19.


Trente-cinq minutes, c'était le temps imparti pour atteindre l'aéroport. En entrant dans le taxi, Julia avait promis au chauffeur de doubler le montant de la course s’ils arrivaient à l’heure. Au second carrefour, elle avait brusquement ouvert sa portière pour venir s'installer à ses côtés alors que le feu repassait au vert.

– Les passagers doivent rester à l'arrière, c'était exclamé le chauffeur.

– Peut-être, mais le miroir de courtoisie est à l'avant, dit-elle en abaissant le pare-soleil. Allez, schnell schnell !

Ce qu'elle voyait ne lui plaisait pas du tout. Les paupières gonflées, les yeux et le bout du nez encore rouge, vingt ans d'attente pour tomber dans les bras d'un lapin albinos, autant faire demi-tour. Un virage sur les cha-peaux de roues lui fait rater une première tentative de maquillage. Julia râla et le conducteur répliqua qu'il fallait se décider, soit on arrivait dans les quinze minutes soit ils s'arrêtaient sur le bas-côté pour qu'elle finisse peinturlurer la figure !

– On fonce ! Avait-elle répliqué en reprenant son mascara.

La route était encombrée. Elle supplia son pilote de doubler en dépit de la ligne continue. Il risquait de perdre sa licence pour une infraction de ce genre, mais Julia promit que s’ils se faisaient prendre elle prétendrait accoucher. Le conducteur lui fit remarquer qu'elle n'avait pas les proportions requises pour rendre crédible pareil mensonge. Julia gonfla le ventre et se mit à gémir, mains derrière les reins. « C'est bon, c'est bon », avait dit le chauffeur en appuyant sur l'accélérateur.

– J'ai quand même un peu grossi, non ? s'inquiéta Julia en regardant sa taille.

Dix-huit heures vingt-deux, elle sauta sur le trottoir avant même que la voiture ne soit complètement à l’arrêt.

Le terminal s'étendait tout en longueur.

Julia demanda où se trouvaient les arrivées internationales. Le steward qui passait par là lui désigne à l'extrémité ouest. Après une course folle, essoufflée, elle leva les yeux vers le tableau d'affichage. Aucun vol en provenance de Rome.

Julia ôta ses chaussures et l’épreuve de vitesse reprit de plus belle dans la direction opposée. Là-bas, une foule guettait la sortie des passagers, Julia se fraya un chemin sur le côté, jusqu'à la balustrade. Un premier flot surgit, les portes coulissantes s’ouvraient et se refermaient au fur et à mesure que les voyageurs quittaient la zone de livraison des bagages.

Touristes, vacanciers, marchands, hommes et femmes d'affaires, chacun portait un habit de circonstance.

Des mains se levaient, s'agitaient en l'air, certains s’enlaçaient, s'embrassaient, d'autres se contentaient de se saluer ; ici on parlait le français, là l’espagnole, un peu plus loin l'anglais, à la quatrième vague s'était enfin de l'italien.

Deux étudiants, dos voûtés, avançaient bras dessus, bras dessous, ils ressemblaient à des tortures ; un curé agrippait à son bréviaire avait l'allure d'une pie, un 280

copilote une hôtesse échangeaient leurs adresses, ceux-là avaient été girafes dans une vie passée, un congressiste, à tête de hiboux, cherchait son groupe en étirant le cou, une petite fille cigale courrait vers les bras de sa mère, un mari ours retrouvait son épouse et puis soudain, parmi cent autres visages, le regard de Tomas apparut, intact, tel qu'il était il y a vingt ans.

Quelques rides autour des paupières, la fossette au menton un peu plus prononcé, une barbe légère, mais ses yeux, doux comme le sable, ce regard qui l’avait fait naviguer sur les toits de Berlin, chavirer sous la pleine lune du parc Tiergarten, étaient les mêmes. Retenant son souffle, Julia se hissa sur la poignée des pieds, se colla à la barrière et leva le bras. Tomas tourna la tête pour parler à la jeune femme qui le tenait par la taille ; ils passèrent juste devant Julia dont les talons venaient de retoucher terre. Le couple sortit du terminal et est disparu.

*

– Tu veux que nous passions d'abord chez moi ?

demanda Tomas en refermant la portière du taxi.

– Je ne suis plus à quelques heures près pour découvrir ton antre. Nous devrions plutôt aller au journal. Il est déjà tard, Knapp risque de s'en aller et il était important pour ma carrière qu'il me voie, c'est bien le prétexte invoqué pour que je t'accompagne à Berlin, n'est-ce pas ?

– Potsdamerstrasse, indiqua Tomas au chauffeur.

Dix voitures derrière eux, une femme montait à bord d'un autre taxi, en direction de son hôtel.

*

Le concierge informa Julia que son père l'attendait au bar. Elle ne retrouva assis à une table près de la vitrine.

– Les choses n'ont pas l'air de s'être bien passées, dit-il en se levant pour l'accueillir.

Julia se laissa choir dans un fauteuil.

– Disons qu'elles ne se sont pas passées du tout.

Knapp n'avait pas complètement menti.

– Tu as vu Tomas ?

– À l'aéroport, il arrivait de Rome... En compagnie de sa femme.

– Vous vous êtes parlé ?

– Lui ne m'a pas vu.

Anthony appela le serveur.

– Tu veux boire quelque chose ?

– Je voudrais rentrer à la maison.

– Ils portaient des alliances ?

– Elle ne tenait pas la taille, je n'allais pas leur demander leur certificat de mariage.

– Il y a quelques jours à peine, j'imagine que toi aussi quelqu'un te tenait à la taille. Je n'étais pas là pour le voir puisque c'était à l'occasion de mes obsèques, quoique si, j'étais quand même un peu présent... Je suis désolé, cela me fait rigoler de dire cela.

– Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de risible. Nous devions nous marier ce jour-là. Cet absurde voyage s'achève demain et c'est sans doute mieux comme ça.

Knapp avait raison, de quel droit aurai-je réapparu dans sa vie.

– Le droit à une seconde chance, peut-être ?

– Pour lui, pour toi ou pour moi ? C'était une démarche égoïste et voué à l'échec.

– Qu'est-ce que tu comptes faire ?

– Ma valise et me coucher.

– Je voulais dire, après notre retour.

– Faire le point, essayez de recoller les pots que j'ai cassés, tout oubliait et reprendre le cours de ma vie, je n'ai pas d'autre alternative cette fois.

– Bien sûr que si, tu as le choix d'aller jusqu'au bout, d'en avoir le cœur net.

– C'est toi qui vas me donner des leçons sur l'amour ?

Anthony regarda sa fille attentivement et approcha son fauteuil.

– Te souviens-tu de ce que tu faisais presque toutes les nuits quand tu étais enfant, enfin, jusqu'à ce que tu t’écroules de sommeil ?

– Je lisais sous les draps à la lampe de poche.

– Pourquoi n'allumais-tu pas la lumière de ta chambre ?

– Te laisser croire que je dormais alors que je bou-quinais en cachette...

– Je ne t'ai jamais demandé si ta lampe était magique ?

– Non, pourquoi j'aurais dû ?

– S'est-elle éteinte une seule fois pendant ces années ?

– Non, répondit Julia, troublée.

– Et pourtant, tu n'en n'as jamais changé les piles...

Ma Julia, qu'est-ce que tu connais de l'amour, toi qui n'as jamais aimé que ceux qui te renvoyaient une belle image de toi. Regarde-moi en face et parle-moi de ton mariage, de tes projets d'avenir ; jure-moi qu'en dehors de ce périple imprévu, rien n'aurait pu venir troubler ton amour pour Adam. Et tu saurais tout des sentiments de Tomas, du sens de sa vie, alors que tu n'as pas la moindre idée de la direction à donner à la tienne, simplement parce qu'une femme le tenait par la taille ? Tu veux que nous parlions à cœur ouvert, alors j'aimerais te poser une question et que tu me promettes d'y répondre sincèrement. Combien de temps aura duré la plus longue histoire d'amour ? Je ne parle pas de Tomas, ni de sentiments rêvés, mais d'une relation vécue. Deux, trois, quatre ans, cinq, peut-être ? Qu'importe, on dit que l'amour dure sept ans. Allez, soit honnête et réponds-moi.

Serais-tu capable sept ans durant de t’offrir à quelqu'un sans réserve, de tout donner, sans retenue, sans appréhension, ni doute, sachant que cette personne que tu aimes plus que tout au monde oubliera presque tout ce que vous aurez vécu ensemble ? Accepterais-tu que tes attentions, tes gestes d'amour, s’effacent de sa mémoire et que la nature qui a horreur du vide comble un jour cette amnésie par des reproches et des regrets. Sachant ceci inévitable, trouverais-tu quand même la force de te lever au milieu de la nuit quand l’être aimé à soif, ou simplement fait un cauchemar ? Aurais-tu l’envie chaque matin de préparer son petit déjeuner, de veiller à occuper ces journées, à la divertir, à lui lire des histoires quand elle s’ennuie, lui chanter des chansons, à sortir parce qu'il lui faut prendre l'air, même quand le froid se fait glacial ; et puis, le soir venu, ignorerais-tu ta fatigue, viendrais-tu t’asseoir au pied de son lit pour rassurer ses peurs, lui parler d'un avenir qu'elle vivra forcément loin de toi ? Si la réponse à chacune de ces questions et oui, alors pardonnez-moi de t'avoir méjugée, tu sais vraiment ce que c'est que d’aimer.

– C’est de maman que tu parles ?

– Non, ma chérie, c'est de toi. Cet amour que je viens de te décrire, c'est celui d'un père, ou d'une mère à l'égard de ses enfants. Combien de jours et de nuits passées à vous veiller, à guetter le moindre danger qui vous menacerait, à vous regarder, vous aider à grandir, à sécher vos larmes, à vous faire rire ; combien de parc en hiver et de plage en été de kilomètres parcourus, de mots répétés, de temps qui vous est consacré. Et pourtant, pourtant... À quel âge remontent vos premiers souvenirs d'enfance ?

Imagines-tu à quel point il faut aimer pour apprendre à ne vivre que pour vous, sachant que vous oublierez tout de vos premières années, que celles à venir souffriront de ce que nous n’aurons pas bien fait, qu'un jour viendra, inéluctablement, où vous nous quitterez, fière de votre liberté.

Tu me reproches mes absences ; sais-tu comme on a le mal de vivre le jour où vos enfants s’en vont ? As-tu imaginé le goût de cette rupture ? Je vais te dire ce qui arrive, on est là comme un con sur le pas de sa porte à vous regarder partir, à se convaincre qu'il faut se réjouir de cet envol nécessaire, aimer l’insouciance qui vous pousse et nous dépossède de notre propre chair. La porte refermée, il faut tout réapprendre ; à meubler les pièces vides à ne plus guetter le bruit des pas, à oublier ces craquements rassurants de l'escalier lorsque vous rentriez tard, et que l'on s'endormait enfin tranquille, alors qu'il faut désormais chercher le sommeil, en vain puisque vous ne rentrerez plus. Tu vois, ma Julia, pourtant aucun père, aucune mère n'en tire quelconque gloire, c’est cela aimer et nous n'avons pas d'autre choix puisque nous vous aimons. Tu m’en voudras toujours de t'avoir séparée de Tomas, pour la dernière fois je te demande pardon de ne pas t'avoir remis cette lettre.

Anthony leva le bras et demanda au serveur de leur apporter de l'eau. Des gouttes de sueur perlaient à son front, il prit un mouchoir dans sa poche.

– Je te demande pardon, répéta-t-il le bras toujours en l’air, je te demande pardon, je te demande pardon, je te demande pardon.

– Ça ne va pas ? s'inquiéta Julia.

– je te demande pardon, répéta Antoine trois fois de suite.

– Papa ?

– Je te demande pardon, je te demande pardon...

Il se leva, tituba et retomba dans son fauteuil.

Julia appela le serveur à l'aide. Anthony assura d'un geste que ce n'était pas nécessaire.

– Où sommes-nous ? questionna-t-il, hébété.

– À Berlin, au bar de l'hôtel !

– Mais où nous sommes maintenant ? Quel jour ?

Qu'est-ce que je fais là ?

– Mais arrête ! supplia Julia paniquée, nous sommes vendredis, nous avons fait ce voyage ensemble. Nous sommes partis de New York il y a quatre jours pour retrouver Tomas, tu te rappelles ? C'est à cause de ce dessin idiot que j'ai vu sur un quai de Montréal. Tu me la offert, tu souhaitais venir ici, dis-moi que tu te rappelles.

Tu es fatigué, c'est tout, il faut que tu économises tes batteries ; je sais que c'est absurde mais c'est toi qui me l'as expliqué. Tu voulais que nous parlions de tout et nous n'avons parlé que de moi. Il faut que tu retrouves tes esprits, il nous reste deux jours, rien que pour nous, pour nous dire toutes ces choses que nous ne nous sommes pas dites. Je veux tout réapprendre de ce que j'ai oublié, réentendre les histoires que tu me racontais. Celle de cet aviateur égaré sur les rives d'un fleuve d'Amazonie, quand son avion à court de carburant avait dû se poser, de la loutre qui avait guidé son chemin. Je me souviens de la teinte de sa robe, elle était bleue, d'un bleu que toi seul pouvais décrire, comme si tes mots étaient des crayons de couleur.

Julia prit son père par le bras pour l'accompagner dans sa chambre.

– Tu as mauvaise mine, dors, et demain tu auras repris des forces.

Anthony refusa de s'allonger sur le lit. Le fauteuil près de la fenêtre ferait très bien l’affaire.

– Tu vois, dit-elle en s'asseyant, c'est marrant, on se trouve toutes les bonnes raisons de s'interdire d'aimer, par peur de souffrir, d'être abandonné un jour. Et pourtant qu'est-ce qu'on aime la vie, alors qu'on sait qu'elle vous quittera un jour.

– Ne dit pas ça...

– Cesse de te projeter dans le futur, Julia. Il n'y a pas de pots cassés à réparer. Il n'y a que des choses à vivre, et ça ne se passe jamais comme on l'a prévu. Mais ce que je peux te dire, c'est que ça défile à une vitesse sidérante.

Qu'est-ce que tu fais ici avec moi dans cette chambre, va, va marcher sur les pas de tes souvenirs. Tu voulais faire le point, alors file. Il y a vingt ans tu étais là, pars retrouver ces années tant qu'il est encore temps. Tomas et dans la même ville que toi ce soir, qu'importe que tu le vois ou pas. Vous respirez le même air. Tu sais qu'il est là, plus près de toi qu’il ne le sera jamais. Sort, arrête-toi sous chaque fenêtre éclairée, lève la tête, demande-toi ce que tu ressens quand tu croiras reconnaître sa silhouette derrière un rideau ; et si tu penses que c'est lui, crie son prénom depuis la rue, il t'entendra, descendra ou non, te dira qu’il t’aime bien ou bien de foutre le camp à jamais, mais tu en aura le cœur net.

Il pria Julia de le laisser seul. Elle s'approcha de lui et Anthony se mit à sourire.

– Je suis désolé de t'avoir fait peur au bar tout à l'heure, je n'aurais pas dû, dit-il, d'un air sournois.

– Tu n'as quand même pas simulé ce malaise...

– Tu crois que ta mère ne m’a pas manqué quand elle a commencé à s'égarer ? Tu n'es pas la seule à l'avoir perdue. J'ai vécu quatre années à ses côtés, sans qu'elle ait la moindre idée de qui j'étais. File maintenant, c'est ta dernière nuit à Berlin !

*

Julia regagna sa chambre et s'allongea sur son lit.

Les programmes à la télévision n'avaient aucun intérêt, les magazines posés sur la table basse étaient tous en allemand.

Elle se releva et se décida finalement à aller goûter la douceur du soir. À quoi bon rester ici, autant flâner en ville et profiter de ses derniers instants de Berlin.

Elle fouilla son sac à la recherche d'un lainage ; au fond, sa main effleura l’enveloppe bleue qu'elle avait cachée jadis entre les pages d'un livre d'histoire rangé sur une étagère dans la chambre de son enfance. Elle regarda l'écriture manuscrite et mit la lettre dans sa poche.

Avant de quitter l'hôtel, elle remonta au dernier étage, et frappa à la porte de la suite où son père se reposait.

– Tu as oublié quelque chose ? demanda Anthony en lui ouvrant.

Julia ne répondit pas.

– Je ne sais pas où tu vas et c'est certainement mieux comme ça, mais n'oublie pas, demain à huit heures je t'attendrai dans le hall. J'ai réservé une voiture, nous ne pouvons pas rater cet avion, il faut que tu me ramènes à New York.

– Crois-tu qu'un jour on cesse de souffrir en amour ?

demanda Julia sur le pas de la porte.

– Si tu as de la chance, jamais !

– Alors, c'est à mon tour de te demander pardon ; elle m'appartenait et je voulais garder pour moi seule, mais elle te concerne aussi.

– Qu’est-ce que c'est ?

– La dernière lettre que maman m'a écrite.

Elle. la tendit à son père et repartit.

Anthony regarda sa fille. Ces yeux se posèrent sur l'enveloppe qu’elle lui avait confiée, il reconnut aussitôt l'écriture de sa femme, inspira profondément et, les épaules lourdes, alla s'asseoir dans un fauteuil pour la lire.


Julia,


Tu entres dans cette chambre, ta silhouette se dé-coupe dans ce rai de lumière qu'invente la porte que tu entrouvres. J’entends tes pas qui avancent vers moi. Je connais bien les traits de ton visage, il m'arrive de chercher ton nom, je sais ton odeur familière, puisqu'elle me fait du bien. Seule cette fragrance rare m’évade de cette inquiétude qui m’étreint depuis de si longs jours. Tu dois être cette jeune fille qui vient souvent à la tombée du soir, alors le soir doit approcher puisque tu t'approches de mon lit. Tes mots sont doux, plus apaisés que ceux de l'homme du midi. Je le crois aussi quand il me dit qu'il m’aime, puisqu'il semble me vouloir du bien. Lui, ce sont ces gestes qui sont doux, il se lève parfois et s'en va vers l'autre lumière qui domine les arbres par-delà la fenêtre ; il y pose parfois sa tête et pleure d'un chagrin que je ne comprends pas. Il m'appelle par un prénom que je ne connais pas non plus mais que je refais mien à chaque instant, juste pour lui faire plaisir. Il faut que je t'avoue que lorsque je lui souris à l'appel de ce nom qu'il me donne je le sens comme plus léger, alors je souris aussi pour le remercier de m'avoir nourri.

Tu t’es assise auprès de moi, sur le rebord du lit. Je suis du regard les doigts fins de ta main qui caresse mon front. Je n'ai plus peur..Tu ne cesses de m'appeler et je lis dans tes yeux que toi aussi tu veux que je te donne un nom. Mais dans tes yeux à toi, il n'y a plus de tristesse, c'est pour cela que j'aime ta visite. Je ferme les miens quand ton poignet passe par-dessus mon nez. Ta peau sent mon enfance, ou bien était-ce la tienne ? Tu es ma fille, mon amour, je le sais maintenant et pour quelques secondes encore. Tant de choses à te dire et si peu de 289

temps. Je voudrais que tu ries, mon cœur, que tu coures dire à ton père qui va se cacher à la fenêtre pour pleurer qu'il cesse, que je le reconnais parfois, dit-lui que je sais qui il est, dit lui que je me souviens comme nous nous sommes aimés puisque je l'aime à nouveau chaque jour où il me rend visite.


Bonne nuit, mon amour, ici je dors, et j'attends.


Ta maman



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