Chapitre 17

Une semaine est passée depuis cette folle aventure. Le jardin est à peu près en état, le gravier du parking a été ratissé et les carreaux réparés.

La seule différence, c'est l'odeur. Un parfum coloré qui sort directement de la fenêtre de la cuisine.

La mamie soulève le couvercle de la cocotte et hume le fumet qui s'en échappe. Ça mijote depuis des heures et ça sent drôlement bon. Ça doit être pour ça qu'Alfred est assis bien sagement à côté de la cuisinière.

La grand-mère trempe sa cuiller en bois dans la marmite, puis goutte du bout des lèvres.

Vu le sourire de satisfaction qu'elle affiche, il n'y a pas de doute à avoir : c'est prêt.

Elle attrape la cocotte à l'aide de deux torchons et se dirige vers le salon.

Elle est accueillie par la clameur des affamés.

- Aaaahh ! chantonne la table, pour manifester son plaisir. Archibald pousse les bouteilles pour faire de la place à cette belle cocotte toute neuve.

- Oh ! Du cou de girafe ! Mon plat préféré ! ! s'exclame Archibald. Aussitôt, sa fille commence à tourner de l'œil, mais son mari l'attrape au vol.

Elle a récupéré toute sa tête, mais c'est vrai qu'elle est encore un peu fragile.

- Je plaisante ! ! s'esclaffe le grand-père tout en attrapant la bouteille de blanc.

- Tiens, ma fille ! Bois un petit coup, ça pourra pas te faire de mal ! plaisante-t-il en remplissant son verre.

Il s'apprête à servir les cinq Matassalaïs qui poliment refusent. Ce n'est pas le cas des deux policiers, Toujours prêts à rendre service, surtout quand il s'agit de vider une bouteille, plaisante l'un d'eux.

La blague amuse tout le monde, surtout le père qui s'étrangle de rire.

Sa femme lui tape dans le dos et lui tend son verre de blanc. Le mari se l'envoie d'une seule traite, sans broncher. Ça va tout de suite mieux et il fait signe à sa femme d'arrêter de lui taper dans le dos. Il attrape la bouteille et en regarde l'étiquette. C'est du blanc maison, cuvée Archibald. Le degré se compte en dizaines. C'est le genre d'alcool qui débouche à peu près n'importe quoi.

On comprend mieux maintenant qui a appris aux Minimoys à fabriquer du Jack-fire.

La grand-mère fait le service et une délicieuse odeur de bœuf bourguignon envahit la pièce.

Tout le monde est copieusement servi et attend poliment que la maîtresse de maison ait fini son tour de table.

La dernière assiette est remplie, mais la chaise est vide.

- ... Où est Arthur ? demande soudain la grand-mère, qui n'avait rien remarqué, tellement elle était occupée par sa nouvelle cocotte.

- Il est parti se laver les mains. Il arrive tout de suite ! lui répond Archibald.

Ça sent la couverture à plein nez.

- Bon appétit ! lance-t-il, pour détourner la conversation.

- Bon appétit ! lui répond la table, en chœur, avant de se plonger dans le bourguignon.

Arthur n'est pas parti se laver les mains. Il est au premier étage.

Il sort de la chambre de sa grand-mère, une fameuse clé à la main. Il longe le couloir sur la pointe des pieds, en s'assurant qu'il n'est pas, cette fois-ci, suivi par Alfred.

Pas de risque. Le jour du bourguignon, Alfred n'est jamais à plus d'un mètre de la cocotte.

Arthur arrive devant la porte du grenier d'Archibald et malgré le panneau qui précise que l'entrée est interdite, l'enfant glisse la clé dans la serrure.

La pièce est à nouveau pleine. Le bureau a réintégré sa place. Chaque bibelot, chaque masque a retrouvé son clou et encercle à nouveau la pièce. Les livres aussi ont de nouveau le plaisir de s'entasser les uns sur les autres.

Arthur avance doucement, comme pour mieux profiter de son plaisir. Il caresse le bureau en merisier, la grosse malle en peau de buffle et tous les masques avec lesquels il aimait tant s'amuser, avant que cette histoire ne commence. Tout ce bonheur retrouvé le rend tout chose. Un sentiment diffus, comme une tristesse. Un manque.

Il ouvre la fenêtre et laisse l'été envahir la pièce. Il met ses coudes sur le rebord et soupire en regardant le gros chêne, toujours caché derrière le nain de jardin. Au-dessus, dans le ciel d'azur, un croissant de lune s'offre timidement au soleil.

- ... Plus que neuf lunes, Sélénia... plus que neuf lunes... finit-il par lâcher, nous renseignant ainsi sur la nature de sa tristesse. Ce n'était ni le bonheur, ni la nostalgie, ni même l'ennui. C'était tout simplement l'amour.

Le vrai. Celui qui vous affaiblit dès qu'il vous éloigne. Celui qui se compte en lunes et en millimètres.

- Tu m'as donné tes pouvoirs et pourtant je ne me suis jamais senti aussi faible. Peut-être ne marchent-ils que si je suis près de toi ? questionne Arthur, sans que personne ne puisse lui répondre.

Arthur reste un instant dans le silence, espérant qu'un écho attendri lui renvoie une réponse. Mais rien ne revient. Que le souffle de la brise dans les branches du gros chêne. Arthur pose alors un baiser dans le creux de sa main puis souffle dessus en lui indiquant le chemin à suivre.

Le baiser virevolte en direction du chêne, passe agilement entre ses branches et vient se poser sur la joue de Sélénia. La petite princesse est assise sur une feuille, et regarde Arthur à la fenêtre.

Une larme qui ne demandait qu'à tomber, glisse enfin sur sa joue.

- Je serai bientôt près de toi... chuchote Arthur, mélancolique.

- ... J'attendrai... lui répond Sélénia avec patience.

C'est, avec la sagesse, la deuxième chose que lui aura apprise cette aventure.


FIN



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Illustration de couverture Patrice Garcia Photo

K. Westenberg pour Studio Magazine


ISBN 2-910753-23-9

Dépôt légal septembre 2005

N° d'édition 54339

N° d'impression 0509/5526


© 2003 INTERVISTA / © 2003 EUROPACORP

ISBN 2-910753-23-9

«Droits réservés pour tous pays »

Imprimé en Italie


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