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Echecs

L'ancêtre de tous les jeux d'échecs, de tous les jeux de cartes et même de certains dominos est un seul et unique jeu: le jeu de Shatu-ranga (mot sanscrit). Les plus anciennes traces de ce jeu remontent à environ mille ans avant J.-C, on pense qu'il est né dans le sud de l'Inde.

C'est une sorte de jeu d'échecs à 4.

Chacun joue dans un coin.

Les coups sont tirés aux dés pour savoir qui va jouer. Le dé est un osselet. Et l'osselet porte sur ses facettes les noms des quatre principales castes hindoues.

La caste des prêtres est symbolisée par une sorte de vase, la caste des militaires par une épée, celle des paysans par un épi ou un bâton et celle des marchands par une pièce de monnaie.

Chaque couleur est soumise à une hiérarchie: vizir, ministre, éléphant, une tour, un chevalier et quatre pions. Le tout correspond à la fois aux pièces d'un échiquier et aux figures d'un jeu de cartes.

Par la suite, les castes se sont transformées en couleurs.

Bâton égale trèfle.

Pièce de monnaie égale carreau.

Le vase c'est le cœur.

L'épée c'est le pique.

(Aux échecs, l'invention de la reine est entièrement occidentale. De même, le canon est chinois. L'apparition de la reine dans le jeu d'échecs date de l'époque de Christophe Colomb. Elle symbolise le pouvoir de se déplacer tous azimuts. De fait, en Occident, on joue aux dames espagnoles.)

On ne sait pas d'où part cette subdivision en quatre. Peut-être des quatre bases azotées ATGC gravées dans le plus profond de nos cellules.

Economie

Jadis, les économistes pensaient qu'une société saine est une société en expansion. Le taux de croissance était le thermomètre de la santé de n'importe quelle structure: État, entreprise, salaire. Cependant, on ne peut pas sans cesse foncer en avant tête baissée. Le temps est venu de stopper l'expansion avant qu'elle ne nous retombe dessus. L'expansion économique n'a pas d'avenir. Le seul état durable est celui d'équilibre des forces. Une société, un État ou un travailleur sain sont une société, un État ou un travailleur qui n'abîment pas et ne sont pas abîmé(e)s par leur entourage.

Nous ne devons plus viser à conquérir, mais à.nous intégrer à la nature et au cosmos. Le maître mot est: harmonie. Interpénétration harmonieuse entre monde extérieur et monde intérieur, sans violence, sans prétention.

Le jour où l'homme et la société humaine n'auront plus aucun sentiment de supériorité ou d'infériorité face à un phénomène naturel, l'homme, sera en homéostasie avec son univers. Il connaîtra l'équilibre. Il ne vivra plus dans le futur et dans les objectifs à atteindre, mais dans le présent tout Lsimplement.

Education

L'éducation des fourmis se fait selon différentes étapes.

– Du premier au 10e jour, la plupart des jeunes s'occupent de la reine pondeuse. Elles la soignent, la lèchent, la caressent. En retour, celle-ci les badigeonne de sa salive nourrissante et désinfectante.

– Du 11e au 20e jour, les ouvrières obtiennent le droit de soigner les cocons.

– Du 21e au 30e jour, elles surveillent et nourrissent les larves cadettes.

– Du 31e au 40e jour, elles vaquent aux tâches domestiques et de voirie tout en continuant à soigner la reine mère et les nymphes.

– Le 40e jour est une date importante. Jugées suffisamment expérimentées, les ouvrières ont le droit de sortir de la cité.

– Du 40e au 50e jour, elles servent de gardiennes ou de trayeuses de pucerons.

– Du 50e au dernier jour de leur vie, elles peuvent accéder à l'occupation la plus passionnante pour une fourmi citadine: la chasse et l'exploration de contrées inconnues.

Nota: Dès le 11e jour, les sexuées ne sont plus astreintes au travail. Elles restent le plus souvent oisives, consignées dans leurs quartiers jusqu'au jour du vol nuptial.

Empathie

ONZIÈME COMMANDEMENT: Cette nuit, j'ai fait un rêve étrange. J'imaginais que Paris était introduit dans un pot transparent par une grande pelle. Une fois dans le pot, toute la ville était secouée, si bien que la pointe de la tour Eiffel venait percuter le mur de mes toilettes. On était renversé. Je roulais au plafond, des milliers de piétons s'écrasaient contre ma fenêtre close. Les meubles roulaient et je m'enfuyais de mon appartement.

Dehors, tout était sens dessus dessous, l'Arc de Triomphe était en morceaux, Notre-Dame de Paris à l'envers avec ses tours profondément enfoncées dans la terre. Des wagons de métro jaillissaient du sol éventré, crachant leur confit humain. Je courais parmi les décombres jusqu'à une gigantesque paroi de verre. Derrière la paroi de verre, un œil. Rien qu'un œil, grand comme le ciel entier, et qui m'observait. A un moment, l'œil curieux de mes réactions se mit à taper contre la paroi avec ce que je pensai être une cuillère géante. Un assourdissant bruit de cloche retentit. Toutes les vitres encore intactes explosèrent. L'œil me regardait toujours, cent fois plus grand qu'un soleil.

Je n'aimerais pas que pareils faits se produisent dans la réalité. Depuis ce rêve, je ne vais plus chercher de fourmilières dans la forêt. Si les miennes meurent, je n'en installerai aucune autre. Ce rêve m'a inspiré un onzième commandement que je commencerai par appliquer moi-même avant de tenter de l'imposer à mon entourage: «Ne fais pas aux autres ce que tu n'as pas envie qu'on te fasse.» Et dans le mot «autres», j'entends tous les autres.

Emplacements citadins

Dans les grandes villes, les emplacements des quartiers riches et des quartiers pauvres sont liés à des facteurs très précis.

A Paris par exemple, les quartiers riches ont été installés à l'ouest et les quartiers pauvres à l'est car le vent souffle de la mer vers la terre. Donc d'ouest en est. Ainsi les mauvaises odeurs et les pollutions des quartiers riches venaient (et viennent encore) empester l'atmosphère des quartiers pauvres.

Par contre, dans les villes américaines comme New York ou Los Angeles, les quartiers riches sont actuellement en périphérie et les quartiers pauvres au centre. Tout simplement parce que, le pays étant immense, on construit au fur et à mesure le neuf à l'extérieur. Résultat: les quartiers du centre sont vétustes.

Lors des émeutes urbaines, la police a pu vérifier un autre avantage dans cette disposition: au centre, les pauvres sont encerclables. En périphérie, les riches peuvent s'enfuir.

Energie

Lorsque l'on monte sur un grand huit dans une fête foraine, il y a deux attitudes possibles. Un: se mettre dans le wagonnet du fond etj fermer les yeux, dans ce cas on a très peur. On subit la vitesse. Chaque fois qu'on entrouvre les yeux, la frayeur est décuplée. La deuxième attitude consiste à se mettre au premier rang du premier wagonnet et à ouvrir grands les yeux en se disant qu'on vole et qu'on veut aller de plus en plus vite. On imagine qu'on dirige le train. On éprouve une forte impression de puissance.

De même le hard rock, si on ne l'écoute pas, peut sembler une musique violente et assourdissante. On la subit, et pratiquement aucun animal ne supporte de rester à côté d'un baffle diffusant du hard rock. Pourtant, on peut non pas subir, mais utiliser cette énergie pour l'absorber et la détourner. On est alors dopé et complètement sur-volté par cette violence musicale. Tout ce qui dégage de l'énergie est dangereux si on le subit et merveilleux si on parvient à le canaliser à son profit.

Enigme

En cours d'informatique, on cite parfois une énigme que peut résoudre un être humain et que pour l'instant aucun ordinateur ne peut résoudre. La voici. Un homme demande à un autre les âges de ses trois filles.

L'autre répond: «La multiplication de leurs 3 âges donne le nombre 36.»

– Je n'arrive pas à déduire leur âge répond le premier.

– L'addition de leurs âges donne le même nombre que celui qui est inscrit au-dessus de ce porche, juste en face de nous.

– Je n'arrive toujours pas à répondre! dit le premier.

– L'aînée est blonde.

– Ah oui, évidemment, je comprends leurs âges respectifs, maintenant.

Comment a-t-il fait? Tout simplement en raisonnant comme un «humain». Vous voulez tout de suite la réponse? (Si vous voulez réfléchir, cachez vite la suite avec un papier.)

La multiplication de leurs âgesl donnant 36, on a forcément l'une des huit combinaisons suivantes.

36 = 2 * 3 * 6 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 11

36 = 2 * 2 * 9 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 13

36 = 4 * 9 * 1 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 14

36 = 4 * 3 * 3 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 10

36 = 18 * 2 * 1 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 21

36 = 12 * 3 * 1 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 16

36 = 6 * 6 * 1 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 13

36 = 36 * 1 * 1 ce qui lorsqu'on additionne les chiffres donne 38

On a donc huit solutions possibles et c'est pour cela que l'interlocuteur ne peut répondre.

Quand il dit que l'addition de leurs âges est similaire au chiffre du porche et que l'interlocuteur répond qu'il ne peut toujours pas savoir, c'est ' qu'il y a encore plusieurs solutions. Or 2 * 2 * 9 donne 13 en addition et 6 * 6 * 1 donne aussi 13. Le numéro au-dessus du porche est donc le nombre 13. Il y a encore deux possibilités.

«L'aînée est blonde» permet enfin de savoir qu'il y a une aînée, donc une personne plus âgée, n'ayant pas de jumeau. La seule formule acceptable est donc la deuxième. Les trois enfants ont donc respectivement 9 ans, 2 ans et 2 ans.

Ennemis

Ce n'est pas facile mais il faut être capable d'aimer ses ennemis, ne serait-ce que pour les énerver.

Ère du cortex

Le langage montre le mouvement de l'évolution de notre cerveau. Au départ, il n'existait que peu de mots mais les intonations permettaient d'en préciser le sens. C'était le cerveau des émotions, le système limbique qui permettait de se faire comprendre. De nos jours, le vocabulaire est vaste, si bien que l'on n'a plus besoin d'intonations pour préciser une nuance exacte. Le vocabulaire est fabriqué par notre cortex. Nous utilisons le langage des raisonnements, des systèmes de logique, des mécanismes automatiques de pensée.

Le langage n'est qu'un symptôme.

Notre évolution va du cerveau reptilien vers le système lim-bique et du système limbique vers le cortex. Nous sommes en train de vivre le règne de l'intelligence cortexienne. Le corps est oublié, tout devient raisonné. C'est pourquoi on voit tant de maladies' psychosomatiques (la raison ou la déraison agit sur la chair). Plus nous avancerons, davantage les gens consulteront le psychanalyste et le psychiatre. Ce sont eux les médecins du cortex. Donc: les médecins du futur.

Espace

Avec les meilleurs télescopes, on ne peut voir autour de nous dans l'espace présent. On ne peut voir qu'en arrière dans l'espace passé.

Nous ne sommes entourés que par des lueurs du passé.

Parce que la lumière a une vitesse et que les images des étoiles qui nous parviennent aujourd'hui ont été émises il y a longtemps. Ce sont des lueurs qui ont voyagé parfois sur des millions de kilomètres pour venir scintiller dans nos nuits.

La zone de notre vision de l’espace forme une sorte de long «radis» qui s’éttend dans le tréfonds de nos origines spatiales.

Essaimage

Chez les abeilles, l'essaimage obéit à un rituel insolite. Voilà une cité, un peuple, un royaume entier qui, au summum de la prospérité et de sa tranquillité, décide de tout remettre en cause. La vieille reine qui avait mené son État à la réussite s'en va, abandonnant le plus précieux: stocks de nourriture, quartiers construits, palais somptueux, réserves de cire, de propolis, de pollen, de miel, de gelée royale. Elle l'abandonne à qui? A des nouveau-nés féroces.

L'ancienne reine, accompagnée de ses ouvrières, quitte la ruche pour s'installer dans un ailleurs incertain. Où elle n'arrivera le plus souvent jamais. Elle le sait, mais elle le fait quand même.

Quelques minutes plus tard, les enfants-abeilles se réveillent et découvrent leur ville déserte. Chacun sait déjà ce qu'il a à faire. Les ouvrières asexuées courent aider les princesses sexuées à éclore. C'est l'éveil des Belles au bois dormant, assoupies dans leurs capsules sacrées.

On les dégage de leur cercueil de cire, on les nettoie, on les apprête, on les lèche. On aide leurs pattes chancelantes à supporter leur jeune corps de monarque.

La première en état de marcher affiche d'emblée son comportement belliqueux. Elle fonce vers les autres berceaux de princesses-abeilles et les lamine de ses petites mandibules. Elle empêche les ouvrières de les dégager, elle s'acharne sur ses sœurs endormies, les tire de leurs alvéoles, se retourne et les transperce de part en part de son aiguillon venimeux.

Plus elle tue de princesses rivales, plus la première réveillée s'apaise. Autour d'elle, les ouvrières abeilles n'osent intervenir, elles se contentent simplement de jeter les cadavres des assassinées. Parfois, certaines se risquent à protéger les berceaux. La reine pousse alors un crissement spécial qui est un «cri de rage abeille» (quand on s'approche d'une ruche, on entend parfois ce son très différent du bourdonnement général).

Dès qu'elles le perçoivent, les ouvrières baissent la tête en signe de résignation et laissent les crimes se poursuivre.

Parfois, une princesse se défend et on assiste à des combats terribles. Mais, fait étrange, lorsqu'il ne reste plus que deux reines abeilles à se battre en duel, elles ne se mettent jamais en position de se percer mutuellement avec leur dard. Il faut à tout prix qu'il y ait une survivante. Malgré leur rage de gouverner, elles ne prendront jamais le risque de mourir simultanément en laissant la ruche orpheline.

Une fois le ménage effectué, la princesse abeille survivante sort alors seule de la ruche pour se faire féconder en vol par des mâles. Après avoir fait un cercle ou deux autour de la cité, elle revient et se met à pondre.

Être ensemble

Selon la philosophie soufi, l'une des premières règles du bonheur consiste à s'asseoir avec des amis ou des gens qu'on aime.

On s'assoit, on ne dit rien, on ne fait rien. On se regarde ou on ne se regarde pas. Toute l'extase vient du plaisir d'être entouré de gens avec les quels on se sent bien. Plus besoin de s'occuper ou d'occuper l'espace sonore. On se contente d'apprécier cette muette coexistence.

Extrême-Orient

Grand choc de deux civilisations: la rencontre de l'Occident et de l'Orient.

En l'an 115 de notre ère, les annales de l'empire chinois signalent l'arrivée d'un bateau, vraisemblablement d'origine romaine, que la tempête avait malmené et qui après plusieurs jours de' dérive avait échoué sur les côtes chinoises.

Or les passagers de cette nef étaient pour la plupart des acrobates, des jongleurs et des clowns appartenant à une troupe itinérante. A peine débarqués, et leur première surprise passée, ils voulurent se concilier les curieux habitants de cel pays inconnu en leur donnant un spectacle. Les paysans chinois virent ainsi, bouche bée, ces étrangers aux yeux trop ronds cracher le feu, nouer leurs membres en contorsions saugrenues, changer des grenouilles en serpents, faire virevolter des ballons multicolores. Certains avaient le visage barbouillé de blanc et accomplissaient des grimaces ridicules, d'autres marchaient sur les mains avec les pieds en l'air.

C'est donc ainsi que vivaient les hommes au-delà de l'Himalaya!

Les Asiatiques conclurent à bon droit que l'Ouest était peuplé de clowns, de cracheurs de feu et de marcheurs sur les mains. Et plusieurs centaines d'années passèrent avant qu'une occasion de les détromper ne se présente.

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