CHAPITRE 30


Dans la maison de mon père se trouvent de nombreuses demeures.

Naturellement, lorsque j’ai pressé la détente, je suis mort.

Menteur.

Et Tyler est mort.

Avec une tempête d’hélicoptères de la police se précipitant vers nous, avec Maria et tous les gens des groupes de soutien incapables de se sauver eux-mêmes, eux tous essayant de me sauver, il fallait que je presse la détente.

C’était mieux que la vraie vie.

Et votre instant de perfection ne durera pas l’éternité.

Tout au paradis est blanc sur blanc. Imposteur.

Tout au paradis est calme et tranquille, tout est chaussures à semelles de caoutchouc. Je peux dormir au paradis. Les gens m’écrivent au paradis et me disent que je reste dans les mémoires. Que je suis leur héros. J’irai mieux.

Les anges ici sont du genre Ancien Testament, légions et lieutenants, multitude céleste qui travaille par équipes : équipe de jour et on change, équipe de nuit. Cimetière. Ils vous apportent vos repas sur un plateau avec gobelet de médicaments. Toute la panoplie de la Vallée des Poupées.

J’ai rencontré Dieu installé à son long bureau en noyer avec ses diplômes accrochés au mur derrière lui, et Dieu me demande :

— Pourquoi ?

Pourquoi ai-je été la cause de tant de douleur ?

N’avais-je donc pas conscience que chacun de nous était un flocon unique, sacré, au caractère unique spécialement spécial ?

Ne puis-je pas voir en quoi nous sommes tous des manifestations de l’amour ?

Je regarde Dieu derrière son bureau, occupé à prendre des notes sur un bloc, mais Dieu se trompe sur toute la ligne.

Nous ne sommes pas spéciaux.

Nous ne sommes pas de la merde ni de l’ordure non plus.

Nous sommes, c’est tout.

Nous sommes, c’est tout, et ce qui arrive arrive, c’est tout.

Et Dieu dit :

— Non, ce n’est pas exact.

Ouais. Bon. Quoi qu’il en soit. On ne peut rien enseigner à Dieu.

Dieu me demande ce dont je me souviens.

Je me souviens de tout.

La balle sortie de l’arme de Tyler, elle m’a arraché l’autre joue pour me donner un sourire déchiqueté d’une oreille à l’autre. Ouais, comme une citrouille furieuse de Halloween, exactement. De démon japonais. De Dragon de l’Avarice.

Maria est toujours sur terre, et elle m’écrit. Un jour, dit-elle, ils me ramèneront.

Et s’il y avait un téléphone au paradis, j’appellerais Maria depuis le paradis et à l’instant où elle dirait : « Allô ? », je ne raccrocherais pas. Je dirais : « Salut. Qu’est-ce qui se passe ? Dis-moi tout, même les toutes petites choses. »

Mais je ne veux pas retourner. Pas encore.

Parce que, c’est tout.

Parce que, une fois de temps en temps, quelqu’un m’apporte mon plateau de déjeuner et mes médicaments et il a un œil au beurre noir ou alors son front est enflé, plein de points de suture, et il dit :

— Vous nous manquez, monsieur Durden.

Ou alors quelqu’un avec le nez cassé passe la serpillière à côté de moi et murmure :

— Tout se déroule selon le plan prévu. Murmures :


— Nous allons faire éclater la civilisation en morceaux pour pouvoir faire du monde quelque chose de meilleur.

Murmures :

— Nous sommes impatients de vous voir revenir parmi nous.

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