À l’époque où se déroulent les événements que nous avons entrepris de narrer, alancear en coso, c’est-à-dire jouter de la lance en champ clos, était une mode qui faisait fureur. Les tournois à là française était complètement délaissés et, du grand seigneur au modeste gentilhomme, chacun tenait à honneur de descendre dans l’arène combattre le taureau. Car il va sans dire que cette mode n’était suivie que par la noblesse. Le peuple ne prenait pas part à la course et se contentait d’y assister en spectateur. On lui réservait à cet effet un espace où il se parquait comme il pouvait, trop heureux encore qu’on lui permît de contempler, de loin, le spectacle.
Disons, une fois pour toutes, que la tauromachie telle qu’on la pratique aujourd’hui n’existait pas alors. Ce que les aficionados ou amateurs de courses appellent une cuadrilla, composée de picadores, banderilleros, capeadores (acteurs importants), puntillero, monosabios, chulos, areneros (petits rôles ou comparses), sous la direction du matador ou espada (grand premier rôle); le paseo, ou défilé initial; la mise en scène; les règles minutieuses de la lutte et de la mise à mort, en un mot tout ce qui constitue ce que les mêmes amateurs nomment le toreo, tout cet ensemble combiné, qu’on appelle une corrida, ne date que du commencement du dix-neuvième siècle.
Le sire qui descendait dans l’arène – roi, prince ou simple gentilhomme – tenait donc l’emploi du grand premier rôle: le matador. En même temps, il était aussi le picador, puisque, comme ce dernier, il était monté, bardé de fer et armé de la lance. Là, du reste, s’arrête l’analogie avec le toréador de nos jours. Aucun règlement ne venait l’entraver et, pourvu qu’il sauvât sa peau, tous les moyens lui étaient bons.
Les autres rôles étaient tenus par les gens de la suite du combattant: gentilshommes, pages, écuyers et valets, plus ou moins nombreux suivant l’état de fortune du maître; ils avaient pour mission de l’aider, de détourner de lui l’attention du taureau, de le défendre en un mot.
Le plus souvent le taureau portait entre les cornes un flot de rubans ou un bouquet. Le torero improvisé pouvait cueillir du bout de la lance ou de l’épée ce trophée. Très rares étaient les braves qui se risquaient à ce jeu terriblement dangereux. La plupart préféraient foncer sur la bête, d’autant que s’ils parvenaient à la tuer eux-mêmes ou par quelque coup de traîtrise d’un de leurs hommes, le trophée leur appartenait de droit et ils pouvaient en faire hommage à leur dame.
Dans la nuit du dimanche au lundi la place San-Francisco, lieu ordinaire des réjouissances publiques, avait été livrée à de nombreuses équipes d’ouvriers chargés de l’aménager selon sa nouvelle destination.
Mais de même que la manière de combattre n’avait rien de commun avec la méthode usitée de nos jours, de même il ne pouvait être question d’établir une plaza de toros.
La piste, le toril, les gradins destinés aux seigneurs invités par le roi, tout cela fut construit en quelques heures, de façon toute rudimentaire.
C’est ainsi que les principaux matériaux utilisés pour la construction de l’arène consistaient surtout en charrettes, tonneaux, tréteaux, caisses, le tout habilement déguisé et assujetti par des planches.
De nos jours encore, dans certaines bourgades d’Espagne et même en France, dans certains villages des Landes, on improvise, à certaines fêtes, au milieu de la place publique, des arènes qui ne sont pas autrement construites.
La corrida étant royale, on ne pouvait y assister que sur l’invitation du roi. Nous avons dit que des gradins avaient été construits à cet effet. En dehors de ces gradins, les fenêtres et les balcons des maisons bordant la place étaient réservés à de grands seigneurs. Le roi lui-même prenait place au balcon du palais. Ce balcon, très vaste, était agrandi pour la circonstance, orné de tentures et de fleurs, et prenait toutes les apparences d’une tribune. Les principaux dignitaires de la cour se massaient derrière le roi.
Le populaire s’entassait sur la place même en des espaces limités par des cordes et gardés par des hommes d’armes. Il pouvait aussi se parquer sous les arcades où il avait le double avantage d’étouffer et d’écraser. En revanche, il y voyait très mal. C’était une compensation.
Le seigneur qui prenait part à la course faisait généralement dresser sa tente richement pavoisée et ornée de ses armoiries. C’est là que, aidé de ses serviteurs, il s’armait de toutes pièces, là qu’il se retirait après la joute, s’il s’en tirait indemne, ou qu’on le transportait s’il était blessé. C’était, si l’on veut, sa loge d’artiste. Un espace était réservé à son cheval; un autre pour sa suite lorsqu’elle était nombreuse.
Les installations étaient très primitives; la noblesse qui participait à là course avait pris l’habitude de s’occuper elle-même de ces détails destinés à lui procurer tout le confort auquel elle croyait avoir droit. C’était une occasion d’éblouir la cour par le faste déployé, car chacun s’efforçait d’éclipser son voisin.
Pour ne pas déroger à cet usage, le Torero s’était rendu de bonne heure sur les lieux, afin de surveiller lui-même son installation très modeste – nous savons qu’il n’était pas riche. Une toute petite tente sans oriflammes, sans ornements d’aucune sorte lui suffisait.
En effet, à l’encontre des autres toreros qui, armés de pied en cap, étaient montés sur des chevaux solides et fougueux, revêtus du caparaçon de combat, don César se présentait à pied. Il dédaignait l’armure pesante et massive et revêtait un costume de cour d’une élégance sobre et discrète qui faisait valoir sa taille moyenne, mais admirablement proportionnée. Le seul luxe de ce costume résidait dans la qualité des étoffes choisies parmi les plus fines et les plus riches.
Ses seules armes consistaient en sa cape de satin qu’il enroulait autour de son bras et dont il se servait pour amuser et tromper la bête en fureur [4], et une petite épée de parade en acier forgé, qui était une merveille de flexibilité et de résistance. L’épée ne devait lui servir qu’en cas de péril extrême. Jamais, jusqu’à ce jour, il ne s’en était servi autrement que pour enlever de la pointe, avec une dextérité merveilleuse, le flot de rubans dont la possession faisait de lui le vainqueur de la brute. Encore, parfois, poussait-il la bravade jusqu’à arracher de la main l’insigne convoité. Le Torero consentait bien à braver le taureau, à l’agacer jusqu’à la fureur, mais se refusait énergiquement à le frapper.
Sa suite se composait généralement de deux compagnons qui le secondaient de leur mieux, mais à qui don César ne laissait pas souvent l’occasion d’intervenir. Toutes les ruses, toutes les feintes de l’animal ne le prenaient jamais au dépourvu, et l’on eût pu croire qu’il les devinait. En cas de péril, les deux compagnons s’efforçaient de détourner l’attention du taureau. Leur rôle se bornait à cela seul et il leur était formellement interdit de chercher à abattre la bête par quelque coup de traîtrise, comme faisaient couramment les gens des autres toreros.
En arrivant sur l’emplacement qui lui était réservé, le Torero reconnut avec ennui les armés de don Iago de Almaran sur la tente à côté de laquelle il lui fallait faire dresser la sienne. Le Torero savait parfaitement que Barba-Roja, pris d’un amour de brute pour la Giralda, avait cherché à différentes reprises à s’emparer de la jeune fille. Il savait que Centurion agissait pour le compte du dogue du roi, et que, fort de sa faveur, il se croyait tout permis. On conçoit que ce voisinage, peut-être intentionnel, ne pouvait lui être agréable.
Malheureusement, ou heureusement, les différents acteurs de la course se trouvaient un peu dans la position d’officiers en service commandé. Il ne leur était guère possible de manifester leurs sentiments, encore moins de se chercher querelle. En toute autre circonstance, don César aurait infailliblement provoqué Barba-Roja. Ici, il fut contraint d’accepter le voisinage et de dissimuler sa mauvaise humeur.
Avant de se rendre sur la place San-Francisco, il y avait eu une grande discussion entre la Giralda et don César. Sous l’empire de pressentiments sinistres celui-ci suppliait sa fiancée de s’abstenir de paraître à la course et de rester prudemment cachée à l’auberge de la Tour , d’autant plus que la jeune fille ne pourrait assister au spectacle que perdue dans la foule.
Mais la Giralda voulait être là. Elle savait bien que le jeu auquel allait se livrer son fiancé pouvait lui être fatal. Elle n’eût rien fait ou rien dit pour le dissuader de s’exposer, mais rien au monde n’eût pu l’empêcher de se rendre sur les lieux où son amant risquait d’être tué.
La mort dans l’âme, le Torero dut se résigner à autoriser ce qu’il lui était impossible d’empêcher. Et la Giralda, parée de ses plus beaux atours, était partie avec le Torero pour se mêler au populaire. La présence de don César lui avait été utile en ce sens qu’elle lui avait permis de se faufiler au premier rang où elle s’organisa de son mieux, pour passer les longues heures d’attente qui devaient s’écouler avant que la course commençât. Mais cela lui était bien égal. Elle avait une place d’où elle pourrait voir tous les détails de la lutte de son amant contre le taureau; c’était l’essentiel pour elle, peu lui importait le reste. Elle aurait la force et la patience d’attendre.
Naturellement, elle aurait préféré aller s’asseoir sur les gradins tendus de velours qu’elle apercevait là-bas. Mais il eût fallu être invitée par le roi, et pour être invitée, il eût fallu qu’elle fût de noblesse. Elle n’était qu’une humble bohémienne, elle le savait, et sans amertume, sans regrets et sans envie, elle se contentait du sort qui était le sien.
Au reste elle avait eu de la chance. La Giralda était aussi connue, aussi aimée que le Torero lui-même. Or, parmi la foule où elle se glissait à la suite du Torero, on la reconnaissait, on murmurait son nom, et avec cette galanterie outrée, particulière aux Espagnols, avec force œillades et madrigaux, les hommes s’effaçaient, lui faisaient place. Que si quelque péronnelle s’avisait de récriminer, on lui fermait la bouche en disant:
– C’est la Giralda!
C’est ainsi qu’elle était parvenue au premier rang. Et, chose bizarre, dans cette foule, car la place était déjà envahie longtemps avant l’heure, dans cette foule où se voyaient quantité de femmes, le hasard voulut qu’elle se trouvât seule à l’endroit où elle aboutit. Autour d’elle, elle n’avait que des hommes qui se montraient galants, empressés, mais respectueux.
Jusqu’aux deux soldats de garde à cet endroit qui lui témoignèrent leur admiration en l’autorisant, au risque de se faire mettre au cachot, à passer de l’autre côté de la corde, où elle serait seule, ayant de l’air et de l’espace devant elle, délivrée de l’atroce torture de se sentir pressée, de toutes parts, à en étouffer.
Un escabeau, apporté là par elle ne savait qui, poussé de main en main jusqu’à elle, lui fut offert galamment et la voilà assise en deçà de l’enceinte réservée au populaire.
En sorte que, seule, en avant de la corde, assise sur son escabeau, avec les deux soldats, raides comme à la parade, placés à sa droite et à sa gauche, avec ce groupe compact de cavaliers placés derrière elle, elle apparaissait dans sa jeunesse radieuse, dans son éclatante beauté, sous la lumière éblouissante d’un soleil à son zénith, comme la reine de la fête, avec ses deux gardes et sa cour d’adorateurs.
Peut-être, si elle avait regardé plus attentivement les galants cavaliers qui l’avaient, pour ainsi dire, poussée jusqu’à cette place d’honneur, peut-être eût-elle éprouvé quelque appréhension à la vue de ces mines patibulaires. Peut-être se fût-elle inquiétée du soin avec lequel tous, malgré la chaleur torride, se drapaient soigneusement dans de grandes capes, déteintes par les pluies et je soleil. Et si elle avait pu voir le bas de ces capes relevé par des rapières démesurément longues, les ceintures garnies de dagues de toutes les dimensions, son étonnement et son inquiétude se fussent indubitablement changés en effroi.
Cet effroi lui-même se fût changé en affolement si elle avait pu remarquer les signes d’intelligence que des hommes échangeaient entre eux et avec les deux complaisants soldats, raides et immobiles, et les yeux ardents avec lesquels tous paraissaient la couver, comme une proie sur laquelle ils allaient fondre!
Mais la Giralda, tout à son bonheur de se voir si merveilleusement placée, ne remarqua rien. Et quant au Torero, qui, lui, n’eût pas manqué de faire ces remarques et se serait empressé de la conduire ailleurs, il était, malheureusement, occupé ailleurs.
Pardaillan était parti de l’hôtellerie vers les deux heures. La course devant commencer à trois heures, il avait une heure devant lui pour franchir une distance qu’il eût pu facilement parcourir en un quart d’heure.
Derrière lui marchait un moine qui ne paraissait pas se soucier du gentilhomme qui le précédait, trop occupé qu’il était à égrener un énorme chapelet qu’il avait à la main. Seulement de distance en distance, principalement au croisement de deux rues, le moine faisait un signe imperceptible tantôt à quelque mendiant, tantôt à un soldat, tantôt à un religieux, et le mendiant, le soldat ou le religieux, après avoir répondu par un autre signe, s’élançait aussitôt vers une destination inconnue et disparaissait en un clin d’œil.
Pardaillan allait le nez au vent, sans se presser. Il avait le temps, que diable! N’était-il pas invité directement par le roi en personne? Il ferait beau voir qu’on ne trouvât pas une place convenable pour le représentant de Sa Majesté le roi de France!
Quant à se dire qu’après son algarade de l’avant-veille, où il avait si fort malmené, dans l’antichambre du roi, le seigneur Barba-Roja, sous les yeux mêmes de Sa Majesté à qui, pour comble, il avait parlé de façon plutôt cavalière; quant à se dire qu’après l’avertissement que lui avait donné Mgr d’Espinosa qui, de plus, l’avait fait passer par des transes qui lui donnaient encore le frisson quand il y pensait; quant à se dire qu’il serait peut-être prudent à lui de ne pas se montrer à ces puissants personnages qui, sûrement, devaient lui vouloir la male mort, Pardaillan n’y pensa pas.
Pas davantage il ne pensa à Mme Fausta, qui, certainement, devait être furieuse d’avoir vu s’écrouler le joli projet qu’elle avait formé de le faire mourir de faim et de soif, plus furieuse encore de l’avoir vu assommer à coups de banquette les estafiers qu’elle avait lâchés sur lui et de le voir se retirer, libre, sans une écorchure, désinvolte et narquois. Il ne pensa pas davantage que Mme Fausta n’était pas femme à accepter bénévolement sa défaite et que, sans doute, elle préparait une revanche terrible.
Sans compter le menu fretin tel que le señor de Almaran, dit Barba-Roja, et son lieutenant, le familier Centurion, sans compter Bussi-Leclerc, et Chalabre, et Montsery, et Sainte-Maline et ce cardinal Montalte, digne neveu de M. Peretti, sans compter toute la prêtraille de l’Inquisition et toute la moinerie d’Espagne.
Pardaillan oubliait ce superbe duc de Ponte-Maggiore qu’il avait quelque peu froissé à Paris. Il est juste de dire qu’il ignorait complètement l’arrivée à Séville du duc, son duel avec Montalte, et que tous deux, le duc et le cardinal réconciliés dans leur haine commune de Pardaillan, attendaient impatiemment d’être remis de leurs blessures qui, pour le moment, les tenaient cloués, pestant et sacrant, sur les lits que le grand inquisiteur avait mis à leur disposition.
Pardaillan ne se dit rien de tout cela. Ou s’il se le dit, il passa outre, ce qui revient au même.
Pardaillan ne se dit qu’une chose: c’est que le fils de don Carlos, pour lequel il s’était pris d’affection, aurait sans: doute besoin de l’appui de son bras, et avec son insouciance accoutumée il allait au secours de son ami, sans s’inquiéter des suites que sa générosité pourrait avoir pour lui-même.
Pardaillan allait donc sans se presser, ayant le temps. Mais tout en avançant d’un pas nonchalant, sous le soleil qui dardait âprement, il avait l’œil aux aguets et la main sur la garde de l’épée.
De temps en temps il se retournait d’un air indifférent. Mais le moine qui le suivait toujours, pas à pas, avait un air si confit en dévotion qu’il ne lui vint pas à l’esprit que ce pouvait être un espion qui le serrait de près.
Toutefois nous n’oserions l’affirmer, car Pardaillan avait des manières à lui de s’amuser à froid, qui étaient quelque peu déconcertantes et qui faisaient qu’on ne savait pas au juste à quoi s’en tenir avec ce diable d’homme.
Quoi qu’il en soit, il n’était pas depuis plus de cinq minutes dans la rue qu’il se mit à renifler comme un chien de chasse qui flaire une piste.
«Oh! oh! songea-t-il; je sens la bataille!»
Du coup le moine suiveur fut complètement dédaigné. Le souvenir des décisions prises par Fausta, dans la réunion nocturne qu’il avait surprise, lui revint à la mémoire.
– Diable! fit-il, devenu soudain sérieux, je pensais qu’il s’agissait d’un simple coup de main. Je m’aperçois que la chose est autrement grave que je n’imaginais.
D’un geste que la force de l’habitude avait rendu tout machinal, il assujettit son ceinturon et s’assura que l’épée jouait aisément dans le fourreau. Mais alors il s’arrêta net au milieu de la rue.
– Tiens! fit-il avec stupeur, qu’est-ce que cela?
Cela, c’était sa rapière.
On se souvient qu’il avait perdu son épée en sautant dans la chambre au parquet truqué. On se souvient qu’en assommant les hommes de Centurion, lâchés sur lui par Fausta, il avait ramassé la rapière échappée des mains d’un éclopé et l’avait emportée.
Chaque fois qu’un homme d’action, comme Pardaillan, mettait l’épée à la main, il confiait littéralement son existence à la solidité de sa lame. L’adresse et la force se trouvaient annihilées si le fer venait à se briser. Les règles du combat étant loin d’être aussi sévères que celles d’à présent, un homme désarmé était un homme mort, car son adversaire pouvait le frapper sans pitié, sans qu’il y eût forfaiture. On conçoit dès lors l’importance capitale qu’il y avait à ne se servir que d’armes éprouvées et le soin avec lequel ces armes étaient vérifiées et entretenues par leur propriétaire.
Pardaillan, exposé plus que quiconque, apportait un soin méticuleux à l’entretien des siennes. De retour à l’auberge il avait mis de côté l’épée conquise, réservant à plus tard d’éprouver l’arme. Il avait incontinent choisi dans sa collection une autre rapière pour remplacer celle perdue.
Or Pardaillan venait de s’apercevoir là, dans la rue, que la rapière qu’il avait au côté était précisément celle qu’il avait ramassée la veille et mise de côté.
– C’est étrange, murmurait-il à part lui. Je suis pourtant sûr de l’avoir prise à son clou. Comment ai-je pu être distrait à ce point?
Sans se soucier des passants, assez rares du reste, il tira l’épée du fourreau, fit ployer la lame, la tourna, la retourna en tout sens, et finalement la prit par la garde et la fit siffler dans l’air.
– Ah! par exemple! fit-il, de plus en plus ébahi, je jurerais que ce n’est pas là l’épée que j’ai ramassée chez Mme Fausta. Celle-ci me paraît plus légère.
Il réfléchit un moment, cherchant à se souvenir:
– Non, je ne vois pas. Personne n’a pénétré dans ma chambre. Et pourtant… c’est inimaginable!…
Un moment il eut l’idée de retourner à l’auberge changer son arme. Une sorte de fausse honte le retint. Il se livra à un nouvel examen de la rapière. Elle lui parut parfaite. Solide, flexible, résistante, bien en main quant à la garde, très longue, comme il les préférait, il ne découvrit aucun défaut, aucune tare, ne vit rien de suspect.
Il la remit au fourreau et reprit sa route en haussant les épaules et en bougonnant:
– Ma parole, avec toutes leurs histoires d’inquisition, de traîtres, d’espions et d’assassins, ils finiront par faire de moi un maître poltron. La rapière est bonne, gardons-la, mordieu! et ne perdons pas notre temps à l’aller changer, alors qu’il se passe des choses vraiment curieuses autour de moi.
En effet, il se passait autour de lui des choses qui eussent pu paraître naturelles à un étranger, mais qui ne pouvaient manquer d’éveiller l’attention d’un observateur comme Pardaillan, qui connaissait bien la ville maintenant.
À l’heure qu’il était, la plus grande partie de la population s’écrasait sur la place San-Francisco, quelques quarts d’heure à peine séparant l’instant où la course commencerait. Les rues étaient à peu près désertes, et ce qui ne manqua pas de frapper le chevalier, toutes les boutiques étaient fermées. Les portes et les fenêtres étaient cadenassées et verrouillées. On eût dit d’une ville abandonnée. Si vaste que fût la place San-Francisco, on ne pouvait raisonnablement supposer qu’elle contenait toute la population. Et la ville était autrement populeuse et importante que de nos jours.
Il fallait donc supposer que tous ceux qui n’avaient pu trouver de place sur le lieu de la course s’étaient calfeutrés chez eux. Pourquoi? Quelle catastrophe menaçait donc la cité? Quel mot d’ordre mystérieux avait fait se fermer hermétiquement portes et fenêtres et se terrer prudemment tous les habitants des rues avoisinant la place? voilà ce que se demandait Pardaillan.
Et voici qu’en approchant de la place il vit des compagnies d’hommes d’armes occuper les rues étroites qui aboutissaient à cette place. Des soldats s’installaient dans la rue, des compagnies pénétraient dans certaines maisons et ne ressortaient plus. Et au bout des rues ainsi occupées, des cavaliers s’échelonnaient, établissant un vaste cordon autour de cette place.
Et ces soldats laissaient passer sans difficulté tous ceux qui se rendaient à la course et ceux, beaucoup plus rares, qui s’en retournaient, n’ayant pu sans doute trouver une place à leur convenance.
Alors que faisaient là ces soldats?
Pardaillan voulut en avoir le cœur net, et comme il avait encore du temps devant lui, il fit le tour de cette place, par toutes les petites rues qui y aboutissaient.
Partout les mêmes dispositions étaient prises. C’étaient d’abord des soldats qui s’engouffraient dans des maisons où ils se tapissaient, invisibles. Puis d’autres compagnies occupaient le milieu de la rue. Puis plus loin des cavaliers, et par-ci par-là, chose beaucoup plus grave, des canons.
Ainsi un triple cordon de fer encerclait la place et il était évident que lorsque ces troupes se mettraient en mouvement, il serait impossible à quiconque de passer, soit pour entrer soit pour sortir.
En constatant ces dispositions, Pardaillan eut un claquement de langue significatif.
Mais ce n’est pas tout. Il y avait encore autre chose. Pour un homme de guerre comme le chevalier, il n’y avait pas à s’y méprendre. Il venait d’assister à une manœuvre d’armée exécutée avec calme et précision. Or il lui semblait que, en même temps que cette manœuvre, une contre-manœuvre, exécutée par des troupes adverses, il en eût juré, se dessinait nettement, sous les yeux des troupes royales, sans qu’on fît rien pour la contrarier.
En effet, en même temps que les soldats, des groupes circulaient qui paraissaient obéir à un mot d’ordre. En apparence, c’étaient de paisibles citoyens qui voulaient, à toute force, apercevoir un coin de la course. Mais l’œil exercé de Pardaillan reconnaissait facilement, en ces amateurs forcenés de corrida, des combattants.
Dès lors tout fut clair pour lui. Il venait d’assister à la manœuvre des troupes royales. Maintenant il voyait la contre-manœuvre des conjurés achetés par Fausta. Pour lui, il n’y avait pas de doute possible, ces retardataires, qui voulaient voir quand même, c’étaient les troupes de Fausta chargées de tenir tête à l’armée royale, de sauver le prétendant, représenté par le Torero, c’était la mise à exécution de la tentative de révolution.
Cette foule de retardataires, parmi lesquels on ne voyait pas une femme, ce qui était significatif, occupaient les mêmes rues occupées par les troupes royales. Sous couleur de voir le spectacle, des installations de fortune s’improvisaient à la hâte. Tréteaux, tables, escabeaux, caisses défoncées, charrettes renversées s’empilaient pêle-mêle, étaient instantanément occupés par des groupes de curieux.
Et Pardaillan qui avait vu les grands jours de la Ligue à Paris, lorsque le peuple s’armait, descendait dans la rue, acclamait Guise, forçait le Valois à fuir, Pardaillan notait que ces prétendus échafaudages ressemblaient singulièrement à des barricade [5].
Et il se disait: «De deux choses l’une: ou bien M. d’Espinosa a eu vent de la conspiration, et s’il laisse les hommes de Fausta prendre si aisément position, c’est pour mieux les tenir et qu’il leur réserve quelque joli coup de sa façon, dans lequel ils me paraissent donner tête baissée. Ou bien il ne sait rien et alors ce sont ses troupes qui me paraissent bien exposées. Dans ce cas, si habilement exécutée que soit la manœuvre, je ne comprends pas qu’il ne se trouve pas là un seul officier capable de donner l’éveil à ses chefs. Quoiqu’il en soit, du diable si je m’attendais à un combat aussi sérieux, et que la peste m’étrangle si je sais pourquoi je viens risquer mes os dans cette galère!»
Ayant ainsi envisagé les choses, tout autre que Pardaillan s’en fût retourné tranquillement, puisque, en résumé, il n’avait rien à voir dans la dispute qui se préparait entre le roi et ses sujets. Mais Pardaillan avait sa logique à lui, qui n’avait rien de commun avec celle de tout le monde. Après avoir bien pesté, il prit son air le plus renfrogné, et par une de ces bravades dont lui seul avait le secret, il pénétra dans l’enceinte par la porte d’honneur, en faisant sonner bien haut son titre d’ambassadeur, invité personnellement par Sa Majesté. Et il se dirigea vers la place qui lui était assignée.
À ce moment le roi parut, sur son balcon, aménagé en tribune. Un magnifique vélum de velours rouge, frangé d’or, maintenu à ses extrémités par des lances de combat, interceptait les rayons du soleil. En outre des palmiers, dans d’énormes caisses, étendaient sous le vélum le parasol naturel de leurs larges feuilles.
Le roi s’assit avec cet air morne et glacial qui était le sien. M. d’Espinosa, grand inquisiteur et premier ministre, se tint debout derrière le fauteuil du roi. Les autres gentilshommes de service prirent place sur l’estrade, chacun selon son rang.
À côté d’Espinosa se tenait un jeune page que nul ne connaissait, hormis le roi et le grand inquisiteur cependant, car le premier avait honoré le page d’un gracieux sourire et le second le tolérait à son côté alors qu’il eût dû se tenir derrière. Bien mieux, un tabouret recouvert d’un riche coussin de velours était placé à la gauche de l’inquisiteur, sur lequel le page s’était assis le plus naturellement du monde. En sorte que le roi, dans son fauteuil, n’avait qu’à tourner la tête à droite ou à gauche pour s’entretenir à part, soit avec son ministre, soit avec ce page à qui on accordait cet honneur extraordinaire, jalousé par les plus grands du royaume qui se voyaient relégués dans l’ombre par la rigoureuse étiquette.
Ce mystérieux page n’était autre que Fausta.
Fausta, le matin même, avait livré à Espinosa le fameux parchemin qui reconnaissait Philippe d’Espagne comme unique héritier de la couronne de France. Le geste spontané de Fausta lui avait concilié la faveur du roi et les bonnes grâces du ministre. Elle n’avait cependant pas abandonné la précieuse déclaration du feu roi Henri III sans poser ses petites conditions.
L’une de ces conditions était qu’elle assisterait à la course dans la loge royale et qu’elle y serait placée de façon à pouvoir s’entretenir en particulier, à tout instant, avec le roi et son ministre. Une autre condition, comme corollaire de la précédente, était que tout messager qui se présenterait en prononçant le nom de Fausta serait immédiatement admis en sa présence, quels que fussent le rang, la condition sociale, voire le costume de celui qui se présenterait ainsi.
D’Espinosa connaissait suffisamment Fausta pour être certain qu’elle ne posait pas une telle condition par pure vanité. Elle devait avoir des raisons sérieuses pour agir ainsi. Il s’empressa d’accorder tout ce qu’elle demandait. Quant au roi, mis au courant, il ratifia d’autant plus volontiers que toutes les autres conditions de Fausta concernaient uniquement Pardaillan contre qui elle apportait une aide d’autant plus précieuse que désintéressée.
Or le roi avait une dent féroce contre ce petit gentilhomme, cette manière de routier sans feu ni lieu, qui l’avait humilié, lui, le roi, et qui, non content de malmener ses fidèles, dans sa propre antichambre, avait eu l’audace de lui parler devant toute sa cour avec une insolence qui réclamait un châtiment exemplaire. Le roi avait la rancune tenace, et s’il s’était résigné à patienter, reconnaissant la valeur des arguments fournis par Espinosa et Fausta réunis, il ne renonçait pas pour cela à se venger. Bien au contraire, c’était pour mieux assurer sa vengeance et la rendre plus terrible qu’il consentait à ronger son frein.
Dès que le roi parut au balcon, les ovations éclatèrent, enthousiastes, aux fenêtres et aux balcons de la place, occupés par les plus grands seigneurs du royaume. Les mêmes vivats éclatèrent aussi, nourris et spontanés, dans les tribunes occupées par des seigneurs de moindre importance. De là, les acclamations s’étendirent au peuple massé debout sur la place. La vérité nous oblige à dire qu’elles furent là moins nourries. L’aspect plutôt sinistre du roi n’était pas fait pour déchaîner l’enthousiasme parmi la foule. Mais enfin, tel que, c’était, en somme, satisfaisant.
Le roi remercia de la main et aussitôt un silence solennel plana sur cette multitude. Non par respect pour Sa Majesté, mais simplement parce qu’on attendait qu’Elle donnât le signal de commencer.
C’est au milieu de ce silence que Pardaillan parut sur les gradins, cherchant à gagner la place qui lui était réservée. Car d’Espinosa, conseillé par Fausta qui connaissait son redoutable adversaire, avait escompté qu’il aurait l’audace de se présenter, et il avait pris ses dispositions en conséquence. C’est ainsi qu’une place d’honneur avait été réservée à l’envoyé de S. M. le roi de Navarre.
Donc, Pardaillan, debout au milieu des gradins, dominant par conséquent toutes les autres personnes assises, s’efforçait de regagner sa place. Mais le passage au milieu d’une foule de seigneurs et de nobles dames, tous exagérément imbus de leur importance, mécontents au surplus d’être dérangés au moment précis où la course allait commencer, ce passage ne se fit pas sans quelque brouhaha.
D’autant plus que, fort de son droit, désireux de pousser la bravade à ses limites extrêmes, le chevalier, qui s’excusait avec une courtoisie exquise vis-à-vis des dames, se redressait, la moustache hérissée, l’œil étincelant, devant les hommes et ne ménageait pas les bravades quand on ne s’effaçait pas de bonne grâce. Cette manière de faire soulevait sur son passage des grognements qui s’apaisaient prudemment dès qu’on observait sa mine résolue, mais reprenaient de plus belle dès qu’il s’était suffisamment éloigné.
Bref, cela fit un tel tapage qu’à l’instant les yeux du roi, ceux de la cour et des milliers de personnes massées là se portèrent sur le perturbateur qui, sans souci de l’étiquette, sans s’inquiéter des protestations, sans paraître le moins du monde intimidé par l’universelle attention fixée sur lui, se dirigeait vers sa place, comme on monte à l’assaut.
Une lueur mauvaise jaillit de la prunelle de Philippe. Il se tourna vers d’Espinosa et le fixa un moment comme pour le prendre à témoin du scandale.
Le grand inquisiteur répondit par un demi-sourire qui signifiait:
– Laissez faire. Bientôt nous aurons notre tour.
Philippe approuva d’un signe de tête et se retourna, de façon à tourner le dos à Pardaillan qui atteignait enfin sa place.
Or une chose que Pardaillan ignorait complètement, attendu qu’il était toujours le dernier renseigné sur tout ce qui le touchait et qu’il était peut-être le seul à trouver très naturelles les actions qu’on s’accordait à trouver extraordinaires, c’est que son aventure avec Barba-Roja avait produit, à la cour comme en ville, une sensation énorme. On ne parlait que de lui un peu partout, et si l’on s’émerveillait de la force surhumaine de cet étranger qui avait, comme en se jouant, désarmé une des premières lames d’Espagne, maté et corrigé comme un gamin turbulent l’homme le plus fort du royaume, on s’étonnait et on s’indignait quelque peu que l’insolent n’eût pas été châtié comme il méritait.
Son nom était dans toutes les bouches, et l’amour-propre national s’en mêlant, sans s’en douter le moins du monde, il se trouvait qu’en rossant Barba-Roja, il s’était attiré la haine d’une foule de gentilshommes qui, puisque le roi le laissait impuni, brûlaient de venger l’affront fait à un des leurs. Barba-Roja, qui vivait solitaire comme un ours, ne s’était jamais connu autant d’amis.
Il ressort de ce qui précède que les gentilshommes, tant soit peu heurtés au passage par Pardaillan, s’étaient demandé qui était ce personnage qui les traitait avec un pareil sans-gêne. Comme une traînée de poudre, son nom, prononcé par un quelconque témoin de la scène de l’antichambre, avait volé de bouche en bouche.
Lorsque Pardaillan parvint à sa place, il jeta un coup d’œil machinal autour de lui et demeura stupéfait. Il ne voyait que regards haineux et attitudes menaçantes. N’eussent été le lieu et la présence du roi, il eût été provoqué séance tenante par vingt, cinquante énergumènes qu’il n’avait jamais vus.
Et comme notre chevalier n’était pas homme à se laisser défier, même du regard, sans répondre à la provocation, au lieu de s’asseoir il resta un moment debout à sa place, promenant autour de lui des regards fulgurants, ayant aux lèvres un sourire de mépris qui faisait verdir de rage les nobles hidalgos retenus par le souci de l’étiquette.
Et voici qu’au moment où il provoquait ainsi du regard ces ennemis inconnus, voici que les trompettes lancèrent à toute volée, dans l’air lumineux, l’éclat aigu de leurs notes cuivrées.
C’était le signal impatiemment attendu par les milliers de spectateurs. Mais s’il éclatait à ce moment, c’était par suite d’une méprise déplorable: un geste du roi mal interprété.
Il n’en est pas moins vrai que les trompettes, sonnant au moment précis où Pardaillan allait s’asseoir, paraissaient saluer l’envoyé du roi de France.
C’est ce que comprit le roi, qui, pâle de fureur, se tourna vers Espinosa et laissa tomber un ordre bref, en exécution duquel l’officier coupable d’avoir mal interprété les gestes du roi, et donné l’ordre aux trompettes de sonner, fut incontinent arrêté et mis aux fers.
C’est ce que comprirent les furieux qui entouraient Pardaillan et qui firent entendre des protestations violentes.
C’est ce que comprit enfin le chevalier lui-même, car il fit cette réflexion dans son for intérieur: «Peste! on me rend les honneurs! Ah! mon pauvre père, que n’êtes-vous là pour voir votre fils ainsi honoré!»
On se tromperait également si on croyait qu’il fut dupe de l’erreur. Il n’était pas homme à se leurrer à ce point. Mais c’était un incorrigible pince-sans-rire que notre héros. Il trouva plaisant de paraître accepter comme un hommage rendu ce qui n’était qu’un hasard fortuit. Et comme il n’avait pas le moindre souci du respect dû à une tête couronnée, surtout quand cette tête lui était antipathique, il résolut de «se la payer» à l’instant même.
«Vive Dieu! dit-il à part soi, une politesse en vaut une autre.»
Et avec son sourire le plus naïvement ingénu, mais au fond de l’œil l’intense jubilation de l’homme qui s’amuse prodigieusement, dans un geste théâtral qu’il était seul à posséder, il adressa à la tribune royale un salut d’une ampleur démesurée.
Par comble de malchance, le roi, qui se retournait à ce moment pour jeter l’ordre d’arrêter l’officier qui avait fait sonner les trompettes, le roi reçut en plein le sourire et le salut de Pardaillan. Et comme c’était un sire profondément dissimulé, il dut, en se mordant les lèvres de dépit, répondre par un gracieux sourire, à seule fin de ne pas contrarier le plan du grand inquisiteur, plan qu’il connaissait et approuvait.
C’était plus que n’espérait Pardaillan, qui s’assit alors paisiblement en jetant des coups d’œil satisfaits autour de lui. Mais, comme si un enchanteur avait passé par là, bouleversant de fond en comble les sentiments intimes de ses féroces voisins, il ne vit autour de lui que sourires engageants, regards bienveillants. Et, avec aux lèvres, une moue de dédain, il songea que le sourire que le roi venait de lui accorder, moralement contraint et forcé, avait suffi pour changer la haine en adulation.
Pardaillan s’assit et, nouvelle coïncidence fâcheuse, résultant de la sonnerie des trompettes, mais qui n’en fit pas moins pâlir de fureur le roi, le premier taureau fit son entrée dans la piste.
En sorte que Pardaillan, sur les gradins, salué par les trompettes, faisant commencer le spectacle en s’asseyant, apparaissait comme le vrai président de la course, celui que les amateurs de corridas modernes appellent l’ayuntamiento… comme la Giralda, placée en avant de la foule, assise entre deux hommes d’armes, paraissait comme la reine de la fête.