Chapitre VII

Depuis le départ de Vienne, Swesda Damicilovic n’avait pratiquement pas ouvert la bouche, somnolant la plupart du temps. Malko avait retrouvé le Volvo à Sopron, petite bourgade perdue dans la plaine hongroise monotone, s’étendant à l’infini jusqu’à l’Oural. Ils avaient mis plus de deux heures pour atteindre la Yougoslavie, sur des routes sinueuses, encombrées de tracteurs trainant d’énormes carrioles de foin.

Le passage de la frontière yougoslave n’avait pas posé plus de problèmes au camion chargé d’armes. La route était tout aussi mauvaise de l’autre côté, avec des miliciens embusqués presque à chaque virage, verbalisant les étrangers, pour se faire un peu de devises. Maintenant, le Volvo attendait sur un parking à l’entrée de Varazdin, gros bourg situé dans une vallée, juste avant les collines précédant Zagreb, et Malko écoutait les informations en six langues diffusées par le haut-parleur du café de la place de la Mairie. Ici, pas de touristes et pourtant cette petite ville baroque miraculeusement protégée était magnifique : des églises à tous les coins de rue et des vieilles maisons en parfait état.

Swesda, indifférente à la beauté des lieux, bâilla.

— Il fait chaud !

Malko aperçut deux hommes qui descendaient d’une vieille Zastava et se dirigeaient vers lui. L’un d’entre eux était le barbu, Miroslav Benkovac. L’autre, un costaud à l’allure de docker, avec un grand nez crochu, des yeux très rapprochés et enfoncés dans leurs orbites, ronds comme ceux d’un oiseau. Ses mains étaient énormes. Le barbu le présenta :

— Un ami, Boza.

— Une amie américaine, répliqua Malko en présentant Swesda. Helen.

Les deux hommes lui dirent à peine bonjour… Swesda lança son Hi ! habituel et se replongea ostensiblement dans le Herald Tribune. Malko s’aperçut vite que le dénommé Boza s’intéressait beaucoup à ses cuisses et à ses seins qu’une robe stricte n’arrivait pas à dissimuler. Miroslav Benkovac semblait tendu et nerveux. Il fit signe à Malko qui se leva et le suivit à quelques mètres.

— Vous êtes absolument sûr de cette personne ? demanda-t-il.

— Absolument. Et votre ami ?

Miroslav Benkovac prit l’air choqué.

— Boza ! J’en réponds comme de moi-même. Il est…

Il se tut brusquement comme s’il craignait d’en dire trop.

Au moment où ils revenaient à la table, Swesda Damicilovic s’étira, faisant saillir ses gros seins ronds et se leva, gagnant l’intérieur du café en balançant ses hanches minces. Sa jupe avait remonté et couvrait tout juste le haut de ses cuisses. Dans ce pays où les femmes s’habillaient toutes à mi-mollet, les clients de YEtoile Rouge en avaient les yeux hors de la tête. Le cortège d’un mariage sortant de la mairie voisine passa devant eux. En queue de cortège, un vieux brandissait une bouteille de slibovizc déjà à moitié vide que se refilaient les participants. Un vrai décor d’opérette dans cette ville qui semblait artificielle à force d’être belle.

— Où est la marchandise ? demanda Miroslav Benkovac.

Malko lui répondit aussitôt, du tac au tac.

— Vous êtes venu sans l’argent ?

Miroslav Benkovac eut un sourire embarrassé.

— Nous voulons d’abord vérifier la marchandise. Où est le camion ?

— À la sortie de la ville.

— Allons-y. Laissez votre amie ici.

— D’accord, accepta Malko.

Swesda Damicilovic revenait : il la prit à part et lui demanda d’attendre à la terrasse.

Malko s’installa dans la Zastava avec ses deux acheteurs et ils quittèrent le centre de Varazdin.

Le chauffeur fumait une cigarette à côté du camion, sur l’aire de stationnement située près du croisement de la grande route et de celle menant à Varazdin. À la demande de Malko, il ouvrit les portes arrière du camion et les trois hommes montèrent dans le Volvo. Les caisses d’armes se trouvaient au fond, dissimulées derrière des cartons contenant des téléviseurs Akaï et des magnétoscopes Samsung, mais un espace avait été ménagé pour y accéder. Boza se chargea de tout contrôler. Il fit sauter le couvercle d’une caisse avec un pied de biche, vérifia un des M16, ouvrit plusieurs boîtes de cartouches et examina une des M. 60. Il redescendit ensuite à terre pour échanger quelques mots avec Benkovac.

— Tout va bien, traduisit celui-ci. Mais le chauffeur, c’est qui ?

Gunther, toujours placide, referma les portes du camion.

— Un Allemand répondit Malko. Il a déjà travaillé avec nous, il est sûr. Comme il est mal payé par son patron, il se fait de petits suppléments.

Le Croate hocha la tête sans rien dire, visiblement satisfait par ses explications, puis échangea quelques mots avec Miroslav Benkovac. Ce dernier précisa la suite des opérations.

— Il faudrait que le camion reparte vers Zagreb. Qu’il rejoigne l’autoroute de Ljubljana et qu’il s’engage dans cette direction. À quatorze kilomètres après Zagreb, il va trouver sur la droite un motel, le Hrvatska. Facile à repérer, il est peint en rose. Un ami vous y attend avec l’argent. Vous demanderez Jozip au barman. Dès que vous l’aurez, nous irons décharger ce qui nous appartient dans un entrepôt voisin. Pour ne pas perdre de temps, il faudrait peut-être que le camion reparte tout de suite, vous le rattraperez facilement, la route est étroite et sinueuse.

— Parfait, accepta Malko.

— Autre chose, précisa Boza. Déposez votre amie à Zagreb avant de vous rendre au motel. Je ne veux pas de témoin.

— Si vous voulez, dit Malko.

Il alla donner ses instructions à Gunther qui fit immédiatement ronfler le moteur du Volvo et quitta majestueusement le parking, contournant un tracteur tirant une énorme charette de foin. La région était idyllique avec des fermes partout et même de coquettes villas essaimées le long de la route. Ici, même du temps des communistes, on avait toujours bien vécu de l’agriculture.

Le Volvo s’éloignant, ils reprirent la Zastava pour regagner le centre de Varazdin.

Malko sentit ses cheveux se dresser sur sa tête en s’arrêtant devant la terrasse de L’Etoile Rouge : Swesda était en grande conversation avec deux militaires de l’armée fédérale, visiblement en permission, installés à la table voisine. Pour une Américaine ne parlant pas croate… Heureusement, lorsqu’ils virent les trois hommes s’approcher, ils s’éloignèrent vivement.

Pourtant, la scène n’avait pas échappé à Bozo. Il enveloppa la jeune femme d’un long regard plein de méfiance, mais ne fit aucun commentaire. Swesda lança à Malko, en anglais :

— Ces deux types me draguaient, mais je n’ai rien compris à ce qu’ils disaient.

Boza tendit la main à Malko, sans le regarder.

— À tout à l’heure.

Sautant sur l’occasion de détendre l’atmosphère, Malko annonça avec un sourire :

— Je vous ai mis 10 000 coups de plus et une caisse de M. 16 supplémentaire : c’est ma contribution personnelle à votre cause. Ainsi que cinq caisses de Johnny Walker Black Label et deux de Moët et Chandon Brut Impérial.

Le visage barbu de Miroslav Benkovac s’éclaira d’un sourire chaleureux, mais Boza ne manifesta aucune reconnaissance.

— Ça ne fait jamais que trois ou quatre mille dollars, souligna-t-il, avec un rien d’ironie. Merci quand même.

Malko les regarda monter dans la Zastava. Swesda semblait perturbée.

— J’espère que je n’ai pas gaffé, s’excusa-t-elle. Les deux troufions voulaient s’asseoir à ma table. J’ai été obligée de leur dire, en croate, que mon mec arrivait. Ce gars, Boza, ne m’inspire pas confiance. Il a l’accent bosnien et ressemble à un voyou.

— Tous les Bosniens ne sont pas des voyous, plaida Malko qui n’aimait pourtant pas non plus le dénommé Boza.

— Presque tous, trancha Swesda d’un ton définitif.

Une fois sortis de la vieille ville historique, ils prirent la direction de Zagreb. La route extrêmement sinueuse ne permettait pas de rouler vite. De nouveau, Swesda somnolait, les pieds sur le tableau de bord, la jupe retroussée sur ses cuisses. Son état naturel était la provocation… De plus en plus, il se demandait si elle allait lui être vraiment utile…

Les tracteurs pullulaient sur la route, trainant d’énormes charges de foin. Soudain, à l’entrée du village de Novi Marov, alors qu’il avait parcouru à peine un tiers du trajet et s’attendait à chaque seconde à recoller au Volvo, Malko vit surgir devant son pare-brise une fille blonde en bicyclette, un petit havresac sur le dos. Elle zigzaguait en plein sur sa gauche, afin de doubler un tracteur arrivant en face de Malko. Venant droit sur la Mercedes. Malko écrasa le frein avec un juron. Trop tard : la fille venait de se jeter littéralement sur son aile avant gauche.

Himmel !

La blonde, projetée sur le capot de la Mercedes, ne semblait pas s’être fait très mal. Malko ouvrit sa portière. Le vélo, lui, était en piteux état. La roue de la voiture était passée dessus. La fille se remit sur pied et l’apostropha violemment, des larmes plein les yeux. Elle avait un visage très pur et très slave, avec de grands yeux étirés, une bouche sensuelle, un nez minuscule. Une tête de cover-girl… Sa chemise d’homme nouée sur l’estomac moulait une poitrine sans soutien-gorge et son short coupé dans un jeans s’arrêtait au ras des fesses. Lorsqu’elle se pencha pour ramasser les débris de son vélo, Malko eut devant lui un spectacle presque indécent.

Swesda Damicilovic descendit à son tour, considérant la fille d’un œil critique.

— Cette conne n’avait qu’à faire attention… grommela-t-elle. Tirons-nous.

Des villageois commençaient à s’attrouper autour d’eux. La blonde apostrophait Malko, avec de plus en plus d’indignation.

— Qu’est-ce qu’elle veut ? demanda-t-il.

— Elle dit que vous devez lui rembourser sa bicyclette, traduisit Swesda, et ensuite la ramener chez elle. Que les étrangers conduisent n’importe comment. Tout est de votre faute.

Malko n’avait pas vraiment envie de discuter, peu soucieux de laisser le Volvo tout seul trop longtemps.

— Combien ?

— Cinq cents marks.

Cinq fois le prix du vélo ! Mais il n’était pas en mesure de négocier. Tirant une liasse de sa poche, il tendit cinq billets bleus empochés immédiatement par la blonde qui ne lui adressa même pas un sourire… Ignorant délibérément Swesda, elle lança en mauvais allemand :

— Maintenant, moi venir avec toi…

Sans attendre la réponse de Malko, elle s’installa à l’arrière de la Mercedes, abandonnant les débris de sa bicyclette sur le talus. Malko n’avait d’autre solution que de reprendre le volant, outré par ce sans-gêne. Il se tourna vers Swesda.

— Dites-lui que nous sommes pressés, je ne ferai pas un détour pour elle.

Swesda traduisit. Sèchement.

— Elle demande où vous allez. Sa randonnée est fichue, elle veut rentrer chez elle.

— Sur la route de Ljubljana.

— Cela tombe très bien, traduisit Swesda, elle habite de ce côté. Comme ça, elle ne préviendra pas la Milicja de l’accident. Sinon, vous pourriez avoir des ennuis.

Il eut envie de lui dire qu’en Yougoslavie, avec des marks, on ne pouvait pas avoir d’ennuis sérieux mais se retint… Il conduisait le plus vite possible, se faufilant entre les tracteurs et les charrettes, trépignant derrière les vieilles Jugo qui se traînaient sur la route sinueuse.

Le Volvo n’était toujours pas en vue. Gunther ne s’était pas arrêté pour l’attendre, il avait sans doute préféré ne pas attirer l’attention. Après tout, il connaissait la destination finale… Malgré tout, Malko ne se sentirait tranquille que lorsqu’il aurait rattrapé le camion.


* * *

Gunther, le chauffeur du Volvo, freina brusquement. Une voiture bleu et blanc de la Milicja était embusquée dans un virage, juste après Breznica et un milicien posté sur le bord de la route lui faisait signe de s’arrêter en agitant son petit disque rouge. Un autre était resté près de la voiture à côté d’un civil. L’agent du BND obtempéra en maugréant, pas vraiment inquiet. En Yougoslavie, le racket des routiers étrangers était une tradition bien ancrée. Ce n’était pas bien grave… Il stoppa sur le bas-côté et laissa venir le milicien qui tendit la main.

Dokuments !

Gunther lui remit les papiers avec un sourire. Le milicien les examina puis remarqua en allemand :

— Vous alliez trop vite en traversant Breznica, des collègues vous ont signalé…

— Ça m’étonnerait ! protesta Gunther sans perdre son calme. Je ne peux pas aller bien vite avec mon gros bahut…

Le milicien semblait hésiter. Il héla son collègue qui s’approcha, en compagnie du civil, assez âgé, avec une bonne tête de paysan, sans cravate, un blouson, de grosses chaussures. Il salua respectueusement le chauffeur du Volvo. Ce dernier se dit qu’il ne fallait pas s’enliser.

Ostensiblement, il regarda sa montre.

— Je suis un peu pressé, dit-il, je dois être avant six heures aux entrepôts de la douane. Sinon, je perds un jour.

Le milicien se dérida d’un coup et lui tendit ses papiers.

— Bon, ça ira pour cette fois, mais est-ce que vous pourriez déposer notre ami à l’entrée de Komin ? Il attend son bus depuis une heure. Il doit être en panne.

Kein problem ! affirma Gunther, heureux de s’en tirer à si bon compte…

Il reprit son volant et le vieux monta à côté de lui. Le temps de dire au revoir aux miliciens, il était sur la route. Étonné de ne pas voir Malko. Celui-ci aurait dû le dépasser. À moins qu’il ne se soit attardé à Varazdin ou qu’il soit passé tandis qu’il discutait avec les miliciens. Il se concentra sur sa conduite, tant la route était difficile. À côté de lui, le vieux était sage comme une image.

Soudain, il fit signe de la main alors qu’ils venaient de passer devant un panneau annonçant Komin.

— Je m’arrête ici ! dit-il en allemand.

Docilement, Gunther appuya sur la droite et stoppa sur le bas-côté. Puis, il tourna la tête pour dire au revoir à son passager. Pendant une seconde, il se trouva en face d’un visage inconnu, impitoyable, crispé. Puis son regard descendit et il aperçut le long poignard tenu à l’horizontale.

Sie…

Il n’eut pas le temps d’en dire plus. D’un mouvement de tout son corps, le vieux venait de lui enfoncer la lame mince dans le flanc droit. Si fort qu’elle pénétra pratiquement jusqu’à la poignée, traversant le foie, tranchant plusieurs artères. Gunther ouvrit la bouche, cherchant de l’air, suffoqué par la douleur atroce. Déjà, le vieux retirait le poignard et frappait un peu plus haut, puis encore et encore, avec une application démoniaque. Il s’arrêta seulement lorsque Gunther s’effondra sur son volant, le sang ruisselant sur la banquette de moleskine.

Le tout n’avait pas duré trente secondes.

Said Mustala ouvrit la portière de son côté et se laissa glisser à terre. La Zastava de Boza était arrêtée juste derrière.

Boza Dolac en sortit et courut vers Said Mustala.

— C’est fait ?

— Bien sûr, fit le vieil Oustachi, vexé qu’on puisse douter de lui.

Boza Dolac gagna le camion et monta à bord. Poussant le cadavre qui glissa sur le plancher, il jeta dessus une couverture arrachée à la couchette et s’installa au volant. Said Mustala prit place à côté de lui et le lourd véhicule redémarra.

Presque aussitôt, la fausse voiture de la Milice, volée quelques semaines plus tôt, les doubla et s’enfonça dans un chemin transversal, afin de regagner sa planque.

Les quelques voitures qui avaient doublé le Volvo arrêté n’avaient rien pu remarquer d’anormal.

Boza Dolac conduisait le plus vite possible. Même en tenant compte de la diversion imaginée pour retarder le marchand d’armes, il ne disposait pas d’une grande marge de sécurité. Or, ce qui allait suivre était tout aussi important que la première partie de l’opération.

Il ne devait rester aucun témoin de la livraison d’armes.


* * *

Malko dut attendre qu’une rame de trams bleus s’ébranle lentement pour accéder à la rampe menant à l’entrée de L’Esplanade, le meilleur hôtel de Zagreb. Une superbe bâtisse rococo fin de siècle en face de la gare en bordure de l’avenue Mihanoviceva. Swesda se tourna vers lui, boudeuse.

— Qu’est-ce que je vais faire toute seule ?

— Prendre un bain, suggéra Malko, ou regarder la télévision. Je ne serai pas long.

Le chasseur prit sa valise et Malko repartit ventre à terre vers l’ouest de la ville, pestant contre la circulation. Il y avait autant de voitures qu’à Vienne et les innombrables trams gênaient le trafic, se trainant à vingt à l’heure !… La blonde, profitant du départ de Swesda, avait pris place à côté de lui et lui adressa un sourire engageant. Elle avait peut-être envie de changer son vélo contre une Mercedes.

Avec son physique, ce n’était pas impossible…

— Où allez-vous ? demanda Malko en allemand, une fois sur l’autoroute. Moi, je m’arrête bientôt.

S’il s’était débarrassé de Swesda, ce n’était pas pour arriver au motel Hrvatska avec une inconnue ramassée sur le bord de la route… Malgré lui, il admira ses longues cuisses bronzées. Une fille ravissante.

Immer gradaus[25], dit-elle.

Ils filaient maintenant sur le freeway de Maribor, double bande d’asphalte rectiligne, bordant une banlieue de plus en plus clairsemée qui fit bientôt place à des champs. Malko guettait le côté droit, comptant les kilomètres. Les rails des trams avaient disparu. Ils se trouvaient en pleine campagne. Soudain Malko aperçut dans le lointain, sur sa droite, plusieurs bâtiments dont un d’une curieuse couleur rose, comme certains hôtels de Californie. Sûrement le motel Hrvatska.

Ils n’en étaient plus qu’à un kilomètre environ lorsque la blonde désigna un chemin de terre qui s’éloignait perpendiculairement à l’autoroute, filant vers un pâté de HLM tout neufs érigés en pleins champs.

Hier, bitte !

Malko ralentit et stoppa à l’entrée du chemin. La blonde ne bougea pas, désignant à nouveau du doigt les bâtiments, distants environ de mille cinq cents mètres. Visiblement, elle n’avait pas envie de marcher… Malko, qui ne tenait pas à déclencher un incident désagréable, fit contre mauvaise fortune bon cœur et s’engagea dans le chemin semé de trous énormes et même pas asphalté. La blonde retrouva aussitôt son sourire… Arrivé à un rond-point rudimentaire juste avant les HLM, il stoppa et elle descendit enfin. Le temps de faire demi-tour, il filait de nouveau vers l’autoroute.

À peine eut-il pris de la vitesse qu’il aperçut un nuage de poussière derrière lui. Un véhicule surgi du rond-point était en train de le rattraper. Un taxi Mercedes bleu clair, qu’il surveilla dans son rétroviseur. Sans souci des trous dans le chemin, il fonçait à toute vitesse. Malko appuya sur sa droite, pas trop étonné ; les Yougoslaves conduisaient comme des fous… C’est seulement lorsque la Mercedes ne fut plus qu’à quelques mètres derrière lui que son estomac se contracta brutalement. L’homme assis à côté du chauffeur qui portait un petit bouc était Boza, le Croate à la tête d’oiseau. Malko identifia facilement ce qu’il tenait dans ses mains : un « riot-gun » noir à plusieurs coups. Une arme capable à quelques mètres de déchiqueter n’importe quel être humain.

La Mercedes accéléra encore, commençant à le doubler et le canon du riot-gun pointa son museau par la glace ouverte de la voiture, visant la tête de Malko.

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