16.


À Rome, le chef du gouvernement italien venait d'annoncer sa démission. La conférence de presse achevée, il accepta pour la dernière fois de se prêter au jeu des photographes. Les flashs crépitèrent, irradiant l'estrade.

Au fond de la salle, un homme accoudé au radiateur rangeait son matériel.

– Tu n'immortalises pas la scène ? questionna la jeune femme à ses côtés.

– Non, Marina, faire la même photo que cinquante autres types ne présente pas un grand intérêt. Ce n'est pas franchement ce que j'appelle du reportage.

– Quel sale caractère, heureusement que tu as cette belle gueule pour donner le change !

– C'est une façon comme une autre de me dire que j'ai raison. Si je t'emmenais déjeuner au lieu de t'écouter me faire la morale ?

– Tu as une adresse en tête ? demanda la journaliste.

– Non, mais je suis certain que toi oui !

Un journaliste de la RAI passa à côté d'eux et baisa la main de Marina avant de s'éclipser.

– Qui est-ce ?

– Un con, répondit Marina.

– En tout cas, un con à qui tu ne sembles pas dé-plaire.

– C'est précisément ce que je disais, on n'y va ?

– Au récupérant nos papiers à l'entrée et on file d'ici.

Bras dessus, bras dessous, ils quittèrent la grande salle où s'était tenu l’entretien et empruntèrent le couloir qui conduisait vers la fin du bâtiment.

– Quels sont tes projets ? demanda Marina en présentant sa carte de presse à l’agent de sécurité.

– J'attends des nouvelles de ma rédaction. J'enchaîne depuis trois semaines des trucs sans intérêt, comme aujourd'hui, en espérance chaque jour obtenir un feu vert pour la Somalie.

– C'est charmant pour moi !

À son tour, le reporter tandis que sa carte de presse afin que la chambre de sécurité lui restitue la carte d'identité que chaque visiteur devait obligatoirement confier pour pouvoir pénétrer dans l'enceinte du Palazzo Monte-citorio.

– M. Ullmann ? questionna l'agent.

– Oui, je sais, mon nom de journaliste diffère de celui inscrit sur mon passeport, mais regardez la photo sur ma carte de presse, ainsi que le prénom, ce sont les mêmes.

L'agent vérifia la similitude des visages et sans plus se poser de questions rendit le passeport à son propriétaire.

– D'où vient cette idée de ne pas signer tes articles sous ton vrai nom. C'est une coquetterie de stars ?

– C'est plus subtil que cela, répondit le reporter en passant son bras autour de la taille de Marina.

Ils traversèrent la Piazza Colonna sous un soleil écrasant. De nombreux touristes se rafraîchissaient en mangeant des glaces.

– Heureusement que tu as conservé le même prénom.

– Qu'est-ce que cela aurait changé ?

– J'aime bien Tomas, et puis ça te va comme un gant, tu as une tête de Tomas.

– Ah ? Parce que les prénoms ont des têtes maintenant ? Quelle étrange idée !

– Parfaitement, reprit Marina, tu n’aurais pas pu t’appeler autrement ; je ne te vois pas du tout en Massimo ou en Alfredo ni même en Karl. Tomas, c'est exactement ce qu'il te fallait.

– Tu dis n'importe quoi, alors où va-t-on ?

– Cette chaleur et tous ces gens qui mangent des glaces, cela m'a donné envie d'une granita, allons à la-Tazza d’Oro, c'est sur la place du Panthéon, pas très loin.

Tomas s'arrêta au pied de la colonne Antonina. Il ouvrit sa sacoche, choisit un boîtier auquel il ajusta un objectif, s'agenouilla et photographia Marina qui contemplait les bas-reliefs sculptés à la gloire de Marc Aurèle.

– Et ça, ce n'est pas une photo prise par cinquante types ? demanda-t-elle en riant.

– Je ne savais pas que tu avais autant d'admirateurs, sourit Tomas en appuyant à nouveau sur le déclencheur, cette fois pour faire un plan serré.

– Je te parle de la colonne ! C'est moi que tu es en train de photographier ?

– La colonne ressemble à celle de la victoire à Berlin, mais toi tu es unique.

– C'est bien ce que je disais, tout le mérite revient à ta belle gueule ; tu es un dragueur pathétique, Tomas, en Italie tu n'aurais aucune chance, allez viens, il fait trop chaud ici.

Marina prit la main de Tomas et ils laissèrent la colonne Antonina derrière eux.

*

Le regard de Julia parcourut de haut en bas la colonne de la victoire qui se dressait dans le ciel de Berlin. Assis sur l'embrase, Anthony haussa les épaules.

– On ne pouvait quand même pas faire mouche du premier coup, soupira-t-il. Tu reconnaîtras que si ce type dans ce bar avait été ton Tomas, la coïncidence aurait été plus que troublante.

– Je sais, je me suis trompée, c'est tout.

– Peut-être est-ce parce que tu voulais que ce soit lui.

– De dos, il avait la même silhouette, la même coupe de cheveux, une façon similaire de tourner les pages de son journal, à l'envers.

– Pourquoi le propriétaire a fait cette tête, quand on lui a demandé s'il se souvenait de lui ? Il était plutôt avenant lorsque tu lui as rappelé vos bons souvenirs.

– En tout cas, c'est gentil de sa part de me dire que je n'avais pas changé, je n'aurais jamais imaginé qu'il me reconnaîtrait.

– Mais qui pourrait t’oublier, ma fille ?

Julia donna un coup de coude complice à son père.

– je suis certain qu'il nous a menti qu'il se souvenait parfaitement de ton Tomas, c'est au moment où tu as prononcé son nom que le visage de ce type s'est fermé.

– Arrête de dire non Tomas. Je ne sais même plus ce que nous faisons ici, ni à quoi sert tout cela.

– À me rappeler encore une fois que j'ai bien choisi, ma date en mourant la semaine dernière !

– Tu as fini avec ça ! Si tu crois que je vais quitter Adam pour courir derrière un fantôme, tu te trompes complètement !

– Ma petite fille, au risque de t'agacer un peu plus, permets-moi de te dire que le seul fantôme dans ta vie, c'est moi. Tu me l’as assez fait savoir, alors ce n'est pas dans les circonstances présentes que tu vas m’ôter ce privilège !

– Tu n'es pas drôle du tout...

– Je ne suis pas drôle, dès que j'ouvre la bouche tu me coupes la parole... D'accord, je ne suis pas rigolo et tu n'as pas envie d'entendre ce que je te dis, mais à juger de ta réaction dans ce café lorsque tu as cru reconnaître Tomas, je n'aimerais pas être à la place d'Adam et maintenant, dis-moi que je me trompe !

– Tu te trompes !

– Eh bien, voilà une habitude à laquelle je serais resté fidèle ! riposta Anthony en croisant les bras.

Julia sourit.

– Qu'est-ce que j'ai encore fait ?

– Rien, rien, répondit Julia.

– Ah je t’en prie !

– Tu as quand même un petit côté vieille école que j'ignorais.

– Ne soit pas blessante s'il te plaît ! répliqua Anthony en se levant. Allez, viens je t'emmène déjeuner, il est trois heures et tu n'as rien avalé depuis ce matin.

*

En route vers son bureau, Adam s'était arrêté dans un magasin de liqueurs. Le caviste proposa un cru cali-fornien avec un excellent tanin, une belle robe, un peu fort en alcool peut-être. L'idée séduisit Adam, mais ils cherchent quelque chose de plus raffiné, à l'image de la personne à qui cette bouteille était destinée. Comprenant ce que son client souhaitait, le commerçant reparti vers son arrière-boutique et en rapporta un grand bordeaux.

Un millésime aussi rare ne se situait bien sûr pas dans la même gamme de prix, mais l'excellence en avait-elle un ?

Julia ne lui avait-elle pas dit que son meilleur ami ne savait pas résister à l’attrait d’un bon vin, que, lorsque ce dernier était exceptionnel, Stanley ne connaissait plus ses limite ? Deux bouteilles devraient suffire à l’enivrer, et qu'il le veuille ou non, il finirait bien par lui avouer où se trouvait Julia.

*

– Reprenons depuis le début, dit Anthony installé à la terrasse d'une sandwicherie. Nous avons essayé le syndicat, il n'est inscrit sur aucune liste. Tu es convaincue qu'il est toujours journaliste, soit, fions-nous un ton ins-tinct, même si tous nous dicte le contraire. Nous sommes retournés là où il habitait, l'immeuble a été détruit. C'est pour le moins ceux qui s'appellent faire table rase du passé. J'en viens à me demander si tout cela n'est pas souhaité.

– Message reçu. Et où veux-tu en venir exactement?

Tomas a coupé tous les ponts avec l'époque qui nous reliait ; alors que faisons-nous ici ? Rentrons si c'est vraiment ce que tu penses ! S'emporta Julia en renvoyant le cappuccino que lui servait le garçon.

Anthony fit signe au serveur de le poser sur la table.

– Je sais, tu n'apprécies pas le café, mais préparé ainsi, c'est délicieux.

– Qu'est-ce que ça peut bien te faire que je préfère le thé ?

– Rien, c'est juste que cela me plairait que tu fasses un effort, je ne peux te demande pas grand-chose !

Julia avala une gorgée, à grand renfort de grimaces.

– Ce n'est pas la peine de faire ta dégoûtée, j'ai compris, mais, je te l’ai dis, un jour tu dépasseras l'impression d'amertume qui t'empêche d'apprécier la saveur des choses. Et puis si tu crois que ton ami a cherché à effacer tous les liens qui le rattachaient à votre histoire, tu t'accordes trop d'importance. Il a peut être simplement rompu avec son passé, et non le vôtre. Je ne pense pas que tu aies saisi toutes les difficultés qu'il a dû rencontrer pour s’adapter à un monde dans lequel les usages étaient contraires à tout ce qu'il avait connu. Un système où chaque liberté était acquise au prix d'un désaveu des valeurs de son enfance.

– C'est toi qui prends sa défense, maintenant ?

– Il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis. L'aéroport est à trente minutes d’ici, nous pouvons repasser par l’hôtel, récupérer nos affaires et attraper le dernier vol. Tu dormiras cette nuit dans ton ravissant appartement de New York. Au risque de me répéter, il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis, tu ferais bien d’y réfléchir avant qu'il ne soit trop tard ! Tu veux rentrer ou tu préfères continuer l'enquête ?

Julia se leva; elle avala son cappuccino d'un trait, sans sourciller, essuya sa bouche du revers de la main et reposa bruyamment la tasse sur la table.

– Alors, Sherlock, tu as une nouvelle piste à nous proposer ?

Anthony abandonna quelques pièces dans la cou-pelle et se leva à son tour.

– Tu ne m'as pas parlé un jour d'un copain très proche de Tomas, qui passait son temps avec vous ?

– Knapp ? C'était son meilleur ami, mais je ne me souviens pas l'avoir évoqué avec toi.

– Alors, disons que ma mémoire est plus affûtée que la tienne. Et que faisait se Knapp déjà ? N'était-il pas journaliste ?

– Si bien sûr !

– Et tu n'aurais pas trouvé judicieux de mentionner son nom quand nous avons eu accès ce matin à l'agenda de la presse professionnelle ?

– Je n'y ai pas pensé une seconde...

– Tu vois, c'est exactement ce que je disais, tu es en train de devenir stupide ! Allons-y !

– On retourne au syndicat ?

– Totalement stupide ! Dit Anthony en levant les yeux au ciel. Je n'ai pas l'impression que nous y serons bien accueillis.

– Alors où ça ?

– C'est un homme de mon âge qui doit faire découvrir les merveilles de l'Internet une jeune femme qui passe sa vie scotchée devant un écran d'ordinateur ? C'est pathétique ! Cherchons un cybercafé dans les parages et, s'il te plaît, attachent et cheveux, avec ce vent on ne voit plus ton visage.

*

Marina avait tenu à inviter Tomas. Après tout, il se trouvait sur son territoire et quand elle lui rendait visite à Berlin, il réglait toujours l'addition. Pour deux cafés glacés, Tomas s'était laissé faire.

– Tu as du travail aujourd'hui ? demanda-t-il.

– Tu as vu l’heure qu'il est, l'après-midi est presque passé, et puis c'est toi mon travail. Pas de photos, pas d'article !

– Alors, qu'est-ce que tu veux faire ?

– En attendant ce soir, j'irais bien me promener, il fait enfin doux, nous sommes dans la vieille ville, profitons-en.

–Il faut que j'appelle Knapp avant qu'il quitte la rédaction.

Marina passa la main sur la joue de Tomas.

– Je sais que tu es prêt à tout pour me quitter le plus vite possible, mais ne soit pas aussi inquiet, tu partiras pour la Somalie. Knapp a pas besoin de toi là-bas, qui me l'a expliqué cent fois. Je connais le topo par cœur. Il vise le poste de ré directeur de la rédaction, tu es son meilleur reporter et ton travail est vital pour sa promotion. Laisse-lui le temps de bien préparait le terrain.

– Cela fait trois semaines que prépare le terrain, bon sang !

–Il prend plus de précaution parce que c'est toi ? Et alors ? Tu ne peux pas lui faire le reproche d'être aussi ton ami ! Allez, emmène-moi me promener dans ma ville.

– Tu ne serais pas en train d'inverser les rôles par hasard ?

– Si, mais avec toi j'adore ça !

– Tu te fiches de moi, là ?

– Absolument ! répliqua Marina en éclatant de rire.

Et elle l’entraîna vers les escaliers de la Piazza di Spagna, pointant du doigt les deux coupoles de l'église de la Trinité-des-Monts.

– Existe-il un endroit plus beau que celui-ci ? Demanda Marina.

– Berlin ! répondit Tomas sans aucune hésitation.

– Impensable ! Et si tu arrêtes de débiter tes âneries, je t'emmènerais tout à l'heure au café Greco, tu prendras un cappuccino et tu me diras ensuite si à Berlin on en sert d’aussi bons !

*

Les yeux rivés sur l'ordinateur, Anthony essayait de décrypter les indications qui apparaissaient sur l'écran.

– Je croyais que tu parlais couramment allemand ? dit Julia.

– Parler oui, mais lire et écrire, ce n'est pas toute à fait pareil, et puis ce n’est pas le problème de la langue, je ne comprends rien à ses machines.

– Pousse-toi ! ordonna Julia en reprenant les commandes du clavier.

Elle pianota à vive allure et le moteur de recherce s’afficha. Elle tapa Knapp dans la case désignée et s’interrompit soudain.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– Je ne me souviens pas de son nom, pour tout te dire, je ne sais même pas si Knapp est son prénom ou son nom de famille. Nous l’appelions toujours ainsi.

– Pousse-toi ! dit à son tour Anthony, et à côté de Knapp, il tapa « Journalist ».

Aussitôt, une liste de onze noms s’afficha. Sept hommes et quatre femmes répondaient au nom de Knapp et tous exerçaient la même profession.

– C’est lui ! s’exclama Anthony en désignant la troisième ligne. Jürgen Knapp !

– Pourquoi lui en particulier ?

– Parce que le mot Chefredakteur doit sûrement vouloir dire rédacteur en chef.

– Sans blague !

– Si je me souviens de la façon dont tu parlais de ce jeune homme, j’imagine qu’à quarante ans il aura été suffisamment intelligent pour faire carrière, sinon il aurait certainement changé de métier, comme ton Tomas.

Félicite plutôt ma perspicacité au lieu de monter sur tes grands chevaux.

– Je ne vois pas quand je t’ai parlé de Knapp et encore moins de ce qui t’aurait permis d’établir son profil psychologique, répondit Julia stupéfaite.

– Tu veux vraiment que l’on parle de l’acuité de tes souvenirs ? Tu veux me rappeler à quelle extrémité de la rue se trouvait le café où tu avais vécu tant de merveilleux moments ? Ton Knapp travaille à la rédaction du Tagesspiegel, service des informations internationles. On va lui rendre visite ou préfères-tu que nous restions là à bavasser.

*

A l’heure où les bureaux commençaient à fermer, il leur fallut longtemps pour traverser Berlin, engorgée par les embouteillages. Le taxi les déposa devant la porte de Brandebourg. Après avoir affronté le trafic, il leur fallait maintenant se frayer un chemin entre la foule dense des habitants qui rentraient de leur travail et des essaims de touristes venus visiter ces lieux célèbres. C’était là qu’un jour un président américain avait appelé son homologue soviétique, par-delà le mur, à la paix du monde, à abattre cette frontière de béton qui s’élevait jadis derrière les colonnes de la grande arche. Et une fois n’étant pas coutume, les deux chefs d’Etat s’étaient écoutés et entendus pour réunir l’Est et l’Ouest.

Julia pressa le pas, Anthony peinait à la suivre. Plusieurs fois, il cria son nom, certain de l’avoir perdue, mais il finissait toujours par repérer sa silhouette dans la cohue qui avait envahi Pariserplatz.

Elle l’attendit à la porte du bâtiment. Ensemble ils se présentèrent à l’accueil. Anthony demanda à voir Jürgen Knapp. La réceptionniste était en ligne. Elle mit son appel en attente et demanda s’ils avaient rendez-vous.

– Non, mais je suis certain qu’il sera ravi de nous recevoir, affirma Anthony.

– Qui dois-je annoncer ? demanda la réceptionniste en admirant le fouloir qui les cheveux de la femme accoudée à son pupitre.

– Julia Walsh ; répondit cette dernière.

Assis derrière son bureau au deuxième étage, Jürgen Knapp demanda à sa correspondante de bien vouloir lui répéter le nom qu’elle venait de prononcer. Il la pria de ne pas quitter, étouffa le combiné dans le creux de sa main et avança jusqu’à la vitre qui surplombait la verrière en contrebas.

D’ici, il bénéficiait d’une vue plongeante sur le hall et plus particulièrement sur l’accueil. La femme qui enle-vait son foulard pour passer sa main dans ses cheveux, même si ceux-ci étaient plus courts que dans son souvenir, cette femme à l’élégance naturelle et qui faisait maintenant les cent pas sous ses fenêtres, était sans conteste celle qu’il avait connue il y a dix-huit ans.

Il reprit le combiné.

– Dites que je ne suis pas là, que je suis en voyage cette semaine, dites même que je ne rentrerais pas avant la fin du mois. Et je vous en prie, soyez crédible !

– Très bien, répondit la réceptionniste, veillant à ne pas prononcer le nom de son interlocuteur. J’ai un correspondant en ligne pour vous, je vous mets en relation ?

– Qui est-ce ?

– Je n’ai pas eu le temps de le demander.

– Passez-moi l’appel.

La réceptionniste raccrocha et joua son rôle à la perfection.

*

– Jürgen ?

– Qui est à l’appareil ?

– Tomas, tu ne reconnais plus ma voix ?

– Si, bien sûr, pardonne-moi, j’étais distrait.

– Je suis en attente depuis au moins cinq minutes, je t’appelle de l’étranger ! Tu étais en ligne avec un ministre pour me faire patienter si longtemps ?

– Non, non, je suis désolé, rien d’important. J’ai une bonne nouvelle pour toi, je comptais te l’annoncer ce soir, j’ai le feu vert, tu pars pour la Somalie.

– Formidable, s’exclama Tomas, je repasse à Berlin et je fonce là-bas.

– Ce ne sera pas la peine, reste à Rome, je fais établir un billet électronique et nous t’envoyons tous les documents nécessaires par courrier express, tu les auras dans la matinée.

– Tu es certain que ce n’est pas mieux que je vienne te voir à la rédaction ?

– Non, fais-moi confiance, nous avons assez attendu ces autorisations, et il n’y a plus un jour à perdre. Ton vol pour l’Afrique part de Fiumicino en fin d’après-midi, je t’appellerai demain matin avec tous les détails.

– Tu vas bien ? demanda Tomas, tu as une drôle de voix…

– Tout va pour le mieux. Tu me connais, c’est juste que j’aurais voulu être avec toi pour fêter ce départ.

– Je ne sais pas comment te dire merci, Jürgen ; je ramènerai de là-bas un prix Pulitzer pour moi et une promotion de directeur de la rédaction du service étranger pour toi.

Tomas raccrocha. Knapp regarda Julia et l’homme qui l’accompagnait traverser le hall et quitter l’enceinte du journal.

Il retourna derrière son bureau et reposa le combiné sur son socle.


Загрузка...