune d'un mur de pierre. Celles-ci représentant les quatre mondes qui composent l'existence:

– le monde matériel: le corps physique;

– le monde émotionnel: l'âme;

– le monde spirituel: l'intelligence;

– le monde mystique: la part de divinité qu'il y a en nous.

Au sein du monde divin, on trouvait trois portiques censés représenter:

– la Création;

– la Formation;

– l'Action.

La forme générale était un grand rectangle de 100 coudées de longueur sur 50 coudées de largeur et 30 coudées de hauteur. Le temple, situé au centre, mesurait 30 coudées de longueur sur 10 coudées de largeur. Au fond du temple, on trouvait le cube parfait du Saint des Saints dont chaque côté mesurait 20 coudées.

Dans le Saint des Saints était disposé lAutel en bois d'acacia. Il était parfaitement cubique et mesurait 5 coudées de hauteur et autant de largeur. Déposés sur sa surface, les 12 pains représentant les mois de l'année. Au-dessus de lui: le chandelier à sept branches représentant les sept planètes.

Selon les textes anciens, et notamment ceux de Philon d'Alexandrie, «le sanctuaire est une figure géométrique calculée pour former un champ de forces. Au départ, le nombre d'or est la mesure de la dynamique sacrée. Le tabernacle est censé condenser l'énergie cosmique. Le temple est conçu comme un lieu de passage entre deux mondes: du visible à l'invisible».

Temps

La perception de l'écoulement du temps est très différente chez les humains et chez les fourmis. Pour les humains, le temps est absolu. Quoi qu'il arrive, les secondes seront de taille et de périodicité égales.

Chez les fourmis, en revanche, le temps est relatif. Quand il fait chaud, les secondes sont très courtes. Quand il fait froid, elles s'étirent et s'allongent à l'infini, jusqu'à la perte de conscience hibernale.

Ce temps élastique leur donne une perception de la vitesse très différente de la nôtre. Pour définir un mouvement, les insectes n'utilisent pas seulement l'espace et la durée, ils ajoutent une troisième dimension: la température.

Temps des comploteurs

Le système d'organisation le plus répandu parmi les humains est le suivant: une hiérarchie complexe d'«administratifs», hommes et femmes de pouvoir, «encadre» ou plutôt gère un groupe plus restreint de «créatifs». Les travaux des créatifs sont ensuite distribués par les «commerciaux». Administratifs, créatifs, commerciaux. Telles sont les trois castes qui correspondent de nos jours aux ouvrières, sexuées et soldates des fourmis.

La lutte entre Staline et Trotski, deux chefs russes du début du XXe siècle, illustre le passage d'un système avantageant les créatifs à un système privilégiant les administratifs.

Trotski, le mathématicien, l'inventeur de l'Armée Rouge, a en effet été évincé par Staline, l'homme des complots.

Dès ce moment, on peut dire que les administratifs comploteurs ont marqué une manche décisive sur les créatifs inventeurs.

On progresse mieux et plus vite dans les strates de la société moderne si l'on sait séduire, réunir des tueurs, désinformer, que si l'on est capable de produire des concepts ou des objets nouveaux.

Tente de sudation

chez les iroquois, chez les Hurons ainsi que dans beaucoup de tribus d'Amérique du Nord, on utilisait la tente de sudation pour savoir quelle décision prendre. C'était une petite hutte de un mètre de haut, de forme hémisphérique, en peau de bête. Au centre, on trouvait un feu avec quatre pierres censées représenter les quatre vents. La porte était à l'est. Les Amérindiens restaient trois heures dans cette petite maison à deux ou trois. En général, avec la chaleur et la fumée, ils avaient des hallucinations. Selon le chamane, c'était leur esprit qui sortait du corps, laissant la place pour que le Grand Manitou puisse entrer et donner des conseils.

Les jésuites canadiens mirent fin à cette pratique car ils voyaient d'un mauvais œil que des gens nus, hommes et femmes, le plus souvent non mariés ensemble, restent plusieurs heures dans un endroit aussi exigu. Mais plus que les jésuites, ce fut l'alcool qui mit fin à la pratique des tentes de sudation.

Termite

Les termites sont les seuls insectes sociaux, et sûrement les seuls animaux à avoir érigé la «société parfaite». C'est une monarchie absolue où tout le monde est heureux de servir la reine, où tout le monde se comprend, où tout le monde s'entraide, où personne n'a la moindre ambition ni le moindre souci égoïste.

C'est sûrement dans la société termite que le mot «solidarité» prend son sens le plus fort. Peut-être parce que le termite a été le premier animal à construire des villes, il y a de cela plus de 200 millions d'années.

Mais sa réussite porte en soi sa propre condamnation. Ce qui est parfait, par définition, ne peut pas être amélioré. La ville ter mite ne connaît aucune remise en cause, aucune révolution, aucun trouble interne. C'est un organisme pur et sain fonctionnant si bien qu'il ne fait que dormir dans son bonheur au milieu de couloirs ouvragés bâtis avec un ciment hypersolide.

La fourmi, par contre, vit dans un système social beaucoup plus anarchique. Elle apprend par l'erreur et commence toujours par faire des erreurs. Elle ne se satisfait jamais de ce qu'elle a, goûte à tout au péril de sa vie. La fourmilière n'est pas un système stable, c'est une société qui tâtonne en permanence, testant toutes les solutions, même les plus aberrantes, au risque même de sa propre destruction. C'est pour cela que les fourmis m'intéressent plus que les termites.

Thélème

En 1532, François Rabelais proposait sa propre vision de la cité utopique idéale. C'est l'abbaye de Thélème décrite dans Gargantua. Pas de gouvernement, car Rabelais pense: «Comment pourrait-on gouverner autrui alors qu'on ne sait pas soi-même se gouverner?» Et comme il n'y a pas de gouvernement, les Thélé-mites agissent «selon leur bon vouloir». L'efficacité de l'abbaye de Thélème provient de la sélection de ses habitants. Ny sont acceptés que des hommes et des femmes bien nés, libres d'esprit, instruits, vertueux, beaux et «bien naturés». On y entre à 10 ans pour les femmes et à 12 ans pour les hommes.

Dans la journée, chacun fait ce qu'il veut, travaille si cela lui chante et sinon se repose, boit, s'amuse, fait l'amour. Il n'y a pas d'horloge, ce qui évite toute notion de temps qui passe. On se réveille, on mange quand on veut. L'agitation, la violence, les querelles sont bannies. Des domestiques et des artisans, installés à l'extérieur de la cité, sont chargés des travaux pénibles.

L'abbaye est construite près de la Loire, dans la forêt de Port-Huault. Elle comprend 9 332 chambres. Pas d'enceinte car «les murailles entretiennent les conspirations». Le tout constitue un château, avec six tours rondes de soixante pas de diamètre. Chaque bâtiment est haut de six étages. Un tout-à-l'égout débouche dans le fleuve. Beaucoup de bibliothèques, une fontaine au centre et un parc enrichi d'un labyrinthe.

Rabelais n'est pas dupe. Il prévoit que sa cité idéale sera forcément détruite un jour pour des broutilles, par la démagogie, les doctrines absurdes et la discorde.

Timidité

Toutes les fourmis ne sont pas curieuses, courageuses, téméraires. Certaines espèces réputées pour leur agressivité, comme les Dorylines, dont les raids de chasse sont meurtriers, s'avèrent parfois empêtrées face à un problème minime. C'est ainsi qu'on a vu des groupes de plusieurs milliers de soldâtes dorylines qui, coupées du reste de leur meute par une pluie, se regroupaient en spirale.

Dans cette formation bizarre, elles tournaient sans fin dans un sens centrifuge, tournaient ainsi dans cette galaxie noire jusqu'à l'épuisement et la mort par inanition. Les fourmis tournant à la périphérie mouraient les premières. En général, ce tourbillon stupide dure une journée et demie et il ne reste plus ensuite qu'un tapis de cadavres disposés dans le sens d'une toupie mystérieuse.

Totalitarisme

Les fourmis intéressent les hommes, car ils pensent qu'elles sont parvenues à créer un système totalitaire réussi. Il est vrai que de l'extérieur, on a l'impression que dans la fourmilière tout le monde travaille, tout le monde obéit, tout le monde est prêt à se sacrifier, tout le monde semble pareil. Et pour l'instant, les systèmes totalitaires humains ont tous échoué. Les Égyptiens, les Grecs, les Romains, les Babyloniens, les Carthaginois, les Perses, les Chinois, les Français, les Anglais, les Russes, les Allemands, les Japonais, les Américains ont tous connu des périodes de splendeur où il semblait que leur manière de vivre pouvait se transformer en référence mondiale; mais heureusement, un petit grain de sable est toujours venu mettre à bas leur édifice uniformisé.

Alors on pense à copier l'insecte social (l'emblème de Napoléon n'était-il pas l'abeille?). Les phéromones qui inondent la fourmilière d'une information globale, c'est aujourd'hui la télévision planétaire qui nous transmet à tous les mêmes images, les mêmes pensées, les mêmes musiques. L'homme croit qu'en offrant à tous ce qu'il estime être le meilleur, il débouchera sur une humanité parfaite.

Ce n'est pas le sens des choses.

La Nature, n'en déplaise à Mr Darwin, n'évolue pas vers la sélection des meilleurs. (Selon quels critères, d'ailleurs?)

La Nature puise sa force dans la diversité. Il faut des bons, des méchants, des fous, des désespérés, des sportifs, des grabataires, des bossus, des siamois, des becs-de-lièvre, des gais, des tristes, des intelligents, des imbéciles, des égoïstes, des généreux, des petits, des grands, des Noirs, des Jaunes, des Rouges, des Blancs, il en faut de toutes les religions, de toutes les philosophies, de tous les fanatismes, de toutes les sagesses… Le seul danger est qu'une espèce soit éliminée par une autre.

On a constaté que les champs de maïs artificiellement conçus par les hommes et composés des frères jumeaux du meilleur épi (celui qui a besoin du minimum d'eau, celui qui résiste le mieux au gel, celui qui donne les plus beaux grains) mouraient tous d'un coup à la moindre maladie alors que les champs de maïs sauvage composé de plusieurs souches différentes, ayant chacune ses spécificités, ses faiblesses, ses anomalies, arrivent toujours à trouver une parade aux épidémies.

La Nature hait l'uniformité et aime la diversité. C'est là peut-être que se reconnaît son génie.

Triangle quelconque

il est parfois plus difficile d'être anodin qu'extraordinaire. Le cas est net pour les triangles. La plupart des triangles sont isocèles (2 côtés de même longueur), rectangles (avec un angle droit), équilatéraux (3 côtés de même longueur).

Il y a tellement de triangles définis qu'il devient très compliqué de dessiner un triangle qui ne soit pas particulier ou alors il faudrait dessiner un triangle avec les côtés «les plus inégaux possible». Mais ce n'est pas évident. Le triangle quelconque ne doit pas avoir d'angle droit, ni égal ni dépassant 90°. Le chercheur Jacques Loubczanski est arrivé avec beaucoup de difficultés à mettre au point un vrai «triangle quelconque». Celui-ci a des caractéristiques très… précises. Pour confectionner un bon triangle quelconque, il faut associer la moitié d'un carré coupé par sa diagonale et la moitié d'un triangle équilatéral coupé par sa hauteur. En les mettant l'un à côté de l'autre, on doit obtenir un bon représentant de triangle quelconque.

Tricherie de Hans

En 1904, une grande excitation gagna la communauté scientifique internationale, on pensait avoir enfin trouvé un «animal aussi intelligent qu'un homme». Cet animal était un cheval de huit ans éduqué par un savant autrichien, le professeur Von Osten. Au grand étonnement de ceux qui venaient lui rendre visite, le cheval «Hans» semblait parfaitement comprendre les mathématiques modernes. Il donnait les bons résultats aux équations. Mais il savait aussi donner l'heure précise, reconnaître sur des photos des gens qu'on lui avait présentés quelques jours auparavant, résoudre des problèmes de logique.

Hans désignait les objets du bout du sabot, communiquait les chiffres en tapant sur le sol. Les lettres étaient frappées une à une pour former des mots allemands. Un coup pour le a, deux coups pour le b, trois pour c, etc.

On soumit le cheval Hans à toutes sortes d'expériences et l'animal montrait partout ses dons… On l'étudia seul sans son maître afin d'être certain qu'il n'y avait pas un code de connivence entre eux, et là encore les résultats furent positifs. Les zoologistes, puis les biologistes, les physiciens et pour finir les psychologues et les psychiatres du monde entier vinrent voir Hans. Ils arrivaient sceptiques et repartaient décontenancés. Ils ne comprenaient pas où était le truc et finissaient donc par admettre que cet animal était un «cas». Le 12 septembre 1904, un groupe de 13 experts diplômés publiait un rapport rejetant toute possibilité de supercherie. Cela fit grand bruit à l'époque et le monde scientifique commençait à s'habituer à l'idée que cet animal était vraiment aussi intelligent qu'un homme. Ce fut finalement Oskar Pfungst, l'un des assistants de Von Osten, qui trouva l'explication du phénomène. Il remarqua que le cheval Hans se trompait dans ses réponses chaque fois que la solution du problème qui lui était soumis était inconnue des personnes présentes. Lorsqu'il se retrouvait seul devant des photos, des chiffres ou des phrases, il répondait n'importe quoi. De même, si on lui mettait des œillères qui l'empêchaient de voir l'assistance, il échouait systématiquement. La seule explication était donc que ce cheval Hans était un animal hyper-attentif qui, tout en tapant du sabot, percevait les changements d'attitude corporelle des humains de l'assistance. La récompense alimentaire était la motivation de cette attention forcée. Quand le pot aux roses fut découvert, la communauté scientifique regretta tellement de s'être fait aussi facilement berner qu'elle bascula dans un scepticisme systématique devant toutes les expériences ayant trait à l'intelligence animale. On étudie encore dans la plupart des universités le cas de Hans comme un exemple caricatural de tricherie. Pourtant, le pauvre Hans ne méritait ni tant de gloire ni tant d'opprobre. Après tout, ce cheval savait décoder toutes les attitudes humaines au point de se faire passer temporairement pour l'un des leurs. Mais peut-être que l'une des raisons d'en vouloir à Hans est plus profonde. Il est désagréable de se savoir transparent pour les animaux.

Tromperie tactile

Croisez les doigts – l'index et le majeur par exemple. Posez une bille sur la table avec l'autre main. L'extrémité des doigts croisée sur la bille, imprimez à votre main de légers mouvements de rotation. Fermez les yeux. Vous aurez l'impression de toucher deux billes.

On peut faire la même expérience avec un œil de requin pêché de frais.

Trophallaxie

Parfois, l'on me demande: «Mais qu'est-ce que l'homme a copié sur la fourmi?» Eh bien, je réponds en premier le baiser sur la bouche, prétendument inventé vers l'an 300 avant J.-C. par les Romains. Il consiste en fait à mimer une trophallaxie.

La trophallaxie est l'acte de générosité absolu des fourmis. Les fourmis possèdent en effet un deuxième estomac: le jabot social, dans lequel la nourriture n'est pas digérée, mais stockée en prévision de la demande d'un mendiant.

Comment cela?

Si une fourmi a faim, il suffira qu'elle aille voir une autre fourmi et lui demande une trophallaxie pour que celle-ci lui plaque sa bouche contre la sienne et fasse remonter de la nourriture pour l'offrir à la mendiante.

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