17

Lorsque la psychiatre vient me voir, nous nous asseyons dans la pièce dont je crois qu’elle est utilisée pour les visites à la prison. Elle ne vient pas dans ma cellule et nous n’allons pas non plus dans la salle d’interrogatoire, mais dans une petite pièce annexe où il y a des chaises à dossier violet et deux tables de cuisine. Il y a des barreaux et une toile en plastique aux fenêtres si bien qu’on ne voit rien à l’extérieur.

Si j’ai bien compris, elle est chargée d’évaluer mon degré de culpabilité. Elle a un grand porte-documents d’où elle tire des papiers et des dossiers dont j’ignore le contenu.

– J’ai envie de parler de ta mère, dit-elle. Tu es d’accord ?

– Je n’ai rien à dire sur elle, répondis-je.

– C’est sûr ?

– Elle n’a rien à voir avec ça.

– Non, pas directement peut-être, mais…

– Il n’y a pas de mais, dis-je.

– Tu n’aimes pas parler d’elle ?

– Elle n’a rien à voir avec ça, répétai-je. Tu veux que je continue toute la journée à te le dire ?

– J’ai parlé de reconnaissance lors de notre dernière entrevue, dit-elle.

– Qu’est-ce que tu es en train de faire ?

– Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Quel rôle est-ce que tu joues ? Pourquoi est-ce que tu es ici ? Pourquoi est-ce que je suis en train de te parler à toi ? Je n’en ai aucune envie.

– Est-ce que tout ceci, c’est parce que je veux parler de ta mère avec toi ?

– Tout ceci ? Quoi ?

– Cette animosité, dit-elle. Tu es carrément…

– Tu crois que tu sais tout, n’est-ce pas ? l’interrompis-je.

– Je ne crois pas que ceci me concerne, dit-elle.

– Non, sans doute que jamais rien ne te concerne, pas vrai ?

– Veux-tu me laisser te parler sans m’agresser ? dit-elle. Je ne fais que mon travail.

Nous nous tûmes.

– J’ai parlé à ta mère, dit-elle ensuite.

– Je voudrais que nous arrêtions maintenant, dis-je en me levant.

– Elle m’a dit que tu lui faisais horreur.

Je fixai les yeux sur elle.

– Fiche-moi la paix, criai-je. Fiche-moi la paix !

Elle n’en démordait pas. Rien de ce que je disais n’avait d’effet sur elle.

– Ceci concerne ton besoin de reconnaissance, n’est-ce pas ? dit-elle. Est-ce que tout ceci ne vient pas du fait que ta mère ne peut pas te supporter ? Qu’elle ne peut pas supporter comme tu es ? Tu essaies tout le temps de lui plaire. La reconnaissance, c’est tout pour toi. Peu importe la personne concernée.

– Tais-toi ! m’écriai-je.

Je me dirigeai vers la porte et lui donnai des coups.

– Ta préférence sexuelle l’horripile. Elle en a horreur.

– Elle ne comprend pas, dis-je. Elle n’a jamais compris ça. C’est comme ça que je suis. Je n’y peux rien. C’est comme ça que je suis. Je n’ai jamais rien pu y faire !

– Et elle déteste ça ?

– Elle me déteste. Elle me déteste à cause de ça. T’es contente, maintenant ? Tu as eu ce que tu voulais ? Est-ce que je peux m’en aller maintenant ? Ça ne te ferait rien qu’on arrête ?

– Il n’y a rien de mal à être attiré par les gens du même sexe ou du sexe opposé, dit la psychiatre. Elle s’était levée elle aussi. On n’a pas à avoir honte de sa préférence sexuelle. Si ta mère n’aime pas ça, ce n’est pas ton affaire. Tu es comme tu es et tu n’as pas besoin de sa reconnaissance. Tu n’as besoin de reconnaissance de la part de personne.

– Fiche-moi la paix !

– Ce n’est pas toi qui lui fais horreur, mais c’est ton genre de vie. C’est différent.

La porte s’ouvrit.

– Je veux rentrer, dis-je au gardien en me sauvant du parloir.

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